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Décisions

CCE, 17 décembre 1986, n° 87-17

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Pronuptia

CCE n° 87-17

17 décembre 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, Vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, Vu la demande d'attestation négative et la notification faites le 22 avril 1983 par la société française de Pronuptia de Paris, à Paris (France) concernant le contrat type de franchise qu'elle compte faire signer par tous ses franchisés, Vu la publication (2) de l'essentiel du contenu, conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, Après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. La société Pronuptia de Paris

(1) Pronuptia de paris (ci-après Pronuptia) est une société anonyme au capital de 3 300 000 francs français. Elle a été créée en 1958 et est spécialisée dans la vente de vêtements et articles se rapportant à la toilette de la mariée. Par jugement du 9 décembre 1985, le tribunal de commerce de Paris a admis Pronuptia au bénéfice du règlement judiciaire et a autorisé, en même temps, la poursuite directe de l'exploitation.

(2) Pronuptia exerce ses activités principalement en France et dans plusieurs pays d'Europe, mais elle est également présente dans d'autres pays tels que le Canada, le Japon, le Liban et les États-Unis.

(3) En France, son réseau de distribution est constitué de 148 points de ventes dont 135 franchisés, 5 filiales et 8 succursales.

(4) Dans les autres États membres (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Irlande, Luxembourg et Royaume-Uni), où Pronuptia utilise le franchisage pour la commercialisation de ses produits, le nombre de points de vente franchisés est un peu plus d'une centaine.

Pronuptia a, en outre, des filiales en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni.

(5) Le chiffre d'affaires mondial réalisé par l'ensemble du réseau Pronuptia a été en 1985 d'environ 250 000 000 de francs français.

(6) Selon ses propres dires, Pronuptia est " au plan mondial la plus importante chaîne de magasin diffusant des articles de cérémonie... (et) le seul groupe constitué sur le marché français pour la distribution de robes de mariée, et aucune concurrence n'est véritablement organisée... " (3)

En France, Pronuptia détient environ 30 % du marché des toilettes de mariée. Dans les autres États membres, en revanche, sa position est plutôt modeste.

B. Les produits et le marché concerné (4)

(7) Pronuptia propose dans son réseau non seulement la robe de mariée, mais également les accessoires (bas-collants, gants, chaussures, sacs, jarretières, châles, etc.) les coiffes, de la lingerie, des costumes d'hommes, etc. Une collection d'environ 1 000 articles par an, tous types de produits compris, est ainsi proposée par Pronuptia aux consommateurs.

(8) Les produits offerts par Pronuptia proviennent de trois sources d'approvisionnement qui correspondent aux trois catégories de fournisseurs :

a) produits exclusifs créés par Pronuptia et fabriqués en sous-traitance : ainsi les modèles de robe de mariée qui, déposés, sont protégés et portent la marque " Pronuptia " ;

b) d'autres modèles qui ne sont pas créés par Pronuptia, mais choisis par son styliste chez un fournisseur, ou créés par ce dernier pour Pronuptia et qui portent également la marque " Pronuptia " ;

c) Produits qui ne sont pas créés par Pronuptia ni exclusivement pour elles, et qui sont directement achetés par les franchisés auprès des fournisseurs de leur choix et facturés par ces derniers.

Les produits visés aux lettres a) et b) qui sont stockés et facturés par Pronuptia, correspondent aux deux tiers environ des produits vendus par le réseau. Pronuptia vend ces produits au même prix à ses franchisés.

(9) Dans le secteur en cause, de nombreux fabricants opèrent en France et dans d'autres États membres. Il convient de mentionner, par exemple, en France, " Les Mariés de Christina ", " Les Mariés de Marcelle " (Maggy Rouff), " Les Mariées de France ", " Les Mariées de Rêve ", Claude Hervé, " Les Mariées de Laura " et en Allemagne les firmes Vera Mont, Pagels et Horn ainsi que la chaîne des magasins Team Brantude International. Ces fabricants ne pratiquent pas habituellement le système de la franchise pour la vente de leurs produits.

Il y a aussi lieu d'y ajouter la concurrence au niveau de la petite couturière et des grands couturiers qui présentent tous des modèles de robe de mariée.

C. Le contrat de franchise " Pronuptia "

(10) Pronuptia compte faire signer le contrat de franchise notifié par tous ses franchisés aussi bien en France que dans les autres États membres et dans les pays tiers.

Pronuptia souhaite que la Commission se prononce par voie de décision sur sa demande d'exemption.

(11) Les dispositions essentielles du contrat type de Pronuptia (appelée, dans ce contexte, le franchiseur) sont les suivantes.

- Le franchiseur accorde au franchisé, pour une zone géographiquement déterminée, l'usage exclusif de la marque " Pronuptia de Paris ".

Le franchisé exercera son commerce, qui porte principalement sur les produits liés à la toilette de mariée, sous l'enseigne " Pronuptia " ou une enseigne dérivée acceptée par le franchiseur.

Le franchiseur créditera le franchisé de 10 % du montant de ses ventes par correspondance émanant de cette zone, il s'agit de produits habituellement vendus par ce dernier (article 1er).

- Le franchiseur s'engage à aider le franchisé en ce qui concerne, notamment, la recherche, la localisation, l'aménagement et l'assortiment du point de vente, la formation permanente du personnel, la publicité - en lui fournissant du matériel et en contrôlant la conformité à l'image de marque - , l'information concernant les nouveautés, les achats, les analyses statistiques, les idées de promotion, etc (article 3).

- Le franchisé s'interdit d'utiliser la marque et l'enseigne autrement qu'associées à sa dénomination sociale, suivie de la mention " franchisé de Pronuptia de Paris " (article 2).

- Le franchisé doit appliquer les méthodes commerciales mises au point par le franchiseur et utiliser le savoir-faire et l'expérience mis à sa disposition (article 4 premier tiret).

- Le franchisé doit exercer la franchise uniquement dans le local agréé par le franchiseur et aménagé et décoré selon les instructions de celui-ci (article 4 deuxième tiret).

- Le franchisé doit obtenir l'accord du franchiseur pour sa publicité locale (article 4 troisième tiret).

- Le franchisé, en contrepartie des droits et services obtenus, doit payer une redevance initiale forfaitaire (5)

- Le franchisé s'engage à contribuer, dans la même mesure que ladite redevance, à la publicité et à la promotion de la marque Pronuptia. L'utilisation de cette contribution est du ressort du franchiseur, qui cependant se concertera avec le franchisé pour en obtenir le meilleur rendement (article 6).

- Le franchisé s'engage à payer une redevance annuelle minimale (article 7).

- Le franchisé devra commander les articles vendus uniquement au franchiseur et aux fournisseurs agréés par lui. L'approvisionnement auprès de ces derniers peut être exclu si le franchiseur est en mesure d'en assurer lui-même un approvisionnement exclusif (article 8 premier et troisième alinéas).

Le franchisé pourra commander les articles non liés à l'objet essentiel de la franchise auprès fournisseur de son choix. Le franchiseur se réserve toutefois un contrôle a posteriori sur lesdits articles ainsi que le droit d'en interdire la commercialisation s'il les juge impropres à l'image de la marque Pronuptia (article 8 quatrième et cinquième alinéas).

Le franchisé s'engage à passer des commandes prévisionnelles correspondant à 50% au moins de ses ventes estimées en fonction de celles de l'année précédente et à avoir en stock les articles figurant aux catalogues (article 8 septième et huitième alinéas).

Le franchisé peut s'approvisionner en produits Pronuptia auprès de n'importe quel franchisé à l'intérieur du réseau (article 8 neuvième alinéa).

- Le franchisé est libre de fixer ses prix de vente. Les prix mentionnés par le franchiseur dans les documents internes ne sont qu'indicatifs. Le franchiseur recommande au franchisé de ne pas dépasser les prix qu'il mentionne dans ses actions promotionnelles (article 9).

- Le contrat ne peut être cédé de fait ou de droit sans l'accord écrit du franchiseur. En cas de vente, de mise en gérance, de décès ou d'incapacité du franchisé ou pour tout autre motif qui empêche ce dernier d'exercer normalement ses activités, le franchiseur se réserve le droit de résilier le contrat (article 10). Celui peut être également résilié en cas de dépôt de bilan, de liquidation des biens, de cessation de l'activité commerciale, de manquement aux obligations par l'une ou l'autre partie (article 13).

- Le contrat est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes annuelles, sauf dénonciation au moins six mois avant l'expiration d'une période (article 11).

- Le franchisé s'interdit, pendant la durée du contrat et un an après la fin de celui-ci, de s'intéresser directement ou indirectement à toute activité similaire dans la même zone géographique ou dans toute autre zone concurrençant un autre point de vente Pronuptia. Le franchisé sera, toutefois, autorisé à continuer à exercer, après la fin du contrat, son activité sur le territoire attribué :

i) s'il a exploité la franchise pendant plus de dix ans,

ii) s'il a respecté ses obligations contractuelles,

iii) s'il ne fait pas bénéficier un réseau concurrent du savoir-faire et de l'expérience accumulés (article 12).

(12) Accédant à la demande de la Commission, Pronuptia a modifié le contrat notifié de manière notamment à le rendre conforme à son application réelle en y explicitant, en particulier, que le franchisé :

a) est libre d'acheter les produits Pronuptia auprès d'autres franchisés ;

b) peut acheter les articles non liés à l'objet essentiel de la franchise auprès de fournisseurs de son choix, sous réserve d'un contrôle qualitatif a posteriori du franchiseur ;

c) est libre de fixer ses prix de vente : les prix mentionnés par le franchiseur n'étant que des prix indicatifs ou des prix que le franchiseur recommande au franchisé de ne pas dépasser lorsqu'ils figurent dans ses actions promotionnelles. Pronuptia a aussi supprimé la clause qui imposait au franchisé de ne pas nuire, dans l'établissement de ses prix, à l'image de marque du franchiseur.

D. Différend entre franchiseur et franchisé allemand

(13) A la suite d'un litige qui opposa, en 1981, la société allemande Pronuptia GmbH (filiale de Pronuptia) à un de ses franchisés et qui avait pour objet un contrat de franchise, pour l'essentiel analogue à celui faisant l'objet de la présente affaire, le Bundesgerichtshof a demandé à la Cour de justice des Communautés européennes de statuer à titre préjudiciel sur certaines questions, notamment celles de savoir :

- si l'article 85 paragraphe 1 est applicable aux contrats de franchise, tels que ceux concernés en l'espèce et, si tel était le cas,

- si le règlement n° 67/67/CEE de la Commission (6) est applicable auxdits contrats et, dans cette hypothèse,

- si certaines clauses qui figurent dans ces contrats sont couvertes par ledit règlement n° 67/67/CEE.

La Cour a rendu son arrêt le 28 janvier 1986.

(14) Dans cet arrêt, la Cour définit en quelque sorte la franchise de distribution - qui fait l'objet de la présente affaire - comme un système dans lequel " une entreprise qui s'est installée dans un marché comme distributeur et qui a ainsi pu mettre au point un ensemble de méthodes commerciales, accorde, moyennant rémunération, à des commerçants indépendants, la possibilité de s'établir dans d'autres marchés en utilisant son enseigne et les méthodes commerciales qui ont fait son succès. Plutôt que d'un mode de distribution, il s'agit d'une manière d'exploiter financièrement, sans engager de capitaux propres, un ensemble de connaissances " (point 15 des motifs).

(15) L'utilisation d'une même enseigne, l'application de méthodes commerciales uniformes, ainsi que le paiement de redevances pour les avantages consentis, sont autant d'éléments qui, selon la Cour, différencient les contrats de franchise de ceux de concession exclusive et de ceux qui régissent un système de distribution sélective (point 15 des motifs).

(16) La Cour reconnaît qu'un système de franchise de distribution, pour fonctionner, doit remplir deux conditions, à savoir que le franchiseur :

- " doit pouvoir communiquer aux franchisés son savoir-faire et leur apporter l'assistance voulue pour les mettre en mesure d'appliquer ses méthodes " sans courir le risque que cela puisse profiter à des concurrents (point 16 des motifs),

- " doit pourvoir prendre les mesures propres à préserver l'identité et la réputation du réseau qui est symbolisé par l'enseigne " (point 17 des motifs).

(17) La Cour, après avoir affirmé qu'un système de franchise de distribution " ne porte pas atteinte en soi à la concurrence " (point 15) a dit pour droit que " la comptabilité des contrats de franchise de distribution avec l'article 85 paragraphe 1 est fonction des clauses que contiennent ces contrats et du contexte économique dans lesquels ils s'insèrent ".

(18) La Cour a dit ensuite pour droit que ne constituent pas des restrictions de concurrence, au sens de l'article 85 paragraphe 1, " les clauses qui sont indispensables pour empêcher que le savoir-faire transmis et l'assistance apportée par le franchiseur profitent à des concurrents " ainsi que celles " qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau qui est symbolisé par l'enseigne ".

(19) En revanche, la Cour a dit pour droit que " les clauses qui réalisent un partage des marchés entre franchiseur et franchisés ou entre franchisés, constituent des restrictions de la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1... (et) sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ".

(20) C'est à la lumière de cette orientation et de ces principes que sera appréciée la présente affaire.

(21) A la suite de la publication faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, des tiers ont communiqué leurs observations à la Commission.

Ces observations font notamment apparaître l'intérêt de ces tiers à ce que la Commission examine avec un soin et une prudence tout particuliers, dans son contexte juridique et factuel, le contrat type en cause avant d'adopter une décision favorable à son égard. En outre, des réserves ont été avancées à l'égard de certaines dispositions contractuelles, notamment celles qui portent sur le système des prix indicatifs et sur l'interdiction de concurrence et celles qui se traduisent par une répartition des marchés. Il convient, à cet égard, de préciser que ces dispositions ont été examinées et appréciées conformément aux principes et aux orientations qui se dégagent de l'arrêt " Pronuptia " déjà cité de la Cour et en tenant soigneusement compte du contexte factuel dans lequel s'insère l'espèce en cause.

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(22) L'article 85 paragraphe 1 déclare incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concernées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

(23) L'accord type de franchise de distribution en cause que Pronuptia compte faire signer par tous ses franchisés est un accord entre entreprises au sens de l'article 85.

a) Clauses non visées par l'article 85 paragraphe 1

(24) Il convient tout d'abord, d'indiquer que l'obligation, pour le franchiseur, d'assister le franchisé en ce qui concerne notamment la recherche, la localisation, l'aménagement du magasin, la publicité, la formation du personnel, les produits, les nouveautés, etc. (article 3 du contrat) n'est pas visée par l'article 85 paragraphe 1 parce qu'elle fait partie de la prestation principale du franchiseur envers le franchisé.

(25) Par ailleurs, comme l'a dit la Cour (voir paragraphe 18) et comme elle l'a même exemplifié, ne constituent pas des restrictions de concurrenceau sens dudit article 85 paragraphe 1 :

i) les clauses qui sont indispensables pour empêcher que le savoir-faire et l'assistance fournis par le franchiseur profitent à des concurrents ; ce qui est, notamment, le cas:

- de l'interdiction faite au franchisé de s'intéresser directement ou indirectement à toute activité dans la même zone géographique ou dans toute autre zone concurrençant un autre point de vente Pronuptia, pendant la durée du contrat et un an après la fin de celui-ci (article 12). L'interdiction de concurrence pendant la durée du contrat est indispensable pour protéger le savoir-faire et l'assistance fournis. Ceux-ci, en effet, se prêtent de par leur nature à une utilisation en faveur d'autres produits ce qui en ferait profiter, ne serait-ce qu'indirectement, des concurrents. D'autres moyens pour prévenir ce risque pourraient ne pas se révéler efficaces.

Par ailleurs, l'interdiction de concurrence pendant un an après la fin du contrat peut être considérée, en l'espèce, comme une période raisonnable dans le sens évoqué par la Cour(point 16 des motifs), et également raisonnable pour permettre, le cas échéant, à Pronuptia d'établir un nouveau point de vente dans la zone géographique de l'ancien franchisé où, à la suite de l'exclusivité accordée à celui-ci, elle ne pouvait opérer pendant la durée au contrat.

Il convient de souligner que ladite interdiction de concurrence post-contractuelle n'est pas absolue. En effet, elle ne joue pas à l'égard du franchisé qui remplit certaines conditions (article 12 deuxième alinéa)., dans le cas d'espèce, elle ne saurait être considérée comme restreignant la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1. L'appréciation portée sur la clause examinée ne préjuge pas des garanties ouvertes aux franchisés par le droit national en fin de contrat ;

- de l'interdiction faite au franchisé de vendre ou de mettre en gérance son fonds de commerce sous peine de voir résilier le contrat par le franchiseur (article 10), et

ii) les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau symbolisé par l'enseigne, ce qui est notamment le cas :

- de l'obligation pour le franchisé d'utiliser les méthodes commerciales indiquées par Pronuptia ainsi que son savoir-faire et son expérience (article 4 premier tiret),

- de l'obligation pour le franchisé d'exercer la franchise dans un local aménagé et décoré selon les instructions du franchiseur (article 4 deuxième tiret),

- de l'obligation pour le franchisé d'obtenir l'assentiment du franchiseur pour sa publicité locale (article 4 troisième tiret). Il convient de préciser que le contrôle de ce dernier ne concerne que la nature de la publicité et vise à ce que celle-ci soit conforme à l'image de marque du réseau Pronuptia,

- de l'obligation, pour le franchisé, compte tenu de la nature et de la qualité des produits concernés en l'espèce (articles de mode), et dans le but de préserver l'homogénéité de l'image de marque, de commander les articles qui constituent l'objet essentiel de la franchise uniquement au franchiseur et aux fournisseurs indiqués par celui-ci (article 8 premier alinéa). Il convient de préciser que le franchisé peut acheter les articles en cause à n'importe quel franchisé faisant partie du réseau Pronuptia (article 8 neuvième alinéa),

- du contrôle qualitatif a posteriori que le franchiseur se réserve d'effectuer sur les produits non liés à l'objet essentiel de la franchise, que le franchisé peut acheter aux fournisseurs de son choix et du droit d'en interdire la commercialisation s'ils sont nuisibles à l'image de marque (article 8 quatrième et cinquième alinéa),

- de l'interdiction pour le franchisé de céder le contrat sans l'accord écrit préalable du franchiseur (article 19).

(26) Le contrat type en cause comporte, par ailleurs, d'autres clauses qui, par leur objet, leur nature ou leur effet, ne sont pas non plus visées par l'article 85 paragraphe 1. Tel est le cas :

- de l'interdiction faite au franchisé d'utiliser la marque et l'enseigne autrement qu'associées à sa dénomination sociale suivie de la mention " franchisé de Pronuptia de Paris " (article 2). Cela ne constitue, en effet, qu'une explication de l'identité propre au contrat de franchise,

- de l'obligation pour le franchisé de payer au franchiseur une redevance initiale forfaitaire ainsi qu'une redevance proportionnelle de 4 à 5 % sur le chiffre d'affaires total des ventes aux consommateurs directs réalisées à partir du local du franchisé (article 5), car elle constitue la contre-prestation des droits et services obtenus par le franchiseur. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'une telle redevance ne grève pas les articles que le franchisé vend aux autres franchisés faisant partie du réseau Pronuptia,

- de l'obligation, pour le franchisé, de contribuer dans la même mesure que la redevance à la publicité et à la promotion de la marque Pronuptia (article 6). En effet cette obligation, tout en limitant la liberté économique du franchisé en ce qui concerne le montant à consacrer à la publicité, à la manière de la réaliser, voire à son opportunité, ne parait pas, en l'espèce, susceptible de porter atteinte de manière sensible à la concurrence sur le marché en cause,

- de la clause en matière de prix indicatif mentionné par le franchiseur et de celle qui recommande au franchisé de ne pas dépasser les prix que le franchiseur mentionne lors de ses actions promotionnelles (article 9).

En ce qui concerne les prix indicatifs, il y a lieu de souligner que la Commission n'a pas contesté l'existence d'une pratique concertée entre franchiseur et franchisé ou entre ces derniers, visant à appliquer effectivement ces prix. Dans ces conditions, la simple communication de prix indicatifs faite par le franchiseur ne saurait être considérée comme restrictive de la concurrence, comme l'a reconnu la Cour de justice dans son arrêt précité (lettre e) du dispositif de l'arrêt).

Les constatations factuelles ainsi que la conclusion ci-dessus concernant les prix indicatifs peuvent être invoquées, mutatis mutandis, à l'égard des prix que le franchiseur mentionne dans ses actions promotionnelles et qu'il recommande au franchisé de ne pas dépasser, les prix recommandés n'étant pas, en tant que tels, susceptibles de porter atteinte à la liberté du franchisé de déterminer ses prix. La où le franchiseur porterait atteinte à la liberté des franchisés de fixer leurs prix de vente.

(27) Comme l'a reconnu la Cour de justice (paragraphe 15), les contrats de franchise de distribution se différencient, de par leur nature et le contenu synallagmatique des prestations, tant des contrats de concession exclusive que de ceux qui concrétisent un système de distribution sélective.

Dans un tel contexte, les obligations imposées aux franchisés :

- de payer une redevance annuelle minimale (article 7),

- de passer des commandes prévisionnelles correspondant à 50 % au moins des ventes estimées en fonction de celles de l'année précédente (article 8 septième alinéa),

- de maintenir un stock d'articles (article 7 huitième alinéa),

ne constituent pas, en l'espèce, des restrictions de concurrence au sens dudit article 85 paragraphe 1.

Dans un système de distribution sélective, de telles obligations pourraient être considérées comme faussant le jeu de la concurrence lorsqu'elles excluent du réseau des entreprises qui, bien que remplissant les conditions qualitatives uniformes d'admission, ne sont pas prêtes à les accepter et lorsqu'elles ont pour effet de contraindre les distributeurs à favoriser la promotion de certains produits au détriment d'autres. Il en va, toutefois, autrement dans le système de franchisé de distribution pratiqué, en l'espèce, par Pronuptia. En effet, un tel système est, notamment, caractérisé par l'octroi de la part du franchiseur au franchisé du droit exclusif d'utiliser, dans une zone géographiquement déterminée, ses signes distinctifs et son savoir-faire commercial, et par la liberté qu'a le franchiseur dans le choix de ses franchisés. L'exclusion, dans le territoire réservé au franchisé, de toute entreprise autre que celui-ci, est donc une conséquence inhérente au système même de franchisé en cause. L'on peut également considérer comme une conséquence inhérente à un tel système de franchise le fait que le franchisé, à la suite de l'unicité exclusive de marque et d'enseigne qui caractérise le point de vente franchisé et de l'interdiction de concurrence qui lui est imposée, concentre ses efforts promotionnels sur les produits qui constituent l'objet de la franchise.

Dans ces conditions la situation concurrentielle effective sur le marché ne saurait être influencée par les obligations en cause en tant que telles.

b) Clauses visées par l'article 85 paragraphe 1

(28) Comme l'a dit et même exemplifié la Cour (points 23 et 24 des motifs et dispositif), " les clauses qui réalisent un partage des marchés entre franchiseurs et franchisés ou entre franchisés, constituent des restrictions de concurrenceau sens de l'article 85 paragraphe 1 ", tel est le cas:

- de la clause par laquelle le franchiseur accorde au franchisé, pour une zone géographiquement déterminée, l'usage exclusif de ses signes distinctifs (article 1er premier alinéa)

et

- de l'obligation, pour le franchisé, d'exercer la franchise uniquement dans le local retenu à cet effet (article 4 deuxième tiret).

En effet, par le jeu combiné de ces clauses, chaque franchisé est protégé contre la concurrence des autres franchisés. D'autre part, le fait que le contrat précise (article 1er cinquième alinéa) que le franchiseur peut, à certaines conditions, vendre par correspondance dans la zone du franchisé sous réserve de créditer celui-ci de 10 % du montant de ses ventes implique que, sauf dans ladite hypothèse, le franchiseur ne peut opérer dans la zone réservée à ses franchisés.

(29) La Cour a dit, par ailleurs, que " les contrats de franchise de distribution qui contiennent des clauses réalisant un partage des marchés entre franchiseur et franchisé, ou entre franchisés, sont en tout état de cause susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, même s'ils sont conclus entre entreprises établies dans le même État membre, dans la mesure où ils empêchent les franchisés de s'établir dans un autre État membre " (point 26 des motifs). Cela est d'autant plus vrai en l'espèce que Pronuptia détient une part non négligeable sur le marché français des produits en cause et que son réseau couvre plusieurs pays du marché commun (paragraphe 4 et 6).

(30) Dans ces conditions, les clauses indiquées ci-avant (paragraphe 28) constituent des restrictions de concurrence visées par l'article 85 paragraphe 1, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.

B. Article 85 paragraphe 3

(31) Aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner aux entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

(32) La Cour a dit pour droit que le règlement n° 67/67/CEE n'est pas applicable à des contrats de franchise de distribution tels que celui faisant l'objet de la présente affaire. Après avoir constaté que de tels contrats sont caractérisés par la présence d'éléments qui les différencient des contrats de concession exclusive (paragraphe 15), la Cour fait notamment valoir que l'article 2 dudit règlement ne vise expressément que ces dernier, et que, par ailleurs, dans cet article ne figurent, parmi les clauses qui peuvent être imposées au concessionnaire exclusif, ni l'obligation de payer des redevances ni celles indispensables pour préserver l'identité et la réputation du réseau ni non plus les obligations assumées par le franchiseur concernant le savoir-faire et l'assistance fournis au franchisé. Le contrat type en cause, de par sa nature, et son contenu, ne peut donc pas bénéficier de l'exemption prévue par ledit règlement n° 67/67/CEE.

(33) Le règlement n° 67/67/CEE n'est plus en vigueur depuis le 1er juillet 1983. A cette date est entré en vigueur le nouveau règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission (7) d'exemption par catégories des accords de concession exclusive. La teneur de ce règlement permet d'affirmer que les arguments ci-avant avancés par la Cour peuvent être aussi allégués pour conclure, le cas échéant, à la non-applicabilité du règlement (CEE) n° 1983-83 aux contrats tels que celui de l'espèce. En effet, le nouveau règlement (CEE) n° 1983-83 - comme jadis le règlement 67/67/CEE -, ne vise que les contrats de concession exclusive et ne couvre aucune des clauses précitées qui caractérisent les contrats de franchise de distribution.

Il y a donc, lieu d'examiner si le contrat type en cause peut bénéficier d'une exemption individuelle en application de l'article 85 paragraphe 3.

(34) Le contrat type de franchise régissant le réseau de distribution Pronuptia contribue, par le jeu combiné de l'ensemble de ses dispositions, à améliorer la production et la distribution des produits concernés. En effet, il permet :

- au franchiseur d'étendre son réseau de commercialisation sans devoir procéder à des investissements que, compte tenu de sa taille économique plutôt modeste, il ne serait peut-être pas à même d'effectuer, ou d'effectuer aussi rapidement, pour créer ses points de vente. Ce sont les candidats franchisés qui prennent en charge les investissements nécessaires pour l'établissement de nouveau points de vente en recevant, en contrepartie, non seulement le droit d'utiliser et de bénéficier de la notoriété des signes distinctifs du franchiseur mais également de son expérience, de son savoir-faire commercial, de son marchéage, qui leur permet d'atteindre à moindres frais et risques une clientèle plus large.

La complémentarité coïncidente d'intérêts entre franchiseur et franchisé trouve, en l'espèce, son point de rencontre dans le contrat en cause dont la matérialisation permet d'ouvrir l'accès au marché à de nouveaux concurrents et d'intensifier ainsi la concurrence entre marques et de renforcer en même temps la concurrence à l'égard des entreprises de distribution par succursales,

- au franchiseur de mettre à la disposition des consommateurs un réseau de distribution uniforme quant aux méthodes commerciales utilisées et à la gamme des produits offerts,

- au franchiseur, compte tenu des liens étroits et directs qu'il a avec les franchisés, d'être rapidement informé par ceux-ci des changements des habitudes et des goûts des consommateurs et de pouvoir ainsi en tenir compte dans ses plans de production,

- au franchisé qui, grâce au jeu combiné des clauses mentionnées au paragraphe 28, jouit de l'exclusivité dans le territoire concédé, de concentrer sur celui-ci ses efforts de vente en y menant une politique plus active à l'égard des consommateurs potentiels, sans pour autant empêcher que ces derniers puissent acheter les produis en cause en dehors dudit territoire et que les franchisés puissent acheter et vendre librement entre eux ces produits,

- au franchisé, grâce à ladite exclusivité territoriale et à sa position proche du marché réel d'établir des plans prévisionnels de vente qui permettent au franchiseur d'adapter en conséquence ses propres programmes de fabrication et de mieux assurer l'approvisionnement des produits.

(35) Le contrat type régissant le réseau de distribution Pronuptia réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui résulte de ces améliorations de la production et de la distribution.

L'on peut, en effet, admettre que les consommateurs bénéficient des avantages que présente pour eux un réseau de distribution cohérent qui leur assure l'uniformité qualitative des produits ainsi que la mise à leur disposition d'une gamme complète d'articles se rapportant à l'objet de la franchise. Les consommateurs tireront également avantage de l'intérêt qu'a le franchisé, en tant que commerçant indépendant, personnellement et directement intéressé à la marche optimale de son affaire dont il assume, seul, les risques financiers, à soigner, à assister, et à suivre diligemment la clientèle. En outre, les consommateurs profitent directement des avantages qui découlent d'un approvisionnement continu en produits adaptés aux exigences du goût et de la mode exprimées par le marché. L'on peut, finalement, admettre que la pression de la concurrence qui existe dans le secteur (paragraphe 9) et la liberté qu'ont les consommateurs d'acheter les produits n'importe où à l'intérieur du réseau, sont autant d'éléments susceptibles d'amener les franchisés à répercuter sur les consommateurs une partie raisonnable des avantages découlant de la nationalisation de la production et de la distribution. De plus, les consommateurs sont en mesure de percevoir qu'ils traitent avec des commerçants indépendants (voir paragraphe 11 troisième tiret) dont la responsabilité individuelle peut être mise en cause.

(36) Le contrat type Pronuptia, par ailleurs, ne comporte pas de restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les améliorations susvisées. En effet, les clauses restrictives mentionnées au paragraphe 28 qui assurent au franchisé l'exclusivité territoriale peuvent être considérées, en l'espèce, comme indispensables, car aucun candidat franchisé n'aurait, vraisemblablement, été prêt à effectuer les investissements nécessaires et à payer une redevance forfaitaire initiale non négligeable pour s'intégrer à un tel système de franchisage s'il ne pouvait pas compter sur une certaine protection, dans son territoire, contre la concurrence des autres franchisés et du franchiseur lui-même. Il convient de rappeler, par ailleurs, que les franchisés sont entièrement libres d'acheter et de vendre entre eux les produits en cause.

(37) L'accord type-Pronuptia et le système organique qui résulte de son application ne paraissent pas de nature à donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. En effet, comme il a été constaté plus haut (paragraphe 9), dans les pays de la Communauté économique européenne opèrent plusieurs fabricants qui, normalement, ne vendent pas leurs produits en utilisant le système de franchise, ainsi que d'autres opérateurs économiques susceptibles de concurrencer les produits Pronuptia.

Les franchisés, par ailleurs, sont en concurrence les uns avec les autres, car il leur est permis de vendre à n'importe quel consommateur domicilié à l'intérieur ou en dehors du territoire concédé ainsi qu'à n'importe quel autre franchisé. De plus, ils sont entièrement libres de fixer leur prix de vente.

(38) Toutes les conditions de l'application de l'article 85 paragraphe 3 sont donc remplies en l'espèce.

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

(39) Aux termes de l'article 6 du règlement n° 17, lorsque la Commission rend une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3, elle indique la date à partir de laquelle, sa décision prend effet. Cette date ne saurait être antérieure au jour de la notification.

(40) Aux termes de l'article 8 du règlement n° 17, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 2 est accordée pour une durée déterminée.

(41) Le contrat type de franchise de distribution notifié, tel qu'il est appliqué, remplit les conditions de l'article 85 paragraphe 3. C'est donc à partir de la date de la notification, à savoir le 22 avril 1983, que prendra effet la décision d'exemption. Celle-ci peut être accordée pour une période de huit ans. Cette période paraît en l'espèce, justifiée, compte tenu de la durée quinquennale du contrat type, conjuguées avec la date de pris d'effet de la présente décision,

A ARRÊTE LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables pour la période allant du 22 avril 1983 au 21 avril 1991 au contrat type de franchise de distribution que Pronuptia fait signer par ses franchisés dans la Communauté européenne.

Article 2

La présente décision est destinée à :

SA Pronuptia de Paris, 8, place de l'Opéra, F - 75009 Paris.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 178 du 16. 7. 1986, p. 2.

(3) La savoir-faire de Pronuptia, volume 1, section I, 1 et II, 1, 3.

(4) Il n'a pas été tenu compte de certains services offerts par Pronuptia relatifs au mariage (voyage de noces, photographe, traiteur, etc.) car ils ne sont, actuellement, offerts qu'en France et uniquement si le franchisé le souhaite ; de ce fait, leur incidence paraît sans influence sur l'appréciation de l'espèce.

(5) La redevance initiale forfaitaire est fonction de la population couverte par la " franchis " et varie entre 15 et 20 centimes par habitant. En moyenne une franchise couvre plus ou moins 300 000 habitants. Le montant de la redevance varies donc entre 45 000 et 60 000 francs français.

(6) JO n° 57 du 25. 3. 1967, p. 849/67.

(7) JO n° L. 173 du 30. 6. 1983, p. 1.