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Décisions

CCE, 23 avril 1986, n° 86-398

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Polypropylène

CCE n° 86-398

23 avril 1986

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1, vu la décision, prise par la Commission, le 30 avril 1984, d'engager dans cette affaire la procédure d'office, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

PARTIE I

- LES FAITS

(1) La présente décision fait suite à des vérifications entreprises en octobre 1983, au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, auprès de la plupart des producteurs de polypropylène thermoplastique brut approvisionnant le marché communautaire. Au cours de ces vérifications, la Commission a découvert des documents prouvant que la majorité des fournisseurs de polypropylène implantés dans la Communauté économique européenne avaient participé, à intervalles réguliers, depuis la fin de 1977 environ, à un système institutionnalisé de réunions organisées entre les représentants des producteurs, au niveau des dirigeants et des directeurs techniques (réunions de "patrons" ou d'"experts"). Au cours de ces réunions, qui ont fini par se tenir deux fois par mois et qui étaient complétées par les réunions locales ad hoc organisées dans les divers États membres, les producteurs ont élaboré un système de régulation annuelle des volumes de production en vue de se répartir le marché existant selon des cibles convenues en pourcentages ou en tonnages, et fixaient périodiquement des prix cibles qui étaient mis en œuvre dans le cadre d'"initiatives" en matière de prix. Les quatre principaux producteurs, ICI, Hoechst, Montepolimeri et Shell (cette dernière n'assistant cependant pas aux réunions périodiques de patrons ou d'experts) formaient un directoire officieux connu sous le nom de "quatre grands", qui se donnait pour tâche de diriger et d'encourager les petits producteurs dans la mise en œuvre des divers mécanismes.

A. Le marché

I. Le produit

(2) Le produit faisant l'objet de la présente décision est le polypropylène, qui est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Inventé en 1954, il est un dérivé ultime du pétrole brut. Le naphte, matière première de base de l'industrie pétrochimique, est soumis à un processus de reformage ou de "craquage" par lequel on obtient (notamment) le propylène, constituant la matière première du polypropylène.

Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Certains producteurs sont intégrés verticalement dans le secteur de la transformation. La conversion peut être réalisée par voie d'extrusion, de moulage par injection ou de soufflage, selon l'application recherchée.

(3) Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales.

Pour la commodité, les principales qualités de base de polypropylène peuvent être décrites sous le nom de raphia (ou fibre), homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère "high impact" et film.

Les applications du polypropylène comprennent la fabrication de films pour emballage ou enregistrement, cordages, vêtements, composants d'automobiles, articles de ménage et autres articles de consommation courante.

Lorsque le rapport des prix est favorable, le polypropylène est susceptible de remplacer des produits tels que le bois, le métal, le papier, les textiles ou le jute, de même que d'autres plastiques tels que le polystyrène ou le chlorure de polyvinile (PVC).

Dans les qualités bon marché (telles que le raphia et les fibres), le produit est assez homogène ; en revanche, dans le domaine des copolymères, les possibilités de remplacer un fournisseur par un autre peuvent être limitées par les propriétés physiques et chimiques différentes des produits.

II. Les entreprises

(4) Les entreprises destinataires de la présente décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques. Elles ont en majorité leur siège social et leurs installations de production dans la Communauté. Un petit nombre relèvent pour leurs ventes de polypropylène d'un siège commercial situé à l'extérieur de la Communauté, dont elles approvisionnent cependant le marché.

(5) Les entreprises qui ont pris part aux infractions sont :

- Anic SpA, Milan, Italie (Anic),

- ATO Chimie SA, Paris, France (actuellement Atochem) (ATO),

- Basf AG, Ludwigshafen, Allemagne (Basf),

- DSM NV, Heerlen, Pays-Bas (DSM),

- Hercules Chemicals NV, Bruxelles, Belgique (Hercules),

- Hoechst AG, Franfurt sur le Main, Allemagne (Hoechst),

- Chemische Werke Hüls, Marl, Allemagne (Hüls),

- ICI PLC, Londres, Royaume-Uni (ICI),

- Chemische Werke Linz, Linz, Autriche (Linz),

- Montepolimeri SpA, Milan, Italie (actuellement Montedipe) (Montepolimeri),

- Petrofina SA, Bruxelles, Belgique (Petrofina),

- Rhône-Poulenc SA, Paris, France (Rhône-Poulenc),

- Shell International Chemicals Co. Ltd., Londres, Royaume-Uni (Shell),

- Solvay & Cie, Bruxelles, Belgique (Solvay),

- Saga Petrokjemi AS & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil), Bamble, Norvège (Saga).

BP CHEMICALS LTD, successeur de Rhône-Poulenc, et AMOCO CHEMICALS LTD ont reçu une communication des griefs, mais ces deux producteurs ne font pas l'objet de la présente décision.

III. Évolution du marché du polypropylène

(6) Le marché du polypropylène dans la Communauté économique européenne est actuellement approvisionné par quelque seize producteurs d'Europe occidentale, y compris ceux d'Espagne et du Portugal, qui ne sont pas parties à la présente procédure (3). Certains changements structurels sont intervenus dans le secteur depuis la date de la dernière réunion connue des producteurs, qui remonte à la fin de 1983. C'est ainsi que Montepolimeri et Hercules ont créé une filiale commune dénommée Himont. Quant à Saga Chemicals AS & Co, le producteur norvégien, il a été absorbé par la société pétrolière nationale Statoil à la fin de 1983 ; il constitue désormais un centre de profit pour ce producteur et n'a plus de personnalité juridique distincte.

(7) Le marché du polypropylène en Europe occidentale est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Les livraisons en provenance des États-Unis d'Amérique, d'Europe de l'Est et du Japon sont relativement peu importantes (entre 1 et 2,5 % du marché annuel total pour les cinq dernières années), bien qu'aucune limitation officielle n'ait été imposée aux quantités importables.

La demande totale de polypropylène en Europe occidentale (toutes qualités confondues) a été estimée pour 1983 à quelque 1,6 million de tonnes. Les exportations des producteurs d'Europe occidentale vers les marchés extra-européens (deep sea markets) ont atteint 350 000 tonnes environ. La capacité nominale (nameplate) estimée de l'Europe occidentale s'est chiffrée en 1983 à 2 430 000 tonnes environ, la capacité "réelle" étant légèrement inférieure (quelque 2 100 000 tonnes) (4).

(8) Les quatre grands producteurs, à savoir Montepolimeri, Hoechst, ICI et Shell, représentent ensemble quelque 50 % du marché communautaire du polypropylène (en 1977, leurs parts cumulées atteignaient 64 %). Montepolimeri était propriétaire de plusieurs usines en Italie et possédait avec Petrofina une installation de production en Belgique. Hoechst, le principal producteur allemand, possédait des unités de production en France et en Espagne, de même qu'en Allemagne. De même, ICI possédait une usine non seulement au Royaume-Uni, mais également aux Pays-Bas ; quant au groupe Shell, il avait des usines au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en France.

Le polypropylène fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres. Les installations de production sont situées en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal et au Royaume-Uni et chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

Montepolimeri, qui fait partie du groupe Montedison, principal producteur communautaire, occupait en 1982 quelque 15 % du marché. Après avoir repris en 1983 l'affaire d'un autre producteur italien, Anic, elle a représenté environ 18 % du marché européen.

Le 1er octobre 1983, Montepolimeri a créé une société comune, Himont, avec le principal producteur américain, Hercules, dont la filiale chimique européenne est Hercules Chemicals SA. La nouvelle société Himont regroupe toutes les installations de production des deux fabricants dans le monde bien qu'en Europe ils aient maintenu des services de commercialisation distincts. Montepolimeri est devenue Montedipe à la suite d'une réorganisation interne du groupe Montedison.

ICI, Shell et Hoechst sont de taille comparable et détiennent chacune une part de marché d'environ 11 % en Europe occidentale. Avant la création de Himont, Hercules détenait une part du marché ouest européen légèrement inférieure à 6 %. ATO, Basf, DSM, Hüls, Linz, Solvay et Saga (actuellement Statoil) contrôlaient chacune de 3 à 5 % du marché. Le dernier producteur ayant accédé au marché, Petrofina, est le plus petit, avec une part de 2 % en 1983 (voir tableau 1 de l'annexe).

(9) Le plus important marché national de la Communauté pour le polypropylène est l'Allemagne (quelque 24 % de la consommation de l'Europe occidentale en 1982), suivie par l'Italie (23 %), le Royaume-Uni (19 %) et la France (16 %) (voir tableau 2 de l'annexe).

La consommation de polypropylène en Europe occidentale a quintuplé depuis 1970. Au cours des années 1970, la progression moyenne de la demande a été de 15 à 20 % par an. Au cours des années 1980, le rythme de croissance s'est ralenti, tout en restant aux alentours de 9 % en moyenne. Les ventes de 1,6 million de tonnes réalisées en 1983 ont représenté une augmentation de 15 % par rapport à 1982, année où la croissance avait été de 6 % par rapport à 1981.

(10) Avant 1977, le marché du polypropylène en Europe occidentale (qui s'est chiffré cette année-là à 960 000 tonnes) était approvisionné par dix producteurs, à savoir, outre les quatre grands, Anic en Italie, Rhône-Poulenc en France, Alcudia en Espagne, Hüls et Basf en Allemagne et le producteur nationalisé autrichien Linz.

Les brevets de contrôle détenus par Montedison sont venus à expiration dans la plupart des pays européens en 1976 - 1978.

Sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules en Belgique, ATO et Solvay en France, SIR en Italie, DSM aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne. Saga, le producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978. Parmi les producteurs établis, Shell et ICI ont construit en France et aux Pays-Bas de nouvelles usines, qui ont commencé leurs activités en 1978. L'usine Montefina en Belgique (qui appartient conjointement à Petrofina et Montepolimeri) a été achevée au début de 1980. Montefina a tout d'abord servi de société commune de commercialisation pour les deux actionnaires. Depuis mars 1982, Petrofina commercialise elle-même sa part de la production de l'usine, le solde étant écoulé par Montepolimeri.

Depuis les vérifications de la Commission, un certain nombre de producteurs ont soit augmenté la capacité de leurs installations existantes de polypropylène, soit construit de nouvelles installations.

(11) L'arrivée en 1977-1978 de nouveaux producteurs, ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes, a entraîné une augmentation substantielle de la capacité installée en Europe occidentale qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande.

D'après les chiffres fournis par ICI, la demande de polypropylène en Europe occidentale pour 1977 ne suffisait que pour 51 % des capacités réelles de production, alors qu'en 1983 la consommation ouest européenne représentait un taux d'utilisation de 72 %. Compte tenu de la production destinée à l'exportation, les taux d'utilisation étaient de 60 % en 1977 et de 90 % en 1983.

Les documents recueillis par la Commission reflètent l'avis des producteurs selon lequel l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982 ; d'après les chiffres d'ICI, le taux moyen d'utilisation des producteurs européens serait même passé à 90 % en 1983 (exportations comprises).

Situation du marché d'Europe occidentale de 1980 à 1983

EMPLACEMENT TABLEAU

IV. Coûts et rentabilité

(12) Pendant la plus grande partie de la période de référence, le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles.

Les charges fixes sont considérables, de sorte que la rentabilité dépend dans une large mesure d'une optimalisation du taux d'utilisation des installations.

Quant aux charges variables, le coût de la matière de base, le propylène, est l'un des principaux éléments entrant dans le prix de revient du polypropylène. D'après les producteurs, le prix du propylène en marks allemands a doublé de 1977 à 1983 (avec des pointes plus élevées encore pendant une partie des années 1981 et 1982). Si les prix du polypropylène sont passés, pendant la même période, de 1,00 à 2 DM/kg ou davantage, ils auraient considérablement fluctué ; à certains moments, la marge entre le prix du propylène et celui du polypropylène qualité raphia serait devenue si réduite que les producteurs n'auraient même plus couvert leurs charges variables.

Alors que le prix de la matière première (propylène) représentait quelque 30 à 35 % du prix du polypropylène qualité raphia en 1977-1978, ce prix est passé, entre 1980 et 1982 à 55 - 60 % pour retomber à environ 50 % à la fin de 1983 (ce pourcentage est inférieur pour les qualités supérieures).

Selon les estimations faites par ICI au mois d'août 1982, un producteur de polypropylène, se situant dans une bonne moyenne, devait demander un relèvement de 1 DM/kg par rapport au prix du propylène pour pouvoir être en équilibre (coûts "factory gate", y compris les frais généraux et la dépréciation). Les producteurs à très faibles coûts de production pouvaient s'en sortir avec un relèvement inférieur (0,8 DM/kg) tandis que les producteurs moins rentables devaient demander un peu plus.

Les variations des prix du polypropylène n'ont pas toujours suivi celles des prix du propylène : par exemple, les prix du propylène ont subi une chute sensible à la fin de 1982 et ont eu tendance à rester constants en 1983 alors que les prix du polypropylène augmentaient sensiblement pendant le deuxième semestre de 1983.

D'après les producteurs, les prix du polypropylène ont augmenté lentement en 1982, mais ce n'est guère qu'à la fin de 1983 que les marges seraient devenues suffisantes pour permettre à certains producteurs tout au moins de réaliser un bénéfice pour la première fois depuis 1977.

ICI, Basf, DSM, Hoechst, Hüls et Montepolimeri ont soumis séparément leurs résultats financiers pour la période quinquennale 1979 à 1983 à une firme de vérificateurs comptables qui estiment les pertes cumulées des six entreprises à plus de 1 milliard de marks allemands (soit 435 millions d'Écus).

(13) En juillet 1982, à la suite d'une prise de contact officieuse de certains importants producteurs avec la Commission, neuf des principaux producteurs de thermoplastiques ont été invités par la Commission à assister à une réunion consacrée aux problèmes de restructuration de l'industrie plastique : huit d'entre eux étaient des producteurs impliqués dans la présente affaire : ATO, Basf, DSM, ICI, Hoechst, Montepolimeri, Shell et Solvay. La première réunion eut lieu le 14 juillet 1982 en présence des principaux dirigeants des producteurs et de trois membres de la Commission. Il y fut convenu de créer un groupe de travail qui produirait pour la Commission un rapport (le rapport "Gatti-Grenier") contenant des propositions en vue de réduire les capacités de fabrication des thermoplastiques LdPE, HdPE et PVC. Ce rapport fut présenté lors d'une deuxième réunion, à laquelle participaient la Commission et plusieurs des entreprises intéressées. Pour l'essentiel, il aboutissait à la conclusion qu'une entente de crise ne se justifiait pas et que des mesures unilatérales ou des accords bilatéraux tendant à la fermeture des installations excédentaires suffiraient à résoudre les problèmes du secteur. Aucun des producteurs n'a cependant estimé que des réductions de capacité substantielles s'imposaient dans le secteur du polypropylène. Or la Commission n'a jamais caché (voir notamment : Deuxième rapport sur la politique de concurrence, n° 27 à 31 ; Huitième rapport, n° 42 ; Douzième rapport, n° 38 à 41 ; Treizième rapport, n° 56 à 61) qu'elle ne pourrait admettre des mesures communes visant à résoudre un problème de surcapacités structurelles qu'à la condition expresse qu'aucune restriction inadmissible de la concurrence, telle la fixation de prix ou de quotas ne soit prévue. Cette réserve a toujours été formulée avec toute la clarté voulue à l'égard de tout producteur proposant des mesures de crise.

B. Enquête de la Commission

(14) Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, ont procédé à des vérifications simultanées sans avertissement préalable dans les locaux de dix entreprises destinataires de la présente décision : ATO, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Montepolimeri, Shell et Solvay. Une visite a également eu lieu dans les locaux de BP Chimie à Paris.

À la suite de ces vérifications, des demandes de renseignements ont été adressées, au titre de l'article 11 du règlement n° 17, aux producteurs approvisionnant le marché de l'Europe occidentale, y compris Linz et Saga. Linz a nié la compétence de la Commission et a refusé de répondre à la demande.

D'autres vérifications, cette fois au titre de l'article 14 paragraphe 2, ont été menées auprès des agents de vente de Linz en Allemagne et au Royaume-Uni, d'Anic en Italie et de la filiale de Saga Petrokjemi au Royaume-Uni.

C. Éléments de preuve

(15) Les principaux éléments de preuve servant à fonder la présente décision sont :

a) des comptes rendus détaillés (portant généralement la mention "personnel - ne pas classer"), rédigés par des cadres d'ICI à l'issue d'un nombre considérable de réunions (relatifs pour la plupart aux réunions tenues à partir du milieu de l'année 1982, mais aussi à des réunions antérieures, de 1979 à 1981) ; ces notes sont parfois assorties de tableaux détaillés indiquant des prix-cibles convenus pour chaque qualité principale du produit et dans les différentes devises nationales ;

b) les comptes rendus d'un cadre de Hercules, relatifs à deux des réunions pour lesquelles on possède également les comptes rendus d'ICI (10 mars 1982, 13 mai 1982) ;

c) les notes internes d'ICI, rédigées par les membres du personnel qui assistaient aux réunions et consacrées aux questions discutées ou à discuter aux réunions, ainsi que les documents évaluant les progrès réalisés et l'attitude des autres participants ;

d) des documents tels que pièces comptables, ordres de mission, etc., qui établissent ou confirment la présence de représentants des divers producteurs à la plupart sinon à toutes les réunions notoirement tenues en 1982 et 1983 (fait révélateur, l'objet réel de la réunion est généralement camouflé dans les ordres de mission, qui parlent de "visites à la clientèle") ;

e) les notes rédigées par ICI à la suite de réunions entre ses représentants et ceux de Shell, Montepolimeri et (occasionnellement) Hoechst (les "quatre grands") ;

f) des documents découverts chez ICI et Hercules, dont certains émanant des producteurs italiens ou allemands, donnant le détail des plans de quotas applicables en Europe à partir de 1979 ;

g) des documents élaborés par ICI, détaillant les modalités d'un nouveau système européen de quotas pour 1983, ainsi que les notes rédigées par ICI au sujet des propositions faites par chacun des producteurs et, dans certains cas, des documents de ces producteurs eux-mêmes (Basf, Saga et Solvay), contenant le détail de leurs propositions ;

h) des documents recueillis chez ATO, relatifs à l'échange de renseignements sur les livraisons effectuées par les producteurs français dans la Communauté économique européenne et à l'application des quotas sur le marché français en 1979, ainsi que des données sur le plan européen de quotas pour 1980 ;

i) des documents découverts chez ICI et chez Saga Petrochemicals (UK) LTD [aujourd'hui Statoil (UK) LTD] relatifs à des réunions locales tenues au Royaume-Uni, où des objectifs de prix ont été fixés ;

j) des documents internes émanant de divers producteurs, mentionnant des "objectifs de prix" et des "initiatives" en matière de prix, correspondant à ceux et à celles dont on sait qu'ils ont été convenus lors des réunions de producteurs ;

k) des instructions de prix émanant des sièges des divers producteurs à leurs divers bureaux de vente nationaux, leur donnant ordre ou instruction d'appliquer ou de se rapprocher de niveaux de prix correspondant à ceux dont il est prouvé qu'ils ont été convenus lors des réunions de producteurs ;

l) les réponses des producteurs aux demandes de renseignements faites au titre de l'article 11 du règlement n° 17, où ils admettent tous avoir participé à un grand nombre de réunions de "patrons" et "d'experts" et souvent aussi, à des réunions "locales".

Les preuves documentaires recueillies par la Commission dans l'exercice de ses pouvoirs au titre du règlement n° 17 sont résumées aux points 16 à 67.

I. L'accord initial sur les "prix plancher"

(16) Au cours de l'année 1977, après l'apparition de sept nouveaux producteurs de polypropylène en Europe occidentale, les producteurs en place ont entamé des discussions pour tenter d'éviter une chute brutale des prix et les pertes qui s'ensuivraient.

Dans le cadre de ces discussions, les principaux producteurs, Montepolimeri (alors Montedison), Hoechst, ICI et Shell ont pris l'initiative d'un "accord sur les prix plancher", qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977. L'accord initial ne comportait aucune régulation des volumes, mais en cas de réussite, certaines restrictions de tonnages étaient prévues pour 1978. L'accord sur les prix plancher devait être appliqué pendant une période initiale de quatre mois. Les modalités de cet accord ont été communiquées aux autres producteurs, et notamment à Hercules.

Les "prix plancher" relevés par le directeur du marketing d'Hercules pour les principales qualités, par État membre, se basaient sur un cours indicatif de 1,25 DM/kg pour la qualité raphia.

Les participants à l'accord étaient désignés sous le nom de "quatre grands", mais le plan prévoyait aussi la possibilité que des "importateurs", dont les noms n'étaient pas précisés, appliquent des prix légèrement inférieurs.

ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. D'après ICI, il se peut qu'une suggestion ait été émise quant à un niveau de prix en dessous duquel il serait interdit de descendre. ICI et Shell confirment que les discussions n'étaient pas limitées aux "quatre grands". Un document daté du 6 septembre 1977, découvert chez Solvay, indique qu'une réunion s'est tenue le 30 août 1977 entre cette société et Shell SA, société belge, pour discuter du prix du polypropylène. De son côté, Hercules était, pour le moins, très bien informé du résultat des discussions sur les prix. L'identité des autres producteurs impliqués dans les discussions à ce moment n'a cependant pas pu être établie.

Aucun détail précis n'a pu être obtenu quant au fonctionnement de l'accord sur les "prix plancher".

Toutefois, en novembre 1977, alors que le prix du raphia était, semble-t-il, tombé aux alentours de 1 DM/kg, Montedison annonçait son intention de le porter à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre et, le 25 novembre, la presse spécialisée faisait part du soutien apporté par les trois autres grands à cette initiative et de leur intention de procéder à des hausses similaires à la même date ou en décembre.

(17) C'est à peu près à ce moment qu'a débuté le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène. ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977 (c'est-à-dire après l'annonce de Montedison), mais admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant, probablement par téléphone et lorsque la nécessité s'en faisait sentir.

Shell admet la possibilité que ses cadres supérieurs "aient discuté des prix avec Montedison en novembre 1977 ou aux alentours de cette date et que Montepolimeri ait fait mention d'une éventuelle majoration des prix et suscité la réaction (de Shell) à cette éventualité" (réponse de Shell à la communication des griefs).

S'il n'existe aucune preuve directe que des réunions de groupe aient eu lieu avant décembre 1977 pour fixer les prix, les producteurs informaient déjà une association professionnelle de clients (EATP : "European Association for Textile Polyolefins"), lors de ses réunions de mai et novembre 1977, de la nécessité qu'ils percevaient d'organiser une action commune pour améliorer le niveau des prix. Dès mai 1977, Hercules avait souligné que l'initiative devrait venir des "chefs de file traditionnels" du secteur, tandis que Hoechst laissait entendre que, à son avis, les prix devaient être relevés de 30 à 40 % (source : compte rendu d'EATP).

L'initiative de Montedison (axée sur un prix de 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre) a été annoncée à la presse spécialisée quelques jours seulement avant la réunion de l'EATP tenue le 22 novembre 1977, au cours de laquelle Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay, qui y assistaient en tant que "membres associés", ont toutes déclaré qu'elles "soutiendraient" cette action. Leurs discours, tels qu'ils ressortent du compte rendu, indiquent que le prix de 1,30 DM/kg fixé par Montedison avait été adopté par les autres producteurs comme "objectif" pour le secteur tout entier.

Sous réserve de certaines remises, cette initiative a été appliquée et dès avril 1978, les prix européens pour le polypropylène sont cités comme ayant augmenté de 25 à 30 % depuis novembre 1977.

II. Le système des réunions périodiques

(18) Au cours de 1978, six réunions au moins ont eu lieu entre de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur polypropylène de certains producteurs. Ce système a bientôt été complété par des réunions d'un niveau moins élevé entre des cadres plus spécialisés en marketing (réponse d'ICI à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17). Dès le début de 1981, des sessions régulières réunissaient tantôt les "patrons" (hauts dirigeants ou directeurs) tantôt les "experts" (les spécialistes en marketing).

Chaque mois, les dates et le lieu des prochaines sessions de "patrons" et d'"experts" étaient convenus et l'un des producteurs était désigné pour les organiser. Le tableau 3 de l'annexe donne la liste des réunions connues.

Anic, ATO, Basf, DSM, Hüls, Hoechst, ICI, Linz, Montepolimeri, Petrofina, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay assistaient régulièrement à ces réunions (source : leurs réponses au titre de l'article 11 du règlement n° 17 et les références dans les comptes rendus de réunions). Hercules déclare y avoir assisté de façon peu régulière jusqu'au début de 1982, mais avec une fréquence accrue à partir du mois de mai de cette même année.

Bien que tous les producteurs aient été invités, au titre de l'article 11 du règlement n° 17, à communiquer la liste de réunions auxquelles ils avaient assisté depuis 1979, ils n'ont pour la plupart fourni de détails que pour les réunions tenues à partir du second semestre de 1982, soit pour la période où les ordres de mission déjà recueillis par la Commission démontraient leur présence à diverses réunions. À l'exception de Hüls, les producteurs cités ont cependant admis avoir participé aux réunions dès une date antérieure. Le tableau 4 de l'annexe donne le détail de leur participation depuis mai 1982.

(19) Rhône-Poulenc, ayant transféré son affaire de polypropylène à BP à la fin de 1980, a cessé de participer aux réunions. De même, Anic n'y a plus participé à partir du milieu ou de la fin de 1982, son affaire ayant été reprise par Montepolimeri en vertu d'un accord conclu en mars 1983. La Commission admet que BP et Amoco, filiale d'un producteur de pétrole américain, n'ont pas assisté aux réunions ; une certaine communication n'en a pas moins existé entre ces deux producteurs et les autres en matière d'initiatives de prix et de quotas, questions qui avaient été discutées aux réunions.

Jusqu'en août 1982, les sessions de patrons et d'experts étaient présidées par un représentant de Montepolimeri. Au milieu de 1982, ICI fut chargé de prendre la présidence, responsabilité qu'elle accepta à la condition que les producteurs poursuivent avec plus de détermination leurs efforts pour majorer les prix avant la fin de l'année (voir point 58 ci-après).

Shell ne participait pas aux sessions plénières, mais rencontrait occasionnellement les autres grands producteurs dans le cadre de réunions "ad hoc" pour discuter de problèmes particuliers liés à la fixation des prix et/ou à des restrictions de volumes ; à partir de la fin de 1982, elle a participé régulièrement aux réunions des "quatre grands", qui se tenaient la veille des réunions normales de "patrons" (réponses de Shell et d'ICI au titre de l'article 11).

Le tableau 5 de l'annexe donne la liste des réunions connues des "quatre grands".

(20) Les sessions de "patrons" et d'"experts" étaient complétées par de fréquentes réunions consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières : on sait qu'il y a eu des réunions consacrées à la Belgique, aux Pays-Bas, à la France, au Royaume-Uni, à l'Italie et à la Scandinavie (source : réponses au titre de l'article 11 ; comptes rendus de réunions). Il n'y a pas trace de réunions locales pour l'Allemagne, mais les trois producteurs allemands Basf, Hoechst et Hüls restaient en contact étroit et adoptaient une position commune sur certaines questions telles que les quotas (voir point 59 ci-après).

ATO, DSM, Hercules, Hüls, Hoechst, ICI, Montepolimeri, Petrofina, Shell, Solvay et Saga ont toutes admis avoir assisté à des réunions locales ou sont mentionnées dans les compte rendus comme y ayant assisté.

Le tableau 6 de l'annexe donne la liste des réunions locales connues.

III. L'objet des réunions

(21) Les réunions avaient pour objet (source : réponse d'ICI au titre de l'article 11 ; comptes rendus de réunions) :

a) la fixation des niveaux de prix que les producteurs s'efforceraient d'atteindre à une date déterminée ("objectifs de prix"), au moyen d'une "initiative" concertée, s'étendant parfois sur une période de plusieurs mois et comportant plusieurs "étapes" sous forme de majorations successives ;

b) la recherche d'un accord sur un tableau ou une liste d'objectifs de prix établi(e) par qualité principale et par devise, non seulement pour chacun des marchés locaux de la Communauté économique européenne, mais aussi pour d'autres pays d'Europe occidentale ;

c) la recherche d'un accord et/ou d'une recommandation sur les mesures à prendre par les producteurs pour assurer la mise en œuvre d'une initiative prévue en matière de prix, telle que le calendrier des augmentations prévues et des annonces qui en seraient faites aux clients, la limitation de la production ou des ventes, le contrôle des stocks ou le déroutage des livraisons vers les marchés d'outre-mer, et d'autres mesures encore destinées à créer un climat favorable aux majorations de prix ;

d) un examen axé sur les niveaux de prix couramment pratiqués dans la Communauté économique européenne ou sur un marché national particulier, le degré de réussite d'une initiative particulière de prix et les perspectives de majorations futures ;

e) l'indication par chaque producteur des tonnages dont il a accepté la commande pour livraison au cours du mois suivant, conformément à l'objectif de prix convenu ou à un prix inférieur (à partir du deuxième semestre de 1982 environ) ;

f) la négociation d'un accord annuel sur des "cibles" de vente ou "quotas" par producteur, compte tenu de la demande prévisible totale du marché, ainsi que des ambitions futures et des résultats passés de chaque producteur ;

g) le contrôle des parts de marché réalisées par chaque producteur, par rapport aux objectifs de volumes, sur une base mensuelle et annuelle, et pour les périodes où aucun quota annuel définitif n'avait été convenu, le contrôle des ventes "réalisées" par rapport à celles réalisées pendant une période de référence antérieure ;

h) la décision de prendre éventuellement contact avec les quelques producteurs qui ne participaient pas aux réunions (BP et Amoco) pour connaître leur point de vue ou s'assurer leur coopération sur divers points liés aux "initiatives" en matière de prix ;

i) lors des réunions locales surtout, l'examen des "anomalies" de prix et des explications exigées de tout producteur accusé par ses collègues d'avoir "transgressé" les prix (c'est-à-dire d'avoir vendu en dessous des niveaux convenus).

IV. Objectifs de prix

(22) L'une des principales tâches des réunions de producteurs, qui ont débuté à la fin de 1977, fut de fixer ce qu'ils appelaient des "objectifs de prix" pour chacune des principales qualités de polypropylène. Pour la commodité, les objectifs convenus étaient généralement fixés en marks allemands pour la qualité raphia en Allemagne (les prix en Allemagne de l'Ouest tendent à déterminer le niveau général des prix en Europe). Toutefois, des tableaux détaillés d'objectifs étaient couramment fixés dans diverses monnaies nationales pour plusieurs qualités : raphia, fibres fines, homopolymère à moulage par injection, copolymère, qualité "batterie" et qualité "film". Des exemples de pareils tableaux sont joints aux comptes rendus d'ICI sur les réunions de janvier 1981, du 13 mai et du 2 septembre 1982, ainsi qu'au compte rendu d'Hercules sur une réunion du 10 mars 1982.

(23) Une date était fixée pour la réalisation d'un objectif de prix. Parfois, les modalités de l'"initiative", en vertu de laquelle le niveau de prix à atteindre devait être établi par une action concertée, étaient déjà prévues plusieurs mois à l'avance. Les objectifs de prix étaient parfois réalisables en plusieurs étapes successives, réparties sur toute la période de l'initiative (exemple : 1,50 DM/kg le premier mois, 1,75 le deuxième et 2 le troisième). Les initiatives étaient parfois différées ou n'étaient appliquées qu'en partie au cours d'un mois déterminé, afin de créer le climat voulu pour accomplir un effort décisif le mois suivant (going firm). Des aménagements pouvaient être admis pour un pays déterminé, en fonction des conditions locales du marché, des contrôles de prix, des fluctuations des taux de change et d'autres facteurs encore.

Pour réaliser les initiatives de prix convenues, les producteurs ont imaginé plusieurs formes d'action concertée (voir point 27), qui visaient essentiellement à relever les prix en une ou plusieurs "étapes" décisives, plutôt que d'une manière continue.

Les prix réalisés marquaient cependant, d'une manière générale, un retard par rapport aux objectifs (voir point 74 ci-après) et certaines zones faibles étaient parfois définies sur un marché national ou pour un produit particulier déterminé ; en pareil cas, le plan devait être modifié ou son application remise à plus tard.

Les producteurs suivaient l'avancement de chaque initiative en matière de prix et, lors des réunions, échangeaient des informations sur les mesures qu'ils avaient prises et sur l'évolution du niveau des prix sur les divers marchés (source : réponse d'ICI au titre de l'article 11 ; comptes rendus de réunions).

V. Initiatives en matière de prix : généralités

(24) Une fois convenues, les "initiatives" en matière de prix devaient se traduire par une action concertée sur le marché en vue d'appliquer la majoration de prix (à cet égard, l'on notera que presque tous les producteurs ont prétendu au cours de la procédure administrative qu'une "action concertée sur le marché" était inconcevable en l'espèce, les instructions données en matière de prix étant, pour chaque entreprise, une opération purement interne).

La presse spécialisée annonçait régulièrement à l'avance les diverses initiatives en matière de prix, en indiquant les nouveaux prix "cibles" (généralement libellés en DM) ainsi que les intentions des producteurs quant à de nouvelles hausses possibles.

Ces initiatives n'étaient pas spécifiquement décrites comme résultant d'un accord systématique, mais étaient qualifiées d'une manière générale, de "poussée des prix" ou d'"offensive" des producteurs en vue de relever les niveaux de prix jusqu'à une cible déterminée.

À partir du moment où les producteurs ont commencé à fixer des objectifs de prix aux réunions, la presse spécialisée citait souvent l'un ou l'autre des grands producteurs comme "dirigeant" une initiative axée sur la réalisation d'un objectif de prix particulier, les autres étant décrits comme "soutenant" la majoration. Encore le 20 mai 1983, un compte rendu de réunion rédigé par ICI mentionnait une majoration des prix qui devait être dirigée "publiquement" par Shell et, peu après, un organe de la presse spécialisée reprenait l'information.

Malgré les risques liés à la conservation de pareils messages, les documents découverts chez ICI indiquent que les annonces étaient perçues comme un moyen utile de préparer le marché à une hausse des prix et d'indiquer aux clients qu'elle serait soutenue par tous les producteurs.

(25) Outre les avis publiés dans la presse spécialisée sur les initiatives envisagées en matière de prix, les producteurs eux-mêmes préparaient parfois l'introduction de nouvelles cibles en prévenant leurs clients bien à l'avance des majorations à venir. Les clients étaient ainsi préparés aux majorations au moment de leur annonce officielle. Les bureaux de vente recevaient parfois instruction de ne pas s'engager à approvisionner un client au prix nouveau au-delà d'une certaine date, afin de faciliter de nouvelles augmentations. À l'occasion, au cours d'une initiative prévoyant une hausse en plusieurs étapes, un producteur donnait instruction à ses bureaux de vente de différer les offres qu'ils faisaient aux prix nouveaux jusqu'au tout dernier moment, afin de tirer tout le profit possible du "mouvement" ascendant des prix.

Les sièges centraux engageaient parfois aussi leurs effectifs de vente à adopter une attitude "dure" à l'égard des clients et leur suggéraient des arguments conçus pour vaincre la résistance des clients et persuader ceux-ci d'admettre une hausse envisagée.

À d'autres moments, lorsqu'il était jugé utile ou opportun de faire des concessions à certains clients pour les inciter à admettre une majoration de prix, les bureaux de vente jouissaient d'une certaine marge de manœuvre ; d'une manière générale, ils devaient cependant obtenir le consentement préalable du siège central pour tout arrangement spécial intéressant un gros client.

Les modifications de prix étaient généralement annoncées aux clients par voie de lettres circulaires expédiées par les bureaux de vente nationaux. Ces lettres prenaient parfois la forme d'une brève annonce indiquant qu'à partir d'une certaine date le prix serait majoré d'un montant déterminé. En d'autres circonstances, elles indiquaient les motifs de la hausse. Les listes de prix, lorsqu'elles existaient, étaient apparemment réservées à l'usage interne.

(26) La Commission a obtenu de chacun des producteurs les instructions communiquées par le siège central aux différents bureaux de vente nationaux au cours de ces dernières années. Ces séries d'instructions de prix ne sont pas complètes, surtout pour la période antérieure à 1982, et pour certains producteurs, ne couvrent qu'un petit nombre des initiatives de prix connues. Le schéma général qui s'en dégage indique que peu après les réunions où des objectifs de prix spécifiques étaient fixés par qualité et par devise principales, chaque producteur donnait instruction à ses filiales de vente nationales ou agents de vente nationaux d'appliquer ces prix cibles.

Pour qu'une initiative en matière de prix fut suivie d'effets, il fallait créer des conditions favorables à une augmentation ; aussi diverses mesures étaient-elles recommandées ou convenues périodiquement aux réunions en vue de faciliter la mise en œuvre d'une initiative projetée.

(27) Les mesures convenues à divers moments lors des réunions pour aider à la réalisation des niveaux fixés comme objectifs ont comporté notamment :

- les instructions données aux bureaux de vente de renoncer à certains volumes de ventes plutôt que de céder sur les prix,

- la restriction des ventes effectuées par chaque producteur afin de les ramener au niveau d'une période antérieure déterminée : c'est ainsi qu'à la fin de 1979, il fut convenu que chaque producteur ramènerait, au cours du dernier trimestre de l'année, ses ventes mensuelles à 1/12 de 80 % du tonnage vendu au cours de l'année antérieure,

- le déroutage des approvisionnements, qui seraient expédiés dans toute la mesure du possible vers les marchés d'outre-mer, afin de créer en Europe occidentale une pénurie favorable à la majoration des prix,

- l'échange de renseignements sur les projets de fermeture temporaire d'usines, susceptibles de contribuer à une réduction de l'offre globale,

- le fait pour les producteurs n'approvisionnant pas régulièrement un client déterminé, s'ils étaient contactés par celui-ci, de lui faire offre à des prix dépassant légèrement l'objectif, pour éviter que le client ne se livre à la pratique du "tourisme" (c'est-à-dire ne s'adresse à un nouveau fournisseur dans l'espoir d'obtenir un prix plus favorable que celui cité par son fournisseur traditionnel),

- la communication, aux quelques producteurs qui n'assistaient pas aux réunions, du résultat d'une réunion particulière, en vue de les persuader d'aligner plus étroitement leurs prix sur ceux du "club" ou d'obtenir, de toute autre manière, qu'ils soutiennent une initiative en matière de prix,

- à partir de septembre 1982 environ, un système connu sous le nom d'"account management" ou, sous une forme plus tardive et plus raffinée, "account leadership" (account = client), visant à garantir l'application effective d'une majoration convenue en désignant un fournisseur chargé de coordonner (secrètement) leurs rapports avec un client particulier.

Ce système, proposé par le représentant de la firme Hercules, exige quelques explications. Des clients "clés" furent identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un "coordinateur" fut désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système fut proposée, qui prévoyait la désignation d'un chef de file (leader) chargé d'"orienter, de négocier et d'organiser les mouvements de prix". Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec le client, étaient connus sous le nom de "contenders" (concurrents) et coopéraient avec l'account leader lorsqu'ils faisaient offre aux clients en question. Pour "protéger" l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client ferait offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. Ces producteurs étaient désignés sous le nom de "non-contenders".

Tous les producteurs qui participaient alors aux réunions (y compris Shell) ont été nommés coordinateurs ou "leaders" d'au moins un gros client. ICI prétend que le plan s'est écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace. Le compte rendu complet de la réunion des experts tenue le 3 mai 1983 indique cependant qu'à cette époque le cas des divers clients était encore examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.

VI. Initiatives individuelles en matière de prix

(28) Le système des objectifs de prix et des initiatives a été appliqué à partir de la fin de 1977 (ICI déclare que "l'idée de recommander des objectifs de prix s'est développée au cours des premières réunions, tenues en 1978", mais les documents prouvent que la concertation entre les producteurs sur les prix avait débuté dès l'année précédente). Les détails manquent sur la manière dont chaque producteur a appliqué ces mesures au cours des premières années. Toutefois, la Commission, en s'appuyant sur les documents recueillis, a pu identifier au moins six initiatives depuis la fin de 1979 (dont certaines se sont étendues sur plusieurs mois) pour lesquelles l'on dispose également des instructions internes données par la plupart des producteurs :

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Les six initiatives de prix connues sont décrites aux points 29 à 51 (voir aussi tableau 7 de l'annexe)

a) juillet à décembre 1979

(29) Le prix du propylène a augmenté sensiblement au cours de l'année 1979. Le prix du polypropylène a suivi la tendance de sa matière de base. La presse spécialisée signale les "tentatives concertées" des producteurs pour suivre l'escalade du prix du propylène. Vers le milieu de 1979, le prix de la qualité raphia était d'environ 1,65 DM/kg.

On ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indique cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre. C'est ce que confirme le compte rendu d'une réunion interne de Shell tenue le 5 juillet 1979 : "Le prix cible pour le 1er juillet 1979 avait été fixé à 1,90 DM/kg, mais ce niveau n'est pas atteint, notamment en France et en Allemagne".

(30) Selon la presse spécialisée, Montedison (Montepolimeri) aurait envisagé de porter ses prix à 2,05 DM/kg au 1er septembre, avec l'appui de Shell et d'ICI. L'on dispose des instructions de prix communiquées aux bureaux de vente par ces deux derniers producteurs, ainsi que par ATO, Basf, Hoechst et Linz ; il en ressort qu'ils avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre. Ces instructions ont presque toutes été données avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue chez Montedison (l'on ne dispose pas d'instructions de prix donnés par d'autres producteurs).

(31) À la fin de septembre 1979, le prix du raphia se situait de 1,70 à 1,75 DM/kg, soit un peu en dessous de la cible. Le compte rendu de la réunion d'un groupe du secteur Polypropylène chez Shell, tenue le 12 septembre 1979, rapporte ce qui suit : "Le président relève que le prix cible pour septembre (2,05 DM/kg) n'a pas été atteint, ce qui est particulièrement fâcheux pour Shell, compte tenu de l'ampleur de nos frais généraux . . . il s'avère difficile de majorer les prix davantage, sans l'impulsion qui résulterait d'une hausse de prix des monomères, d'autant que certains concurrents réalisent des profits aux niveaux actuels des prix de vente".

En conséquence, la date prévue pour atteindre la cible de 2,05 DM/kg est reportée de plusieurs mois, soit au 1er décembre, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (source : note à ICI de la réunion du 26 septembre 1979).

D'après la note d'ICI sur la réunion au cours de laquelle la cible de 2,05 DM/kg fut reportée à plus tard, "la nécessité d'un système rigoureux de quotas (est) reconnue" ; la même note mentionne un projet qui avait été proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.

À la fin 1979, le niveau général des prix atteint 2 DM/kg pour la qualité raphia, ce qui est proche de l'objectif convenu (2,05 DM/kg).

b) Janvier à mai 1981

(32) Aucun compte rendu des réunions de 1980 n'a été découvert ; l'on sait cependant que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (voir tableau 3 de l'annexe).

Au début de l'année, la presse spécialisée annonce que les producteurs sont favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980 ; on constate cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui retombent au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ.

Les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz, Montepolimeri et Saga, outre ICI) indiquent que pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980/janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporte un tableau comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981, qui s'établissent à 1,50/1,70/2 marks allemands. Initialement, il était prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 (une réunion avait eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre), mais cette initiative est repoussée au 1er janvier 1981.

(33) En décembre 1980, de nouveaux objectifs sont fixés pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, 1,85 DM/kg pour l'homopolymère et 2 DM/kg pour le copolymère. Au cours de deux réunions tenues en janvier 1981 (à ce moment, les "patrons" et les "experts" se réunissaient, chacun de leur côté, une fois par mois), il se révèle nécessaire d'opérer la hausse en deux phases : l'objectif reste fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2 DM/kg sera introduit à partir du 1er mars "sans exception".

Un tableau des prix cibles de six grandes qualités est élaboré dans six monnaies nationales. Sa mise en œuvre est prévue pour les 1er février et 1er mars 1981. Ce tableau est joint au compte rendu ICI de la réunion.

Les réunions de "patrons" et d'"experts" tenues en janvier 1981 sont très fréquentées. Anic, ATO, DSM, Hoechst, ICI, Montepolimeri, Petrofina et Solvay prennent part aux deux sessions, tandis que Basf, Hüls, Linz et Saga n'assistent qu'à l'une des deux. On ignore si Hercules assistait à l'une ou l'autre des sessions de janvier 1981, mais elle était présente à la réunion antérieure tenue le 16 décembre 1980.

Les documents recueillis auprès de Basf, DSM, Hoechst, ICI, Linz, Montepolimeri (février seulement), Shell et Saga démontrent que ces producteurs ont pris des mesures en vue d'introduire les prix cibles qui avaient été fixés pour février et mars.

(34) Le projet de relever les prix à 2 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs modifient leurs perspectives et espèrent atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars.

Une réunion des "experts" se tient à Amsterdam le 25 mars 1981. Aucun compte rendu n'en subsiste, mais immédiatement après au moins, Basf, DSM, ICI, Montepolimeri et Shell ont donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix "de liste") à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, 2,25 DM/kg pour l'homopolymère et 2,35 DM/kg pour le copolymère, à partir du 1er mai. Hoechst donne des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres (l'on ne possède aucun document relatif aux autres producteurs pour cette période). Certains des producteurs ont laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus.

Au cours de la première partie de 1981, les prix augmentent sensiblement, mais bien que la hausse au 1er mai soit fortement soutenue par les producteurs, le rythme se ralentit. Vers le milieu de l'année, les producteurs envisagent soit de stabiliser le niveau des prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.

c) Août à décembre 1981

(35) En juin 1981, Shell et ICI avaient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre marquait un ralentissement. Shell, ICI et Montepolimeri se rencontrent le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché (voir point 67 ci-après). Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell donnent toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay rappelle également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant sera décidé au cours de la dernière semaine de juillet (fait significatif, une réunion d'experts est prévue pour le 28 juillet 1981).

Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 est revu (probablement à cette réunion) ; le niveau pour août est ramené à 2 DM/kg pour le raphia, 2,25 DM/kg pour l'homopolymère et 2,40 DM/kg pour le copolymère. Les prix de septembre devaient être de 2,20 / 2,40 / 2,55 DM/kg respectivement. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) cite ces prix, qualifiés d'"officiels" pour août et septembre, et se réfère en termes voilés à la source de l'information.

De nouvelles réunions ont lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. À la suite de ces sessions, les producteurs envoient de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 / 2,40 / 2,55 DM/kg pour le 1er octobre. Basf, DSM, Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell donnent des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.

(36) Le nouveau projet prévoit pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement à un "prix de base" de 2,20 - 2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indique qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, a été discutée, mais qu'il y a été renoncé par la suite.

Les rapports des divers producteurs indiquent que les prix ont augmenté en septembre et que l'initiative s'est poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note d'Hercules montre qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg a été revisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais ajoute que "grâce à la détermination de tous, les prix ont atteint DM 2,05, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic)" (5).

À la fin de l'année 1981, la presse spécialisée relève sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, 2,10 à 2,20 DM/kg pour l'homopolymère et 2,40 DM/kg pour le copolymère, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles seraient utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain".

d) Juin - juillet 1982

(37) Alors que l'on s'attendait à de nouvelles hausses de prix au début de 1982, au fur et à mesure que l'offre et la demande revenaient à une situation en équilibre, le prix du raphia sur le marché était redescendu à 1,80 DM/kg en mai.

À la réunion des experts tenue à Genève le 13 mai et à laquelle assistaient, outre Hercules, tous les producteurs "habituels" (ATO, Basf, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Petrofina, Saga et Solvay) il fut convenu, après un examen approfondi des résultats de chaque producteur, que les chances d'introduire une hausse de prix avant la période des vacances étaient "très bonnes".

C'est à cette même réunion qu'une idée émise par Solvay, selon laquelle les réunions devenaient inutiles puisque la demande se retrouvait en équilibre avec la production, fut repoussée par les autres participants, pour qui il convenait de prendre des "mesures actives" de relèvement des prix, plutôt que de laisser au marché le soin de fixer son propre niveau (source : compte rendu d'ICI de la réunion, confirmé par celui d'Hercules).

(38) En conséquence, il est convenu de relever les niveaux sur la base de 2 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er juin sur la plupart des marchés nationaux, mais à partir du 14 juin au Royaume-Uni. Les participants sont invités à exprimer leur "détermination personnelle" à l'égard de l'initiative, détermination qui sera confirmée par les cadres supérieurs à la session suivante des "patrons".

Diverses actions sont prévues pour soutenir le relèvement, y compris la limitation des volumes de vente à un pourcentage convenu des ventes habituelles, la résolution de ne pas accepter de nouvelles commandes et l'intensification des contacts bilatéraux entre producteurs.

(39) Un tableau détaillé des objectifs de prix fixés au 1er juin, annexé au compte rendu d'ICI de la réunion, indique les prix de nouvelles cibles pour chacune des principales qualités et dans les diverses monnaies nationales (celles indiquées pour le raphia sont de 2 DM/36 FB/5 FF/1100 Lit/kg et 490 £/tonne).

Les instructions de prix ou notes internes en provenance d'ATO, Basf, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri et Shell, datées pour la plupart des quelques jours qui ont suivi la réunion des experts du 13 mai 1982, indiquent que ces producteurs ont tous pris des mesures pour mettre en œuvre l'initiative de prix projetée pour le 1er juin. Sous réserve de quelques exceptions mineures, leurs instructions correspondent exactement aux prix figurant sur le tableau des objectifs de prix découvert chez ICI.

On ne dispose pas, pour juin, d'instructions de prix pour DSM, Petrofina, Solvay ou Saga ; toutefois, un rapport établi par DSM sur ces ventes mentionne un projet de hausses pour juin, en espérant sa réussite.

Lorsque les "experts" se rencontrent en juin, ils ne peuvent cependant annoncer que des hausses modestes. En Allemagne, des majorations de prix ont été annoncées, mais certains producteurs "ne résistent pas" aux pressions de la clientèle. La cible de 490 £ pour le Royaume-Uni était basée sur la réalisation non seulement de la cible de 2 DM/kg dans les autres pays, mais de 10 pfennigs supplémentaires et les faibles résultats atteints suscitent des doutes quant à la possibilité de réaliser la hausse en une seule étape. Des réunions locales sont organisées dans les pays où des difficultés sont à prévoir (source : compte rendu d'ICI de la réunion).

e) Septembre - novembre 1982

(40) L'"initiative de prix" prévue pour le 1er juin n'aboutit cependant pas à relever les prix jusqu'au niveau souhaité et lors d'une session conjointe des "patrons" et des "experts", tenue les 20 et 21 juillet 1982, une hausse en deux étapes est prévue, qui doit porter le prix à 2 DM/kg le 1er septembre et à 2,10 DM/kg le 1er octobre.

Sont présents à cette session : ATO, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Petrofina, Solvay et Saga.

ICI succède à Montepolimeri pour la présidence des réunions en août 1982. Ce changement offre une occasion d'obtenir des producteurs de nouvelles affirmations de leur "détermination" à réaliser une hausse importante des prix pour la fin de l'année, ainsi qu'un accord sur l'instauration d'un système d'un contrôle des quotas qui serait prêt à démarrer au début de 1983.

Un cadre supérieur de la division des produits pétrochimiques et plastiques d'ICI rend visite successivement à chacun des autres producteurs. Une note préparatoire intitulée "Objet des visites", découverte chez ICI, commence comme suit.

"Mettre le paquet sur le 1er septembre :

- Est-ce qu'ils y vont à fond ?

- Est-ce qu'ils visent 1,90/2 DM ?

- Marge de manœuvre ? Inférieure à 1 à 2 pfennigs sur le marché national, laquelle ?

- Sur les marchés tiers ?

- Envisagent-ils des annonces dans la presse et aux clients ? Quand et où ?

- S'engagent-ils à organiser des réunions locales ?

- Quels délais se donnent-ils ? Des jours ? Des semaines ? Cherchent-ils à équilibrer la production et les ventes ?

- Comptent-ils de toute façon réduire leurs volumes ?

- Quelles sont d'après eux les sociétés qui font problème ?

- Est-ce lui qui contrôle réellement ?"

(41) Le projet initial visant à relever le prix à 2 DM/kg au 1er septembre est modifié lors d'une réunion des "patrons" tenue le 20 août 1982. Toutes les nouvelles commandes pour septembre seront soumises à une hausse immédiate de 10 pfennigs et le minimum de 2 DM/kg entrera en vigueur un mois plus tard, soit le 1er octobre. En même temps, les producteurs sont instamment invités à restreindre leurs ventes mensuelles à l'équivalent de la part de marché qu'ils ont réalisée au cours des six premiers mois de 1982.

Du compte rendu de la réunion suivante des "experts", tenue le 2 septembre 1982 (à laquelle tous sont également présents), il ressort que la détermination personnelle des "patrons" a été réaffirmée, de même que les "principes de base". Les producteurs doivent être disposés à perdre des affaires plutôt que de casser le prix, mais il faut néanmoins prévoir un certain délai pour que l'augmentation prévue se traduise dans les prix réels du marché.

(42) Lors de cette réunion, le représentant de Basf met en garde contre le risque d'une situation où tous les producteurs feraient offre au même prix de 2 DM ; il est convenu qu'au cas où ils seraient contactés, les fournisseurs, autres que ceux qui approvisionnent habituellement un client, lui feront offre à un prix supérieur à 2 DM pour aider à la réalisation de l'objectif.

Cette fois encore, un tableau est élaboré, indiquant, par qualité et par devise, les prix minimaux applicables à partir du 1er octobre.

C'est à cette réunion que le projet d'"account leadership" est conçu pour assurer la réalisation des "prix cibles" grâce à la coordination des offres de prix faites aux divers clients (voir point 27 ci-avant).

C'est également vers ce moment que se développe la pratique pour chaque producteur d'informer la réunion du tonnage des commandes qu'il a acceptées pour livraison à terme 1. au prix cible et 2. en dessous du prix cible.

(43) Après avoir réaffirmé leur "détermination" lors des réunions des 20 août et 2 septembre, les producteurs donnent instruction à leurs bureaux de vente de réaliser des niveaux de prix basés sur le raphia à 2 DM/kg à partir du 1er octobre (documents trouvés pour ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Shell). Confirmant la détermination personnelle exprimée par les producteurs, nombre de ces instructions soulignent en termes pressants la nécessité d'adopter une attitude ferme ou rigide avec les clients et de renoncer, au besoin, à une affaire pour pouvoir majorer le prix.

(44) Lors de la réunion suivante des "patrons", tenue le 21 septembre 1982 (à laquelle assistent tous les "habitués", y compris Hercules), les producteurs font rapport sur les mesures prises par chacun pour appliquer le relèvement à 2 DM prévu pour le 1er octobre. Ils ont en général tous donné à leurs bureaux de vente des instructions strictes de ne pas s'écarter du plan. À cette réunion, ils expriment aussi dans l'ensemble leur soutien à l'égard d'une deuxième étape visant à relever le prix à 2,10 DM/kg au 1er novembre, la hausse devant être appliquée intégralement en décembre (cette hausse de 10 pfennigs est confirmée à la réunion des "experts" du 6 octobre).

Les producteurs prennent également des mesures pour concrétiser la hausse supplémentaire de 10 pf/kg prévue pour novembre (documents trouvés pour Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Shell et Saga). Leurs instructions à cet effet suivent de près la réunion des "experts" du 6 octobre qui avait confirmé la mesure. Un télex adressé par Saga, le 14 octobre 1982, à sa filiale au Royaume-Uni, se réfère, à propos d'un projet de réunion locale, à "la liste dite des prix minimaux convenus".

Au cours de la procédure administrative, les producteurs ont affirmé que les prix cibles n'auraient jamais été atteints. Cette affirmation est démentie par les chiffres produits à la réunion en ce qui concerne les engagements à terme conclus à un prix soit égal ou supérieur aux "objectifs", soit inférieur à ceux-ci ; ces chiffres indiquent que, pour octobre et novembre, la grande majorité des commandes avaient été enregistrées à un prix égal ou supérieur à la cible. C'est ce que confirme une circulaire adressée par ICI, le 8 octobre 1982, aux bureaux de vente européens et qui résume les premières impressions sur l'initiative de prix du 1er octobre. "Si certains engagements de septembre paraissent déborder sur octobre, la quantité totale semble minime et toutes les données que nous avons recueillies indiquent que les niveaux prévus sont appliqués à toutes les nouvelles commandes..."

(45) ATO, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Fina, Solvay et Saga ont donc toutes participé à la plupart, sinon à toutes les réunions de "patrons" et d'"experts" tenues entre juillet et novembre 1982, au cours desquelles l'initiative de prix pour l'automne fut organisée et contrôlée (voir tableau 7 de l'annexe). Shell reconnaît avoir assisté à une réunion des "quatre grands" à Heathrow le 13 octobre (soit une semaine avant la réunion d'octobre des patrons) ; au cours du mois de septembre, elle avait été en contact régulier avec ICI à propos de l'initiative de prix d'octobre (source : notes à ICI d'entretiens téléphoniques et de réunions).

À l'exception de Fina et de Solvay, tous les producteurs précités ont fourni à la Commission des instructions de prix adressées à leurs bureaux de vente locaux, qui correspondent non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais aussi avec le tableau de prix cibles joint au compte rendu à ICI de la réunion des experts du 2 septembre (voir tableau 7 de l'annexe) (Solvay et Fina affirment toutes deux avoir donné la plupart de leurs instructions de prix par téléphone).

(46) L'initiative en matière de prix est considérée comme ayant remporté un succès tout au moins partiel (ICI fait mention dans une note de briefing au "climat de fermeté du quatrième trimestre") et se traduit en pratique par un relèvement des marges d'environ 20 pf/kg. Toutefois, ICI note plusieurs zones "faibles", notamment le bas niveau des prix du raphia, la grande diversité de prix dans le secteur du moulage en Allemagne, et l'absence, à ce moment, d'un "accord définitif sur les volumes" (un nouveau plan de quotas devait démarrer en janvier 1983).

Les réunions de décembre 1982 aboutissent à un accord selon lequel le niveau de 2,10 DM/kg prévu pour novembre/décembre devra être établi pour la fin janvier 1983 et de nouveaux tableaux de prix devront être élaborés pour les pays qui n'ont pas atteint l'objectif (source : compte rendu à ICI de la réunion).

Tous les participants habituels étaient présents à l'une ou aux deux réunions de décembre 1982.

f) Juillet à novembre 1983

(47) Au cours du premier trimestre de 1983, le niveau des prix fléchit à nouveau et à la première réunion dont on possède un compte rendu (3 mai), il est convenu que l'on s'efforcera d'appliquer un prix cible de 2 DM/kg en Allemagne en juin 1983. Pour ICI, toutefois, cet objectif est trop ambitieux ; il serait plus réaliste de viser un minimum de 1,80 DM/kg pour fin juin.

En mai 1983, la décision est prise de viser l'objectif de 2 DM/kg pour septembre (une note d'ICI parle de "2 à partir du 1/9 ou du 1/10"). Il est jugé impossible d'opérer la hausse en une fois à partir des niveaux du moment (environ 1,70 DM/kg) ; à titre de mesure intermédiaire, un objectif de 1,85 DM/kg est fixé pour le 1er juillet. À une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents (tous les habitués en étaient, à l'exception d'Hercules et Solvay) "réaffirment leur entière détermination à appliquer la hausse à 1,85 ...". Shell se serait "elle-même engagée à effectuer la hausse et prendra l'initiative publiquement dans ECN" (référence à une revue professionnelle). Hercules, mentionnée comme étant "très en faveur", devait annoncer de nouveaux prix en juin. Tous les participants ont prévenu leurs effectifs de vente, qui informent leurs clients de la hausse projetée (source : compte rendu à ICI de la réunion).

(48) Faisant écho à la mention de Shell comme meneur "public" de l'initiative, un article paru le 13 juin 1983 dans l'organe professionnel European Chemical News (ECN) mentionne que les producteurs cherchent à relever les prix et que Shell envisage de les porter à un minimum de 1,90 DM/kg au 1er juillet, avec une nouvelle majoration en septembre. ICI et Montepolimeri appliqueraient des majorations du même ordre.

Depuis octobre 1982, Shell participe à la plupart des "réunions préparatoires" mensuelles des "quatre grands".

L'article d'ECN rapporte que le marché est "de plus en plus serré" ; de fait, une note rédigée par ICI en un style quelque peu télégraphique vers la fin mai comporte la mention "Volume juin - restreindre 122 1/2 = marché juin supposé cf 130 + probable". Elle poursuit : "Shell doit mener. Article ECN 2 semaines. ICI informée".

(49) Immédiatement après la réunion des "patrons" du 20 mai, ICI (23 mai), DSM (25 mai) et Basf (27 mai) donnent instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif sur la base de 1,85 DM/kg pour le raphia, 2 DM/kg pour l'homopolymère et 2,25 DM/kg pour le copolymère. Leurs listes de prix (qui comportent une quarantaine de rubriques ou davantage) sont identiques par qualité et par monnaie nationale. Dans une note interne du 6 juin 1983, Hoechst fixe un prix minimal à partir du 1er juillet de 1,85, 2 et 2,25 DM/kg pour le raphia, l'homopolymère et le copolymère. Dans un télex du 8 juin (c'est-à-dire juste après la réunion du 1er juin au cours de laquelle la "détermination" a été "réaffirmée"), Linz donne instruction à ses agents d'appliquer, dans les diverses monnaies nationales, des prix de liste qui correspondent exactement à ceux de Basf, DSM et ICI. Dès le 17 mai, Montepolimeri a donné instruction à ses bureaux de vente d'appliquer une hausse à partir de juin et de la poursuivre en juillet. Les documents de Shell relatifs au Royaume-Uni et à la France indiquent que la société avait connaissance des niveaux convenus au 1er juillet et qu'elle basait sa politique de vente sur ces prix. Dans un document intitulé "PP W. Europe- Pricing", Shell se réfère expressément à une "cible pour juillet" de 1,85 DM/kg ou 480 £/t. Un rapport Shell sur la "qualité du marché", daté du 14 juin 1983, signale également que, "en Europe occidentale, les sociétés nationales Shell bloquent leurs parts du marché (avec même un certain recul aux Pays-Bas et au Royaume- Uni) pour favoriser la stabilisation des prix". Hercules informe ses bureaux de vente, les 13 et 29 juin, des objectifs de prix minimaux de 1,85/2/2,25 DM/kg. Les instructions de prix recueillies chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais elles confirment que ces sociétés relevaient leurs niveaux, avec un certain retard dans le cas de Petrofina. Solvay avise également ses bureaux de vente de la hausse avec un certain retard sur les autres producteurs ; dans un document interne daté du 26 juillet, elle indique néanmoins, par pays, des prix minimaux applicables immédiatement ; ces prix sont conformes à l'objectif de 1,85 DM/kg pour le raphia ; le document cite également les nouveaux minima applicables à partir du 1er septembre, basés sur 2 DM comme convenu par les producteurs.

À l'exception de Hüls, pour qui l'on n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, il est ainsi démontré que tous les producteurs qui avaient participé aux réunions, ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg, ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.

(50) D'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août et 5, 15 et 29 septembre 1983. La présence de tous les participants habituels, y compris Hercules, à toutes ces réunions, ou à la plupart d'entre elles, est établie par les documents de voyage. Seules Saga et Linz ont omis de répondre à la demande d'informations formulée par la Commission, au titre de l'article 11, sur leur participation à des réunions déterminées, mais elles reconnaissent toutes deux avoir participé régulièrement aux réunions.

La hausse intermédiaire au 1er juillet est qualifiée de réussite et les prix du raphia atteignent la cible de 1,85 DM/kg en août.

À la fin juillet et au début août 1983, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz et Solvay envoient toutes à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre (basées sur le raphia à 2 DM/kg) ; sous réserve d'exceptions mineures, elles sont toutes identiques par qualité et par devise (pour ATO, voir point 50). Pour Montepolimeri et Saga, les instructions de prix recueillies ne concernent qu'un État membre, mais elles coïncident avec celles des autres producteurs pour le pays en question. Un document découvert chez Saga UK se réfère expressément aux prix "de liste" au 1er septembre pour le Royaume-Uni, convenus lors d'une réunion locale. La documentation sur les prix de Shell au Royaume-Uni, sous forme d'une note interne du 11 août, indique que la filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre et qui correspondent aux objectifs fixés par les autres producteurs (dès la fin du mois, cependant, Shell donnait instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint les niveaux de base souhaités).

Les instructions de prix recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il fut décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base du raphia à 2,10 DM/kg au 1er octobre et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre.

(51) Basf, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour ces mois. Hercules, tout en ordonnant à ses bureaux de vente d'adopter une attitude "ferme" pour octobre, commence par indiquer des prix minimaux légèrement inférieurs à ceux des autres producteurs ; dès le 3 octobre toutefois, elle leur ordonne d'appliquer les mêmes prix que les autres "avec effet immédiat". Pour novembre, Hercules ordonne à ses directeurs régionaux de relever leurs prix pour les aligner sur les objectifs généraux. DSM affirme n'avoir envoyé aucune instruction de prix pour octobre ou novembre ; ses "prix de liste" pour septembre n'en sont pas moins identiques, par qualité et par devise, à ceux de tous les autres producteurs. Saga UK a également appliqué la hausse de 10 pfennigs en octobre, avec un retard de quinze jours sur les autres.

Bien qu'ATO et Petrofina aient assisté à toutes les réunions en cause, elles affirment que toute instruction interne qui aurait été donnée pour cette période l'a été verbalement.

Une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporte cependant un tableau intitulé "Rappel du prix de cota (sic)" donnant pour l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie les prix applicables pour septembre et octobre pour le raphia, l'homopolymère et le copolymère, prix identiques à ceux de Basf, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri et Solvay (voir point 49). Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise ont confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.

À la fin de 1983, la presse mentionne que les prix du polypropylène se sont "raffermis", le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg). La presse professionnelle qualifie le marché de soutenu, avec une demande en augmentation de 15 à 16 % par rapport à la consommation de 1982 et une nouvelle expansion de 6 à 8 % prévue pour 1984.

VII. Tonnages cibles et quotas

(52) Dans l'ensemble, les producteurs ont admis que pour créer sur le marché des conditions favorables au succès des initiatives convenues en matière de prix, il fallait instaurer un système permanent de régulation des volumes.

Avant qu'ICI n'assume la direction du groupe en août 1982, divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'existait cependant aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total devaient-elles être revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en termes de tonnages absolus, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.

Les mécanismes de répartition du marché entre les producteurs sont décrits (selon les cas) comme impliquant des "objectifs en matière de volume", des "objectifs de volumes", des "quotas" ou parfois des "ambitions".

Chaque producteur participant se voyait attribuer un quota ou un objectif exprimé soit en tonnes, soit en pourcentage. Dans l'établissement d'un plan de quotas, il fallait tenir compte des producteurs qui, n'ayant pas assisté aux réunions, n'avaient pas participé aux détails des discussions. En 1979, Hercules avait un quota qui lui était propre ; par la suite, elle a été regroupée soit avec Amoco, soit avec Amoco et BP.

(53) Ces dernières prétendent toutes deux avoir ignoré qu'un quota leur ait été attribué. Hercules participait cependant à des réunions où les volumes faisaient l'objet de discussions approfondies (on a d'ailleurs trouvé chez elle un plan provenant de Montepolimeri et relatif à un projet de système de quotas pour 1982) et, pour le premier trimestre de 1983 tout au moins, elle s'est déclarée satisfaite de l'attribution globale de 53 000 tonnes, à répartir à raison de 21/21/11 entre elle-même, Amoco et BP.

À partir de la deuxième moitié de 1982, sinon plus tôt, les producteurs prennent l'habitude de faire rapport aux réunions sur les tonnages vendus par chacun d'eux au cours du mois précédent.

Le tableau 8 de l'annexe compare les objectifs ou les quotas annuels et les ventes réalisées par chaque producteur.

On trouvera ci-après une description des plans année par année, à partir de 1979 (première année où l'on sait qu'un plan été appliqué) :

a) 1979

(54) Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) sont fixés par producteur pour 1979 ; ils se basent au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. L'on ne possède pas de détails précis sur la base d'attribution des "objectifs" pour 1979, mais il fallait s'organiser pour répondre à l'attente des nouveaux venus sur le marché, qui n'avaient évidemment aucun quota "traditionnel".

Des tableaux découverts chez ICI indiquent "l'objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale.

L'existence d'un plan de répartition du marché pour 1979 est confirmée par les documents découverts chez ATO, qui indiquent, par marché national, les "objectifs" des quatre producteurs "français" (ATO, Rhône-Poulenc, Solvay et Hoechst France).

b) 1980

(55) À la fin de février 1980, les producteurs conviennent "d'objectifs" pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel estimé à 390 000 tonnes au total (soit 12 % de plus que l'année précédente).

Des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 ont été découverts chez ATO et ICI. L'un des tableaux découverts chez ICI, décrivant plusieurs propositions et indiquant l'objectif final retenu, était rédigé en langue allemande et provenait sans nul doute d'un producteur allemand (non identifié).

Cette première estimation du marché global, 1 390 000 tonnes, se révèle trop optimiste. Le quota de chaque producteur doit être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement (source : compte rendu d'ICI de la réunion des "experts" de janvier 1981).

Parmi les "quatre grands", seule ICI réalise des ventes inférieures à son objectif pour 1980. Chez les autres producteurs, les ventes "réalisées" correspondent grosso modo à leur cible. Seule DSM, qui s'opposait "à tout engagement de réduire son objectif initial", excède sensiblement son quota (46 100 tonnes vendues, pour un objectif de 38 400 tonnes).

c) 1981

(56) La répartition du marché pour 1981 fait l'objet de négociations longues et complexes.

Au début de l'année, il est entendu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février/mars, chaque producteur réduira ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de "l'objectif" de 1980 (source : compte rendu d'ICI de la réunion des "experts" de janvier).

En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur communique à la réunion le tonnage qu'il espère vendre en 1981. L'addition de ces "ambitions" excède largement les prévisions relatives à la demande totale.

Plusieurs formules de compromis sont avancées. ICI estime que les quatre grands devraient "donner l'exemple" et accepter de réduire légèrement leurs objectifs pour 1980, à condition que les nouveaux venus modèrent également leurs exigences (source : projet de proposition d'ICI).

(57) Dans le cadre des discussions préalables à un accord sur un système de répartition du marché pour 1981, ICI et Shell se sont rencontrées au moins deux fois, Montepolimeri étant également présente à l'une de ces réunions. Shell se montre sceptique, les propositions lui paraissant s'appuyer sur des estimations trop ambitieuses du marché, mais déclare qu'elle se contenterait de 11 à 12 %. Les deux sociétés envisagent des mesures de contrôle plus sévère des volumes, y compris des sanctions éventuelles en cas de dépassement des quotas de vente (source : comptes rendus ICI de réunions datés des 27 mai et 17 juin 1981).

En l'occurrence, aucun accord de quota définitif n'est réalisé pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs s'assignent à chacun le même quota théorique que l'année précédente et donnent connaissance chaque mois, à la réunion, des ventes qu'ils ont réalisées (source : tableaux trouvés chez ICI et intitulés "Écarts ventilés par société"). En conséquence, les ventes réalisées sont vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980.

d) 1982

(58) Pour 1982, les producteurs soumettent à nouveau des propositions complexes où ils tentent de concilier des facteurs divergents tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles.

Le marché total à répartir est estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs soumettent des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages.

Un plan découvert chez Hercules et ICI, mais émanant sans doute de Montepolimeri, propose une formule, assortie de nombreux tableaux, basée sur les ventes réalisées en 1981 et sur la capacité nominale de chaque producteur pour 1982. D'après les notes d'ICI sur la réunion des "experts" du 10 mars 1982, c'est à cette occasion que le représentant de Montepolimeri aurait fait le tour des tables dans l'espoir de réaliser un accord sur les quotas lors de la prochaine réunion des "patrons". La proposition d'ICI préconise un système basé sur les ventes réalisées en 1981, pondérées par une fraction de la croissance estimée du marché en 1982 par rapport à 1981, équivalente au pourcentage de la capacité totale revenant à chaque producteur (source : comptes rendus de réunions d'ICI).

Comme en 1981, aucun accord définitif n'est atteint et pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur sont communiquées à la réunion et comparées au pourcentage qu'il a réalisé au cours de l'année précédente.

(59) Lorsqu'ICI succède à Montepolimeri en août 1982 pour la présidence, elle souligne qu'elle s'efforce d'instaurer pour 1983 un nouveau système comportant un accord sur les parts du marché conformément à des "principes cadres" auxquels tous les producteurs devraient souscrire (voir compte rendu ICI de la réunion des "patrons" d'août 1982 et note d'ICI intitulée "Quotas"). ICI procède avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales consacrées au nouveau système. En attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs sont invités à s'efforcer de limiter leurs ventes mensuelles, pendant le deuxième semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun pendant les six premiers mois de 1982 (source : comptes rendus d'ICI des réunions).

En 1982, les parts de marché atteignent un certain équilibre (qualifié par ATO de "quasi-consensus"). La consommation totale en Europe occidentale atteint grosso modo 1 412 000 tonnes. Parmi les grands, ICI et Shell se maintiennent à quelque 11 % et Hoechst à un niveau légèrement inférieur (10,5 %). Montepolimeri, qui reste le plus gros producteur, progresse légèrement et occupe 15 % du marché, contre 14,2 % l'année précédente.

Les parts de marché des producteurs de taille moyenne (ATO, Solvay, Basf, Hüls et Hercules) restent stables comparées aux années antérieures, la seule exception étant DSM, qui poursuit sa progression au rythme de 0,5 % l'an.

e) 1983

(60) Pour 1983, ICI invite chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Montepolimeri, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay font toutes parvenir, en matière de répartition du marché, des propositions détaillées où elles suggèrent des quotas par producteur. Les trois producteurs allemands soumettent une proposition conjointe par le truchement de Basf.

Les diverses propositions sont traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui est comparée ensuite aux "aspirations" de pourcentage de chaque producteur.

(61) Les lignes directrices proposées par ICI en vue d'un nouvel accord-cadre pour 1983 sont, en gros, les suivantes :

a) tenir compte des résultats atteints par chaque producteur sur le marché, en notant le pourcentage des ventes totales réalisées par chacun durant une période de référence (1er janvier 1981 au 30 septembre 1982) et en l'appliquant à la partie du marché de 1983 équivalant au marché de 1982, estimé à 1 400 000 tonnes ;

b) répartir les 75 000 tonnes supplémentaires de ventes prévues pour 1983, par rapport aux ventes de 1982, au prorata de la part de chaque producteur dans la capacité nominale totale ;

c) comparer le résultat avec la performance escomptée de la part de chaque producteur en 1982 et ajuster toute anomalie manifeste ;

d) traiter Montepolimeri/Anic/SIR comme un groupe unique et leur laisser le soin de se répartir leur quota.

(62) Pour ICI, il paraît essentiel au succès de tout nouveau plan que les "quatre grands" présentent un front uni devant les autres producteurs. L'opinion de Shell, communiquée à ICI, est que Shell, ICI et Hoechst doivent avoir chacune un quota de 11 % (source : document d'ICI intitulé : "Polypropylene framework").

La proposition d'ICI pour 1983 aurait donné 19,80 % aux producteurs italiens, 10,90 % à Hoechst et Shell et 11,10 % à ICI elle-même.

Dans la perspective de l'établissement d'un plan de quotas pour 1983, les producteurs conviennent d'estimer le marché total disponible pour 1983 à 1 470 000 tonnes.

(63) Les propositions sont discutées au cours de diverses réunions tenues en novembre et décembre. En décembre, l'ordre du jour de la session des "experts" prévoit l'examen d'une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année. La demande totale pour la période est estimée à 367 500 tonnes. Une note d'ICI indique qu'ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Montepolimeri et Solvay trouvent "acceptable" le quota qui leur est attribué. Hercules, Amoco et BP ensemble se voient accorder 53 000 tonnes, Hercules se déclarant satisfaite des 20 000 tonnes qui lui sont allouées sur ce chiffre (et qui seront portées ultérieurement à 21 000 tonnes) (source : compte rendu d'ICI de la réunion des "experts" de décembre 1982 et résumé d'un entretien téléphonique avec Hercules, daté du 3 décembre 1982).

Le compte rendu ICI de la réunion ne mentionne pas la réaction de Shell à la proposition, mais ce producteur assistait à une réunion des "quatre grands" tenue le 20 décembre 1982. Une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue aux alentours de mai 1983, mentionne que Shell "a accepté, pour l'Europe occidentale des niveaux de quotas de 39,5 kt/tr. pour les premier et deuxième trimestres de 1983 . . .".

Les plans pour le premier trimestre de 1983 découverts chez Shell font une comparaison entre les prévisions de ventes en Europe occidentale établies par les sociétés d'exploitation Shell (43 700 tonnes) et la "cible" (39 500 tonnes), en s'efforçant de combler l'écart avec la part de marché de 10,7 % pour Shell qui avait servi de base à l'élaboration du projet de quotas pour le premier trimestre. Pour sa part, Shell tenait à ce que sa part effective du marché ne dépasse pas 11 %, c'est-à-dire le quota qu'elle avait proposé initialement pour ICI, Hoechst et elle-même ; de fait, les diverses sociétés d'exploitation avaient convenu de coopérer pour la maintenir à 11 %. En pratique, la part du marché atteinte par Shell au cours des cinq premiers mois de 1983 (10,9 %) s'est rapprochée de ce pourcentage, les sociétés d'exploitation ayant été prévenues qu'elles ne devaient pas compromettre les possibilités de majoration des prix en s'efforçant d'augmenter les parts de marché.

(64) La documentation recueillie chez Shell confirme qu'un système de régulation des volumes a continué d'être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983 : afin de maintenir sa part de marché durant le deuxième trimestre aux alentours de 11 % (pourcentage qualifié d'"objectif convenu pour Shell"), les sociétés nationales de vente du groupe Shell reçoivent l'ordre de réduire leurs ventes. Le dernier procès-verbal de réunion découvert chez ICI porte sur la réunion d'"experts" de juin 1983 ; s'il ne mentionne pas de quotas, il relate un échange d'informations qui a eu lieu entre les "experts" sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semble indiquer qu'un système de quotas était appliqué.

(65) Bien que, à un certain moment, les quatre grands producteurs aient envisagé la possibilité de renforcer le système de régulation des volumes au moyen de versements compensatoires ou de sanctions pour dépassement des quotas, un tel système de pénalisation n'a jamais été appliqué pour le polypropylène. Le respect de l'objectif convenu a donc été volontaire dans un certain sens ; toutefois, le système en vertu duquel chaque producteur faisait rapport aux réunions sur le tonnage qu'il avait vendu au cours du mois précédent, s'exposant ainsi aux critiques éventuelles d'autres producteurs pour avoir fait preuve d'indiscipline, l'incitait à respecter le quota qui lui était attribué.

VIII. Échange d'informations Fides

(66) En juillet 1976, les producteurs de polypropylène élaborent un plan d'échange mensuel d'informations sur la production, les ventes et les variations de stocks en Europe occidentale, par l'intermédiaire de la Fides Trust Company de Zurich. En avril 1977, tous les producteurs y participent à l'exception d'Hercules, qui s'y joint ultérieurement.

Aux termes de l'accord Fides, chaque producteur transmet ses données mensuelles à une centrale de documentation, qui prépare et transmet aux abonnés des synthèses chiffrées portant sur l'ensemble du secteur du polypropylène ; ces synthèses, qui ne mentionnent pas les divers producteurs, regroupent ceux-ci par pays.

Le système officiel de Fides contient des mécanismes spécifiques de protection de l'anonymat. Toutefois, ces garanties étaient annihilées par l'échange systématique d'informations entre les producteurs par téléphone ou aux réunions, sur les tonnages que chacun livrait sur le marché européen. Les chiffres officiels de Fides offraient une méthode utile pour vérifier l'exactitude des données individuelles fournies. Celles-ci pouvaient être additionnées, rendant ainsi apparente toute divergence avec le total Fides.

Les comptes rendus de réunions à partir de juin 1982 révèlent que les producteurs avaient tous pris l'habitude d'indiquer les ventes qu'ils avaient réalisées eux-mêmes au cours du mois précédent, pour que ce chiffre puisse être comparé à leur cible. Pour Amoco, BP et Hercules, il n'existait cependant qu'une estimation globale. BP et Amoco ne participaient pas aux réunions et Hercules paraît avoir hésité à communiquer ses chiffres individuels. Hercules disposait en revanche des données afférentes aux autres producteurs et ses documents internes révèlent qu'elle possédait des renseignements précis sur les livraisons dans chaque État membre et sur les parts de marché de chacun des autres producteurs pour 1981 et 1982.

IX. Le rôle particulier des "quatre grands"

(67) Les quatre principaux producteurs (Montepolimeri, Hoechst, ICI et Shell) avaient reconnu leur communauté d'intérêts, en tant que "quatre grands", dès juin 1977, au moment des discussions et de l'accord sur les prix plancher (voir point 16 ci-avant).

Après l'établissement du système de réunions périodiques à la fin de 1977, l'habitude se développe d'annoncer les "initiatives" de prix aux clients par la voie de la presse, en signalant que tel producteur envisageait une hausse qui était "appuyée" ou "suivie" par les autres.

Montepolimeri, ICI et Shell en l'absence de Hoechst se rencontrent au cours de l'année 1981 pour débattre de l'action qu'ils pourraient mener ensemble dans le sens d'un relèvement des prix. Parmi les solutions discutées figurent :

a) des sanctions à l'encontre des producteurs jugés "perturbateurs" ;

b) la régulation de la production ;

c) un nouveau système de quotas ;

d) une nouvelle initiative des quatre grands visant à donner satisfaction aux petits producteurs, tout en compensant sur les marchés du reste du monde la réduction de leurs ventes sur les marchés d'Europe occidentale ;

e) une hausse forfaitaire de 20 pf/kg à partir du 1er juillet 1981 (source : note d'ICI du 17 juin 1981).

(68) En réponse à une demande d'informations au titre de l'article 11 du règlement n° 17, ICI a reconnu que les quatre grands étaient d'accord pour penser que s'ils voulaient relever les prix, il leur faudrait en tant que chefs de file diriger le mouvement d'une main ferme, fût-ce même au détriment de leur propre volume de ventes.

À la fin de 1982, les "quatre grands" ont commencé à se réunir en session restreinte la veille de chaque réunion des "patrons". Ces "pré-réunions" offraient aux quatre grands producteurs un cadre approprié pour convenir d'une position commune avant la session plénière. L'idée poursuivie par les "quatre grands", qui détenaient quelque 50 % du marché, était qu'en présentant un front unique, ils encourageraient un mouvement de stabilisation des prix (source : document d'ICI intitulé "Polypropylene framework" et note de dossier Shell du 20 octobre 1982).

ICI a reconnu que les sujets discutés lors des pré-réunions étaient identiques à ceux évoqués au cours des réunions de "patrons" qui leur faisaient suite (source : réponse d'ICI au titre de l'article 11) ; en revanche, Shell a nié que les réunions des "quatre grands" aient, de quelque façon que ce soit, préparé les réunions plénières ou aient servi à dégager une position commune sur les thèmes de discussion du jour suivant. Les notes qui existent de certaines réunions des "quatre grands" (octobre 1982 et mai 1983) contredisent néanmoins cette affirmation.

D. Les arguments de fait avancés par les producteurs

(69) Les arguments de fait avancés par les producteurs au cours de la procédure administrative peuvent se résumer comme suit :

a) Comptes rendus de réunions. Les comptes rendus de réunions découverts par la Commission chez ICI ne sauraient être invoqués à l'encontre d'autres producteurs comme établissant les faits qui y sont relatés, ou seraient si peu crédibles qu'ils ne méritent aucune attention.

b) Caractère des réunions. Si tous les producteurs admettent avoir assisté aux réunions des "patrons" et des "experts" (ou, dans le cas de Shell, les réunions des "quatre grands"), certains producteurs prétendent que celles-ci étaient consacrées uniquement à un examen général des problèmes du secteur et n'abordaient jamais de questions affectant la concurrence. D'autres admettent que des tentatives ont été faites en vue d'aboutir à un accord sur des objectifs de prix ou de quotas, mais prétendent qu'aucun consensus n'en est jamais sorti. Certains producteurs affirment que si leurs collègues ont parfois pu discuter ou approuver aux réunions des mesures contraires à la concurrence, ils n'y assistaient eux-mêmes que comme "observateurs" ou pour parfaire leur "connaissance du marché" et que, pour leur part, ils n'ont jamais souscrit à un accord ou à une restriction de concurrence.

c) Étude du marché. Les trois producteurs allemands ont commandé une étude à un expert en économétrie, tendant à démontrer que le marché du polypropylène en Allemagne (censé représenter l'ensemble de la CEE) était le théâtre d'une concurrence vive ou même ruineuse, que le schéma des hausses et des baisses et les pertes constantes subies par le secteur démontraient bien l'absence de toute collusion et que les prix étaient déterminés par le jeu de forces naturelles sur le marché, telles que l'équilibre de l'offre et de la demande, la conjoncture économique générale et la lutte entre les producteurs pour développer leur part du marché.

d) Audit centralisé. La plupart des producteurs (ATO, Basf, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Montepolimeri, Petrofina et Solvay) ont également participé à un audit centralisé, confié à une firme d'experts-comptables, de leurs factures de polypropylène pour 1982 et les neuf premiers mois de 1983. À en croire les producteurs, l'audit révélait des écarts considérables non seulement entre les prix réellement obtenus sur le marché et leurs "prix de liste", mais aussi d'un producteur à l'autre et d'un client à l'autre. Ils en concluaient qu'une vive concurrence régnait sur le marché, ce qui excluait toute possibilité de collusion réelle entre les producteurs.

e) Instructions en matière de prix. Tous les producteurs ont fait valoir que les instructions écrites de prix qu'ils avaient transmises à leurs bureaux de vente s'écartaient, du point de vue du calendrier comme pour les prix indiqués, des objectifs qui auraient été fixés aux réunions, et différaient également les uns des autres. Certains producteurs ont tenté de faire valoir qu'en dépit de leur participation aux réunions, toute analogie apparente des instructions de prix pouvait s'expliquer par des facteurs tels que la transparence du marché (informations reçues de clients ou articles de presse) et sa structure oligopolistique.

Les autres arguments avancés par les divers producteurs seront examinés dans la partie de la présente décision consacrée à la participation de chacun aux infractions et à l'ampleur de celle-ci.

E. Évaluation par la Commission des arguments de fait avancés par les producteurs

a) Les comptes rendus de réunions

(70) Tout en proposant diverses autres interprétations de la nature et de l'objet des réunions, les entreprises n'ont produit aucune preuve écrite ou orale susceptible de jeter un doute sur la véracité des notes d'ICI.

Le compte rendu qu'ICI donne de deux réunions dans ses notes internes est confirmé en tous ses points essentiels par les notes des mêmes réunions découvertes chez Hercules.

Les documents relatifs aux questions discutées lors des réunions (objectifs de prix, initiatives en matière de prix, quotas), découverts chez d'autres producteurs (notamment chez ATO, DSM et Shell) au cours de l'enquête, tendent également à confirmer les faits consignés dans les notes détaillées d'ICI. Les documents d'autres firmes découverts chez ICI en apportent des preuves supplémentaires, particulièrement en ce qui concerne les objectifs de volume ou les systèmes de quotas.

Les comptes rendus d'ICI étaient rédigés à l'intention des cadres supérieurs de la division des produits pétrochimiques et plastiques d'ICI, qui participaient aux sessions des "patrons" et assuraient la présidence des réunions. Étant donné son rôle en tant que présidente du groupe, il y a tout lieu de croire qu'ICI veillait à ce que les comptes rendus soient exacts et complets. La suggestion selon laquelle les rapports seraient pure invention est à rejeter.

La Commission en conclut que ces rapports offraient un compte rendu exact, fiable et conforme des réunions, des questions qui y étaient débattues, des accords qui y étaient réalisés et du rôle des divers participants.

La Commission ne dispose pas de comptes rendus de toutes les réunions tenues depuis 1977 ; toutefois, les procès-verbaux découverts pour certaines réunions de 1979 et 1981 indiquent que les thèmes discutés et les résultats étaient sensiblement les mêmes qu'en 1982 et 1983.

b) Nature des réunions

(71) Les procès-verbaux de réunions dont on dispose contredisent les arguments avancés par les producteurs en ce qui concerne l'objet des discussions et l'étendue soi-disant limitée de leur participation. Ces documents indiquent l'existence d'accords détaillés sur le montant et le calendrier des initiatives en matière de prix et sur les modalités de leur mise en œuvre. Quant aux objectifs de volumes ou aux quotas, les nombreux tableaux et calculs recueillis, pour les années 1979 et les suivantes, contredisent l'affirmation selon laquelle il s'agissait de simples "propositions" qui n'étaient jamais mises en pratique.

c) L'étude de marché

(72) L'analyse économique du marché allemand ne dément en rien l'existence d'un accord. Sans doute certains facteurs invoqués dans l'analyse, tels que la structure du marché et la transparence des prix, sont-ils susceptibles d'expliquer un schéma de comportements similaires en matière de prix. Même s'il n'avait pas existé de preuves directes des réunions, l'uniformité et la simultanéité des instructions de prix, sur une longue période, étaient si flagrantes qu'elles auraient constitué en soi une forte présomption de concertation. En l'espèce, les preuves vont beaucoup plus loin encore et démontrent d'une manière péremptoire l'existence d'un lien de causalité entre le comportement commercial des producteurs et le système des réunions périodiques.

(73) En toute hypothèse, la Commission n'a jamais soutenu que le système des réunions périodiques ait entièrement contrôlé les opérations et les ventes des producteurs ou qu'il ait constitué le seul facteur affectant les niveaux de prix du polypropylène. Au contraire, les éléments de preuve sur lesquels elle s'appuie indiquent que les producteurs reconnaissaient l'influence exercée sur le marché par des éléments tels que les fluctuations de la demande ou les hausses du prix des matières premières, qui échappaient à leur contrôle. Dans leurs décisions relatives au montant, à la date, aux modalités et aux chances de succès d'une initiative projetée en matière de prix, les producteurs devaient tenir compte de pareils facteurs. Toutefois, l'un des principaux objectifs des réunions visait à coordonner, si possible, la réaction des producteurs à de tels éléments. Il se peut même que le prix ait été déterminé dans une large mesure par les conditions de l'offre et de la demande ; les preuves recueillies n'en indiquent pas moins qu'en contrôlant les volumes ou en établissant des systèmes de quotas, les producteurs tentaient d'agir sur ces conditions.

d) L'audit centralisé

(74) S'il n'y a aucune raison de douter de l'exactitude de l'audit, mené par une firme d'experts comptables indépendants, en ce qui concerne les prix de vente nets (après déduction des remises éventuelles) réalisés par les producteurs pendant la période de référence, la Commission n'admet pas les conclusions que les producteurs veulent en tirer.

Tout d'abord, la Commission n'a jamais prétendu (comme certains producteurs voudraient le faire croire) que les producteurs ont tous réalisé un prix d'entente uniforme ou que le prix fait à chaque client ait toujours correspondu au "prix de liste" afférent à un mois déterminé. Le fait que les prix moyens du "marché" aient parfois traduit un certain retard ou n'auraient même pas toujours atteint "l'objectif" n'infirme en rien les objections de la Commission. Ce qui compte, en l'occurrence, c'est qu'après avoir convenu de prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs effectifs de vente à viser à réaliser ces niveaux de prix et que les "cibles" ont servi de base à la négociation des prix avec les clients (voir point 90 ci-après).

La Commission n'a jamais nié, au cours de la procédure, que même lorsqu'une initiative de prix réussissait (et elle admettait que toutes n'avaient pas atteint leur but), il pouvait subsister des zones faibles dans certains créneaux de la production ou sur certains marchés nationaux et qu'il fallait de toute façon un certain temps pour concrétiser une initiative.

Une simple comparaison des prix nets facturés par chaque producteur et de ses "prix de liste" pendant toute la période de référence ne constituerait pas une preuve très valable. Le laps de temps couvert par l'audit recouvre non seulement les initiatives de prix connues [juin 1982, dernier trimestre de 1982, juillet 1983, septembre (mais pas octobre ou novembre) 1983] mais aussi les périodes intermédiaires, où la Commission admet que les prix n'ont pas bougé ou ont baissé. Il est normal que les prix de liste des producteurs et les prix réellement obtenus aient pu présenter des écarts considérables au cours de ces périodes.

En outre, si les prix réalisés sont comparés aux "cibles" fixées lors des réunions, il faut se rappeler : 1. que les prix relevés dans l'audit sont des prix nets, après déduction de toutes remises, escomptes et rabais, tandis que les "cibles" étaient des prix bruts ; 2. que certains gros clients bénéficiaient éventuellement de contrats spéciaux, où le prix était fixé pour un trimestre ou pour un an ; 3. que des engagements antérieurs, s'étendant sur plusieurs mois, pouvaient retarder l'application du prix nouveau ; 4. que les clients s'opposaient parfois aux majorations de prix ; 5. que l'application se révélait parfois plus difficile dans certains créneaux de la production ou dans certains États membres.

Si l'on tient compte de ces facteurs, l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux prix cibles fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs.

Le tableau 9 de l'annexe offre une comparaison entre les prix cibles convenus aux réunions et les prix réalisés de septembre 1981 à décembre 1983 tels qu'ils ressortent de la presse spécialisée.

e) Instructions en matière de prix

(75) L'affirmation des producteurs selon laquelle les instructions de prix ne correspondaient ni quant au calendrier, ni quant aux montants, aux cibles convenues aux réunions et entre eux n'est pas corroborée par les faits. La Commission a élaboré et transmis aux producteurs des tableaux détaillés, avec à l'appui des copies des instructions de prix émanant de chacun d'entre eux et afférentes à toutes les initiatives de prix connues lancées entre septembre 1979 et novembre 1983 (les tableaux étaient nécessairement un condensé d'instructions parfois complexes concernant le calendrier ou le montant d'une hausse et le degré de souplesse admis, et devaient être lus à la lumière des instructions complètes qui y étaient jointes). L'examen et la comparaison des instructions proprement dites révèlent un schéma conséquent de producteurs donnant des instructions de prix qui mettaient en œuvre l'objectif mentionné dans les comptes rendus de réunions. Là où les réunions ont abouti à un tableau complet d'objectifs par qualité et par devise (comme ce fut le cas en février-mars 1981, le 1er juin 1982, le 1er octobre 1982, par exemple), l'on possède les instructions communiquées par plusieurs producteurs à leurs divers bureaux nationaux de vente et elles se révèlent correspondre exactement non seulement entre elles, mais avec chacun des quelque 40 prix figurant au tableau. En d'autres occasions (comme en septembre-novembre 1983, par exemple), même si l'on ne dispose pas d'un tableau complet des cibles, les instructions données par les producteurs se révèlent identiques, une fois de plus. Certains producteurs ont parfois laissé à leur bureau local de vente une certaine marge pour différer l'application complète d'un nouveau prix ou leur ont indiqué des prix "minimaux" ou des "minima absolus" auxquels ils pouvaient recourir en dernier ressort. Tout écart de quelque importance par rapport au plan devait néanmoins être signalé au siège central. D'autres producteurs ont prévu exceptionnellement des prix spéciaux pour les tout gros clients. Dans le cas d'Hercules, un télex général circulaire était adressé aux bureaux locaux de vente dans la Communauté économique européenne et mentionnait presque toujours des objectifs, c'est-à-dire des niveaux de prix à réaliser, qui correspondaient aux cibles fixées lors des réunions. Des instructions spécifiques (qui se référaient souvent à la même "cible" générale exprimée en marks allemands ou dans la devise appropriée) étaient parfois transmises par télex à chaque territoire de vente pour tenir compte des conditions locales et de divers facteurs susceptibles d'affecter le prix réalisable. Dans l'ensemble, cependant, le tableau qui se dégage est celui d'instructions de prix lancées pour assurer la mise en œuvre des cibles fixées aux diverses réunions.

(76) Plusieurs producteurs ont tenté, en se référant à des initiatives de prix spécifiques, de démontrer que leur comportement en matière de prix était indépendant de celui d'autres producteurs ou d'une ligne de conduite fixée lors d'une réunion. C'est ainsi qu'ICI a prétendu, à propos du palier intermédiaire de 1,85 DM/kg applicable au 1er juillet 1983, que plusieurs producteurs auraient lancé les instructions de prix invoquées par la Commission avant la date de la réunion à laquelle elle prétend qu'elles auraient été mises au point (le 1er juin). Cet argument méconnaît que la réunion du 1er juin n'a fait que confirmer une entente préalable et que la décision initiale de viser un objectif de prix de 1,85 DM/kg avait déjà été prise lors d'une réunion antérieure tenue le 20 mai 1983, les instructions d'ICI à cet effet ayant suivi déjà trois jours plus tard, soit le 23 mai. De même, ICI n'a pu fournir aucune explication au fait que ses nouveaux prix coïncidaient exactement, sur un éventail de quarante rubriques ou plus, avec ceux fixés par DSM et Basf et qu'ils devaient entrer en vigueur le même jour.

Hercules fait grief à la Commission d'avoir considéré, à tort, les instructions de prix de divers producteurs comme étant contemporaines alors qu'elles ne l'étaient pas. Elle attire en particulier l'attention sur le délai d'au moins quatre semaines qui s'est écoulé entre ses instructions de prix du 26 juillet 1982, relatives à un relèvement à 2 DM/kg au 1er septembre et à 2,10 DM/kg au 1er octobre, et celles citées par la Commission pour les autres producteurs. Si les instructions de ces autres producteurs ont été plus tardives, c'est parce qu'après l'envoi par Hercules de son télex initial, il avait été convenu de différer l'initiative d'un mois ; au reste, Hercules elle-même a envoyé un télex le 24 août 1982 pour modifier ses instructions premières. Mieux encore, les premières instructions initiales d'Hercules, datées du 26 juillet (pour septembre et octobre, nous visons des hausses de prix basées sur des objectifs-raphia de 2 DM/kg et 2,10 DM/kg respectivement), ont été données cinq jours à peine après qu'elle eût participé à la session des "experts" du 21 juillet, au cours de laquelle ces mêmes objectifs initiaux avaient été fixés. (Le compte rendu de la réunion fait par ICI signale que "les 2 DM ont été admis dans l'ensemble pour septembre, une nouvelle hausse de 10 pfennigs devant être annoncée simultanément pour le 1er octobre".)

Indépendamment de l'audit commandé par les autres producteurs, Hercules a produit une enquête qui entendait démontrer l'absence de tout schéma de relations entre ses propres "orientations" en matière de prix et les prix cibles fixés aux réunions. Cette conclusion résulte pour une large part de l'omission ou de l'interprétation sélective des instructions de prix et de l'utilisation, en lieu et place des cibles proprement dites, fixées par qualité et par devise (telles qu'elles figurent dans les tableaux joints aux comptes rendus de réunions d'ICI), de chiffres "théoriques" inexacts extrapolés par Hercules pour les besoins de la cause, à partir de la cible applicable à la qualité raphia.

(77) Dans certains cas, les producteurs n'ont pas fourni à la Commission une série complète d'instructions de prix à partir de 1979, comme requis. Ainsi, pour deux producteurs, Hüls et Hercules, les documents recueillis portent uniquement sur 1982 et 1983, et pour Petrofina et Solvay, sur 1983 seulement. Les documents afférents aux années antérieures auraient été détruits ou n'auraient jamais existé. Les instructions de prix recueillies démontrent néanmoins que pendant la ou les périodes couvertes par les documents qu'ils ont fournis, ces quatre producteurs prenaient des mesures pour atteindre les cibles convenues.

Anic et Rhône-Poulenc n'ont produit aucune instruction en matière de prix ; les comptes rendus de réunion et autres documents démontrent néanmoins que ces deux producteurs ont participé régulièrement aux réunions au cours desquelles les initiatives de prix étaient discutées et prises. Les documents relatifs aux arrangements en matière de quotas indiquent qu'ils ont participé pleinement à ces projets pendant tout le temps de leur présence sur le marché du polypropylène.

F. Le degré de participation de chaque producteur

(78) ICI, Montepolimeri, Hoechst et Shell en tant que "quatre grands" étaient au coeur des arrangements issus de l'"accord sur les prix plancher". Après la mise en place du système des réunions périodiques, Montepolimeri a pris la tête du groupe, responsabilité qui échut à ICI en août 1982. Hoechst, ICI et Montepolimeri participaient toutes régulièrement aux réunions de patrons et d'experts.

Shell n'assistait pas à ces réunions, mais fut impliquée dans l'accord initial sur les prix planchers, elle a pris part à des réunions ad hoc avec les autres grands producteurs et a participé aux accords de quotas. Shell avoue elle-même qu'avant les réunions de patrons et d'experts, elle était parfois invitée à donner son avis sur une possible majoration des prix et qu'après lesdites réunions elle était informée par Montepolimeri et ICI des "cibles" proposées et qu'elle transmettait ces renseignements à ses sociétés d'exploitations. Les documents internes de Shell confirment qu'elle avait connaissance des "initiatives" en matière de prix et qu'elle y participait, parfois même comme chef de file avoué. À partir de la fin de 1982, son représentant assistait régulièrement aux "pré-réunions" des quatre principaux producteurs. Quant aux sociétés d'exploitation du groupe Shell, elles prenaient part aux réunions nationales.

Abstraction faite des "quatre grands", il est impossible d'identifier avec certitude les autres participants à l'accord initial sur les "prix plancher" conclu au milieu de l'année 1977. Toutefois, l'initiative prise ultérieurement, le 1er décembre 1977, par Montepolimeri, Hoechst, ICI et Shell a bénéficié du "soutien" exprès au moins d'Hercules, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay. La participation de tous ces producteurs à des arrangements collusoires remonte donc à 1977, quelle que soit la date précise à laquelle les divers producteurs ont commencé à y assister.

Le système des réunions périodiques a commencé à peu près à la fin de 1977 mais il n'est pas possible de préciser la date à laquelle chaque producteur a commencé à y assister (6).

Les documents relatifs aux objectifs en matière de volumes démontrent que tous les producteurs destinataires de la présente décision étaient impliqués dans le système de quotas au moment où les "objectifs" de 1979 ont été fixés. Leur participation aux réunions est donc établie à partir de cette date au plus tard (1980 dans le cas de Petrofina).

La Commission rejette expressément l'argument de Hüls selon lequel la seule réunion à laquelle elle ait assisté avant le milieu de l'année 1982 est justement celle de janvier 1981, dont un compte rendu a été découvert chez ICI et dans lequel elle est mentionnée.

Les documents relatifs aux objectifs de volumes font mention de Hüls et démontrent qu'elle a participé à ces projets depuis le début.

Anic a cessé de participer aux réunions vers le milieu ou la fin de 1982, à la suite de la réorganisation de l'industrie pétrochimique italienne (mais elle restait cependant impliquée dans les accords de quotas couvrant le premier trimestre de 1983 pour le moins). De même Rhône-Poulenc a disparu du marché du polypropylène à la fin de 1980 et a cédé ses intérêts à son ancien associé BP.

Petrofina, qui fut le dernier producteur à accéder au marché, a commencé à participer plus tard que les autres. À l'origine, ses ventes de polypropylène étaient confiées à Montefina, une société qu'elle possédait conjointement avec Montepolimeri. En mars 1982, Petrofina a repris la fonction de marketing pour sa part de la production de l'usine Montefina. Petrofina admet que ses représentants ont assisté régulièrement, par la suite, aux réunions de patrons et d'experts. Il n'est pas sûr que Petrofina ait été représentée séparément aux réunions avant mars 1982, mais le fait que son cas ait généralement été dissocié de celui de Montepolimeri dans les projets de quotas semble indiquer qu'elle a participé à ces arrangements dès 1980. Il arrive que certains producteurs, en particulier Saga, soient qualifiés dans les documents de "flexibles", "indisciplinés" ou "perturbateurs" sur certains marchés. Ces producteurs n'en étaient pas moins tous des participants réguliers aux réunions et leurs instructions de prix et autres documents internes prouvent que, dans l'ensemble, ils étaient des membres coopératifs du "club" ou que comme Saga ils étaient disposés à faire montre d'"agressivité" sur le terrain des prix pour obtenir le supplément de quota qu'ils réclamaient.

Hercules, le seul producteur américain présent aux réunions, prétend n'y avoir assisté que comme "observateur" et au demeurant sans régularité. Elle reconnaît avoir pris part aux réunions à partir de mai 1979 et avoir été informée de l'issue des réunions auxquelles son représentant n'assistait pas. À partir du milieu de l'année 1982, tout en menaçant de se retirer parce que les producteurs allemands "ne l'acceptaient pas", le représentant d'Hercules s'est rendu à une quinzaine des trente réunions plénières dont on a connaissance, y compris plusieurs réunions de "patrons". Les comptes rendus d'ICI révèlent qu'il prenait une part active aux discussions, allant jusqu'à proposer le système de l'"account leadership". Il a également pris part aux réunions locales, tout au moins à celles concernant le Benelux. Tout en recevant des renseignements détaillés sur les ventes mensuelles des autres producteurs, le représentant d'Hercules ne paraît pas leur avoir communiqué les chiffres afférents à sa propre firme.

Hercules a tenté d'accréditer la présence de son représentant comme une initiative officieuse émanant d'un cadre de rang relativement peu élevé. Ses propres documents révèlent toutefois qu'il occupait un poste responsable dans la société en tant que directeur du marketing pour le polypropylène et que dès 1977 au moment de l'accord sur les prix planchers et en 1981, ses supérieurs eux-mêmes étaient en contact avec d'autres producteurs dans le cadre des négociations sur les prix. Il serait dès lors inconcevable qu'ils n'aient pas eu connaissance du but réel de ses voyages d'affaires, qu'ils ont autorisés à partir de mai 1979.

Deux producteurs, Amoco et BP, n'assistaient pas aux réunions. Il est cependant avéré qu'ils entretenaient des contacts avec le "club" sur les questions discutées aux réunions, telles que la fixation des prix et le système de quotas. Ils ont cependant tous deux nié avoir participé aux accords restreignant la concurrence, bien que BP reconnaisse avoir répondu aux tentatives d'approche d'ICI, sans s'engager mais d'une manière qui pouvait être interprétée comme l'expression d'un "soutien". Amoco a également eu des contacts téléphoniques avec Hercules au sujet des propositions relatives à un système de quotas pour le premier trimestre de 1983, tandis qu'ICI a téléphoné à BP sur le même sujet. À certaines occasions, Amoco et BP paraissent avoir aligné leurs prix sur les cibles fixées aux réunions. Leur comportement a été pour le moins imprudent, mais les preuves sont insuffisantes pour établir d'une manière décisive leur participation à une violation de l'article 85 paragraphe 1.

PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE

A. Article 85

I. Article 85 paragraphe 1

(79) L'article 85 paragraphe 1 du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

II. Caractère et structure de l'"accord"

(80) À partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents.

Le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques, qui ont varié dans le temps, tels que :

- la fixation de prix cibles,

- les modalités d'initiatives portant sur les prix,

- la répartition des marchés conformément à des plans annuels de quotas ou à des volumes cibles,

- aux moments où aucun quota définitif n'était applicable, des mesures temporaires visant à réguler ou à contrôler les volumes de ventes.

- l'échange d'informations détaillées sur leurs activités respectives, qui relèvent normalement du secret professionnel, pour leur permettre de mieux coordonner leur action.

À la suite de leurs contacts réguliers au sein d'un système institutionnalisé de réunions, les mesures concertées entre les producteurs étaient constamment modifiées, ajustées ou remises à jour pour tenir compte de l'évolution de la situation et des réactions du marché.

(81) La Commission estime que tout l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l'article 85 paragraphe 1.

Pour qu'une restriction constitue un "accord" au sens de l'article 85 paragraphe 1, il n'est nullement nécessaire que celui-ci détermine entre les parties un état de contrainte légale. L'accord existe dès lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite ou est susceptible de limiter leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action ou de leur abstention réciproque sur le marché. Aucune sanction contractuelle ou mesure de contrainte n'est requise. Il n'est pas nécessaire que l'accord soit établi par écrit.

En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, ont participé à un accord-cadre qui s'est traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques.

(82) Dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points (initiatives individuelles en matière de prix et plans annuels de quotas). Parfois, sans doute, les producteurs n'ont pas réalisé un consensus sur un projet définitif, comme les quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles et des résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, suppose non seulement, un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indique aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.

Compte tenu des descriptions détaillées contenues aux points 28 à 51 ci-avant, qui établissent l'existence d'initiatives de prix, la Commission estime que même avant 1979 les diverses initiatives mentionnées comme ayant été "dirigées" par l'un ou l'autre producteur et "suivies" par les autres résultaient également d'un accord entre eux.

Tel est le cas, par exemple, de l'initiative de décembre 1977 (points 16 et 17 ci-avant). Aux réunions de l'EATP, des producteurs comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay soulignaient, même vis-à-vis des clients, la nécessité qu'ils ressentaient de mener une action concertée en vue de majorer les prix. Les producteurs poursuivaient leurs contacts sur la fixation des prix en dehors du cadre des réunions de l'EATP. À la lumière de ces contacts avérés, la Commission estime que le mécanisme en vertu duquel un ou plusieurs d'entre eux se plaignaient de leurs marges de rentabilité "insuffisantes" et proposaient une action conjointe, alors que les autres exprimaient leur "soutien" à pareilles actions, reposait sur l'existence d'un accord sur les prix. (Même en l'absence de tout autre contact, pareil mécanisme pourrait indiquer en soi un consensus suffisant pour réaliser un accord au sens de l'article 85 paragraphe 1.)

(83) La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent n'est aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" prenaient plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêche en rien un producteur d'y avoir participé. En toute hypothèse, il était de pratique courante d'informer les absents des décisions prises aux réunions. Toutes les entreprises destinataires de la présente décision ont pris part à la conception de plans d'ensemble et aux discussions consacrées à des points de détail, et leur degré de responsabilité n'est pas atténué du fait de leur absence occasionnelle lors d'une session déterminée (ou dans le cas de Shell, lors de toutes les sessions plénières).

L'essence même de la présente affaire réside dans une association des producteurs pendant un laps de temps considérable afin de réaliser un objectif commun et chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l'exécution de l'accord dans son exemple. Le degré de participation de chaque producteur ne sera donc pas déterminé en fonction de la période pour laquelle ses instructions de prix ont été retrouvées lors des vérifications, mais pour toute la période de son adhésion à l'initiative commune.

Cette considération s'applique aussi à Anic et à Rhône-Poulenc, qui ont quitté le secteur du polypropylène avant la date des vérifications de la Commission. Aucune instruction de prix aux bureaux de vente n'a pu être recueillie pour ces deux entreprises. Leur présence aux réunions et leur participation aux objectifs de volume et aux plans de quotas ressort cependant des documents retrouvés. L'accord doit être considéré dans son ensemble et la participation de ces entreprises est établie même en l'absence d'instruction qu'elles auraient données en matière de prix.

(84) Plusieurs producteurs ont avancé l'argument que les dispositions qu'ils prenaient ne pouvaient constituer un "accord" au sens de l'article 85 paragraphe 1, puisqu'ils ne se sentaient nullement "engagés", pour leur part tout au moins, et quelle que fût la détermination des autres participants. Cet argument, avancé par les avocats de plusieurs firmes, n'est confirmé par aucune preuve verbale ou écrite. Il méconnaît le fait avéré selon lequel, en certaines occasions, pour renforcer la décision prise à une réunion ou pour assurer le succès d'une initiative en matière de prix, les cadres supérieurs ont précisément été invités à exprimer leur "engagement personnel", ce qu'ils ont fait (notamment réunion des patrons du 2 septembre 1982 ; réunion des experts du 1er juin 1983).

Toutefois, lorsque de telles déclarations expresses d'"engagement" n'ont pas été faites ou n'ont pas été consignées par écrit, les documents prouvent que l'accord entre les producteurs n'était pas purement imaginaire, comme d'aucuns l'ont prétendu. Le comportement des producteurs indique qu'ils prenaient au sérieux les accords atteints lors des réunions.

(85) Une fois convenues, les initiatives en matière de prix étaient donc, comme le prouvent les instructions, mises en œuvre par les producteurs, qui transmettaient à leurs bureaux de vente nationaux l'ordre ou la recommandation de relever leurs prix en conséquence ou de concrétiser de toute autre manière les actions décidées lors d'une réunion antérieure. Ils ont également établi un système de rapports périodiques sur leurs activités qui permettait de contrôler la mise en œuvre des plans arrêtés d'un commun accord.

Le consensus des producteurs supposait que tous admettent, voire entendent délibérément, élaborer et appliquer un plan déterminé. Même si d'aucuns ont ressenti, à propos d'un plan ou d'une initiative déterminés, des réserves qui n'ont jamais été exprimées, ils étaient tous profondément impliqués dans le plan général de fixation des prix et de répartition du marché. Sans doute certains producteurs n'ont-ils pas toujours maintenu leur détermination initiale et ont-ils fait parfois, à leurs clients, des concessions de prix qui affaiblissaient l'"initiative" ; cette circonstance n'empêche nullement qu'il y ait eu conclusion d'un accord illicite au sens de l'article 85 paragraphe 1. Au demeurant, les cas où un producteur se voyait reprocher la fixation "irrégulière" ou "perturbatrice" de ses prix, après qu'il eût tenté de renforcer sa position sur le marché au détriment des autres (qui pouvaient lui demander des explications) n'infirment en rien les preuves irrésistibles d'un plan concerté de régulation du marché.

Dans le cas particulier d'Hercules, l'entreprise ne peut échapper à sa responsabilité quant à l'infraction en prétendant que la participation de son représentant était "officieuse" ou qu'il taisait certains renseignements aux autres producteurs.

III. Pratiques concertées

(86) La Commission estime que la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85 paragraphe 1. La notion d'"accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre formes de coopération illicite.

La notion de "pratique concertée" vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence.

(87) En développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85 paragraphe 1 en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière : voir arrêt de la cour de justice du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries Ltd contre Commission, affaire 48-69 (Recueil de la jurisprudence de la cour, 1972, page 619).

Dans son arrêt du 16 décembre 1975 dans l'affaire de l'entente européenne sur le sucre : Suiker Unie et consorts contre Commission, affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73 (Recueil 1975, page 1663), la cour a soutenu que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun.S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirecte entre elles ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé, ou que l'on envisage, d'adopter soi-même sur le marché.

Un tel comportement peut tomber sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 en tant que "pratique concertée" même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial.C'est ce qui a pu se produire en 1981 et 1982 lorsque des mesures ont été prises pour communiquer et surveiller les volumes de livraisons individuels en l'absence d'un système de quotas définitif (en revanche, l'échange systématique d'informations suppose qu'il y ait eu "accord" en tant que tel : voir point 82 ci-avant). En outre, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Le scepticisme manifesté par Shell à propos des plans de quota, au moment même où elle indiquait à ICI le quota qu'elle serait disposée à admettre pour elle-même (voir point 57), peut être envisagé dans cette optique. À certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble peut donc assumer certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.

L'importance de la notion de pratique concertée ne résulte donc pas tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85 paragraphe 1 et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importe dès lors la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.

(88) La plupart des producteurs ont prétendu au cours de la procédure administrative que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir point 84) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché ; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun "prix cible" n'ayant jamais été communiqué aux clients.

Cet argument doit être rejeté. S'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun est pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix sont consignées dans les documents. Il est également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs tant individuellement que collectivement ressortent des documents : compte rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients (voir points 24 à 27). Il importe peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fournissent non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.

IV. L'objet et l'effet de l'accord

(89) L'article 85 paragraphe 1 cite expressément comme restreignant la concurrence les accords fixant de façon directe ou indirecte les prix de vente ou répartissant les marchés entre producteurs ; or, telles sont justement les caractéristiques essentielles des accords à l'examen.

En l'espèce, l'instauration du système des réunion périodiques et la collusion permanente des producteurs avaient pour objectif fondamental de réaliser des hausses de prix au moyen d'un ensemble d'accords et d'arrangements.

En organisant une action commune dans le cadre d'initiatives où des prix cibles étaient fixés par qualité et par devise et entraient en vigueur à une date convenue de commun accord, les producteurs cherchaient à éliminer les risques inhérents à des tentatives unilatérales de majoration des prix.

Les divers systèmes de quotas et les autres mécanismes élaborés pour concilier les intérêts divergents des producteurs établis et de nouveaux venus avaient tous pour objectif ultime la création de conditions de "stabilité" artificielles, favorables à une hausse des prix.

Dans la poursuite de ces objectifs, les producteurs visaient à organiser le marché de polypropylène sur une base qui substituerait au libre jeu des forces concurrentielles une collusion institutionnalisée et systématique entre les producteurs, équivalant à une entente.

La circonstance que le marché du polypropylène se soit caractérisé pendant une période de plusieurs années par des surcapacités, génératrices de pertes pour des producteurs, n'enlève rien au fait que l'accord ait poursuivi un objectif contraire à la concurrence.

(90) Pour l'application de l'article 85 paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence.

Toutefois, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.

L'accord réalisé lors des réunions sur des objectifs de prix distincts par qualité et par devise a été mis en œuvre par les producteurs, qui ont tous transmis des instructions de prix à leurs bureaux de vente ou agents nationaux, en les chargeant d'informer les clients de ces modifications.

À la suite de ces initiatives concertées en matière de prix, les clients se voyaient appliquer, sur le marché, un prix de base uniforme pour chaque qualité et dans chaque devise. Sans doute certains clients bénéficiaient-ils de conditions spéciales ou de remises, et certains producteurs appliquaient-ils l'augmentation prévue avec retard ou faisaient-ils des concessions. Il pouvait arriver que certains producteurs fixent leurs prix effectifs, pour certains grades ou pour certains pays, légèrement en dessous des cibles, tout en les déterminant dans le contexte d'une action générale des autres producteurs (phénomène connu sous le nom de "shaving" = rognage du prix convenu). Il n'en reste pas moins que la fixation d'un niveau de prix déterminé, qui était ensuite présenté au marché comme étant "le prix de liste" ou "le prix officiel", signifiait que les possibilités pour les clients de négocier avec les producteurs étaient déjà réduites et qu'ils étaient privés d'un grand nombre des avantages qu'ils auraient eus si la concurrence avait joué librement.

Les documents recueillis, notamment les rapports de marché établis par les producteurs eux-mêmes, démontrent donc l'existence sur le marché d'initiatives concertées en matière de prix, impliquant tous les producteurs, ainsi qu'un lien étroit entre les initiatives et le système des réunions périodiques.

(91) Sans doute le niveau réel des prix accuse-t-il un retard par rapport aux "objectifs" et les initiatives en matière de prix ont-elles tendu à perdre de leur vigueur, au point parfois de déboucher sur une chute brutale des prix. Toutefois, les graphiques sur lesquels les producteurs eux-mêmes se basaient font ressortir, au fil des ans, un schéma régulier d'évolution étroitement parallèle entre le niveau des objectifs et le niveau des prix réels. Pendant la période couverte par les initiatives de prix dont on a connaissance, le prix réalisé s'est rapproché, de mois en mois, de l'objectif convenu. En cas d'"effondrement" soudain des prix (à la suite, par exemple, d'une baisse des prix du propylène), la chute était jugulée par la fixation d'un nouvel objectif à un niveau bien inférieur, et les hausses reprenaient leur cours. Le succès de la tactique a été particulièrement marqué en juillet - novembre 1983.

Les livraisons de la plupart des producteurs pendant les années où un système a été en vigueur correspondent en général aux attributions de quotas ou de cibles (voir tableau 8 de l'annexe). Pour les années 1981 et 1982, où les producteurs n'ont pu se mettre d'accord sur un système de quotas, il était inévitable que les producteurs les plus ambitieux accroissent leur part du marché par rapport à l'année antérieure ou à la période de référence. Toutefois, grâce à l'échange mensuel d'informations sur les livraisons, les autres producteurs pouvaient tout au moins ajuster leur comportement et leur perception du marché en fonction de l'attitude de leurs collègues plus agressifs. Même en 1981 et 1982 cependant, un équilibre global a pu être maintenu entre les producteurs par comparaison avec les années antérieures.

Certains producteurs ont fait état de divergences entre leur tonnage cible initial et les livraisons qu'ils ont réellement effectuées au cours de l'année de référence (notamment en 1980) et concluent à l'absence de tout système de quotas. De fait, au cours de l'année en question, les objectifs en matière de "tonnages" avaient été constamment révisés et la répartition initiale du marché avait été maintenue globalement en termes de pourcentages. ATO, par exemple, a soutenu que ses ventes en Europe occidentale ont progressé d'année en année, passant de 39 000 tonnes en 1979 à 45 000 tonnes en 1982. En fait, son pourcentage du marché est resté constant pendant toute la période (entre 3,1 et 3,2 %) et a coïncidé d'une manière presque absolue avec ses objectifs annuels.

D'aucuns ont également prétendu que les modifications intervenues dans la part de marché de certains producteurs depuis 1977 prouvait l'existence d'une concurrence "non restreinte". Cet argument passe sur le fait que des quotas ou des objectifs ont été fixés pour tenir compte des ambitions des nouveaux venus et que les grandes firmes admettaient de réduire quelque peu leur part du marché pour favoriser un relèvement des prix.

(92) Le fait que cette cartellisation du marché ait été incomplète en pratique et n'ait pas entièrement éliminé le jeu des forces concurrentielles, n'empêche pas l'application de l'article 85. Vu le grand nombre de producteurs, la divergence de leurs intérêts commerciaux et l'absence de toute mesure de contrainte légale à l'encontre des producteurs qui ne respectaient pas les arrangements, aucune entente n'aurait pu contrôler totalement les activités des participants.

La Commission n'admet pas l'argument implicitement contenu dans les observations écrites et orales de plusieurs producteurs et dans l'étude économétrique qu'ils ont commandée, selon lequel l'évolution du marché aurait été la même en l'absence de leurs arrangements. L'on peut spéculer sur la situation qui eût existé en l'absence d'accords, mais le fait est que les producteurs eux-mêmes ont reconnu l'efficacité de leurs réunions en refusant de mettre un terme à celles-ci, comme l'idée en avait été lancée en mai 1982, estimant préférable, du moment où l'offre et la demande étaient en équilibre, de prendre des mesures "actives" pour relever les prix, plutôt que de laisser agir les forces du marché.

V. Effet sur les échanges entre États membres

(93) L'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre États membres.

L'article 85 vise les accords qui sont susceptibles de nuire à la réalisation d'un marché unique entre les États membres, soit en cloisonnant les marchés nationaux, soit en affectant la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale) était susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord.

La fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, a altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises ont été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.

(94) Les prix cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l'"account leadership", en orientant la clientèle vers certains producteurs nommément désignés, a encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix.

La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volume par État membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur. À noter aussi que, sans que cela fasse l'objet d'un accord exprès, des producteurs nationaux se souciaient, au cours des négociations sur les volumes, de se réserver ou de reprendre une part déterminée de leurs marchés traditionnels, exprimée en pourcentage.

VI. Compétence

(95) L'article 85 du traité CEE s'applique aux pratiques restrictives susceptibles d'affecter les échanges entre les États membres, même lorsque les entreprises intéressées sont établies ou ont leur siège en dehors de la Communauté.

Le fait que deux entreprises aient leur siège social en dehors de la Communauté n'affecte en rien leur responsabilité en ce qui concerne les infractions constatées. Linz et Saga exportaient toutes deux directement vers la Communauté, où elles réalisaient un volume important d'affaires en polypropylène, dans le cadre de l'entente à laquelle elles participaient. Elles avaient toutes deux des filiales locales et des agents dans divers États membres auxquels elles donnaient, en matière de prix, des instructions conformes aux objectifs convenus. Les arrangements en matière de quotas couvraient non seulement leurs ventes en dehors de la Communauté, mais également celles qu'ils effectuaient à l'intérieur de celle-ci et qui représentaient en fait l'essentiel de leurs ventes de polypropylène.

Dans la mesure où les activités de l'entente s'étendaient à des pays tiers (Suisse, Autriche, Suède, Finlande, et avant l'adhésion, Espagne et Portugal), elles ne sont pas couvertes par la présente décision.

L'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du traité aux entreprises norvégiennes et autrichiennes destinataires de la présente décision n'est pas affectée par les accords de libre échange conclus entre la Communauté européenne, d'une part, et la Norvège (7) et l'Autriche (8), d'autre part. Ces accords stipulent bien que sont incompatibles avec leur bon fonctionnement, dans la mesure où ils sont susceptibles d'affecter les échanges entre la Communauté et l'État en question, tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises qui sont contraires à la concurrence et ils prévoient une procédure d'élimination des infractions aux règles de concurrence. Ils ne contiennent aucune disposition qui empêche la Commission d'appliquer immédiatement l'article 85 paragraphe 1 aux accords qui s'appliquent à l'intérieur du marché commun et qui affectent les échanges entre États membres.

Dans ses procédures à l'encontre de Linz et de Statoil, la Commission a suivi les recommandations de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les questions de concurrence.

VII. Entreprises

(96) Le secteur pétrochimique européen a été le théâtre d'une réorganisation tant au cours de la période couverte par l'enquête qu'ultérieurement et dans certains cas, la structure sociale des entreprises intéressées s'en est trouvée modifée.

Certains producteurs ayant participé aux infractions présumées ont transféré à d'autres entreprises leurs acitivités dans le secteur visé : c'est ainsi que l'activité polypropylène d'Anic a été reprise par Montepolimeri dans le cadre d'une restructuration de l'industrie italienne des plastiques, bien qu'Anic subsiste en tant qu'entreprise. La Commission n'estime pas que le fait pour Anic d'avoir cédé ce secteur de ses activités à Montepolimeri la dégage de ses responsabilités du chef des infractions auxquelles elle a participé jusqu'à la fin de 1982. Il en est de même pour Rhône-Poulenc, qui a renoncé à son activité polypropylène au début de 1981.

Les changements survenus au sein du groupe Montedison (depuis le début de la présente procédure, le secteur polypropylène du groupe est exploité sous la dénomination de Montedipe) n'ont aucune incidence sur l'application de l'article 85 paragraphe 1. Il en va de même de la création de l'entreprise Himont par Hercules et par le groupe Montedison, qui restent toutes deux des entités distinctes responsables des infractions.

(97) La réorganisation de l'industrie pétrochimique norvégienne et la reprise par le groupe nationalisé Statoil de la Saga Petrokjemi doivent être examinées à part. Cette réorganisation a été menée à bien et concrétisée légalement peu après l'enquête menée par la Commission, soit le 1er janvier 1984.

La capacité de production de l'industrie norvégienne des thermoplastiques relève d'Is Norpolefin, une association dotée de la personnalité juridique, créée en 1973, dans laquelle Norsk Hydro, Statoil et Saga Petrokjemi détiennent chacune un tiers du capital. L'exploitation des installations de Norpolefin a cependant été confiée à Saga Petrokjemi en vertu d'un contrat de gestion. Auparavant, Saga Petrokjemi avait plusieurs actionnaires, mais en 1982 l'un d'eux, Saga Petroleum, a acquis la totalité du capital. En 1983, Saga Petroleum a pris des mesures pour se défaire de Saga Petrokjemi, qu'elle a finalement cédée à Statoil, avec le consentement du gouvernement et du parlement norvégiens.

(98) Le 1er janvier 1984, Saga Petrokjemi, qui avait été créée sous forme d'association de droit norvégien, a cessé d'exister en tant que personne juridique distincte, du fait de sa fusion avec Statoil. Elle constitue désormais un centre de profit distinct au sein du groupe Statoil. À la suite de la fusion de Saga Petrokjemi et de Statoil, cette dernière a repris les actions d'Is Norpolefin détenues par Saga Petrokjemi ainsi que les droits découlant du contrat de gestion passé jadis avec Saga Petrokjemi. Statoil gère désormais en son propre nom l'acitivité thermoplastique représentée auparavant par Saga Petrokjemi, tout en continuant à "gérer" l'affaire Norpolefin. Les filiales de vente de Saga Petrokjemi au Danemark et au Royaume-Uni, désormais filiales de Statoil, conservent exactement les même fonctions qu'auparavant en matière de vente et de commercialisation des thermoplastiques.

Statoil soutient qu'elle n'est pas responsable des infractions qui auraient été commises par Saga Petrokjemi, cette entreprise ayant cessé d'exister le 1er janvier 1984, c'est-à-dire entre la date des actes incriminés et celle où la Commission a expédié ses communications des griefs.

(99) La Commission admet qu'il n'est pas démontré que Statoil ait poursuivi l'infraction, en participant aux réunions ou autrement, après la reprise de Saga Petrokjemi. Elle ne prétend pas davantage que l'acquisition par Statoil ait eu pour objet de faire obstacle à l'application des règles communautaires de concurrence. En outre, bien que Statoil ait toujours été associée à l'exploitation de l'opération Norpolefin (à concurrence d'un tiers au départ et de deux tiers aujourd'hui), la Commission admet que toute infraction aux dispositions de l'article 85 a été commise non pas par Norpolefin, mais par Saga Petrokjemi, en raison des fonctions qu'elle assumait sur le plan de la gestion et de la commercialisation.

Il est incontestable que si Saga Petrokjemi avait subsisté sous sa forme initiale, la Commission aurait pu lui infliger une amende pour sa participation à l'entente, dans la mesure où celle-ci impliquait sa fonction à l'intérieur du marché commun.

L'important, en l'occurrence, est de savoir si, à la suite de la fusion et en dépit des modifications intervenues dans sa structure et sa forme juridique, l'entreprise qui a commis l'infraction subsiste, ou si elle est liquidée.

La question ne peut être tranchée que par référence aux règles du droit communautaire et non d'après les règles du droit national.

Dans le cadre des règles de concurrence de la Communauté, les sujets de droit sont les entreprises, notion qui ne se confond pas avec celle de la personnalité juridique dans le cadre du droit des sociétés ou du droit fiscal.Le terme "entreprise" n'est pas défini dans le traité. Toutefois, il est applicable à toute entité exerçant des activités de nature commerciale et, s'il s'agit d'une personne morale, peut concerner une société mère ou une filiale ou l'ensemble constitué par la société mère et les filiales.

Bien que Saga Petrokjemi ait détenu 56 % et plus tard 100 % du capital de Saga Petrokjemi, la Commission n'estime pas qu'elles aient constitué ensemble une "entreprise" unique, en ce sens que le comportement de Saga Petrokjemi pourrait être imputé à Saga Petroleum au nom de "l'identité d'entreprise". Saga Petrokjemi a toujours fonctionné en tant qu'entité commerciale distincte et ne peut être considérée comme faisant partie de la même unité économique que Saga Petroleum. En revanche, les filiales de Saga Petrokjemi au Danemark et au Royaume-Uni relevaient de la même affaire et leurs actions sont imputables à Saga Petrokjemi.

(100) En l'espèce, la Commission estime que, tout en ayant perdu la personnalité juridique distincte après sa fusion avec Statoil, l'entreprise qui a commis l'infraction a néanmoins subsisté. Le fait qu'elles aient fusionné au sein d'un groupe ou une entreprise plus vaste, Statoil, n'est pas déterminant en l'espèce.Si Statoil, lors de son acquisition de Saga Petrokjemi, en avait fait une filiale distincte, cette particularité n'eût pas empêché la Commission d'infliger une sanction à Saga ou à Statoil. Comme les conseillers juridiques de Statoil l'ont relevé dans un autre contexte, la forme précise d'une cession est affaire de circonstances et peut résulter des singularités du droit national.

Il n'est pas nécessaire de démontrer que Statoil a poursuivi ou adopté le comportement illicite de Saga Petrokjemi, pour que la Commission puisse lui adresser une décision. Le facteur déterminant en l'occurrence est la continuité économique et fonctionnelle qui existe entre l'entreprise initiale et son successeur.

Statoil n'a pas dissous l'affaire Saga Petrokjemi, ni liquidé ses éléments d'actifs. Au contraire, elle a poursuivi les activités économiques de Saga et maintenu l'essentiel des fonctions exercées par celle-ci dans l'exploitation de l'usine de Norpolefin et la commercialisation de ses produits.La publicité faite par Statoil elle-même dans la presse spécialisée peu après la reprise met l'accent sur la continuité des activités, de la gestion et de l'emplois : "Les nombreux clients qui achètent chez Bamble des matières plastiques brutes ne constateront guère de différence. Pour l'essentiel, seul le nom de l'exploitant a changé. L'organisation est restée la même, ceux qui font le travail aussi. Le personnel de Saga Petrokjemi est devenu celui de Statoil . . ." (ECN supplément Scandinavie, 26 mars 1984). La continuité de la gestion ressort tout particulièrement du fait que le cadre supérieur de Saga Petrokjemi, qui représentait celle-ci aux réunions des "patrons", a non seulement conservé après la fusion la position antérieure de vice-président du département "commercialisation et ventes" chez Saga, mais a été promu ensuite à la fonction de président du secteur Pétrochimie et plastiques de Statoil.

(101) Le cas de Saga Petrokjemi peut être distingué de celui d'Anic et de Rhône-Poulenc. Dans ces deux derniers cas, l'entreprise qui a commis l'infraction subsiste en tant qu'entité distincte, bien qu'elle ait cédé son affaire de polypropylène à d'autres producteurs (Montepolimeri et BP). Aussi la Commission tient-elle Anic et Rhône-Poulenc pour responsables de l'infraction qu'elles ont commise avant qu'elles ne cessent de participer à l'entente, ayant quitté le secteur du polypropylène. Dans le cas de Saga Petrokjemi, en revanche, l'entreprise qui a commis l'infraction s'est trouvée fusionnée et imbriquée avec une autre entreprise. Bien que les activités de Statoil soient nettement plus étendues que celles de l'ancienne Saga Petrokjemi, la Commission estime que la fusion n'éteint pas la responsabilité encourue par cette dernière du fait de son comportement anticoncurrentiel. Sous l'angle économique, l'entreprise a survécu.

De fait, les activités de Saga Petrokjemi constituent désormais un centre de profit distinct au sein de Statoil et, en tant que telles, conservent une identité distincte sous l'angle économique. Toutefois, pour l'application de sanctions, il faut toujours identifier une entité possédant la personnalité juridique. Une amende ne peut être imposée à une division d'une société si elle ne constitue pas une entité juridique distincte et c'est à l'encontre de la société que la Commission doit agir, alors même que ses activités s'étendent à d'autres secteurs que celui auquel l'infraction se rapporte.

L'attitude de la Commission est entièrement conforme à sa pratique antérieure dans l'affaire IV/30.907- Peroxygènes (décision du 23 novembre 1984, JO n° L. 35 du 7 février 1985, page 1). Dans ce cas, PCUK, l'entreprise coupable, avait été scindée après la cessation de l'infraction et son affaire de peroxygène absorbée par Atochem. La Commission a soutenu qu'étant donné la disparition de PCUK en tant qu'entité juridique indépendante, Atochem, qui avait repris et son affaire de peroxydes et ses objectifs économiques, était la destinataire appropriée de toute décision et devait être rendue responsable du paiement de toute amende liée aux infractions commises par PCUK.

(102) Au sein du groupe Shell, l'entreprise responsable de la coordination et de la stratégie dans le secteur des thermoplastiques est la société d'"administration interne" Shell International Chemical Company. C'est cette entreprise qui participait aux réunions avec les autres "grands" et servait d'organe de transmission entre l'entente et les diverses sociétés d'exploitation de Shell (fabrication et vente) dans le marché commun. Ces sociétés prenaient part aux réunions nationales ou locales.

Shell International Chemical Company exerçant la responsabilité d'ensemble en matière de planification et de coordination des activités des sociétés du groupe Shell dans le secteur du polypropylène, la Commission la considère comme la destinataire appropriée de la présente décision.

Jusqu'en mars 1982, Petrofina n'a pas exercé de fonction de commercialisation en dehors de Montefina, la société de production commune Montepolimeri-Fina. Jusqu'à cette date, Montefina a vendu la production de l'unité de Feluy au nom des deux sociétés mères. Toutefois, dans le calcul des quotas, un volume distinct a généralement été attribué, pendant cette période, à chacune des sociétés mères. Petrofina a donc participé de son propre chef, à partir de 1980, aux arrangements en matière de quotas. Même si ceci n'était pas le cas, elle reste conjointement responsable de la participation de Montefina à l'entente jusqu'en mars 1982.

VIII. Règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil

(103) Plusieurs producteurs cités en liaison avec l'"accord sur les prix planchers" conclu au milieu de l'année 1977 ont soutenu que ces arrangements étaient entièrement distincts de tout système de réunions périodiques qui aurait été mis en place ultérieurement, de sorte que la Commission ne peut leur infliger d'amendes, le règlement (CEE) n° 2988-74 (9) prévoyant la prescription au bout de cinq ans.

La Commission n'admet pas que les dispositions relatives aux "prix planchers", arrêtées au milieu de 1977, aient été distinctes du comportement adopté par les producteurs à partir de la fin 1977 au point de pouvoir bénéficier du règlement. La différence entre les "prix planchers" et les "prix minimaux" ou "cibles" fixés ultérieurement aux réunions périodiques est avant tout affaire de terminologie. ICI et Shell ont toutes deux pris la peine de souligner que les discussions sur les "prix planchers" ne se déroulaient pas seulement entre les quatre grands producteurs, mais en impliquaient d'autres. La même situation, à savoir l'afflux de nouveaux producteurs et la constatation d'une baisse du niveau des prix, a été décrite comme étant à la base du système des "prix planchers" et des réunions plus structurées organisées par la suite.

Étant donné le lien manifeste de fait et de circonstances entre les arrangements précités, la Commission estime que, lorsqu'elle envisage des amendes, le règlement (CEE) n° 2988-74 ne l'empêche pas de tenir compte de l'accord sur les "prix planchers" conclu au milieu de l'année 1977.

IX. Durée de l'infraction

(104) La participation des "quatre grands" (Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell) remonte à l'"accord sur les prix planchers" conclu au milieu de l'année 1977 et à l'"initiative" menée par Montepolimeri (alors Montedison) à la fin de cette même année.

Hercules, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay ont toutes exprimé ouvertement leur "soutien" à l'initiative en matière de prix de décembre 1977, dans des circonstances qui indiquaient leur adhésion et leur association à un plan commun dépassant de loin une décision commerciale autonome.

ICI a déclaré que les participants réguliers aux réunions de producteurs, qui ont débuté à la fin de 1977, à peu près au moment de l'initiative de décembre 1977, et avaient été précédées par des contacts officieux, comprenaient, outre les producteurs précités, Anic, ATO, Basf, DSM et Hüls, et plus tard, Petrofina.

(105) La date précise à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux sessions plénières périodiques ne peut être établie avec certitude ; la participation de Hoechst, ICI, Montepolimeri, Shell, Hercules, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay à l'"accord sur les prix planchers" et/ou aux arrangements collusoires liés à l'initiative de prix de décembre 1977, est cependant établie en tout état de cause et remonte soit au milieu de l'année 1977, soit à la fin de cette même année.

La date à laquelle Anic, ATO, Basf, DSM et Hüls ont commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979, puisqu'il est établi que les cinq producteurs ont tous participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette même année.

Petrofina via Montefina n'a accédé au marché qu'en 1980 ; même si ses représentants n'ont assisté aux réunions d'une manière régulière qu'à partir de mars 1982 (la position de Petrofina à ce propos est ambiguë), elle s'est trouvée mêlée dès 1980 aux arrangements de matière de quotas.

Le système des réunions s'est poursuivi au moins jusqu'à la fin de septembre 1983. La plupart des producteurs soutiennent que les réunions, ou tout au moins leur participation à celles-ci, ont cessé avec les vérifications menées par la Commission les 13 et 14 octobre de cette même année. Quelle que soit la date de la dernière réunion, l'accord n'en a pas moins continué à produire ses effets au moins jusqu'en novembre 1983, dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus.

Pour déterminer le montant des amendes, la Commission estime que si l'infraction remonte au milieu de l'année 1977, son mécanisme d'application n'a été entièrement établi que vers le début de 1979.

B. Remèdes

I. Article 3 du règlement n° 17

(106) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85, elle peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.

Les entreprises ont toutes nié fermement l'existence de toute infraction à l'article 85. Certaines n'ont cessé de contester que les réunions périodiques aient jamais abordé des questions touchant à la concurrence. Si certaines entreprises ont informé la Commission qu'elles avaient pris des mesures pour mettre fin à la présence de leurs représentants aux réunions, il n'est même pas certain que les réunions ou la communication entre les firmes aient jamais réellement cessé.

Aussi, la Commission doit-elle non seulement constater qu'une infraction a été commise, mais également obliger les entreprises à y mettre fin.

Dans le cas de l'échange d'informations Fides, il doit leur être interdit de prendre tout contact officieux comportant l'échange d'informations sur la concurrence qui relèvent normalement du secret professionnel, échange qui faciliterait la poursuite de tout accord ou entente exprès ou tacite sur un partage des marchés.

II. Article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17

(107) Aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de mille à un million d'Écus, pouvant être portées à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé, à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

Les entreprises destinataires de la présente décision ont délibérément enfreint l'article 85. Tout en connaissant pertinemment l'interdiction imposée par le droit communautaire et le risque de se voir infliger des sanctions importantes, elles ont délibérément instauré et appliqué un système secret et institutionnalisé de réunions périodiques en vue de fixer des prix et des quotas pour un produit industriel important. Plusieurs des entreprises intéressées (Basf, Hoechst, ICI) avaient déjà fait l'objet d'amendes infligées par la Commission en raison d'une collusion dans le secteur chimique (Colorants - décision du 24 juillet 1969, JO n° L. 195 du 7 août 1969, p. 11).

L'infraction a été de relativement longue durée, puisqu'elle a débuté en 1977. Pour l'application de l'article 15 paragraphe 2, la Commission estime cependant qu'elle n'a existé, sous ses formes les plus graves, que depuis la fin de 1978 et le début de 1979, après l'instauration de systèmes de quotas ou de régulation des volumes destinés à renforcer des initiatives en matière de prix. Les réunions se sont poursuivies au moins jusqu'aux vérifications de la Commission et les effets de l'accord ont duré au moins jusqu'à l'initiative en matière de prix du 1er novembre. Tout indique qu'à défaut des vérifications sans avertissement préalable menées par la Commission en octobre 1983, l'entente se serait poursuivie indéfiniment. Bien qu'il ne soit pas démontré que l'infraction ait effectivement cessé, la Commission déterminera le montant des amendes en se basant sur l'hypothèse que l'entente n'a fonctionné que jusqu'à la fin de 1983.

La Commission estime que l'infraction présente une gravité particulière, justifiant des amendes substantielles.

(108) Pour déterminer le montant des amendes, la Commission s'est fondée sur les considérations suivantes :

- la collusion en matière de prix et le partage du marché constituent en soi des restrictions sérieuses à la concurrence,

- le marché du polypropylène est un secteur industriel important, en expansion rapide, qui s'est chiffré en Europe occidentale à quelque 1 500 millions d'Écus en 1983,

- les entreprises participant à l'infraction représentent la quasi-totalité de ce marché,

- la collusion était institutionnalisée au sein d'un système de réunions périodiques des membres de l'entente, ayant pour objet de réguler et d'organiser explicitement et dans le détail le marché du polypropylène,

- les réunions étaient organisées dans le plus grand secret,

- pour modérer le montant des peines, il est cependant admis que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur polypropylène pendant une très longue période, que les initiatives en matière de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait finalement aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.

(109) Pour déterminer le montant des amendes à infliger aux diverses entreprises, la Commission a tenu compte du rôle joué par chacune dans les arrangements collusoires, du laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, de leurs livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté ainsi que du chiffre d'affaires total de chacune. Les quatre principaux producteurs (Montepolimeri, Hoechst, ICI et Shell) étaient au centre des arrangements et formaient un directoire officieux, dont les membres se considéraient comme porteurs d'une responsabilité spéciale en vue d'assurer la réussite de l'entente.

Montepolimeri et ICI ont chacune exercé, à un moment donné, la présidence du groupe et il ressort de la documentation que ce rôle n'était pas purement nominal. ICI, en particulier, n'a prétendu assumer la direction du groupe que si tous s'engageaient à intensifier leur effort de relèvement des prix et a pris l'initiative de proposer un système de quotas nouveau et plus efficace.

Aux yeux de la Commission, le fait que Shell n'ait pas assisté aux sessions plénières n'atténue en rien sa responsabilité. Shell s'est trouvée impliquée dès le début dans les initiatives de prix et les systèmes de quotas. Les sociétés d'exploitation du groupe ont pris part aux réunions locales. Même avant qu'elle ne commence à participer aux "réunions préparatoires" des "quatre grands" en octobre 1985, elle rencontrait les autres grands producteurs pour discuter en détail des questions abordées par les sessions périodiques de "patrons" et d'"experts".

Le fait qu'Hercules n'ait pas communiqué le détail de ses chiffres de vente aux autres producteurs, tout en bénéficiant de l'information qu'ils fournissaient, ne constitue pas davantage une circonstance atténuante.

De même, la Commission n'admet pas qu'une distinction importante puisse être établie entre les producteurs de moindre taille en fonction de leur niveau d'engagement vis-à-vis des arrangements communs. L'intérêt que chacun estimait y trouver pouvait varier selon les cas, mais tous les producteurs participaient fréquemment aux réunions et ont pris des mesures pour mettre en œuvre les décisions prises par l'entente.

S'agissant de Petrofina, Rhône-Poulenc et Anic, la Commission tient compte de ce qu'ils ont participé aux arrangements pendant une période plus courte que les autres producteurs.

La Commission tient également compte du fait qu'un très petit nombre de producteurs ont coopéré (d'ailleurs moins qu'ils ne le prétendent) à l'enquête de la Commission, en tout cas après la découverte des pièces à conviction.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), Basf AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG), ICI PLC, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co. Ltd., Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, en participant :

- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983,

- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980,

- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins,

- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins,

- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins,

- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins,

- pour Basf, DSM et Hüls, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun :

a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale ;

b) ont fixé périodiquement des prix "cibles" (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté ;

c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers ;

d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles ;

e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un "quota" annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés ; les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :

i) Anic SpA, une amende de 750 000 Écus, soit 1 103 692 500 Lit ;

ii) Atochem, une amende de 1 750 000 Écus, soit 11 973 325 FF ;

iii) Basf AG, une amende de 2 500 000 Écus, soit 5 362 225 DM ;

iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 Écus, soit 6 657 640 Fl ;

v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 Écus, soit 120 569 620 FB ;

vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 Écus, soit 19 304 010 DM ;

vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 Écus, soit 5 898 447,50 DM ;

viii) ICI PLC, une amende de 10 000 000 Écus, soit 6 447 970 £ ;

ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 Écus, soit 1 471 590 000 Lit ;

x) Montedipe, une amende de 11 000 000 Écus, soit 16 187 490 000 Lit ;

xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 Écus, soit 26 306 100 FB ;

xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 Écus, soit 3 420 950 FF ;

xiii) Shell International Chemical Co. Ltd., une amende de 9 000 000 Écus, soit 5 803 173 £ ;

xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 Écus, soit 109 608 750 FB ;

xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 Écus, soit 644 797 £.

Article 4

Les amendes infligées à l'article 3 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, aux comptes bancaires suivants :

Belgique [v), xi), xiv)] : n° 426-4403001-52, Kredietbank, Agence Schuman, Rond-Point Schuman 2, 1040 Bruxelles ;

République fédérale d'Allemagne [iii), vi), vii)] : n° 260/00/64910, Sal. Oppenheim und Cie, Untersachsenhausen 4, 5000 Köln 1 ;

France [ii), xii)] : n° 9957 M, Crédit Lyonnais, Agence Intern. in 693, 16, rue du 4 Septembre, 75002 Paris Cedex 02 ;

Italie [i), ix), x)] : n° 26952/018, Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde, Via Monte di Pieta, 8, 20121 Milano ;

Royaume-Uni [viii), xiii), xv)] : n° 108.63.41, Lloyds Bank Ltd., Overseas Department, PO Box 19, 6, Eastcheap, London EC 3P 3AB ;

Pays-Bas [iv)] : n° 41.60.95.518, Amrobank, Rembrandtplein 47, Postbus 1220, 1000 EH Amsterdam.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

- Anic SpA, Direzione Generale, 2097 San Donato Milanese, Casella postale 12120, I-20100 Milano ;

- Atochem SA, La Défense 5, Cedex 24, F-92091 Paris la Défense ;

- Basf AG, Karl-Bosch-Strasse 38, D-6700 Ludwigshafen ;

- DSM NV, Postbus 65, NL-6400 AB Heerlen ;

- SA Hercules Chemicals NV, Mercure Centre, Raketstraat 100, B-1130 Bruxelles ;

- Hoechst AG, Postfach 80 03 20, Frankfurt am Main 80 ;

- Hüls AG, D-4370 Marl ;

- ICI PLC, Imperial Chemical House, Millbank, GB-London SW1 P 3JF ;

- Chemische Werke Linz AG :

a) Postfach 296, A-4021 Linz (Autriche),

b) c/o Chemie Linz Italia, Via Mascheroni 19, I-20145 Milano ;

- Montedipe SpA, Via Taramelli 26, I-20124 Milano ;

- Petrofina SA, Chemical Sales Division, rue de la Loi 33, B-1040 Bruxelles ;

- Rhône-Poulenc SA, 25 quai Paul Doumer, F-92408 Courbevoie-Cedex ;

- Shell Chemical International Trading Company, Shell International Chemical Co. Ltd., Shell Centre, GB-London SE 1 7PG ;

- Solvay & Cie, rue du Prince Albert 33, B-1050 Bruxelles ;

- Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS,

a) N-3960 Stathelle (Norvège),

b) c/o Statoil (UK) Ltd, 25-29 Queen Street, Maindenhead, GB-Berks SL 6 1NB.

La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du traité CEE.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204-62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268-63.

(3) Les producteurs espagnol et protugais Alcudia et CNP ont participé à certaines réunions, mais ne vendaient qu'en Espagne et au Portugal, qui n'étaient pas, à l'époque, membres de la Communauté.

(4) La capacité "nominale" est la production annuelle théorique d'une installation, évaluée par les concepteurs de l'installation en partant de l'hypothèse que celle-ci fonctionne à longueur d'année et qu'elle assure une seule fabrication de qualité standard. La capacité "effective" (qui représente en général 85 à 90 % de la capacité "nominale") désigne la production optimale d'un assortiment de produits dans les meilleures conditions.

(5) Il semble qu'aucune liste de prix en tant que telle n'ait jamais été publiée ou communiquée aux clients ; toutefois, dans leur documentation interne, les producteurs font souvent mention indifféremment de prix "de liste" ou "d'objectifs de prix".

(6) Parmi les producteurs dont il n'est pas prouvé qu'ils ont "soutenu" l'initiative de décembre 1977, Anic admet avoir participé aux réunions dès le départ, ATO admet y avoir assisté à partir de 1978, Basf prétend n'y avoir assisté que "sporadiquement" à partir de 1978 ; DSM déclare ne pas avoir été au courant des dates de début des réunions et admet y avoir assisté uniquement à partir de 1980 tandis que Hüls déclare n'avoir participé qu'à une seule réunion avant la deuxième moitié de l'année 1982.

(7) JO L. 171 du 25. 6. 1973, p. 1.

(8) JO L. 300 du 31. 12. 1972, p. 3.

(9) JO n° L. 319 du 29. 11. 1974, p. 1.

ANNEXE

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