CCE, 25 septembre 1986, n° 86-506
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Peugeot
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 4, 5, 6, et 15 paragraphe 1 point b), vu la notification faite le 30 janvier 1963 par la société Automobiles Peugeot SA, conformément à l'article 5 du règlement n° 17, du contrat-type de concession de vente de véhicules des marques Peugeot et Talbot, vu la décision de la Commission du 1er octobre 1984 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
(1) La présente décision concerne des obstacles qui ont été mis à l'achat de voitures neuves à conduite à droite, dans le cadre du système de distribution du groupe Peugeot, pendant la période allant du 1er mai 1982 au 30 juin 1985, ainsi que des réponses inexactes données par Peugeot à deux demandes de renseignements faites par la Commission en application de l'article 11 du règlement n° 17.
A. Les entreprises
(2) Automobiles Peugeot SA (ci-après dénommée Peugeot) - une filiale de Peugeot SA, Paris - produit des véhicules automobiles et les vend sous les marques Peugeot et Talbot. Ce groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 75 300 millions de francs français en 1982, de 85 200 millions de francs français en 1983 et de 91 100 millions de francs français en 1984.
Les sociétés Talbot Motor Company Limited à Conventry, Royaume-Uni (Talbot Motor), Peugeot-Talbot Belgique SA à Nivelles, Peugeot-Talbot Nederland NV à Utrecht et Peugeot Automobile Deutschland GmbH à Sarrebruck, font partie du groupe Peugeot et assurent l'importation et la distribution de véhicules des marques Peugeot et Talbot dans leur pays. Peugeot-Talbot Belgique s'occupe aussi de la distribution de ces véhicules au grand-duché de Luxembourg.
(3) La société de distribution et d'exportation automobile à Paris (Sodexa) fait également partie du groupe Peugeot et est chargée de la vente de véhicules des marques Peugeot et Talbot à des acheteurs qui séjournent temporairement en France et qui peuvent y acheter des véhicules en exemption de taxes (ventes en transit). À cette fin, Sodexa a toujours eu la possibilité de se faire livrer tous les modèles qui correspondent aux spécifications des différents pays d'enregistrement définitif (pays de destination) et qui sont en tout cas déjà inclus dans le programme de fabrication de Peugeot. Sodexa fut chargée d'intervenir de façon croissante dans le traitement des ventes réalisées hors de France lorsque l'acheteur souhaitait un équipement différent de celui qui était normalement offert dans le pays de la commande. C'est dans le cadre de cette activité que l'exécution des commandes de conduites à droite sur le continent a également été confiée à Sodexa.
B. Le produit
(4) Font l'objet de la présente décision les voitures neuves fabriquées en série sous la marque Peugeot et sous la marque Talbot.
Chacune des séries est fabriquée en plusieurs versions de base (modèles 104, 205, 305, 504, 604, Samba, Horizon, Solara, Tagora, Rancho et Murena). De plus, les véhicules ont un équipement différent. À cet égard, on peut établir une distinction entre les équipements qui sont imposés par les lois des différents États et ceux qui répondent à la demande des consommateurs ou qui, selon l'avis du constructeur, conviennent particulièrement pour une zone de vente déterminée. Aucun État membre ne prescrit obligatoirement par voie légale la conduite à gauche ou à droite mais le choix est économiquement indispensable pour offrir des véhicules tenant compte des souhaits et des habitudes des utilisateurs dans le pays de destination.
(5) Les conduites à droite offertes aux militaires britanniques stationnés temporairement sur le continent diffèrent légèrement, dans leur équipement, des véhicules destinés à être livrés au Royaume-Uni et en Irlande. Elles sont pourvues d'un tachymètre avec indication en kilomètres ainsi que de rétroviseurs extérieurs et de phares conçus pour la circulation à droite. Une éventuelle adaptation ultérieure des véhicules au code de la route du pays de destination ne pose pas de difficultés et n'entraîne qu'une faible dépense.
(6) Les usines du groupe Peugeot produisent en majorité des véhicules à conduite à gauche. En 1982, les véhicules à conduite à droite représentaient 6,1 % de la production de la marque Peugeot et 25 % de la production de la marque Talbot. Les voitures de cette dernière marque étaient produites au Royaume-Uni par Talbot Motor même.
C. La distribution
(7) En France, la distribution des véhicules est assurée par des succursales et des sociétés filiales de Peugeot ainsi que par ses concessionnaires. Dans les autres États membres, ils sont distribués par l'intermédiaire soit de filiales de Peugeot soit d'importateurs indépendants qui disposent à leur tour d'un réseau de distribution. Séparés à l'origine, les réseaux de distribution des véhicules Peugeot et ceux des véhicules Talbot ont depuis l'automne 1980 progressivement fusionné.
(8) Peugeot a notifié à la Commission le 30 janvier 1963 un contrat-type de concession pour la distribution de véhicules Peugeot en France (affaire n° IV-14.056), ainsi que pour l'importation dans les autres États membres (affaire n° IV-12.428). Par lettre du 7 mai 1971, Peugeot a transmis à la Commission les contrats-type de concession pour les pays du Benelux, la république fédérale d'Allemagne ainsi que l'Italie. Le 28 février 1972, la Commission a adressé à Peugeot une communication des griefs dans les affaires n° IV-14.056 et n° IV/12.428, à la suite de laquelle les interdictions d'exporter prévues dans les contrats de concession ont été abandonnées. Ensuite, sur demande de la Commission, d'autres amendements furent apportés aux contrats-type Peugeot en vue de les adapter aux principes de la décision 75-73-CEE de la Commission (3) dans l'affaire BMW. Le " contrat de concession Peugeot " utilisé en France est considéré par Peugeot comme contrat-type pour l'ensemble de son système de distribution dans la Communauté.
(9) Des contrats-type de concession Peugeot ont été spécialement notifiés à la Commission, pour l'Allemagne le 10 juillet 1979 (affaire n° IV-29.900) et pour le Royaume-Uni le 7 mars 1979 (affaire n° IV-29.819).
(10) Par lettre recommandée du 24 décembre 1985, Peugeot a informé la Commission qu'elle avait modifié ses contrats de concession afin de les rendre conformes aux dispositions du règlement (CEE) n° 123-85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (4).
(11) Le contrat de concession pris en considération dans la présente affaire est le contrat-type de concession tel qu'il a été appliqué par Peugeot en Belgique, au grand-duché du Luxembourg et aux Pays-Bas pendant la période allant du 1er mai 1982 au 30 juin 1985.
(12) Les dispositions essentielles de ce contrat peuvent être résumées comme suit: Peugeot confère au concessionnaire sélectionné le droit de vendre les produits désignés dans le contrat (les produits contractuels), c'est-à-dire les véhicules neufs des marques Peugeot et/ou Talbot, ainsi que les pièces de rechange et les équipements, dans un territoire déterminé (le territoire convenu). Dans ce territoire, Peugeot s'engage à ne livrer en vue de la revente les produits spécifiés dans le contrat qu'à ce concessionnaire. Le concessionnaire ne peut vendre des véhicules neufs qu'à des utilisateurs finals. Il lui est interdit de promouvoir des ventes en dehors de son territoire. Il ne peut vendre des véhicules neufs d'autres marques qu'avec l'accord de Peugeot. Le concessionnaire est obligé d'utiliser uniquement les pièces d'origine offertes par Peugeot et, en France, par Peugeot ou ses fournisseurs.
(13) Dans le territoire convenu, Peugeot se réserve le droit de vendre directement à certaines catégories d'acheteurs, en particulier à de gros acheteurs, aux administrations, au personnel du groupe Peugeot, ainsi qu'à des acheteurs jouissant d'un statut particulier.
(14) Un des groupes relevant de ces catégories désignées comme " ventes spéciales " comprend les ventes à des acheteurs en transit. C'est ainsi que le contrat-type stipule:
" le constructeur se réserve le droit de vendre directement ou par l'intermédiaire de toute société spécialisée les produits qu'il commercialise dans les cas suivants:
1° . . . . .
2° . . . . .
3° Ventes aux personnes habituellement domiciliées hors de France et demandant que le véhicule leur soit livré dans la zone de première responsabilité concédée, sous immatriculation dans les séries TT; ".
C'est à cette fin que Sodexa a été constituée (voir point 3).
D. Les écarts de prix entre des États membres
(15) Les prix de vente finals recommandés, hors taxes, pour véhicules Peugeot et Talbot dans les États membres ont présenté de grandes divergences. Ils étaient en 1982 et 1983 les moins élevés au Danemark et les plus élevés au Royaume-Uni. Entre ces deux extrêmes, les niveaux de prix dans les autres pays se situaient dans l'ordre (croissant) suivant: Belgique/Luxembourg, Pays-Bas, France, république fédérale d'Allemagne, Italie et Irlande. Une comparaison, établie par Peugeot, des prix de sept modèles particulièrement courants, appliqués en France, en Belgique, au grand-duché de Luxembourg, en république fédérale d'Allemagne et au Royaume-Uni le 1er janvier 1982 et le 1er janvier 1983 montre que le niveau des prix au Royaume-Uni dépassait en moyenne de 40 % le niveau des prix en Belgique et au Luxembourg, de 23 % le niveau des prix en France et de 20 % le niveau des prix en république fédérale d'Allemagne.
E. La distribution des conduites à droite sur le continent
(16) Sous le régime du contrat appliqué jusqu'au 30 juin 1985, les concessionnaires Peugeot-Talbot sur le continent ne furent, en règle générale, pas en mesure d'acquérir des conduites à droite directement auprès de leur concédant. Ils devaient nécessairement passer la commande à Sodexa, laquelle exerçait le droit de vente directe que Peugeot s'était réservé. Le concessionnaire était traité comme un commissionnaire ou comme un représentant et recevait, à la place de sa marge bénéficiaire habituelle, une commission qui, en règle générale, se situait autour de 8 %.
(17) Sur le marché allemand où existe une certaine demande locale de conduite à droite émanant des militaires britanniques qui y sont stationnés (en 1981, Peugeot y a vendu quelque 500 conduites à droite), les concessionnaires étaient, en fait, exclus de la distribution des conduites à droite. Le contrat de concession allemand prévoyait un droit de vente directe pour le constructeur qui, en pratique, était exercé par Sodexa dans le sens d'un droit de vente exclusif.
Pour ses ventes aux militaires britanniques, Sodexa avait conclu des accords de distribution avec deux sociétés commerciales spécialisées dans la vente à cette catégorie de personnes. Il fut interdit par contrat à ces deux entreprises de vendre des conduites à droite à des personnes autres que des membres du personnel des forces militaires britanniques en République fédérale.
(18) Les prix appliqués par Sodexa exprimés en francs français correspondaient en règle générale aux tarifs appliqués en France pour la vente aux consommateurs finals et ils ne différaient pas selon qu'il s'agissait de conduites à gauche ou de conduites à droite pourvues du même équipement de base. Pour les ventes aux militaires britanniques, Sodexa avait établi des tarifs spéciaux libellés en livres sterling et, dans la mesure où la vente devrait se faire en république fédérale d'Allemagne, en marks allemands.
(19) Une situation partiellement différente a existé en Belgique et au grand-duché de Luxembourg jusqu'en mars 1982. Les véhicules à conduite à droite pouvaient y être obtenus directement auprès de l'importateur, c'est-à-dire sans intervention de Sodexa. Les prix correspondaient à ceux des modèles homologues à conduite à gauche, plus une majoration d'environ 5 000 francs belges pour l'équipement obligatoire au Royaume-Uni.
(20) Ce n'est qu'en Belgique que les ventes de voitures à conduite à droite à des personnes domiciliées au Royaume-Uni ont atteint un volume notable (150 en 1983 et 137 en 1982). Elles ont connu leur sommet au premier trimestre de l'année 1982, pour régresser ensuite de façon abrupte. Sur les autres marchés du continent, les ventes de voitures à conduite à droite à des ressortissants britanniques sont restées très modestes, et ceci par suite du contrôle effectué par Sodexa et des mesures spécifiques adoptées par Peugeot pour mettre fin à ces ventes par ses concessionnaires (voir points 22 à 27).
Toutefois, Sodexa a elle-même, dans la deuxième moitié de l'année 1982, livré des conduites à droite de la marque Talbot au Royaume-Uni. Il s'agissait de quelque 150 conduites à droite, correspondant aux spécifications allemandes, qui étaient destinées initialement à des militaires britanniques en Allemagne, mais qui n'avaient pu y être vendues en raison d'un recul inattendu de la demande. Sodexa proposa ces véhicules tout d'abord à sa société soeur Talbot Motor. Comme Talbot Motor ne se montrait pas intéressée, Sodexa céda finalement les véhicules à des distributeurs indépendants, notamment à la firme Europlan, en vue de la revente à des acheteurs privés britanniques. Il résulte de tout ceci que ces ventes avaient uniquement pour but de débarrasser Sodexa de ce stock de véhicules vieillissants et autrement invendables. Cette initiative de Sodexa entraîna des protestations énergiques de la part des concessionnaires britanniques et de la direction de Talbot Motor au Royaume-Uni.
F. Les mesures dissuasives adoptées par Peugeot
(21) D'après les constatations de la Commission, Sodexa s'est efforcée de dissuader les candidats acheteurs de véhicules à conduite à droite, domiciliés au Royaume-Uni, de commander ces véhicules sur le continent. Les acheteurs qui s'étaient adressés par écrit à Sodexa ont été systématiquement priés de s'adresser à l'organisation de distribution britannique.
Cette attitude de refus vis-à-vis des clients domiciliés au Royaume-Uni contrastait nettement avec les efforts de Sodexa pour vendre le plus grand nombre possible de véhicules à conduite à droite aux autres acheteurs ressortissant des pays tiers, d'une part, et à des militaires britanniques stationnés sur le continent, d'autre part.
a) Les mesures prises sur les marchés belge et luxembourgeois
(22) Suite à l'augmentation sensible des demandes de voitures à conduite à droite qui se manifesta au début de 1982 principalement en Belgique, Peugeot-Talbot Belgique, société filiale compétente pour la distribution en Belgique et au grand-duché de Luxembourg, adressa le 23 avril 1982 à Peugeot un télex indiquant que la mesure instaurant un délai de livraison de six mois n'était pas suffisamment dissuasive car on continuait à enregistrer des commandes. Sodexa proposa, dans sa lettre du 30 avril 1982, que les ventes aux clients britanniques devaient se faire aux tarifs pratiqués par l'importateur en Grande-Bretagne (liste de prix other exports). Toutefois, elle donna instruction à Peugeot-Talbot Belgique de garantir un traitement spécial aux militaires britanniques stationnés en Belgique, sur justification de leur appartenance à ces forces militaires.
(23) À partir de la deuxième semaine de mai 1982, Peugeot-Talbot Belgique informa les concessionnaires que les commandes qu'ils avaient passées depuis le début de l'année avaient été annulées par le constructeur, que leur marge bénéficiaire avait été ramenée à 10 % et qu'il fallait escompter encore au cours du mois de mai une nouvelle hausse de prix d'au moins 10 %. Les concessionnaires furent priés de faire savoir s'ils voulaient maintenir les commandes passées compte tenu des nouvelles conditions. Si tel n'était pas le cas, les acomptes versés leur seraient remboursés.
(24) La réforme, en mai 1982, du système de fixation des prix pour les conduites à droite correspondant aux spécifications britanniques entraîna des hausses de prix d'environ 17 % en moyenne pour les véhicules Peugeot et d'environ 53 % pour les véhicules Talbot.
En même temps, l'écart des prix en Belgique entre les conduites à gauche et les conduites à droite passa à 31 % en moyenne pour les véhicules Peugeot et à 47 % pour les véhicules Talbot.
Les mesures prises par Peugeot conduisirent dans quelque trois cents cas à l'annulation des contrats de vente conclus par les concessionnaires belges avec des acheteurs britanniques, et, par la suite, à l'arrêt des commandes par des acheteurs britanniques de conduites à droite en Belgique.
b) Les mesures prises sur le marché néerlandais
(25) En mars 1982, on enregistra aux Pays-Bas une demande accrue de conduites à droite en version britannique. Des commandes furent alors refusées par Peugeot-Talbot Nederland après concertation avec Peugeot. Le 13 avril 1982, dans une circulaire adressée à tous les concessionnaires, la filiale néerlandaise faisait savoir qu'elle n'accepterait pas de commandes de conduites à droite en version britannique et qu'il y avait lieu de prier les candidats acheteurs de s'adresser à l'organisation de distribution britannique.
c) Les effets de ces mesures
(26) L'objectif des mesures prises par Peugeot était de protéger son réseau de vente au Royaume-Uni, en entravant les importations parallèles en provenance du continent. Ces mesures furent réellement efficaces comme en témoignent deux notes internes de Talbot Motor et Peugeot d'octobre 1982 et de janvier 1983. L'une reconnaît que la direction des ventes de Peugeot pour le nord de l'Europe a empêché efficacement les concessionnaires de vendre des voitures avec conduite à droite à des acheteurs du Royaume-Uni; l'autre revendique pour Peugeot d'avoir été, et de loin, la société automobile ayant importé le moins de véhicules en Angleterre.
G. Fourniture de renseignements inexacts par Peugeot
(27) Le 9 septembre 1982, la Commission a adressé à Peugeot SA une demande de renseignements fondée sur l'article 11 du règlement n° 17. Elle posait la question de savoir si les entreprises du groupe Peugeot exécutaient les commandes de leurs revendeurs agréés dans le cas également où il s'agissait de véhicules dont les spécifications ne correspondaient pas à celles du pays de la vente. Elle demandait en outre s'il existait d'éventuelles instructions aux termes desquelles les clients domiciliés dans le pays du concessionnaire agréé devaient être traités autrement que les clients domiciliés dans d'autres États membres de la Communauté.
Le 6 octobre 1982, Peugeot répondait en affirmant que tout concessionnaire agréé dans le marché commun était en mesure de se faire livrer des véhicules Peugeot et Talbot ayant des spécifications nationales autres que celles de son propre marché, dans la mesure où ces véhicules étaient fabriqués en série dans la version souhaitée. Peugeot niait également l'existence d'instructions aux termes desquelles les clients devaient être traités différemment en fonction du pays de leur domicile.
(28) Contrairement à ces déclarations, les concessionnaires Peugeot-Talbot n'étaient pas assurés de pouvoir vendre de tels véhicules. Il était faux de nier l'existence de toute instruction discriminatoire (voir points 23 et 25). Peugeot était consciente de l'inexactitude de ces renseignements, puisque sa direction savait comment se pratiquait la vente de véhicules dont les spécifications ne correspondaient pas à celles du pays de la vente et quel était le traitement discriminatoire appliqué aux clients domiciliés en Grande-Bretagne. C'est ce qui ressort en particulier d'une note interne du directeur chargé de la réponse à la Commission, datée du 6 octobre 1982, dans laquelle l'existence de telles mesures est expressément reconnue. La note se réfère en outre à des instructions par lesquelles Peugeot-Talbot Nederland interdisait à ses distributeurs de vendre des conduites à droite à des acheteurs britanniques. Or, l'existence de telles instructions est expressément démentie dans les renseignements fournis le même jour à la Commission.
(29) Dans une deuxième demande de renseignements du 28 janvier 1983, également fondée sur l'article 11 du règlement n° 17, la Commission s'enquérait des prix de vente appliqués en France, en Belgique, en république fédérale d'Allemagne, ainsi qu'au Royaume-Uni, pour les voitures à conduite à droite le 1er janvier 1982 et le 1er janvier 1983.
Dans sa réponse du 17 mars 1983 Peugeot déclarait que, dans les États membres du continent indiqués, les tarifs Sodexa de vente aux acheteurs finals étaient d'application. À ce propos Peugeot annexait un tableau qui indiquait, pour les années 1982 et 1983, des listes de prix identiques pour la France, la Belgique et la république fédérale d'Allemagne.
(30) Cette réponse était inexacte à plusieurs égards: ainsi, en Belgique, les prix appliqués du 1er janvier 1982 jusqu'en mars 1982 pour les conduites à droites de la marque Talbot n'étaient pas les prix Sodexa mais les prix du tarif belge normal augmentés d'une majoration de quelque 5 000 francs belges pour l'équipement britannique. Les prix communiqués pour les véhicules Peugeot en Belgique étaient également inexacts. Entre le 1er janvier 1982 et la hausse de mai 1982, les prix réclamés étaient nettement inférieurs aux prix Sodexa. En outre, les prix pratiqués à partir de mai 1982 étaient sensiblement supérieurs aux prix Sodexa.
Les renseignements fournis concernant le marché allemand étaient également inexacts. Les tarifs qui étaient appliqués, exprimés en marks allemands, se basaient sur les prix Sodexa, mais étaient en fin de compte inférieurs à ceux-ci, du fait que Sodexa accordait une remise générale au personnel militaire. De surcroît, les renseignements fournis sur les prix étaient trompeurs, puisqu'ils donnaient l'impression que les conduites à droite pouvaient être obtenues librement en Allemagne. En réalité, ces véhicules n'étaient livrés qu'au personnel militaire présentant une attestation de stationnement adéquate.
(31) Dans sa réponse aux griefs qu'elle a répétée dans ses grandes lignes au cours de l'audition du 10 décembre 1985, Peugeot reconnaît que les éléments de ses réponses étaient incomplets, mais en impute la responsabilité à un manque de transparence de l'information au sein du groupe, étant donné l'étendue du réseau de l'entreprise et le clivage interne des secteurs de responsabilité. En ce qui concerne la réponse du 6 octobre 1982, Peugeot reconnaît qu'elle était au courant de la réalité des faits mais, ayant estimé qu'il n'y avait pas de restriction de concurrence, elle avait décidé de faire partir la lettre malgré tout. En ce qui concerne plus spécialement la réponse du 17 mars 1983, Peugeot précise aussi que les prix cités dans la lettre sont ceux élaborés par le service chargé des prix auprès du siège social, et qu'il se peut qu'il y ait eu des divergences quant aux dates de leur entrée en application, les directions de Sodexa et des filiales locales bénéficiant en fait d'une certaine marge pour les fixer, compte tenu du contexte commercial propre à chaque marché.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. Refus de l'exemption à des accords de distribution Peugeot
(32) Les accords appliqués dans le cadre du système de distribution Peugeot et dérivant du contrat-type notifié par Peugeot le 30 janvier 1963 contiennent une série de clauses restrictives auxquelles l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 du traité est applicable et pour lesquelles les conditions d'une exemption au titre du paragraphe 3 dudit article n'ont pas été réunies pendant la période allant du 1er mai 1982 au 30 juin 1985.
1. Article 85 paragraphe 1
(33) Le système de distribution Peugeot repose en règle générale sur des accords bilatéraux entre Peugeot ou ses sociétés de distribution d'une part et leurs concessionnaires agréés d'autre part. Il s'agit d'un système qui s'étend à l'ensemble de la Communauté et qui est appliqué selon des principes uniformes fixés par Peugeot. Le contrat-type qui a été à la base de ce système de distribution jusqu'au 30 juin 1985 servait comme modèle ou donnait l'orientation pour les accords de concession Peugeot à travers tous les stades de distribution dans le marché commun.
Les dispositions principales de ce contrat-type (voir points 12 et 13) qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 sont les suivantes :
(34) L'engagement de Peugeot de ne pas conclure de contrats de distribution et de service de vente et d'après-vente portant sur des produits contractuels avec d'autres entreprises exerçant leurs activités dans le territoire convenu limite la liberté d'action de Peugeot et restreint la concurrence.
(35) Du fait que la concession accordée aux concessionnaires est limitée à la vente aux utilisateurs finals des véhicules neufs de la gamme visée par l'accord, il est impossible à d'autres distributeurs, y compris les importateurs parallèles, d'acheter des véhicules Peugeot et Talbot neufs pour les revendre. Aux termes de cette clause, même les ventes à d'autres concessionnaires agréés du réseau Peugeot restent exclues.
L'interdiction imposée aux concessionnaires de ne pas commercialiser, sauf accord de Peugeot, des véhicules neufs d'autres marques a pour effet que ces distributeurs ne peuvent être désignés comme points de vente par d'autres constructeurs. L'obligation d'utiliser uniquement les pièces d'origine offertes par Peugeot et, en France, par Peugeot et ses fournisseurs, empêche les autres fournisseurs de pièces de rechange de vendre aux concessionnaires des pièces substituables ou fonctionnellement adaptables aux pièces de Peugeot ou de ses fournisseurs.
L'interdiction imposée aux concessionnaires de promouvoir des ventes de produits contractuels en dehors du territoire convenu réduit l'intensité de la concurrence non seulement entre les produits contractuels à l'intérieur du réseau de distribution Peugeot, c'est-à-dire à l'intérieur de la marque, mais aussi entre les produits contractuels et ceux d'autres constructeurs, c'est-à-dire entre les différentes marques.
En raison du cumul de pareils accords dans le cadre du système de distribution Peugeot, le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun est entravé d'une manière sensible. Les effets restrictifs au sens de l'article 85 paragraphe 1 des accords pratiqués par Peugeot sont encore renforcés par l'existence de systèmes de distribution exclusive et sélective similaires appliqués par les autres constructeurs de véhicules automobiles.
(36) En outre, ces accords affectent le commerce entre États membres. En effet, les distributeurs non admis dans le système de distribution Peugeot se voient empêchés d'acheter les produits Peugeot et de les revendre à des acheteurs dans d'autres États membres. Les concessionnaires agréés ne sont pas autorisés à promouvoir activement la vente à l'exportation, y compris vers les autres États membres. Le commerce intracommunautaire est en outre affecté du fait que des produits concurrents offerts dans un État membre donné et à la recherche de débouchés dans un autre État membre n'ont pas accès au réseau des concessionnaires Peugeot.
(37) Les mesures prises par Peugeot (voir points 22 à 26), qui ont rendu plus difficile et même impossible pour certaines catégories de consommateurs l'achat de voitures à conduite à droite sur le continent, ont considérablement renforcé les effets restrictifs des dispositions contractuelles examinées ci-dessus et le degré d'affectation du commerce entre États membres(point 21 des motifs de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires jointes 25 et 26-84 le 17 septembre 1985) (5).
2. Article 85 paragraphe 3
(38) Certes, un système d'accords contenant des clauses restrictives telles que celles qui figurent dans les accords de concession Peugeot peut en principe produire les effets positifs nécessaires pour pouvoir bénéficier d'une exemption au sens de l'article 85 paragraphe 3. Une telle hypothèse est toutefois exclue dès lors que les concessionnaires ne peuvent pas commander des voitures neuves de la marque concernée pour répondre aux demandes d'une clientèle ressortissant d'un autre État membre, pour autant que ces voitures soient commercialisées dans cet autre État membre.
Un constructeur d'automobiles qui utilise les différences existant dans les spécifications des voitures afin de contrôler leurs débouchés et qui limite, selon les cas, la disponibilité des voitures à conduite à droite ou celle des voitures à conduite à gauche auprès de ses concessionnaires réduit, au détriment des consommateurs finals, l'offre et les possibilités d'achat. Il crée ainsi une situation au regard de laquelle ne sont plus réunis les effets favorables qui peuvent en principe résulter d'un système de distribution sélective et exclusive, tel qu'il est habituellement appliqué dans le secteur automobile [point 44 de la décision 83-560-CEE de la Commission (6) dans l'affaire Ford: article 5 paragraphe 1 point 2 sous d) et considérant 16 du règlement (CEE) n° 123-85].
(39) Peugeot a fait valoir que le contrat qu'elle a notifié devrait être interprété dans le sens que Peugeot s'est réservé, dans l'accord même, le droit exclusif de vendre aux consommateurs résidant hors de la zone du concessionnaire concerné les voitures munies de spécifications autres que celles prévues au contrat du concessionnaire: ce qui faisait en outre qu'elle était immunisée contre des amendes éventuelles dans la mesure où ses agissements restaient dans les limites de l'activité décrite dans la notification. La Commission laisse ouverte la question de savoir si le contrat permettrait aux concessionnaires de commander de telles voitures, parce que, de toute façon, l'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 ne peut être accordée (voir points 40 à 46), et parce qu'il n'est pas envisagé d'infliger dans ce cas des amendes pour les comportements de Peugeot dans le passé (voir point 47).
(40) Lorsqu'un constructeur se réserve de vendre lui-même d'une manière exclusive les modèles ayant des spécifications se distinguant de celles normalement offertes dans le territoire convenu aux utilisateurs locaux, il exclut pratiquement toute possibilité de concurrence pour ses produits au stade du commerce entre les États membres. De même, lorsqu'un constructeur refuse systématiquement ou rend pratiquement impossible la vente, ce comportement unilatéral a les mêmes effets qu'un droit exclusif de vente réservé.
Toutes ces mesures aboutissent à un cloisonnement des marchés.
(41) Sur le marché néerlandais, le refus de livraison de voitures à conduite à droite aux concessionnaires néerlandais a été absolu (voir points 25 et 26). En Belgique, les suppléments exigés ont eu les mêmes effets qu'un refus total de livrer des voitures à conduite à droite. Ces suppléments étaient tellement élevés et ont été introduits d'une manière telle que les consommateurs britanniques ont perdu tout intérêt à acheter dans ce pays (voir points 22 à 24 et 26).
(42) La réduction considérable de l'offre dans le réseau de distribution Peugeot vis-à-vis des acheteurs domiciliés au Royaume-Uni contraste avec le fait que Peugeot n'a, elle-même, nullement mis fin à la distribution de conduites à droite sur le continent. En effet, des conduites à droite présentant les spécifications de pays tiers restaient offertes et la vente au personnel militaire de véhicules en version britannique continuait même d'être encouragée par des prix et des conditions particulières qui demeuraient attrayants (voir point 20).
(43) Lors des auditions, Peugeot a fait valoir que les concessionnaires Peugeot Talbot ont rencontré dans les années 1981 à 1983 de sérieuses difficultés, tenant à la fusion des réseaux Peugeot et Talbot (chute du nombre des points de vente de 647 à 518), à la conjoncture économique défavorable (100 distributeurs automobiles ont quitté le marché) et enfin au développement des importations parallèles vers le Royaume-Uni, causé par la politique économique divergente des États membres (11 % de différence de l'indice des prix entre le Royaume-Uni d'une part, la Belgique et le Luxembourg d'autre part). Une telle situation aurait pu, en provoquant des courants commerciaux anormaux dans le marché commun, causer un tort irréparable à son réseau de vente au Royaume-Uni. Cependant il faut remarquer qu'un tel souci ne saurait justifier un cloisonnement des marchés, tel que celui mis en place par Peugeot. L'association des distributeurs britanniques, face à la situation décrite ci-dessus, invita d'ailleurs Peugeot à baisser les prix pratiqués au Royaume-Uni pour les rendre plus compétitifs.
(44) Étant donné que pour les consommateurs moyens la voiture constitue l'un des objets de consommation les plus coûteux et que la demande des consommateurs au Royaume-Uni porte presque exclusivement sur des conduites à droite, leurs intérêts étaient très gravement atteints par le refus de Peugeot de livrer des voitures à conduite à droite sur le marché néerlandais.
(45) En conclusion, les empêchements à la livraison de véhicules à des acheteurs domiciliés au Royaume-Uni rendent inexemptables, au titre de l'article 85 paragraphe 3, les restrictions de concurrence découlant du système de distribution Peugeot.
(46) Bien que Peugeot ait informé, le 24 décembre 1985, la Commission qu'elle a modifié ses accords de concession afin de les rendre conformes au règlement (CEE) n° 123-85, les accords en cause ne peuvent pas bénéficier, conformément à l'article 8 du même règlement, de l'exemption par catégorie en ce qui concerne la période allant du 1er mai 1982 au 30 juin 1985. En effet, dans la mesure où la Commission a ouvert, avant l'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 123-85, à savoir avant le 1er juillet 1985, la procédure prévue par l'article 9 du règlement n° 17 dans un cas individuel, comme il s'est avéré dans la présente affaire, cette communication ne peut pas produire les effets rétroactifs prévus à l'article 8 du règlement (CEE) n° 123-85.
(47) En ce qui concerne les mesures que Peugeot a prises pour empêcher l'achat de véhicules à conduite à droite, il n'y a pas lieu d'infliger une amende au sens de l'article 15 paragraphe 2 point a) du règlement n° 17 pour deux raisons. Dans l'hypothèse où le contrat de concession devrait être interprété dans le sens qu'il prévoyait l'exclusivité de vente des voitures à conduite à droite par l'intermédiaire de Peugeot et Sodexa (voir point 39), la notification couvrirait alors aussi le refus de vente, ce qui empêcherait l'imposition d'une amende (article 15 paragraphe 5 du règlement n° 17). Dans l'hypothèse où le contrat de concession permettrait la passation de commandes de voitures à conduite à droite par les concessionnaires continentaux, il n'y aurait pas lieu d'infliger une amende pour des agissements qui ont pris fin le 30 juin 1985 car c'est seulement dans l'arrêt qu'elle a rendu le 17 septembre 1985 dans les affaires 25 et 26-84 que la Cour de justice des Communautés européennes a apporté les clarifications nécessaires à ce sujet. Depuis que cet arrêt a été rendu, il faut considérer qu'une exemption fondée sur l'article 85 paragraphe 3 du traité ne peut être envisagée si des véhicules à conduite à droite ne sont pas disponibles. Depuis lors également, les entreprises participant, dans le cadre du réseau de distribution, à un refus de vente systématique doivent en outre s'attendre à ce que l'article 85 paragraphe 1 du traité soit directement appliqué.
B. Applicabilité de l'article 15 paragraphe 1 point b) du règlement n° 17
(48) Aux termes de l'article 15 paragraphe 1 point b), la Commission peut infliger des amendes allant de 100 à 5 000 unités de compte européennes à l'entreprise qui, de propos délibéré ou par négligence, répond de manière inexacte à une demande de renseignements présentée en application de l'article 11 paragraphe 3 ou 5 dudit règlement. Ainsi qu'il a été exposé en détail dans les points 27 à 31, Peugeot a répondu de façon inexacte à deux demandes de renseignements de la Commission.
(49) Pour ce qui concerne les renseignements fournis le 6 octobre 1982, la déclaration de Peugeot selon laquelle tout distributeur agréé dans le marché commun était en mesure de se faire livrer des véhicules Peugeot et Talbot présentant des spécifications nationales autres que celles de son propre marché et de les revendre à ses clients sans discrimination eu égard au pays de leur domicile, était objectivement inexacte: Peugeot avait, en réalité, soit refusé de livrer, soit adopté des mesures ayant des effets équivalant à un blocage de livraison. D'autre part, Peugeot ne pouvait pas nier l'existence de toute instruction discriminatoire, ayant donné aux Pays-Bas des instructions précises à ses distributeurs visant à traiter différemment les clients britanniques.
(50) Peugeot connaissait parfaitement tous ces éléments au moment de sa réponse. Elle a donc répondu délibérément de manière inexacte, comme elle l'a reconnu, en invoquant pour se justifier qu'elle était convaincue que les agissements concernés par les questions n'étaient pas visés par l'article 85. En conséquence de la réponse inexacte, la Commission n'a repris ses investigations qu'après avoir été saisie de nouvelles plaintes.
(51) Pour ce qui est de la réponse du 17 mars 1983 concernant les prix de vente au détail des conduites à droite en Belgique et en Allemagne, les renseignements étaient aussi inexacts puisque Peugeot avait communiqué que les tarifs Sodexa étaient d'application en 1982. En réalité le tarif appliqué en Belgique au 1er janvier 1982 et jusqu'en mars 1982 pour les voitures de ce type de la marque Talbot était le tarif normal de ce pays; toujours en Belgique, un tarif préférentiel a été appliqué pour les voitures Peugeot à conduite à droite jusqu'en mai 1982: à partir de cette date, les prix réclamés étaient sensiblement supérieurs aux prix Sodexa; en Allemagne les tarifs Sodexa n'étaient généralement pas d'application: ils étaient réservés au personnel militaire étranger qui, de surcroît, bénéficiait de remises substantielles.
(52) Peugeot a invoqué que les personnes auxquelles elle avait confié la rédaction de la réponse n'étaient pas complètement informées des prix appliqués en Belgique et en Allemagne aux dates considérées, et qu'elles ne savaient pas que les nouveaux tarifs, qui venaient juste d'être adoptés par Sodexa, étaient susceptibles, en raison des exigences des marchés respectifs, de ne pas être appliqués automatiquement par les distributeurs nationaux. En acceptant même à la décharge de Peugeot une telle hypothèse, il faut considérer que cette société n'a pas assuré au sein du groupe une surveillance suffisante pour éviter une fausse déclaration. L'inexactitude des renseignements communiqués est donc, à tout le moins, la conséquence d'une négligence.
(53) Les deux lettres de la Commission du 9 septembre 1982 et du 28 janvier 1983 peuvent être considérées, au bénéfice de Peugeot, comme ne constituant qu'une seule demande de renseignements au sens de l'article 11 du règlement n° 17, du fait que les séries de questions posées l'ont été dans le cadre d'un même contexte, et du fait également que dans la deuxième lettre il est fait référence à la première. À la suite de ces questions, Peugeot a fourni des renseignements inexacts, partiellement de propos délibéré (point 50), partiellement par négligence (point 52). En prenant en compte l'ensemble des éléments, il paraît donc opportun de fixer une amende d'un montant de 4 000 Écus.
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Le contrat-type de concession notifié par Automobiles Peugeot SA le 30 janvier 1963, qui a été à la base de son système de distribution de véhicules neufs dans les États membres de la Communauté économique européenne jusqu'au 30 juin 1985, a restreint la concurrence et affecté le commerce entre États membres, au sens de l'article 85 paragraphe 1. L'octroi d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 est refusé à cet accord de concession tel qu'il a été appliqué par Peugeot en Belgique, aux Pays-Bas et au grand-duché de Luxembourg, pour la période allant du 1er mai 1982 au 30 juin 1985.
Article 2
Une amende de 4 000 Écus (quatre mille), soit 27 413 francs français est infligée à Automobiles Peugeot SA, conformément à l'article 15 paragraphe 1 point b) du règlement n° 17, pour les renseignements inexacts fournis de propos délibéré le 6 octobre 1982 et par négligence le 17 mars 1983.
Cette amende est à verser à la Société Générale, agence internationale, à Paris, en francs français au compte n° 5.770.006.5 ou en Écus au compte 000.7.729.105.5 de la Commission des Communautés européennes dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision à Peugeot.
Article 3
La présente décision est destinée à Automobiles Peugeot SA, 75, avenue de la Grande Armée, F-75116 Paris.
La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du traité instituant la Communauté économique européenne.
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.
(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
(3) JO n° L 29 du 3.2.1975, p. 1.
(4) JO n° L 15 du 18.1.1985, p. 16.
(5) Non encore publié au Journal officiel des Communautés européennes.
(6) JO n° L 327 du 24.11.1983, p. 31.