CCE, 14 juillet 1986, n° 86-405
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Fibres optiques
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du Traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 4, 6 et 8; vu les demandes d'attestation négative et les notifications introduites par Corning Glass Works de New York et certaines de ses filiales (ci-après dénommées "Corning"), d'une part, et par plusieurs sociétés européennes, de l'autre, portant sur des accords d'entreprise commune et les accords de licences de brevet connexes ayant essentiellement pour objet la fabrication et la vente de fibres optiques et de câbles optiques, vu le contenu des demandes et des notifications publiées conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2); après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes; considérant ce qui suit:
I
LES FAITS
A. La procédure
(1) Les accords de 1981 relatifs du Royaume-Uni, énumérés à l'annexe I, ont été notifiés à la Commission le 17 mars 1981. Les accords allemands de 1973 et 1978 et les accords relatifs à une entreprise commune en France ont été notifiés à la Commission le 24 juin 1983. Les parties ont sollicité une attestation négative au titre de l'article 2 du règlement n° 17 ou, à titre subsidiaire, une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3.
(2) Le 6 juillet 1983, la Commission a engagé, au titre de l'article 3 paragraphe 1 du règlement n° 17, une procédure visant à constater une infraction éventuelle à l'article 85 paragraphe 1. La Commission a envoyé une communication des griefs à toutes les parties intéressées, estimant en particulier que la participation de Corning à l'exploitation de trois entreprises communes, ayant la même activité et situées dans trois Etats membres, était susceptible d'entraîner une répartition du marché entre lesdites entreprises communes, en leur permettant de coordonner à une vaste échelle leurs décisions en matière de production, de vente et de fixation des prix et d'échanger des informations susceptibles d'influer sur la concurrence. La Commission s'opposait également à certaines dispositions spécifiques contenues dans les accords notifiés.
(3) Les griefs de la Commission étaient mus par les pouvoirs de contrôle puissants dont Corning disposait sur chacune des entreprises communes, grâce à ses droits de vote aux assemblées générales et à sa représentation au sein des conseils d'administration desdites entreprises. L'appréciation de la Commission se fondait également sur la situation propre au marché des fibres optiques, à savoir la forte position de Corning sur le terrain des brevets, sur le fait que les partenaires de Corning figurent parmi les principaux fabricants de câbles, fournisseurs des administrations ou régies nationales des postes et télécommunications (PTT) dans leurs pays respectifs, et sur le nombre réduit de sources d'approvisionnement en fibres optiques dans le marché commun et dans le monde.
(4) En décembre 1983 eut lieu une audition à laquelle tous les intéressés ont présenté des observations à la Commission. A la suite de l'audition, les parties ont proposé des modifications aux accords initiaux. Ces modifications ont considérablement transformé la structure des entreprises communes et les droits et obligations des parties. La présente décision a pour objet les accords ainsi modifiés.
B. Les entreprises visées
Corning Glass Works
(5) Corning Glass Works est une société de droit américain enregistrée à New York, ayant de nombreuses filiales dans le marché commun et dans le reste du monde. Le groupe Corning possède des intérêts dans le développement, la fabrication et la vente de divers produits, essentiellement à base de verre et de céramique. En 1984, le groupe Corning a réalisé un chiffre d'affaires de 1 732 700 000 dollars américains.
(6) En 1970, Corning a réalisé une percée technologique en développant des fibres optiques utilisables à des fins de communication. Leurs principales applications relèvent du domaine des télécommunications, où elles sont appelées à remplacer dans une large mesure les fils de cuivre ou les câbles coaxiaux traditionnels. Leurs principaux avantages par rapport aux conducteurs traditionnels sont les suivants: volume accru du trafic, nombre réduit de relais pour relancer les signaux sur de longues distances et insensibilité aux interférences électromagnétiques.
(7) Depuis 1970, Corning a pris des mesures pour protéger sa technologie de fabrication des fibres optiques en déposant des brevets dans tous les grands pays du monde, notamment aux Etats-Unis d'Amérique, au Canada, au Japon et dans certains Etats membres de la Communauté économique européenne. Pour ce qui est de la Communauté européenne, Corning a déposé des brevets dans tous les Etats membres à l'exception de l'Irlande, du Luxembourg, de la Grèce et du Portugal. Les dépôts de brevets de Corning couvrent à la fois les produits et les procédés de fabrication des fibres optiques. Corning a été et reste engagée dans diverses actions en contrefaçon, notamment aux Etats-Unis d'Amérique et au Canada.
(8) En 1973 et 1974, Corning a passé des accords de développement commun avec BICC Plc et Plessey Plc au Royaume-Uni, Compagnie générale d'électricité (CGE) en France et Industrie Pirelli SpA en Italie. Au même moment, Corning créait en république fédérale d'Allemagne une société commune à parts égales avec Siemens AG, dénommée "Siecor GmbH". Corning et Siemens passaient également ensemble un accord de coopération technique équivalant aux accords de développement commun dans les trois autres pays.
(9) Les accords de développement commun confiaient aux partenaires européens le développement de la technologie nécessaire au câblage des fibres optiques, tandis que Corning poursuivait elle-même le développement des fibres. Corning donnait à ses partenaires l'option d'acquérir, à tout moment pendant la durée des accords, une licence exclusive (3) de fabrication et de vente de fibres optiques d'après ses brevets britanniques, français ou italiens, selon le cas. En 1980, CGE et Pirelli ont levé leurs options et pris la licence exclusive comme prévu dès l'origine. De leur côté, BICC et Siemens ont préféré conclure un accord d'entreprise commune plutôt que de prendre une licence exclusive. Les accords de développement commun ont tous pris fin avec la levée des options de licence ou la création des entreprises communes;
(10) Entre 1975 et 1978, Corning a conclu avec ses partenaires européens des accords de distribution exclusive (sauf à son égard) pour la vente de ses fibres optiques dans leurs pays respectifs. Au Royaume-Uni et en république fédérale d'Allemagne, Corning a accordé cette exclusivité de distribution aux entreprises communes qu'elle avait créées avec BICC (4) et Siemens;
(11) En 1981, Corning créait avec BICC une entreprise commune répartie pour moitié entre les associés, sous forme d'une unlimited partnership dénommée "Optical Fibres" (OF); en France, elle créait avec la Compagnie financière pour les fibres optiques (COFO) une entreprise commune, à raison de 40 % pour Corning et 60 % pour COFO, dénommée "Fibres optiques industries" (FOI).
(12) Les entreprises communes françaises et britanniques ont pour principal objet la fabrication et la vente de fibres optiques. L'entreprise commune allemande assure en outre la fabrication et la vente de câbles optiques. En fait, cependant, l'entreprise commune allemande se concentre sur la fabrication et la vente de fibres optiques, abandonnant à Siemens la fabrication et la vente de câbles optiques. Cette situation a été confortée par la création, en 1985, d'une nouvelle société commune, dénommée "Siecor Gesellschaft für Lichtwellenleiter mbH & Co. KG", qui a pour seule activité la fabrication de fibres optiques.
(13) En 1984, Corning a accordé une licence non exclusive à NV Philips Gloeilampenfabrieken aux Pays- Bas et en Belgique. En 1986, l'on apprit que Corning projetait de constituer en Espagne une filiale dans laquelle la Compania Telefonica Nacional de Espana prendrait une participation minoritaire et qui se consacrerait à la production et à la vente de fibres optiques.
(14) Aux Etats-Unis d'Amérique, Corning dispose actuellement d'installations de production de fibres optiques d'une capacité de 1 700 000 kilomètres par an, ce qui représente la plus forte capacité à l'échelle mondiale.
(15) Corning a mis en place un système de licences croisées avec AT&T, qui ne recouvre cependant que les inventions antérieures à 1980. Corning a également accordé des licences à ITT, Valtec, Spectran et Northern Telecom.
(16) Au Japon, Corning a concédé en 1977, à Furukawa Electric Co., une licence, en lui laissant la faculté d'accorder des sous-licences à Sumitomo et Fujikura.
BICC Plc
(17) BICC Plc figure parmi les premiers fabricants de câbles au Royaume-Uni et parmi les principaux fournisseurs de British Telecom. En 1984, le chiffre d'affaires global du groupe BICC a atteint 2 089 milliards de livres sterling. BICC dispose d'une unité de production de câbles optiques pour télécommunications à Blackley, près de Manchester.
(18) BICC n'a pas développé de technologie analogue à celle de Corning et ne lui fait pas concurrence sur le marché des fibres optiques.
(19) L'entreprise commune au Royaume-Uni a construit une unité de production de fibres optiques d'une capacité de 250 000 kilomètres par an.
COFO
(20) L'entreprise commune française, FOI, a été restructurée et la Commission n'a toujours pas reçu les modifications apportées aux accords initiaux. Sur la base de promesses faites par les parties, la Commission s'attend à la conclusion et à la notification prochaine de nouveaux accords, analogues à ceux intéressant les entreprises communes britanniques et allemande, après quoi elle envisagera l'octroi, au titre de l'article 85 paragraphe 3, d'une dérogation semblable à celle accordée par la présente décision.
Siemens AG
(21) Siemens AG figure parmi les principaux fabricants de câbles en république fédérale d'Allemagne et est le fournisseur principal de la Deutsche Bundespost. En 1983/1984, le groupe Siemens a réalisé un chiffre d'affaires global de 48 124 milliards de marks allemands. Siemens fabrique et vend elle-même des câbles optiques.
(22) Siemens n'a pas développé de technologie similaire à celle de Corning et ne fait pas concurrence à celle- ci sur le marché des fibres optiques.
(23) L'entreprise commune allemande construit actuellement une usine pour la production de fibres optiques, qui aura une capacité de 80 000 kilomètres par an.
C. Le produit
(24) Les fibres optiques sont susceptibles de remplacer les transmissions par micro-ondes et par satellite et les conducteurs traditionnels coaxiaux et en cuivre servant aux communications. Elles trouvent leur principale application dans le domaine des communications téléphoniques. La télévision par câble et les autres transmissions à large bande en constituent également une application importante. La technologie des fibres optiques est en évolution rapide et leur usage est appelé à se développer considérablement à mesure que leur prix baisse et que le volume des communications augmente. La plupart des Etats membres ont déjà installé des réseaux de communication optique et/ou projettent d'en installer.
D. Le marché
(25) Un tableau des producteurs de fibres optiques dans le monde, avec une estimation de leurs capacités actuelles, est joint en annexe II. Le tableau indique également si le producteur possède ou non une licence de Corning. A noter cependant que la production des usines de fibres optiques est susceptible de s'accroître rapidement, en sorte que les chiffres mentionnés sur le tableau risquent d'être bientôt dépassés.
(26) Les principaux marchés pour les fibres optiques sont l'Amérique du Nord, le Japon et la Communauté économique européenne. Dans la mesure où ils ne copient pas les brevets de Corning, les producteurs américains, canadiens et japonais peuvent vendre sur le marché communautaire. Les fibres optiques sont d'un transport facile.
(27) Les Etats-Unis d'Amérique et le Canada comptent actuellement neuf producteurs, dont trois fabriquent des fibres optiques sans être concessionnaires d'une licence de Corning. Corning et AT&T ont de loin les capacités de production les plus importantes, soit respectivement 1 700 000 kilomètres par an et 1 000 000 de kilomètres par an, ce qui représente quelque 80 % de la capacité de production totale estimée des Etats-Unis d'Amérique et du Canada.
(28) Le Japon compte six producteurs, dont trois fabriquent des fibres optiques sans être concessionnaires d'une licence Corning. Sumitomo, qui dispose d'une sous-licence de Furukawa, offre la plus grande capacité (240 000 kilomètres prévues pour 1986). Furukawa (concessionnaire d'une licence Corning) vient en deuxième position, avec une capacité projetée de 120 000 kilomètres pour 1986.
(29) Dans la Communauté, les producteurs sont actuellement au nombre de quatorze, y compris les usines en construction. Le Royaume-Uni compte quatre producteurs: OF, STC, General Electric Company Plc (GEC) et Pirelli Plc, OF étant seule à détenir une licence de Corning. En France, deux producteurs, FOI et CLTO, travaillent sous licence de Corning. La république fédérale d'Allemagne compte cinq sociétés qui produisent ou comptent se lancer dans la production: Siecor, Wacker, AEG, SEL (ITT) et PKI (Philips); parmi elles, seuls Siecor dispose d'une licence de Corning. Il existe un producteur en Italie, Fibre Ottiche Sud (FOS), dont Pirelli détient la moitié des actions, un aux Pays-Bas, Philips, et un au Danemark, NKT. FOS et Philips fabriquent des fibres optiques sous licence de Corning. NKT n'a pas de licence de Corning.
(30) Les entreprises communes de Corning dans la Communauté économique européenne ont une capacité de production conjointe de 385 000 kilomètres par an, ce qui représente quelque 48 % de la capacité de production totale estimée de la Communauté.
(31) Il existe d'autres producteurs de fibres optiques en Suède, en Suisse, en Australie, au Brésil et en Corée (voir annexe II).
(32) Sur le marché décrit ci-avant, Corning occupe une position à part, du fait qu'elle est titulaire d'un certain nombre de brevets de base pour la fabrication de fibres optiques dans la plupart des pays du monde. Toutefois, la situation de Corning en matière de brevets diffère selon les pays et plusieurs producteurs produisent des fibres optiques sans disposer d'une licence de Corning. Tel est notamment le cas de Sumitomo, qui produit des fibres optiques au Japon et aux Etats-Unis d'Amérique, participe à des entreprises communes en Australie et en Corée et a récemment accordé des licences à Pirelli General au Royaume-Uni et à Wacker-Chemitronic GmbH en république fédérale d'Allemagne. Corning a engagé aux Etats-Unis d'Amérique, contre Sumitomo, une action en contrefaçon de brevets qui est en instance. Elle n'a engagé aucune procédure de ce type dans la Communauté économique européenne.
(33) Les fibres optiques sont essentiellement vendues aux fabricants de câbles, qui les mettent sous câble et les livrent sous cette forme aux utilisateurs de câbles optiques. Les associés de Corning dans les entreprises communes de la Communauté économique européenne sont d'importants fabricants de câbles dont les besoins en fibres optiques sont considérables. Ils seront les principaux acheteurs des fibres optiques produits par leur entreprise commune.
(34) Les principaux utilisateurs de fibres optiques sont les PTT. Les associés de Corning dans les entreprises communes sont des fournisseurs attirés des PTT dans leurs pays respectifs. La coopération de Corning avec d'importants fabricants de câbles était indispensable à sa pénétration sur le marché communautaire. En effet, Corning n'a accédé que récemment au marché des télécommunications, où elle se trouvait confrontée aux politiques fermement établies d'approvisionnement local pratiquées par la plupart des PTT européens.
(35) Le prix des fibres optiques résulte de l'interaction de trois forces: les fournisseurs de fibres optiques, les fabricants de câbles et les utilisateurs finaux. Le prix des fibres optiques est également déterminé par le prix des conducteurs traditionnels, qu'elles concurrencent. L'étendue de l'utilisation des fibres optiques dépend essentiellement de leur efficacité sur le plan des coûts comparée à celle des câbles traditionnels.
(36) Depuis son introduction en janvier 1983, le prix de la fibre monomode a considérablement baissé. Cette tendance devrait se poursuivre à mesure que la technologie se développe et que la production augmente. Les niveaux de prix des fibres optiques subissent également une forte pression vers le bas du fait du système d'adjudication pratiqué par les PTT. Ce système détermine une vive concurrence entre les fabricants de câbles optiques; ceux-ci à leur tour font pression sur les prix des fibres optiques, qui représentent en général plus de la moitié du coût du câble.
E. Les accords notifiés et leurs modifications
(37) i) Au Royaume-Uni, les accords initiaux étaient au nombre de trois: un partnership agreement portant constitution de l'entreprise commune "Optical Fibres", un accord de licence de savoir-faire et de brevet au bénéfice de l'entreprise commune et un accord de distribution désignant l'entreprise commune en qualité de distributeur exclusif des produits Corning au Royaume-Uni et en Irlande.
ii) Le Partnership agreement, tel qu'il est modifié, comporte essentiellement les clauses suivantes:
- l'entreprise commune a pour objet la production et la vente de fibres optiques,
- le conseil d'administration ("le conseil") comprend cinq membres, dont trois désignés par BICC et deux par Corning,
- le directeur général de la partnership est choisi par BICC après consultation de Corning et est nommé par le conseil. Corning désigne le directeur technique. Le cas échéant, le conseil désigne un directeur financier,
- tous les autres directeurs responsables de la production, des ventes, de la commercialisation ou de la recherche sont choisis par BICC après consultation pleine et entière de Corning,
- les résolutions suivantes du Conseil requièrent un vote unanime:
a) changement important du domaine d'activité de l'entreprise commune;
b) négociations entre l'un des associés (ou ses sociétés apparentées) et l'entreprise commune, si les deux parties ne sont pas indépendantes l'une vis-à-vis de l'autre;
c) changement des commissaires aux comptes de l'entreprise commune;
d) décision de liquider ou dissoudre l'entreprise commune;
e) l'emprunt de fonds, sauf lorsque l'un des associés accepte de garantir ceux-ci sans recours à l'autre associé.
iii) L'accord de licence de savoir-faire et de brevet, tel qu'il est modifié, comporte essentiellement les dispositions suivantes:
- Corning accorde à l'entreprise commune, sur ses brevets au Royaume-Uni, une - licence non exclusive de fabrication et de vente de fibres optiques,
- Corning et BICC renoncent à utiliser des droits de brevet pour empêcher les exportations de fibres optiques vers le Royaume-Uni par Corning ou par toute entreprise commune dans laquelle Corning est impliqué dans un Etat membre de la Communauté économique européenne, sur une base de réciprocité,
- Corning, BICC et leur entreprise commune peuvent poursuivre une politique active de vente des fibres optiques dans tous les Etats membres de la Communauté économique européenne sauf dans les territoires où Corning a désigné un preneur de licence exclusive qui ne pourrait effectuer dans le Royaume-Uni que des ventes passives, auquel cas l'entreprise commune n'aurait dans ces territoires que des droits de ventes passives.
iv) L'accord de distribution qui désignait l'entreprise commune en tant que distributeur exclusif des fibres optiques produites par Corning pour le Royaume-Uni et l'Irlande a été annulé.
(38) i) En république fédérale d'Allemagne, les accords initiaux étaient au nombre de trois: un accord de l'entreprise commune créant la société "Siecor GmbH", un accord de licence aux termes duquel Corning et Siemens accordent une licence à l'entreprise commune sur leurs brevets respectifs et un accord de distribution désignant l'entreprise commune en qualité de distributeur des produits Corning en République fédérale.
ii) L'accord d'entreprise commune tel qu'il est modifié comporte notamment les dispositions suivantes:
- l'entreprise commune a pour objet le développement, la production et la vente de fibres optiques et de câbles optiques,
- l'entreprise commune vend elle-même les fibres optiques, mais elle vend les câbles optiques par l'intermédiaire de l'organisation de vente de Siemens. Siemens peut néanmoins acheter des fibres optiques à d'autres fournisseurs présents sur le marché,
- l'entreprise commune est représentée par un comité d'administration (Gesellschafterdelegation) et par un gérant (Geschäftsführer).
Aux réunions des actionnaires, Siemens dispose de trois voix et Corning d'une voix; les résolutions sont votées à la majorité simple, sauf sur les matières énumérées au point 37 sous ii) cinquième tiret lettres a) à d), qui requièrent une majorité des quatre cinquièmes.
Les gérants sont désignés par Siemens et nommés par le comité d'administration; le président, le président adjoint et tous les membres du comité d'administration sont nommés par Siemens.
iii) L'accord de licence tel qu'il est modifié contient essentiellement les clauses suivantes:
- Corning et Siemens accordent à l'entreprise commune, sur leurs brevets respectifs allemand et autrichien, une licence non exclusive de fabrication et de vente des fibres optiques et des câbles optiques,
- Corning et l'entreprise commune peuvent mener une politique active de vente de fibres optiques dans tous les Etats membres, sauf dans les territoires où Corning a désigné un preneur de licence exclusive qui ne pourrait effectuer en république fédérale d'Allemagne que des ventes passives, auquel cas ils ne pourront effectuer dans ce territoire que des ventes passives,
- Corning, Siemens et l'entreprise commune s'engagent à ne pas utiliser leurs droits de brevet pour empêcher l'importation en Allemagne de fibres optiques fabriquées par Corning ou l'une de ses entreprises communes dans la Communauté économique européenne, sous réserve de réciprocité.
iv) L'accord de distribution et de représentation commerciale qui désignait l'entreprise commune en tant que distributeur exclusif des fibres optiques et des câbles optiques par Corning pour la république fédérale d'Allemagne a été résilié.
(39) Les accords relatif au Royaume-Uni et à l'Allemagne, tels qu'ils sont modifiés, contiennent les clauses suivantes:
- les accords stipulent expressément que chaque entreprise commune vendra ses fibres optiques à tous les utilisateurs sans discrimination et traitera les tiers à l'instar de ses sociétés parentes,
- les associés de Corning se voient autorisés expressément à s'approvisionner en fibres optiques auprès de fournisseurs indépendants,
- chaque associé est autorisé à exiger une augmentation de la capacité de production de l'entreprise commune. L'accord allemand prévoit qu'en pareil cas l'associé demandeur supporte la charge des investissements complémentaires et achète le supplément de production. L'accord relatif au Royaume-Uni prévoit la recherche d'une formule convenant aux deux associés et permettant d'investir sans désavantager sensiblement l'autre associé,
- aucune des entreprises commune ne dispose d'une licence exclusive de vente,
- les accords de licence déclarent expressément que Corning, ses associés et chacune des entreprises communes ont le droit de mener une politique active de vente des fibres optiques sur le territoire de tous les Etats membres, sauf dans les pays où Corning désigne ou a désigné un preneur de licence exclusive qui ne pourrait effectuer sur le territoire des entreprises communes que des ventes passives,
- les associés de Corning et les entreprises communes ont l'option de prendre une licence non exclusive sur les brevets de Corning à l'expiration soit des accords d'entreprise commune, soit des accords de licence,
- les sociétés mères de chaque entreprise commune et l'entreprise commune elle-même s'engagent à ne pas transmettre d'informations aux autres entreprises communes ou à leurs sociétés mères concernant leurs prix, coûts, ventes, productions, plans de commercialisation ou tout autre renseignement intéressant la concurrence et relatif à d'autres fibres optiques ou câbles optiques;
La durée des accords d'entreprises communes est limitée à quinze ans à compter de la date de notification des accords modifiés; ils peuvent être reconduits moyennant l'accord de la Commission.
(40) Il convient encore de noter ce qui suit:
a) au Royaume-Uni, BICC a actuellement pour partenaire Corning Ltd, filiale à part entière de Corning Glass Works;
b) la renonciation réciproque aux droits de brevet susceptibles d'empêcher les importations ne s'applique pas aux droits de BICC sur un procédé de fabrication dont elle est l'inventeur et qui est utilisé par OF pour fabriquer des produits distincts de ceux fabriqués conformément aux brevets de Corning;
c) les droits de fabrication accordés aux entreprises communes en vertu des licences de Corning sont non exclusifs;
d) les entreprises communes ne sont pas tenues d'accorder à Corning des licences exclusives sur les améliorations qu'elles apportent à la technologie sous licence; l'octroi de licences non exclusives est cependant prévu à titre de réciprocité.
F. Observations des tiers
(41) A la suite de la communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, la Commission a reçu des observations écrites de la GEC Plc, entreprise britannique du secteur en cause dans la Communauté. Ces observations soulevaient plusieurs questions touchant à l'application des articles 85 et 86 et invitaient la Commission à différer une décision qui, en toute hypothèse, devrait être dûment motivée et prévoir des mesures de sauvegarde efficaces. La GEC s'opposait notamment au caractère exclusif des licences de fabrication accordées par Corning aux entreprises communes. Une solution est intervenue et les licences de fabrication accordées aux entreprises communes sur les brevets de Corning ne comportent pas ou plus de clauses d'exclusivité.
(42) GEC avait également présenté des plaintes auprès de la Commission au sujet de la constitution et des activités de l'entreprise commune au Royaume-Uni; elle invoquait à cet égard l'existence d'infractions aux articles 85 et 86 et invitait la Commission à mener plus loin son enquête. GEC affirmait que Corning et BICC auraient été des concurrents tout au moins potentiels lorsqu'elles ont constitué leur entreprise commune et invitait la Commission à examiner le comportement de ladite entreprise commune en matière de prix.
(43) La création de l'entreprise commune britannique est analysée au point 46 ci-après. Les activités de l'entreprise commune britannique sont examinées à la lumière des observations de GEC, notamment en matière de fixation des prix. Toutefois, dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par la présente décision, elles sont à considérer comme un problème distinct et ne font pas l'objet de la présente procédure.
(44) La Commission attend des destinataires de la présente décision qu'ils observent de bonne foi les clauses de accords modifiés, ainsi que les dispositions mêmes de la présente décision. L'article 8 paragraphe 3 du règlement n° 17 l'habilite à révoquer ou à modifier sa décision dans certaines circonstances et elle ne manquera pas de suivre de près l'évolution du marché des fibres optiques.
II
APPRECIATION JURIDIQUE
A. Article 85 paragraphe 1
(45) Les restrictions et distorsions de concurrence découlant des accords tiennent essentiellement à l'existence d'entreprises communes fonctionnant de manière analogue, auxquelles Corning participe activement. Bien que l'entreprise commune française ne fasse pas l'objet de la présente décision d'exemption (voir point 20 ci-avant), elle constitue une composante essentielle du contexte juridique et économique sur lequel se fonde l'analyse des entreprises communes britannique et allemande.
(46) Les divers accords d'entreprise commune ne restreignent pas en soi la concurrence entre Corning et ses partenaires respectifs. Au moment où les accords ont été conclus, les parties ne se faisaient de concurrence réelle ou potentielle ni sur le marché des fibres optiques ni sur celui des câbles optiques. La production des fibres optiques et celle des câbles optiques sont deux activités différentes. Corning n'avait aucune expérience dans la fabrication des câbles, tandis que les associés de Corning n'avaient, en matière de fabrication du verre, aucune expérience susceptible de déboucher sur une invention concurrente de celle de Corning. En dépit des ressources financières considérables des parties, la pénétration de Corning sur le marché des câbles optiques, ou celle des associés de Corning sur le marché des fibres optiques, n'étaient pas une conséquence naturelle et logiquement prévisible de leurs activités respectives. La coopération entre Corning et ses associés revêt plutôt un caractère complémentaire et n'entraîne aucune restriction ou distorsion de la concurrence au niveau des parties. Les accords n'empêchent nullement l'accès de tiers au marché et ne paraissent pas devoir affecter à d'autres égards leurs activités sur le plan de la concurrence. Les diverses modifications apportées aux accords initiaux assurent le maintien de la concurrence et évitent aux tiers d'avoir à subir les effets d'une discrimination ou d'un partage du marché. En outre, les conditions et obligations liées à la présente décision contribuent à protéger la concurrence et permettent à la Commission de surveiller l'évolution future.
(47) Il n'y a ni restriction, ni distorsion de la concurrence entre les sociétés mères et les entreprises communes. Les accords prévoient même que les sociétés mères sont libres de mener en toute autonomie des travaux de recherche et de développement axés sur les fibres optiques. En outre, les divers accords d'entreprise commune ne contiennent aucune obligation plus restrictive que celles qui sont tenues pour admissibles dans un accord de licence pur et simple entre non-concurrents. C'est ainsi que les parties pourraient mener en toute autonomie des travaux de recherche et de développement axés sur les fibres optiques, même si, en pratique, elles dépendent entièrement et constamment de la technologie qui leur vient de Corning. Enfin, les entreprises communes ne sont pas tenues d'accorder à Corning des licences exclusives sur les améliorations ou les innovations.
(48) Les principales restrictions et distorsions de concurrence dans le cas d'espèce se situent plutôt au niveau des relations entre les entreprises communes. Celles-ci ont toutes des activités essentiellement semblables, à savoir la production et la commercialisation de fibres optiques. Elles se font donc une concurrence directe. Pris dans leur ensemble, les accords créent un réseau d'entreprises communes reliées entre elles, dotées d'une source de technologie commune et travaillant sur un marché oligopolistique. Corning est l'un des principaux producteurs et distributeurs de fibres optiques dans le monde. Ses partenaires sont des fabricants de câbles qui occupent une large place sur le marché dans leurs pays respectifs. Les entreprises communes rassemblent ainsi des sociétés occupant des positions fortes sur les marchés des fibres et des câbles optiques. Bien que les entreprises communes puissent vendre activement et passivement sur les territoires les unes des autres, elles ne peuvent vendre que passivement dans les territoires où Corning a désigné un licencié exclusif. Corning est présente, sous forme d'entreprises communes, de filiales ou de licenciés, dans plusieurs Etats membres. Son apport financier, les représentants qu'elle peut nommer à des postes techniques et financiers importants des entreprises communes, dont le sort est lié à leur accès rapide à la technologie de Corning, assurent à Corning une position d'où elle peut influencer et coordonner la conduite des entreprises communes.
(49) Aucune des entreprises communes n'a développé sa propre technologie ou n'utilise une source de technologie indépendante. Aussi dépendent-elles toutes entièrement de la technologie de Corning pour produire des fibres optiques. Les entreprises communes dépendent aussi de la mesure dans laquelle Corning est disposée à leur fournir sa technologie la plus récente. L'aptitude des entreprises communes à produire des quantités suffisantes de fibres optiques de haute qualité à des prix compétitifs est fonction de leur accès constant et rapide à la technologie la plus développée de Corning. Dans le domaine des fibres optiques, la technologie, en évolution rapide, conditionne la réduction des coûts de production et une compétitivité accrue; le moment et le rythme auxquels Corning transfère sa technologie à chacune des entreprises communes est donc un élément crucial de son exploitation et de sa réussite. Compte tenu de cette dépendance technologique à son égard, Corning se trouve, malgré la réduction de ses droits de vote et de ses pouvoirs de gestion, en position d'influence dans chacune des entreprises communes et risque de mettre cette influence à profit pour coordonner leurs rapports de concurrence réciproques.
(50) La position de Corning est encore renforcée du fait de la part active qu'elle prend à l'application de sa technologie, par le truchement d'un représentant dénommé "directeur technique", qu'elle peut désigner dans chacune des entreprises communes. Bien que la personne même du directeur technique diffère de l'une à l'autre, cette représentation permet à Corning de coordonner l'application de sa technologie dans les entreprises communes, empêchant ainsi l'une de s'assurer un avantage technologique sur les autres. L'obligation pour chaque entreprise commune de rétrocéder à Corning, à titre non exclusif, toute amélioration, tout développement, toute invention, modification ou innovation relatifs à la technologie concédée par des licences permet également à Corning d'uniformiser le développement technologique des entreprises communes. Au contraire de licenciés indépendants, qui développent souvent dans des sens différents la technologie qu'ils acquièrent, les entreprises communes auront toutes, en l'espèce, le même développement technologique. Ce type d'uniformité réduit sensiblement la concurrence entre les entreprises communes, la technologie étant un élément clé dans la concurrence que se livrent les producteurs de fibres optiques.
(51) De plus, Corning conserve trois représentants au sein du conseil d'administration de l'entreprise commune au Royaume-Uni et un contrôleur financier dans l'entreprise commune allemande. Bien que ces représentants n'aient aucun pouvoir de décision, ils participent à la gestion journalière des entreprises communes et permettent ainsi à Corning d'influencer en permanence leurs politiques de production et de commercialisation.
(52) La participation active de Corning aux entreprises communes ne peut être comparée à un investissement financier pur et simple ou à l'octroi de licences en faveur de plusieurs tiers indépendants. Tout d'abord, les entreprises communes dépendent entièrement de la technologie de Corning et de son application par le directeur technique qu'elle désigne. Ensuite, le fait que Corning soit associée à chacune des entreprises communes crée un réseau de sociétés étroitement liées entre elles, bien que concurrentes. Etant donné l'étroitesse de leurs liens et leur dépendance technologique à l'égard d'un même associé, les entreprises communes ont peu de chances de se faire une concurrence aussi active que si elles étaient sans lien les unes avec les autres et qu'elles dépendaient d'associés différents et de technologies différentes.
(53) Le fait que les associés aient convenu de n'admettre aucun échange d'informations de nature concurrentielle entre les entreprises communes ne modifie guère l'analyse qui précède. La distorsion de concurrence découle de l'existence même d'un réseau d'entreprises communes liées et concurrentes, au sein desquelles l'un des associés est en mesure d'influencer la politique qu'elles mènent sur le marché.
(54)Les entreprises communes ne peuvent mener qu'une politique de vente passive dans les Etats membres, autres que la république fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni, où Corning désigne ou a désigné un licencié exclusif, qui ne peut mener lui-même qu'une politique de vente passive sur le territoire des entreprises communes. Cette limitation des droits aux seules ventes passives restreint la liberté de concurrence entre les entreprises communes et les autres licenciés de Corning à l'intérieur du marché commun. Etant donné la politique d'approvisionnement local pratiquée par la plupart des PTT, cette interdiction de mener une politique de vente active restreint la concurrence entre les entreprises communes et les autres licenciés de Corning.
(55) Les restrictions et distorsions de concurrence décrites ci-avant ont un effet sensible sur les échanges entre Etats membres, du fait que le commerce des fibres optiques est appelé à se développer rapidement pendant la durée des accords et que la distorsion de concurrence affecte un marché déjà hautement oligopolistique. L'oligopole est encore resserré par la réunion, au sein d'un même réseau, d'entreprises communes ayant un partenaire commun qui possède une technologie de base importante dans le domaine des fibres optiques. L'oligopole infléchit nécessairement l'évolution des échanges et ne peut qu'affecter sensiblement ceux-ci, lorsque des entreprises communes, des licenciés et des filiales unies par des liens multiples se trouvent soumis à l'influence et à la coordination d'un partenaire commun.
(56)En conclusion, les accords notifiés ont pour effet prévisible de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché commun et sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres. Ils relèvent de l'interdiction énoncée à l'article 85 paragraphe 1, sous réserve de leur exemption au titre du paragraphe 3 du même article.
B. Article 85 paragraphe 3
(57) Avant la modification des accords, les modalités de la participation de Corning à l'exploitation des entreprises communes lui permettaient en fait de contrôler leurs politiques de fabrication et de vente. Dès lors, ce réseau d'entreprises communes faussait gravement la concurrence entre lesdites entreprises et menaçait d'entraîner une répartition du marché entre elles. Le risque de collusion entre les entreprises communes était également considérable, sans qu'il fût nécessaire de conclure des accords spécifiques à cet effet.
(58) Les modifications apportées aux accords ont réduit l'influence exercée par Corning sur les politiques de commercialisation des entreprises communes. Toutefois, Corning conserve une position d'influence sur leurs politiques de production, en raison du rôle prédominant qu'elle joue dans la fourniture et l'application de la technologie nécessaire à la fabrication des fibres optiques. Cette distorsion de concurrence est cependant plus que compensée par les avantages importants liés à l'existence de ces entreprises communes. En conséquence, l'article 85 paragraphe 1 peut être déclaré inapplicable au titre de l'article 85 paragraphe 3.
a) Amélioration de la production et promotion du progrès technique
(59) Les accords permettent à plusieurs sociétés européennes de fabriquer un produit d'une haute technicité présentant, dans la Communauté, des avantages sensibles sur les câbles traditionnels et contribuent à promouvoir le progrès technique tant dans le domaine des fibres optiques que dans celui des câbles optiques.En outre, les entreprises communes rendent possible un transfert plus constant et plus rapide de la technologie de Corning. Cette introduction simultanée de la technologie la plus récente de Corning dans le marché commun est essentielle pour permettre aux sociétés européennes de résister à la concurrence des producteurs non communautaires, surtout aux Etats-Unis et au Japon, dans un domaine où la technologie évolue rapidement.
b) Part des utilisateurs dans le profit résultant des accords
(60) Les utilisateurs tirent profit de l'existence d'un produit nouveau, présentant des avantages distincts par rapport aux câbles traditionnels.Les fabricants européens de câbles et les PTT européens, en particulier, disposent à l'intérieur du marché commun d'un plus grand nombre de sources d'approvisionnement que si les entreprises communes n'avaient pas existé. Le transfert permanent et rapide de la technologie aux entreprises communes devrait se traduire par une baisse constante des coûts de production des fibres optiques et des câbles optiques. Il est à prévoir que cette réduction des coûts entraînera une baisse des prix pour les utilisateurs.
c) Caractère indispensable des accords pour réaliser ces avantages
(61)Les avantages résultant à la fois de la coopération constante entre un grand producteur de fibres optiques et les fabricants européens de câbles, ainsi que du transfert rapide d'une technologie sans cesse mouvante, ne peuvent être réalisés qu'en autorisant la participation de Corning aux entreprises communes.Un désengagement total ou partiel aboutirait à supprimer ces avantages pour les sociétés européennes, qui risqueraient dès lors de perdre leur compétitivité dans le marché commun et sur les marchés mondiaux. Les entreprises présentent pour l'industrie européenne des avantages importants, qui ne peuvent subsister que si Corning maintient sa participation.
(62) Les autres options possibles pour Corning étaient la commercialisation en Europe de fibres optiques importées des Etats-Unis, l'établissement, dans la Communauté économique européenne, d'usines lui appartenant à part entière ou l'octroi de simples licences. Aucune de ces options n'aurait présenté des avantages pareils à ceux des entreprises communes. Dans les deux premiers cas, il n'y aurait aucun transfert de technologie aux sociétés européennes, c'est-à-dire aucune diffusion de la technologie de Corning. L'octroi de simples licences, s'il intensifie la concurrence et encourage des développements ultérieurs par les licenciés, ne favorise pas la dissémination efficace d'une technologie en évolution rapide autant que le peuvent des entreprises communes étroitement liées entre elles.
(63) Les droits et obligations des participants aux entreprises communes ont été modifiés, à la demande de la Commission, pour réduire les distorsions de concurrence liées aux accords d'entreprises communes et à leurs accords connexes et les ramener au minimum indispensable pour assurer une exploitation efficace desdites entreprises.
(64) i) Réduction des droits de vote de Corning
La réduction des droits de vote de Corning aux assemblées générales de la société commune allemande (5), où ils sont ramenés en dessous du niveau requis pour s'opposer à une modification des statuts, élimine la possibilité pour Corning d'opposer son veto aux décisions de ces assemblées;
(65) ii) Réduction des droits de gestion de Corning
Corning a retiré tous ses représentants du conseil d'administration de l'entreprise commune allemande et a réduit le nombre de ses représentants au sein du "Board of Representatives" de la "Partnership" britannique. Elle ne détient plus aucun poste de direction dans les entreprises communes, sous réserve de son droit de désigner un directeur technique dans les entreprises communes et un contrôleur financier dans l'entreprise commune allemande.
(66) iii) Droit de veto
Les rares questions qui requièrent une décision unanime sont indispensables à l'exploitation des entreprises communes; il est en effet peu probable que les parties coopéreraient entre elles en l'absence de ce droit de veto.
(67) iv) Droit pour chaque entreprise commune de mener une politique de vente active sur le territoire des autres
Il n'existe plus d'exclusivités de vente et chaque entreprise commune a le droit de mener une politique de vente active sur le territoire de l'autre.Dans le cas d'espèce, le droit de vendre passivement n'eût pas suffi, compte tenu des circonstances suivantes:
a) le marché des fibres optiques étant hautement oligopolistique, il est essentiel que chaque entreprise commune soit en mesure de promouvoir et de distribuer activement ses produits sur le territoire de l'autre pour maintenir une concurrence suffisante sur le marché des fibres optiques;
b) les principaux acheteurs de fibres optiques et de câbles optiques -- les PTT -- accordent souvent la préférence à des fournisseurs locaux, tant pour les composants que pour les produits finals; si elles ne pouvaient vendre que passivement, les entreprises communes non locales pourraient se retrouver dans une situation défavorable sur le plan de la concurrence;
c) dans le secteur des fibres optiques ou des câbles optiques, il n'existe pas de commerce intermédiaire susceptible de créer une concurrence des prix par voie d'importations parallèles;
(68) Droit de vendre passivement sur les territoires d'autres licenciés de Corning
Là où Corning a désigné des licenciés exclusifs n'ayant le droit de vendre que passivement sur les territoires des entreprises communes, il est indispensable de limiter également les droits desdites entreprises communes aux seules ventes passives, dans les territoires de ces licenciés, afin d'y maintenir un rapport de concurrence entre ces licenciés et les entreprises communes.Cette situation ne porte toutefois pas atteinte à l'application de l'article 9 du règlement (CEE) n° 2349-84 de la Commission (6);
(69) Clauses de sauvegarde
Le droit pour chaque société mère d'exiger unilatéralement une extension de la capacité de production des entreprises communes, le droit des associés de Corning d'acheter des fibres optiques auprès de fournisseurs indépendants et l'obligation des entreprises communes de vendre leurs produits à tous les utilisateurs dans des conditions non discriminatoires sont des mesures de sauvegarde qui réduisent le risque d'un comportement anticoncurrentiel de la part des trois entreprises communes.
(70) Le droit de réclamer unilatéralement l'extension de la capacité de production évite toute limitation de la production des entreprises communes au cas où l'une des sociétés mères souhaiterait augmenter la production pour vendre à des tiers ou pour s'approvisionner elle-même en fibres optiques destinées à la fabrication de câbles optiques. Le droit d'acheter les fibres optiques aux fournisseurs indépendants empêche les entreprises communes de restreindre l'approvisionnement, par des tiers, des fabricants de câbles participant aux entreprises communes. L'obligation pour les entreprises communes d'approvisionner tous les utilisateurs dans des conditions non discriminatoires garantit aux concurrents des sociétés mères la possibilité de se procurer des fibres optiques auprès des entreprises communes et de concurrencer ainsi les sociétés mères sur un pied d'égalité.
(71) Durée des entreprises communes
La durée des entreprises communes est limitée à quinze ans, avec possibilité de renouvellement. Cette limitation dans le temps ouvre la perspective d'une concurrence future entre les parties, qui a des chances d'influer sur leur attitude pendant la durée des entreprises communes, en les incitant par exemple à mener de manière autonome une recherche et un développement axés sur les fibres optiques.
(72) Option d'acquérir une licence non exclusive à l'expiration des accords
L'option donnée aux associés de Corning et aux entreprises communes de prendre une licence non exclusive sur les brevets de Corning à l'expiration soit des accords d'entreprise commune, soit des accords de licence leur assure un accès permanent à la technologie de Corning et accroît les perspectives d'une concurrence future entre les parties.
d) Aucune possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits visés
(73) Bien que le jeu de la concurrence entre les trois entreprises communes soit faussé, les parties ne sont pas en mesure d'éliminer la concurrence dans une partie substantielle des produits visés, pour les motifs suivants.
(74) i) Il existe plusieurs autres producteurs de fibres optiques dans la Communauté. L'annexe II fournit des indications détaillées à ce sujet.
(75) S'il advenait que Corning ou ses entreprises communes, ayant intenté avec succès une action en contrefaçon de ses brevets dans la Communauté, refusent, sans juste motif, d'accorder des licences à des tiers, la Commission devrait examiner l'éventualité de révoquer la présente décision d'exemption conformément à l'article 8 paragraphe 3 du règlement n° 17. La même réserve joue à l'égard de tout changement qui affecterait les participants aux entreprises communes couvertes par la présente décision.
(76) ii) Le marché des fibres optiques dans la Communauté subit la pression des concurrents mondiaux. Ces pressions résultent essentiellement de la forte position des producteurs américains et japonais, en particulier AT&T et Sumitomo. AT&T dispose d'une licence mondiale sur les brevets de base de Corning. Elle pourrait à tout moment exporter vers la Communauté, ou y fabriquer des fibres optiques.
(77) iii) Les câbles subissent la concurrence des câbles traditionnels et des techniques de transmission par micro-ondes et par satellite; l'utilisation des câbles traditionnels, notamment sur les réseaux téléphoniques locaux, reste prédominante en raison de leur coût favorable.
(78) iv) Plusieurs gros concurrents, fabricants de câbles, ont la possibilité d'acheter des fibres optiques soit auprès des entreprises communes, sur une base non discriminatoire, soit auprès d'autres fournisseurs de fibres optiques, en vue de produire des câbles optiques.
(79) v) Les principaux utilisateurs, les PTT, ont un pouvoir d'achat particulièrement élevé; ils sont capables d'imposer, tant pour les fibres optiques que pour les câbles optiques, des prix concurrentiels au niveau mondial et de s'approvisionner, s'ils le désirent, auprès de producteurs non nationaux, y compris les entreprises communes non établies sur leur territoire.
(80) Pour tous ces motifs, Corning et ses associés ne seront pas en mesure d'éliminer dans la Communauté la concurrence pour une partie substantielle des produits visés.
C. Règlement n° 17
(81) Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, la décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité est accordée pour une durée déterminée et peut être assortie de conditions et de charges.
(82) Dans le cas d'entreprises communes de production exigeant de gros investissements à long terme et concernant un produit nouveau qui n'est pas encore pleinement établi sur le marché, une durée de quinze ans paraît indispensable pour permettre aux parties de faire fond sur leurs engagements réciproques et d'obtenir une rémunération satisfaisante de leur capital.
(83) Pour réduire le risque de collusion entre les entreprises communes, la présente décision d'exemption est subordonnée à la condition que les sociétés mères de chaque entreprise commune et l'entreprise commune elle-même ne transmettent à l'autre entreprise commune ou à ses sociétés mères aucun renseignement concernant les prix, les coûts, les ventes, la production, les plans de commercialisation ou toute autre information intéressant la concurrence en matière de fibres optiques ou de câbles optiques.
(84) La présente décision d'exemption impose également aux sociétés communes l'obligation de fournir annuellement à la Commission certaines données d'ordre commercial qui lui permettront de s'assurer que les conditions de l'article 85 paragraphe 3 continuent d'être remplies.
A ARRETE LA PRESENTE DECISION:
Article premier
1. Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du Traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 sont déclarées inapplicables aux accords d'entreprise commune et aux accords de licence connexes, tels que modifiés et énumérés à l'annexe I.
2. La déclaration prévue au paragraphe 1 est valable du 5 novembre 1985 au 4 novembre 2000 pour ce qui est des accords entre Corning et Siemens et du 8 janvier 1986 au 7 janvier 2001 pour ce qui est des accords entre Corning et BICC.
Article 2
La présente décision est soumise à la condition que les sociétés mères de chaque entreprise commune et l'entreprise commune elle-même ne transmettent à l'autre entreprise commune ou à ses sociétés mères aucun renseignement concernant les prix, les coûts, les ventes, la production, les plans de commercialisation ou toute autre information intéressant la concurrence en matière de fibres optiques ou de câbles optiques.
Article 3
Chacune des sociétés communes sont tenues de communiquer chaque année à la Commission, au plus tard le 30 juin suivant la fin de l'année calendrier qui précède, les renseignements suivants:
a) ses chiffres annuels totaux de production et de ventes;
b) copie de toute offre de prix qu'elle aurait faite dans la Communauté pour une quantité supérieure à 100 kilomètres de fibres optiques ou de câbles optiques;
c) pour ce qui est des commandes excédant 100 kilomètres de fibres optiques ou de câbles optiques, les noms des clients approvisionnés dans la Communauté, les prix facturés et les quantités fournies;
d) les prix et conditions de livraison afférents aux ventes effectuées par les entreprises communes à leurs sociétés mères.
Article 4
Sont destinataires de la présente décision:
(i) Corning Glass Works, Corning, NY 14831, USA
(ii) BICC Plc, 21. Bloomsbury Street, UK-London WCIB 3QN
(iii) Siemens AG, Wittelsbacherplatz 2, D-8000 München 2
(iv) Optical Fibres, Second Avenue, Deeside Industrial Park, Deeside, UK-Clwyd CH5 2NX
(v) Siecor GmbH, Kistlerhof 174 a, D-8000 München 70;
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° C 206 du 16. 8. 1985, p. 3.
(3) Les clauses d'exclusivité ne s'appliquaient cependant ni à Corning elle-même, ni aux sociétés américaines American Telephone and Telegraph, Western Electric, Southern New England Telephone Co. et Cincinnati Bell Inc.
(4) Avant la création de l'entreprise commune au Royaume-Uni, ces droits étaient accordés directement à BICC.
(5) Cette réduction des droits de vote ne s'applique pas à l'entreprise commune au Royaume-Uni, qui est une "unlimited partnership" et n'a pas d'assemblée générale des actionnaires.
(6) JO n° L 219 du 16. 8. 1984, p. 15.
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