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Décisions

CCE, 17 décembre 1986, n° 87-14

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Yves Rocher

CCE n° 87-14

17 décembre 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, Vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, Vu la demande d'attestation négative et la notification introduites le 15 janvier 1985 par l'entreprise Yves Rocher, sise à La Gacillly (France), concernant un réseau de contrats types de franchise de distribution de produits cosmétiques couvrant la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Espagne, Vu l'essentiel du contenu de la notification publiée (2) en application de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. L'entreprise

(1) La Société d'études de chimie et de thérapie appliquées (SECTA) Laboratoires de cosmétologie Yves Rocher, dont le siège est à La Gacilly (France), se classe parmi les premiers producteurs européens de cosmétiques. Son capital social est détenu à raison de 35 % par le groupe familiale Yves Rocher et de 65 % par la Sanofi, filiale d'Elf Aquitaine, dont les produits cosmétiques représentent le quart du chiffre d'affaires total.

(2) Yves Rocher commercialise sa production dans 50 pays et dispose à l'étranger de 15 filiales de commercialisation détenues à 100 %. Initialement Yves Rocher vendait ses produits par correspondance mais la société a établi depuis 1970 dans sept États membres de la Communauté (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Espagne) un réseau de magasins de détail franchisés dénommés " Centre de beauté Yves Rocher ". Ces centres ne distribuent que des produits Yves Rocher. Le groupe Yves Rocher compte actuellement quelque 10 millions de clients par correspondance. Son réseau de magasins se compose d'un millier de centres franchisés dont un peu plus de 600 en France. Leur chiffre d'affaires annuel moyen est inférieur à 300 000 Écus. Yves Rocher exploite également pour son propre compte quelques magasins pilote.

B. Le produit et le marché

(3) La notion de produit cosmétique au sens large, c'est-à-dire qui se rapporte aux soins de la beauté, se décompose en 42 familles représentant environ 100 000 références. Cette extrême diversification résulte de celle des besoins du public, de la très grande créativité des parfumeurs et cosméticiens et d'un réel progrès technique qui permet de satisfaire cet ensemble de besoins.

(4) Néanmoins, les statistiques générales diffusées par les milieux spécialisés concordent pour distinguer quatre grandes catégories de produits :

- les produits de beauté (produits de maquillage et produits de soins),

- la parfumerie alcoolique,

- les produits capillaires,

- les produits de toilette.

(5) Dans tous les États membres d'implantation du réseau Yves Rocher, les produits cosmétiques constituent un marché en croissance, quoique à des degrés divers selon les quatre segments précités. Le marché féminin constitue le principal débouché du secteur (90 % des ventes).

(6) L'offre de produits cosmétiques est assez dispersée au niveau tant de la production que de la distribution. L'industrie des produits cosmétiques est marquée par la présence de filiales de groupes industriels importants ; elle représente en effet une voie de diversification attrayante pour nombre de groupes dont la vocation était technologiquement proche (groupes pharmaceutiques notamment). Les liaisons financières des producteurs de cosmétiques sont ainsi mondiales et complexes.

(7) La concentration en termes d'entreprises est relativement faible. Le premier producteur européen détient une part du marché de la Communauté de 15 %, tandis que les autres n'en contrôlent pas plus de 5 %.

(8) La comparaison dans le temps du classement des entreprises selon les parts de marché indique une assez grande mobilité, laquelle reflète elle-même les efforts entrepris par chaque producteur pour développer son image de marque et le caractère concurrentiel de la structure de l'offre.

(9) Sur l'ensemble du secteur des cosmétiques Yves Rocher détient 7,5 % du marché français, 6 % du marché belge et moins de 5 % dans tous les autres États membres d'implantation du réseau. Contrairement à certains producteurs qui se spécialisent dans l'une ou l'autre des quatre branches de cosmétiques précitées, Yves Rocher est présent dans tout le secteur des cosmétiques. Son activité est davantage orientée vers la production de produits de beauté et de parfumerie alcoolique mais même en France, principal pays d'implantation du réseau Yves Rocher, sa part de marché nationale n'excède pas 15 % des ventes d'une branche déterminée.

(10) Les circuits de distribution sont nombreux et complémentaires dans tous les États membres d'implantation de la chaîne Yves Rocher. On distingue entre la grande diffusion et la distribution spécialisée (ou distribution sélective, exclusive ou en franchise).

(11) En France, la moitié environ des ventes de produits cosmétiques est réalisée par la grande diffusion, soit environ 100 000 points de vente au détail (droguerie, magasins alimentaires, libres-services, etc). La distribution spécialisée réalise le tiers des ventes globales dans 7 500 points de vente dont un millier de magasins franchisés. La vente directe par le producteur (vente par correspondance, démarchage à domicile ou magasins propres) et la vente en pharmacie représentent environ chacun 10 % du chiffre d'affaires total de la profession. La part respective des ventes revenant aux différents modes de distribution varie cependant en fonction des segments du marché, ainsi que le montre le tableau présentant ci-après le croisement produits/modes de diffusion (3) :

EMPLACEMENT TABLEAU

(12) Le pourcentage des ventes globales de produits cosmétiques réalisées par la grande diffusion est comparable dans les autres États membres concernés.

(13) Les prix de vente au consommateur final présentent des écarts considérables entre les différents États membres d'implantation du réseau. Par rapport au prix de ses concurrents, Yves Rocher, dont la formule de commercialisation associe la vente par correspondance et la distribution spécialisée, fixe ses prix à un niveau intermédiaire entre ceux respectivement appliqués par la distribution spécialisée et la grande diffusion.

Yves Rocher vends ses produits à ses franchisés avec une remise moyenne de 30 % sur ses prix de vente recommandés, tels qu'ils figurent sur ses catalogues, après déduction préalable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

C. Le réseau d'accords notifiés

(14) Parallèlement à la vente par correspondance, le groupe Yves Rocher commercialise sa production dans les sept États membres concernés par l'intermédiaire d'un millier de détaillants franchisés approvisionnés directement en France par la société Yves Rocher et dans les autres États membres, par les filiales de commercialisation détenues à 100 % par la société.

(15) Les contrats type de franchise notifiés sont principalement axés sur la distribution : les prestations de soins de beauté que les franchisés s'obligent à effectuer aux termes des contrats notifiés ne représentent qu'une part accessoire de leur chiffre d'affaires.

Les contrats notifiés présentent en substance les mêmes caractéristiques, sous réserve du statut particulier reconnu aux franchisés belges, de clauses particulières inspirées d'usages commerciaux locaux et de la présence dans les premiers contrats de franchise conclus au début de l'implantation du réseau de clauses de prix de vente imposés et d'interdiction de livraisons croisées entre franchisés Yves Rocher.

Modalités du choix des franchisés par Yves Rocher

(16) Yves Rocher sélectionne ses franchisés en fonction de leur personnalité, de leur aptitude générale présumée à l'exploitation d'un commerce de détail de cosmétiques et de l'issue de leur stage d'initiation.

Les contrats sont signés intuitu personae et ne peuvent être cédés ni transférés, en tout ou en partie, à peine de résiliation sans préavis, sans l'accord écrit préalable de Yves Rocher.

Le franchisé s'oblige à maintenir dans son centre un personnel qualifié en nombre suffisant.

Indépendance juridique des franchisés

(17) Tous les franchisés Yves Rocher sont propriétaires de leurs fonds de commerce qu'ils exploitent à leurs risques et périls et dont ils prennent en charge les coûts d'installation conformément aux plans et projets que Yves Rocher fait établir à ses frais.

Tous les documents commerciaux émis par le franchisé doivent comporter le nom patronyme de celui-ci suivi de la mention " Centre de beauté Yves Rocher ". Yves Rocher a diffusé une directive à ses franchisés leur demandant de mentionner sur un présentoir approprié leur qualité de franchisé indépendant au sein de la chaîne des magasins Yves Rocher.

Les franchisés doivent souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile et leur responsabilité d'employeur pendant toute la durée du contrat.

Clause d'implantation du Centre de beauté

(18) Chaque contrat définit l'emplacement exact du magasin du franchisé. En pratique, Yves Rocher procède à une étude préalable de marché et d'implantation et propose au franchisé la zone commerciale optimale dans laquelle le franchisé détermine avec l'accord du franchiseur l'emplacement précis de son centre de beauté. Le contrat stipule que le magasin ne pourra être transféré dans un autre lieu sans l'accord de Yves Rocher et que l'usage des signes distinctifs Yves Rocher n'est pas autorisé dans un autre lieu.

Territoire exclusif du franchisé

(19) Yves Rocher concède au franchisé, sur un territoire délimité par le contrat, le droit exclusif d'utiliser ses signes distinctifs et son savoir-faire aux fins de la vente au détail en magasin. Le franchiseur s'engage à ne pas autoriser des tiers à ouvrir un autre centre de beauté Yves Rocher dans ce territoire et à ne pas y installer lui-même de tels centres.

Yves Rocher se réserve le droit de vendre ses produits au consommateur par d'autres moyens, notamment par la vente par correspondance.

Concession par Yves Rocher de l'utilisation de ses signes distinctifs (enseigne, marques, symboles) et de ses dessins et modèles

(20) Yves Rocher concède au franchisé le droit d'utiliser l'enseigne, les marques, symboles, dessins et modèles dont Yves Rocher est propriétaire, notamment pour les flacons, emballages des produits et le mobilier du magasin.

(21) L'utilisation de ces droits est exclusivement affectée à l'exploitation du centre de beauté et à l'objet de celui-ci : le franchisé ne peut utiliser ces droits dans un autre lieu ou pour un autre objet. Il reconnaît par ailleurs que le droit d'usage du nom commercial et des marques et symboles Yves Rocher, présents et à venir, est la propriété exclusive de la société. Le contrat ne préjuge pas du droit du franchisé de contester la validité des droits de propriété industrielle du franchiseur.

La concession par Yves Rocher de ces droits prend fin avec le contrat.

Transfert par Yves Rocher au franchisé du savoir-faire commercial et de services de soins de beauté

(22) Le savoir-faire que Yves Rocher s'engage à transmettre au franchisé se rapporte à tous les domaines de son activité et notamment les domaines technique, commercial, promotionnel, publicitaire, administratif, financier, le domaine de la formation du personnel et de la gestion en général.

Avant l'ouverture du centre, Yves Rocher fournit au franchisé des séances de formation sur l'organisation et la direction d'un centre et sur les produits et soins de beauté qui y sont fournis. Yves Rocher offre périodiquement des programmes de formation professionnelle continue en cours de contrat.

Le franchisé s'engage à ne pas divulguer à des tiers les informations et instructions confidentielles, ni à utiliser les secrets commerciaux émanant de Yves Rocher dans un autre lieu ou pour un autre objet que le centre de beauté.

Assistance technique et commerciale du franchisé par Yves Rocher

(23) Lors de l'installation du centre, Yves Rocher apporte au franchisé toute l'aide appropriée pour l'aménagement et l'agencement du centre selon les normes et l'image de marque Yves Rocher et met à la disposition du franchisé toutes ses connaissances techniques.

En cours de contrat, la société conseille le franchisé et l'assiste à sa demande dans l'exploitation du centre de beauté : procédures, achat de produits et de fournitures, publicité (campagne publicitaire de lancement et actions périodiques de soutien et de promotion des ventes, soit en magasin, soit directement auprès du consommateur).

Obligations pécuniaires du franchisé à l'égard du franchiseur

(24) Dans tous les pays, le franchisé doit acquitter un droit d'entrée forfaitaire. Aux Pays-Bas, il acquitte, en sus d'un droit d'entrée forfaitaire d'un montant inférieur, une redevance annuelle représentant 1 % du chiffre d'affaires hors taxe du franchisé, à l'exclusion des prestations de soins de beauté.

En outre, le franchisé paie périodiquement à Yves Rocher une quote-part forfaitaire des frais publicitaires.

Application par le franchisé de méthodes commerciales uniformes sous le contrôle de Yves Rocher

(25) Les contrats notifiés imposent au franchisé des méthodes commerciales uniformes. Le franchisé s'oblige à exploiter son centre en conformité selon les procédures mises au point par la société dans le manuel de procédure qui concernent notamment les aspects suivants : décoration, éclairage, aménagement aux plans et projets que Yves Rocher fait établir à ses propres frais, agencement et mobilier des centres, présentation des produits, techniques de vente, campagnes publicitaires, nature et qualité des services de soins-esthétiques, comptabilité, assurances, etc.

Le franchisé est tenu de soumettre à l'agrément préalable de Yves Rocher les opérations publicitaires qu'il se propose d'engager à titre autonome. Le contrôle du franchiseur ne porte que sur la nature de la publicité, à l'exclusion des prix de revente.

En outre, le franchisé s'oblige à exploiter une ou plusieurs cabines de soins esthétiques où seuls les produits et traitements autorisés par la société peuvent être respectivement utilisés et effectués.

Le franchiseur se réserve le droit d'effectuer des contrôles sur les inventaires et d'obtenir du franchisé communication de ses états financiers.

Clause de non-concurrence incombant au franchisé

a) en cours de contrat

(26) Le franchisé s'interdit expressément d'exercer directement ou indirectement des activités rémunérées ou non qui seraient concurrentes de celles déployées dans un centre de beauté Yves Rocher. Le franchisé est libre d'acquérir des intérêts financiers dans le capital d'une entreprise concurrente de Yves Rocher, pour autant que cet investissement ne l'amène pas à participer personnellement à l'exercice d'activités concurrentes.

Le franchisé s'oblige à ne vendre que les produits de marque Yves Rocher, sous réserve d'une tolérance pour certains produits accessoires (pinceaux, pinces, petits ciseaux, etc.), pour lesquels Yves Rocher se réserve le droit de donner son accord préalable.

b) à la terminaison du contrat

(27) Le franchisé s'interdit de concurrencer Yves Rocher directement ou indirectement, fût-ce comme salarié, pendant une durée d'un an à l'intérieur du territoire exclusif, tant par lui-même qu'avec le concours d'une firme concurrente.

Modalités d'approvisionnement des franchisés

(28) Le franchisé peut s'approvisionner en produits Yves Rocher non seulement auprès de Yves Rocher, mais également auprès des autres franchisés, que ceux-ci soient ou non établis dans le même État membre.

Le franchisé peut s'approvisionner auprès des fournisseurs de son choix en produits accessoires autorisés, pour le mobilier ainsi que pour le matériel de soins esthétiques.

Obligation de promotion des ventes

(29) Le franchisé s'oblige à déployer tous ses efforts et à consacrer tout le temps nécessaire pour promouvoir la vente des produits Yves Rocher et les prestations de soins de beauté et s'interdit l'exercice d'activités incompatibles avec celles déployées dans un centre de beauté.

Prix de vente des franchisés

(30) Yves Rocher diffuse auprès de ses franchisés un catalogue de prix indicatifs. Tous les franchisés, à l'inclusion des franchisés belges, sont libres de fixer leur prix de vente au consommateur à un niveau inférieur ou supérieur, étant entendu qu'il leur est recommandé de ne pas dépasser les prix indiqués sur le catalogue.

A la suite des observations de la Commission, Yves Rocher a supprimé formellement avec effet au 1er décembre 1986 les clauses de prix imposés - non appliquées en pratique - des premiers contrats conclus au début de l'implantation du réseau.

Livraisons croisés entre franchisés Yves Rocher

(31) Le franchisé s'interdit de céder directement ou indirectement les produits Yves Rocher à d'autres revendeurs que les franchisés Yves Rocher.

Les premiers contrats interdisaient au franchisé de céder les produits même à d'autres franchisés Yves Rocher. Cette clause a été supprimée avec effet au 1er décembre 1986 à la suite des observations formulées par la Commission. Yves Rocher autorise désormais dans tous ses contrats les livraisons croisées tant nationales que transnationales entre ses franchisés.

Durée des contrats

(32) En principe Yves Rocher conclut ou renouvelle tous ses contrats de franchise pour une durée maximale de cinq ans.

Statut juridique des franchisés belges

(33) Les franchisés Yves Rocher revendent les produits Yves Rocher ainsi que les produits accessoires autorisés (voir point 26) et assurent la prestation de soins de beauté entièrement en leur nom et pour leur propre compte.

Toutefois, les franchisés belges vendent, aux termes de leur contrat, au nom et pour le compte de la société Yves Rocher les produits Yves Rocher fournis par le franchiseur ou par les autres franchisés belges au titre des livraisons croisées (voir point 31) et sont alors rémunérés à la commission.

Dans tous les cas, les franchisés belges sont libres de fixer le prix au consommateur final (voir point 30), étant entendu que la commission de 30 %, qui leur est due par le franchiseur lorsqu'ils vendent en son nom et pour son compte, est adaptée en conséquence.

Observations de tiers

(34) A la suite de la publication effectuée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, des tiers à la procédure ont communiqué leurs observations à la Commission. Certains approuvent en substance l'admission des contrats types notifiés au bénéfice d'une exemption, sous réserve d'objections de principe soulevées à l'encontre de la pratique des prix maximaux conseillés, dont l'effet pourrait être le nivellement des prix de vente au consommateur. Dans un souci de clarification, Yves Rocher a, sur demande de la Commission, diffusé auprès de ses franchisés une circulaire soulignant le caractère purement indicatif des prix conseillés et a consenti à supprimer dans ses circulaires toute référence à la notion de prix maximaux. Désormais les catalogues diffusés par Yves Rocher préciseront que les prix sont des prix indicatifs.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(35) En vertu de l'article 85 paragraphe 1, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

Caractéristiques des contrats de franchise examinés

(36) Par les contrats type de franchise de distribution notifiés, Yves Rocher, d'une part, concède à ses franchisés, sur un territoire délimité par le contrat, le droit exclusif d'utiliser, en magasin de détail ses signes distinctifs (emblème, marque et nom commercial), ainsi que ses dessins et modèles pour la vente de ses produits.

D'autre part, il leur transfère un savoir-faire constitué de techniques commerciales éprouvées au préalable par le franchiseur lui-même, non divulguées aux tiers et constituant de ce fait un avantage concurrentiel. Ce savoir-faire, qui est consigné dans un manuel de procédure et complété par une assistance technique et commerciale continue, est constamment mis à jour en fonction des résultats de l'expérience acquise par le franchiseur par le biais de la vente par correspondance et dans ses magasins pilote.

L'association étroite de ces deux apports du franchiseur concourt à la création d'une formule originale de distribution d'une gamme de cosmétique axée sur le thème de la beauté naturelle par les plantes et présentée sous une seule marque que les franchisés s'engagent à promouvoir de manière exclusive.

(37) La concession de ces droits d'exploitation n'est pas inconditionnelle. En effet, les franchisés ne peuvent utiliser les droits de propriété industrielle concédés et les connaissances communiquées qu'en stricte conformité avec leur affectation : la formule originale et évolutive de distribution des produits de marque Yves Rocher selon les méthodes commerciales éprouvées du franchiseur.

(38) Les membres du réseau Yves Rocher étant liés entre eux par une étroite solidarité commerciale de fait, les contrats de franchise examinés expriment les modalités d'une distribution étroitement intégrée. Ils n'en constituent pas moins des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 puisque les franchisés sont propriétaires de leurs fonds de commerce dont ils prennent en charge les frais d'installation et qu'ils exploitent à leurs risques et périls.

Obligations contractuelles non restrictives de concurrence

(39) La formule originale de distribution mise en œuvre par les contrats examinés ne porte pas en soi atteinte à la concurrence, compte tenu, des structures actuelles de production et de distribution caractérisant le marché en cause (4). D'une part, elle permet à Yves Rocher d'établir un réseau de distribution uniforme sans engager de capitaux propres dans l'installation matérielle de magasins de détail, tout en ouvrant à des non-spécialistes l'accès à l'exploitation de signes distinctifs réputés et de méthodes commerciales éprouvées.

(40) D'autre part, les obligations imposées par le franchiseur à ses franchisés afin de garantir que ceux-ci exploitent ses droits privatifs de propriété industrielle et son savoir-faire en conformité avec leur affectation relèvent de l'existence même de son droit sur ses créations intellectuelles et échappent aux éléments contractuels ou de concertation envisagés par l'article 85 paragraphe 1. Dès lors, les restrictions à l'autonomie commerciale des franchisés sans lesquelles le transfert de la formule de distribution en cause ne pourrait se concevoir ne constituent pas des restrictions de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

(41) L'absence d'une obligation contractuelle de Yves Rocher de respecter des critères de sélection dans les choix de ses partenaires s'explique par le fait que Yves Rocher forme lui-même ses franchisés au cours d'un stage d'initiation en vue de la création de nouveaux magasins franchisés. Il est logiquement en droit de choisir librement ses partenaires et d'écarter les candidats qui ne lui apparaissent pas remplir les qualifications personnelles et professionnelles qu'il exige pour l'application de la formule qu'il a mise au point.

(42) Le franchiseur doit pouvoir également intervenir dans la détermination de l'emplacement du centre de beauté avec le franchisé dans leur intérêt commun. En effet, un mauvais choix pourrait se solder par l'échec commercial du franchisé et porter indirectement préjudice à la réputation du réseau. En pratique, Yves Rocher procède à une étude préalable de marché et d'implantation et propose au franchisé la zone commerciale optimale. L'emplacement même du magasin est choisi par le franchisé avec l'accord de Yves Rocher. En tout état de cause, le lieu d'établissement du magasin est convenu dans l'intérêt général des membres de la chaîne. Pour les même raisons, tout déplacement du centre de beauté est subordonné à l'autorisation de Yves Rocher. L'inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 1 à cette clause exige toutefois qu'un déplacement d'un centre de beauté ne puisse être refusé que pour de justes motifs tenant à la réputation du réseau.

(43) L'obligation du franchisé de ne vendre les produits Yves Rocher que dans un centre de beauté aménagé et décoré conformément aux plans de projets que Yves Rocher fait établir à ses propres frais a également pour objet d'assurer le respect de la formule de distribution originale communiquée par le franchiseur. L'aspect extérieur et l'aménagement intérieur d'un centre de beauté et la présentation des produits ne sont pas des éléments détachables des méthodes et procédures transmises par Yves Rocher ni de l'image de marque du réseau.

Il en va de même de l'obligation du franchisé d'utiliser le savoir-faire transmis par le franchiseur et d'appliquer les méthodes commerciales que celui-ci a mises au point.

(44)La clause subordonnant à l'assentiment préalable de Yves Rocher toute publicité locale entreprise pour son propre compte par le franchisé, dès lors qu'elle ne porte que sur la nature de la publicité, à l'exclusion des prix de vente, tend à assurer un contrôle qualificatif par le franchiseur sur les publicités individuelles afin d'éviter les écarts possibles par rapport au thème de la beauté naturelle par les plantes constitutif de l'image de marque du réseau.

(45) L'obligation du franchisé de ne vendre que les produits portant la marque Yves Rocher, sous réserve des produits accessoires préalablement approuvés par le franchiseur, relève de la nature même de la formule de distribution Yves Rocher, qui permet à des commerçants indépendants de vendre la gamme complète des produits Yves Rocher en utilisant une enseigne, une marque et des symboles, ainsi que des méthodes commerciales qui se sont révélées efficaces. La distribution de produits à une exploitation de son savoir-faire au profit de producteurs concurrents et nuirait à l'identité du réseau symbolisé par l'enseigne Yves Rocher (sic).

Il en résulte nécessairement que le franchisé ne peut s'approvisionner qu'auprès de Yves Rocher ou des autres franchisés.

(46) L'interdiction pour les franchisés de revendre les produits Yves Rocher à des revendeurs n'appartenant pas au réseau Yves Rocher est en l'espèce inhérente aux obligations des franchisés de se conformer aux procédures et méthodes du franchiseur et d'offrir les produits sous l'enseigne Yves Rocher. Ces obligations seraient privées de leur sens si les franchisés Yves Rocher pouvaient librement céder les produits contractuels à des revendeurs n'ayant par définition par accès au savoir-faire Yves Rocher et non tenus d'en observer les méthodes commerciales, alors que celles-ci sont nécessaires pour établir et préserver l'originalité et la réputation du réseau et de ses signes distinctifs.

(47) La clause aux termes de laquelle le franchisé s'interdit pendant la durée du contrat l'exercice d'activités concurrentes est au même titre que l'interdiction, d'une part, de la cession ou du transfert de tout ou partie du contrat de franchise sans l'accord écrit préalable du franchiseur et, d'autre part, de la divulgation du savoir-faire transmis, indispensable pour protéger le savoir-faire et l'assistance fournis par le franchiseur. Les connaissances communiquées se prêtent en effet, de par leur nature même, à une utilisation en faveur d'autres produits ou services de beauté, ce qui ferait profiter les concurrents, ne serait-ce qu'indirectement, de la formule commerciale en cause. D'autres moyens de prévenir le même risque pourraient ne pas se révéler aussi efficaces.

La clause subordonnant l'acquisition par le franchisé d'intérêts financiers dans le capital d'une société concurrente de Yves Rocher à la condition que le franchisé ne soit pas amené de ce fait à participer personnellement à l'exercice d'activités concurrentes poursuit le même objectif et relève de la même appréciation.

(48) Il en va de même de la clause du contrat qui interdit à l'ancien franchisé Yves Rocher pendant la durée d'un an après la terminaison du contrat d'exercer une activité de détaillant en produits cosmétiques dans son ancien territoire exclusif. Elle a simplement pour objet d'empêcher des producteurs concurrents de Yves Rocher de profiter du savoir-faire transmis par Yves Rocher à l'ancien franchisé et de la clientèle ralliée grâce à ce savoir-faire et aux signes distinctifs Yves Rocher, alors que, en raison du territoire exclusif concédé au franchisé pendant la durée du contrat, Yves Rocher s'y trouve dépourvu de tout point de vente en fin de contrat et doit donc disposer d'une période raisonnable pour installer un nouveau centre de beauté.

Dans le cas d'espèce, la clause ne va pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre son objectif, puisque l'ancien franchisé peut concurrencer Yves Rocher dès la fin du contrat en s'établissant en dehors de son ancien territoire exclusif, et ainsi éventuellement dans le territoire des autres franchisés Yves Rocher. Dans ces conditions, la clause ne saurait être considérée comme restreignant la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1.

L'appréciation portée sur la clause examinée ne préjuge pas des garanties ouvertes aux franchisés par le droit national en fin de contrat.

(49) L'obligation générale de promotion des ventes incombant aux franchisés en tant que ceux-ci s'obligent à déployer tous les efforts à consacrer tout le temps nécessaire pour promouvoir la vente des produits Yves Rocher et les prestations de soins de beauté et l'interdiction de l'exercice d'activités, qui seraient incompatibles avec celles déployées dans leur centre, ne constituent pas en l'espèce une restriction de concurrence. Le succès de la formule de distribution Yves Rocher dépend aussi de la présence et de l'engagement personnel du franchisé dans l'exploitation de son magasin puisque c'est en considération de sa personne que Yves Rocher l'a choisi après lui avoir dispensé une formation appropriée. Sous cette réserve, une telle clause n'interdit pas au franchisé de s'adonner à l'exercice d'un commerce non concurrent, pour autant que soit assuré son engagement personnel pour la distribution des produits Yves Rocher.

(50) Le droit de regard que le franchiseur se réserve sur les inventaires et les états financiers des franchisés est destiné à contrôler, le cas échéant, le respect des obligations incombant aux franchisés. Pour autant que ce droit ne serve qu'à assurer le contrôle du respect par les franchisés d'obligations non visées par l'article 85 paragraphe 1, il ne saurait être davantage considéré comme restrictif de concurrence, sans préjudice des possibilités éventuelles de sanctions ouvertes par le droit national une immixtion du franchiseur.

En particulier, le droit de regard du franchiseur sur les inventaires lui permet de prévenir le stockage indûment prolongé des produits et susceptibles d'en altérer la qualité.

La Commission se réserve le droit d'intervenir au cas où ces contrôles seraient utilisés par le franchiseur pour porter atteinte à la liberté des franchisés de fixer leurs prix de vente.

(51) Les prix indicatifs figurant sur les catalogues diffusés par Yves Rocher auprès de ses franchisés sont licites dès lors que les franchisés conservent la faculté de déterminer leurs prix en toute liberté et qu'il n'a été relevé au cours de l'instruction aucune pratique concertée entre le franchiseur et les franchisés ou entre les franchisés en vue de l'application effective de ces prix(5).

Absence d'effets anticoncurrentiels à l'égard des producteurs et distributeurs concurrents

(52) A l'égard des producteurs et distributeurs concurrents de la chaîne Yves Rocher, le réseau Yves Rocher ne peut produire d'effets anticoncurrentiels horizontaux sensibles à l'extérieur de la marque, compte tenu, de la dispersion de l'offre de produits cosmétiques au niveau tant de la production que de la distribution.

(53) Même s'il figure parmi les principaux producteurs européens, Yves Rocher ne détient cependant un peu plus de 5 % de l'ensemble du marché sectoriel des cosmétiques que dans deux États membres et, sur son principal marché géographique, il ne contrôle pas plus de 15 % d'un des quatre segments du marché. Ses quelques 600 points de vente en franchise établis en France ne peuvent contribuer avec les quelques 7 000 autres détaillants spécialisés recensés dans ce pays à figer les structures de la distribution et à rendre sensiblement plus difficile l'accès au marché producteurs concurrents, si l'on rapporte ces chiffres aux 100 000 points de vente que représente la grande diffusion dans ce pays et à l'importance relative des ventes de celle-ci, dans chacune des quatre catégories de produits cosmétiques. Il en va de même dans les autres États membres où le nombre total des points de vente Yves Rocher ne dépasse pas 500 et où les canaux de distribution non spécialisés représentent un pourcentage des ventes du secteur aussi important.

Obligations contractuelles restrictives de concurrence

(54) En revanche, le choix par Yves Rocher d'un seul franchisé dans un territoire déterminé sur lequel celui-ci bénéficie du droit exclusif d'utiliser les signes distinctifs du franchiseur et son savoir-faire aux fins de la vente des produits Yves Rocher dans un centre de beauté, l'engagement du franchiseur de ne pas installer lui-même un magasin dans le territoire de chacun de ses franchisés juxtaposé à l'interdiction faite à chacun des franchisés d'ouvrir un autre magasin et qui découle de l'interdiction d'utiliser les signes distinctifs de Yves Rocher dans un autre local que celui désigné au contrat, aboutissent à un certain partage de marché entre le franchiseur et les franchisés ainsi qu'entre franchisés et restreignent ainsi la concurrence à l'intérieur du réseau.

(55) Par l'effet de telles clauses, les contrats de franchise Yves Rocher empêchent les franchisés de s'établir dans un autre État membre et sont ainsi susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et cela d'une manière sensible, compte tenu de la taille du groupe Yves Rocher, de sa part de marché supérieure à 5 % dans deux des États membres concernés, du renom de ses produits, de l'extension de la chaîne des magasins Yves Rocher à une partie substantielle du marché commun et de sa coexistence avec un système de vente par correspondance très développé. Les contrats notifiés relèvent dès lors de l'article 85 paragraphe 1.

B. Article 85 paragraphe 3

(56) Aux termes de cette dernière disposition, les dispositions du paragraphe 1 de l'article 85 peuvent être déclarées inapplicables notamment à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Les règlements n° 67/67/CEE (6) et (CEE) n° 1983-83 de la Commission (7), modifiés en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal portant exemption par catégories d'accords d'exclusivité sont inapplicables aux contrats type de franchise en cause dont la nature juridique est différente (8). Ils constituent, au-delà de leur nature de contrats de distribution, des contrats par lesquels le franchiseur s'oblige à concéder le droit d'exploiter en vue de l'application par le franchisé d'une formule de distribution originale et évolutive. Il y a donc lieu d'examiner si les contrats en cause peuvent être admis au bénéfice d'une exemption individuelle en application de l'article 85 paragraphe 3.

(58) Les contrats de franchise Yves Rocher contribuent à améliorer la distribution des produits en cause puisqu'ils facilitent au producteur la pénétration de nouveaux marchés nationaux en lui permettant d'étendre son réseau sans devoir investir dans l'installation matérielle de nouveaux magasins. Le développement d'une chaîne de magasins de détail identiques renforce d'autre par la concurrence à l'égard des grandes chaînes de distribution succursalistes. Par sa politique de sélection et de formation s'adressant principalement à des candidats dépourvus de l'expérience nécessaire pour ouvrir un magasin de vente au détail de produits de beauté et dont les points de vente viennent ainsi s'ajouter aux points de vente spécialisés existant, Yves Rocher introduit un élément supplémentaire de concurrence entre les marques et améliore d'autant les structures de la distribution des produits cosmétiques.

(59) L'intégration étroite de commerçants indépendants au sein du réseau Yves Rocher conduit à une rationalisation de la distribution par la standardisation des méthodes commerciales qui s'étend à tous les aspects de l'activité des détaillants. Le caractère direct, en raison de l'absence de grossistes, des relations entre franchiseur et franchisés, facilite d'autre part la remontée des informations depuis le consommateur vers le producteur et l'adaptation de l'offre aux changements constants de la demande dont le caractère versatile est une caractéristique du marché en cause.

(60) La concession d'un territoire exclusif aux franchisés, combinée à l'interdiction de s'établir en dehors de ce territoire, permet à ceux-ci de conduire une politique de vente plus intensive des produits Yves Rocher par la concentration de leurs activités sur le seul territoire concédé, laquelle est en l'occurrence facilitée par le caractère unimarque de la formule de distribution Yves Rocher. Par ailleurs, l'exclusivité territoriale permet d'assurer la planification et, par conséquent, la continuité de l'approvisionnement par le producteur.

(61) Les accords en cause réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui résulte de ces améliorations de la distribution puisqu'ils peuvent se procurer plus aisément une gamme étendue des mêmes produits cosmétiques dans plusieurs États membres. En outre, la présence de détaillants propriétaires de leurs fonds de commerce, et par conséquent motivés par le fonctionnement efficace de leur magasin, garantit au consommateur le dynamisme commercial et la diligence des distributeurs. L'homogénéité du réseau, la standardisation des méthodes commerciales et les relations directes entre franchiseur et franchisés assurent au consommateur le bénéfice sans altération du savoir-faire transmis par le franchiseur et la mise à disposition dans des conditions de garantie de qualité et de fraîcheur adéquates, de produits sujets à une dépréciation rapide. Par ailleurs, la politique de prix intermédiaires pratiquée par Yves Rocher à mi-chemin de la distribution spécialisée et de la grande diffusion contribue à élargir le cercle des consommateurs de produits cosmétiques.

(62) Enfin, la pratique commerciale du réseau Yves Rocher d'une part, et d'autre part, les contrats d'assurance-responsabilité civile respectivement souscrits par le groupe Yves Rocher et les franchisés garantissent aux consommateurs le remplacement des produits qui pourraient se révéler défectueux et la répartition des dommages éventuellement subis lors de l'utilisation d'un produit Yves Rocher ou à l'occasion de la prestation de soins de beauté par un franchisé. De plus, les consommateurs sont en mesure de percevoir qu'ils traitent avec des commerçants indépendants (voir point 17, la. 2) dont la responsabilité individuelle peut être mise en cause.

(63) Les contrats Yves Rocher n'imposent plus de restrictions non indispensables à la réalisation des objectifs précités depuis la suppression dans les anciens contrats des clauses de prix imposés et l'interdiction des livraisons croisées entre franchisés, lesquelles empêchaient le jeu des mécanismes correcteurs des écarts de prix constatés au sein du réseau.Désormais, les seules obligations relevant de l'article 85 paragraphe 1 sont indispensables à l'établissement du réseau : aucun des franchisés Yves Rocher n'aurait, selon toute probabilité, consenti à procéder aux investissements nécessaires, à l'établissement d'un commerce indépendant s'il n'avait eu l'assurance de bénéficier d'une certaine protection contre la concurrence émanant d'un autre centre établi sur son territoire par le franchiseur ou par un autre franchisé.

(64)L'accord passé entre Yves Rocher et chacun de ses franchisés ne leur donne pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits cosmétiques étant donné que la concurrence entre franchisés est suffisamment garantie par l'exiguïté du territoire exclusif concédé et la possibilité pour chaque franchisé de vendre à tout client, quel que soit son domicile, se présentant dans son magasin.

L'ouverture du système aménagé par Yves Rocher sur les instances de la Commission a introduit un certain degré de concurrence par les prix à l'intéressé de la marque, en ce que les franchisés peuvent désormais librement s'approvisionner auprès de tous les autres franchisés et tirer éventuellement profit des différences entre les prix de cession que Yves Rocher fixe dans chaque État membre en fonction d'un niveau de prix intermédiaire par rapport à ses principaux concurrents locaux. Yves Rocher ne pourra pas interdire ni entraver, sous peine de retrait d'exemption en vertu de l'article 8 paragraphe 3 du règlement n° 17, le recours par les franchisés aux livraisons croisées transnationales que les écarts de prix constatés entre certains États membres sont de nature à encourager, notamment chez les franchisés établis à proximité des frontières nationales.

(65) Même l'effet cumulatif de tous les contrats de franchise Yves Rocher ne suffit pas pour donner au réseau la possibilité d'éliminer la concurrence entre les marques compte tenu de la dispersion et de la structure concurrentielle de l'offre en produits cosmétiques, et de la part de marché modeste que Yves Rocher détient sur le marché en cause.

(66) Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être ainsi déclarées non applicables aux contrats type de franchise Yves Rocher en vertu de l'article 85 paragraphe 3. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'approfondir les conséquences du statut juridique des franchisés belges. A supposer qu'ils relèvent du champ d'application de l'article 85 paragraphe 1, ils doivent être admis de toute façon au bénéfice de l'exemption.

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(67) Les premiers contrats de franchise conclus par Yves Rocher au début de l'implantation de son réseau ne remplissaient pas les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 dans leur version notifiée en ce qu'ils comportaient des clauses imposant le respect de prix imposés Yves Rocher. Ces obligations ont été supprimées avec effet au 1er décembre 1986 sur demande de la Commission. Il est donc possible en vertu de l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, de faire coïncider la date de prise d'effet de la décision d'exemption à l'égard des anciens contrats modifiés, avec la date d'entrée en vigueur des modifications, à savoir le 1er décembre 1986.

(68) Les autres contrats remplissaient les conditions d'exemption dès la date de la notification, soit le 15 janvier 1985. Conformément à l'article 6 paragraphe 1 deuxième phrase du règlement n° 17, la décision d'exemption peut prendre effet à cette date à l'égard de ces contrats.

(69) Eu égard au caractère nouveau des contrats type notifiés et à l'évolution rapide des structures et des modalités de la distribution des produits cosmétiques, il apparaît opportun de limiter la durée de validité de la présente décision jusqu'au 14 janvier 1992.

(70) Par ailleurs, il convient d'assortir la décision, en application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, d'une charge en vertu de laquelle Yves Rocher devra communiquer chaque année à la Commission l'état des prix de vente conseillés et des prix de cession aux franchisés des produits Yves Rocher en vigueur à la date de la communication dans les différents États membres d'implantation du réseau. Une telle charge est en effet de nature à permettre à la Commission d'apprécier l'intérêt économique des franchisés à effectuer les livraisons croisées transnationales qui devraient normalement résulter des écarts de prix entre certains États membres et contribuer ainsi, en réduisant ces écarts de prix, à ménager au consommateur une part équitable du profit découlant de l'amélioration de la distribution. La charge imposée devait également mettre la Commission en mesure d'évaluer le risque d'entraves ou indirectes unilatérales ou concertées aux livraisons croisées transnationales, en vue de l'application éventuelle de l'article 8 paragraphe 3 du règlement n° 17,

A ARRÊTÉ LA PRESSENTE DÉCISION :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE sont déclarées non applicables conformément à l'article 85 paragraphe 3 aux contrats type de franchise conclus par le groupe Yves Rocher pour la distribution de ses produits cosmétiques à l'intérieur de la Communauté économique européenne.

Article 2

La présente décision prend effet au 15 janvier 1985. Toutefois, elle ne prend effet qu'à la date du 1er décembre 1986 à l'égard des contrats type qui comportaient jusqu'à cette date des clauses imposant le respect de prix imposés et interdisant les livraisons croisées entre franchisés. Elle est valable jusqu'au 14 janvier 1992.

Article 3

La Société d'études de chimie et de thérapie appliquées (SECTA), Laboratoires de cosmétologie Yves Rocher, communique à la Commission le 1er septembre de chaque année, l'état des prix de vente conseillés et des prix de cession en vigueur, à la date de la communication, dans les différents États membres d'implantation du réseau.

Article 4

La Société d'études de chimie et de thérapie appliquées (SECTA), Laboratoires de cosmétologie Yves Rocher, F-56201 La Gacilly - France, est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 95 du 23. 4. 1986, p. 3.

(3) Tableau tiré d'une étude de la DAFSA " Les leaders de la parfumerie et de la cosmétologie mondiales ".

(4) Cour de justice des Communautés européennes du 28. 1. 1986 (Pronuptia, affaire 161-84) non encore publié, point 15 des motifs.

(5) Arrêt précité, point 25 des motifs (Affaire 161-84, Pronuptia).

(6) JO n° 57 du 25. 3. 1967, p. 849/67.

(7) JO n° L. 173 du 30. 6. 1983, p. 1.

(8) Arrêt précité, point 15 et 33 des motifs (Affaire 161-84, Pronuptia).