CCE, 5 décembre 1984, n° 85-75
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Assurances incendie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 3, vu la demande d'attestation négative introduite par le Verband der Sachversicherer e.V. (Association des assureurs de choses), Cologne, République fédérale d'Allemagne, le 23 septembre 1982, ainsi que la notification effectuée conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17, vu la décision prise, le 9 septembre 1983, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir invité le Verband der Sachversicherer e.V. à présenter ses observations au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et à celles du règlement n° 99-63-CEE, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant les points de fait et de droit exposés ci-après :
A. LES FAITS
(1) Le 23 septembre 1982, le Verband der Sachversicherer e.V. de Cologne a adressé à la Commission, à titre préventif, une demande d'attestation négative et une notification conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17, qui portaient notamment sur la recommandation en matière de primes formulées en juin 1980 en vue de stabiliser et d'assainir les opérations d'assurance contre les risques d'incendie et d'interruption d'exploitation (annexe I).
1. Structure du marché et entreprises concernées
(2) 1.1. Dans le domaine de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation, le marché commun est composé de plusieurs marchés partiels, correspondant aux territoires des divers Etats membres et dont le niveau de primes varie plus ou moins. Cette situation s'explique essentiellement par la persistance d'une réglementation nationale des marchés de l'assurance, dont le rôle reste significatif malgré tous les progrès accomplis dans divers Etats membres sur la voie de l'intégration. A cet égard, aucune modification essentielle n'est intervenue depuis la suppression des restrictions à la liberté d'établissement en matière d'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et la directive du Conseil du 24 juillet 1973 (JO n° L 228 du 16.8.1973, p. 20).
(3) De même, la confirmation de la libre prestation des services (en premier lieu, dans l'arrêt "van Binsbergen" du 3 décembre 1974, affaire 33-74) n'a pas encore abouti, dans la pratique, à ce que les opérations d'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation soient effectuées partout dans le marché commun à partir de n'importe quel siège. Les assureurs incendie travaillant dans d'autres pays que celui où ils ont leur siège ont plutôt tendance à établir dans les autres Etats membres des succursales ou des filiales locales (comme ils le font dans les pays tiers).
(4) 1.2. En matière d'assurance des risques industriels, dix-sept assureurs incendie ayant leur siège dans d'autres Etats membres travaillent en République fédérale d'Allemagne par l'intermédiaire de succursales (sans personnalité juridique propre), celles-ci étant assimilées à des sociétés allemandes par la loi allemande sur le contrôle des assurances privées. Ces assureurs incendie de la Communauté économique européenne sont tous membres de l'association allemande "Verband der Sachversicherer e.V." à Cologne. Leur part du marché est minime ; suivant les dernières estimations, elle n'atteindrait pas 3 % du montant annuel brut des primes.
(5) Dans l'ensemble, le nombre d'assureurs incendie nationaux et étrangers opérant en Allemagne s'élève à cent vingt- six ; tous exploitent un secteur "assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation", ce qui n'implique pas qu'elles y mettent en jeu tout leur potentiel en tant qu'offreurs autonomes, c'est-à-dire en tant qu'assureurs principaux ou uniques. Les entreprises de moindre taille, en particulier, traitent l'essentiel ou la totalité de leurs affaires par la voie de la coassurance, dont les conditions et les taux de primes sont négociés par une autre entreprise agissant comme assureur principal ; dès lors, les autres participants n'ont que deux alternatives : admettre les résultats de la négociation menée par l'assurer principal ou renoncer à la coassurance.
(6) Les assureurs incendie des autres Etats membres de la Communauté économique européenne représentés en Allemagne par des succursales (sans personnalité juridique propre) sont particulièrement conduits à suivre cette pratique. Presque tous effectuent le plus gros de leurs opérations d'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation par la voie de la coassurance, sous la direction d'une entreprise d'assurance allemande. La négociation des conditions et des taux de primes afférents aux contrats d'assurance qu'elles passent repose ainsi dans une large mesure entre les mains des entreprises d'assurance allemandes opérant sur le marché.
(7) Dans la République fédérale d'Allemagne, le montant annuel des primes brutes afférentes aux contrats couvrant des risques industriels allemands (c'est-à-dire situés en Allemagne) dans le domaine de l'assurance incendie et de l'interruption d'exploitation oscille aux alentours de 2,4 milliards de marks allemands, dont 12,74 % reviennent à l'entreprise d'assurance ayant la plus grande part du marché, 36,67 % aux trois plus grandes, 50,95 % aux cinq plus grandes et 73,80 % aux dix plus grandes.
(8) 1.3. Il paraît fondé d'admettre, à l'intérieur du marché commun, l'existence d'un marché partiel constitué par la République fédérale d'Allemagne, aussi pour ce qui est des entreprises de réassurance allemandes dans le secteur des risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation. Sans doute l'activité des réassureurs a-t-elle été libéralisée, également en Allemagne, par la directive du Conseil du 25 février 1964 visant à supprimer en matière de réassurance et de rétrocession les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services (JO n° 56 du 4.4.1964, p. 878-64). Les réassureurs, même étrangers, font néanmoins l'objet, fût-ce indirectement, d'une surveillance de la part des autorités de contrôle allemandes. Celles-ci veillent sur la qualité des arrangements de réassurance par le biais des entreprises cédantes soumises à leur contrôle. Si elles ont des doutes quant aux ressources financières des réassureurs ou sur tout autre point, elles interviennent après des assureurs cédants afin qu'ils réduisent leur couverture par les réassurances en cause ou qu'ils renoncent aux contrats. Certaines caractéristiques du marché national antérieur se trouvent ainsi maintenues, ce qui contribue à expliquer la forte position des réassureurs allemands dans la République fédérale d'Allemagne.
(9) 1.3.1. Parmi les entreprises nationales et étrangères opérant sur le marché allemand de la réassurance, il convient de distinguer les réassureurs dits professionnels, qui se consacrent quasi exclusivement à la réassurance, et les assureurs directs, qui sont généralement cédants mais agissent parfois comme réassureurs. Les estimations quant au volume des opérations de réassurance portant sur les risques industriels d'incendie et de cessation d'activité situés en Allemagne (montants bruts, y compris les prestations accessoires) oscillent entre 1,2 et 1,9 milliard de marks allemands par an, le plus souvent entre 1,7 et 1,9 milliard. Si l'on s'arrête au chiffre de 1,7 milliard de marks allemands, ce qui est une estimation modérée, les données recueillies par la Commission indiquent que les vingt-six réassureurs professionnels allemands qui opèrent dans ce secteur s'attribuent plus des deux tiers du marché.
(10) 1.3.2. Le groupe des réassureurs professionnels allemands occupe ainsi une position particulièrement forte en matière d'assurance des risques industriels d'incendie et de cessation d'exploitation situés en Allemagne. Ils subissent cependant une certaine concurrence de la part des réassureurs étrangers, et certains rapports de concurrence entre les réassureurs allemands (y compris les réassureurs "non professionnels", qui se consacrent essentiellement à l'assurance directe) sont de pratique courante. L'élément décisif, en l'occurrence, est que, en raison des multiples liens qui se sont créés entre eux à l'occasion de la collaboration régulière nécessitée dans le cadre de leurs affaires de coassurance et de leurs opérations de réassurance mutuelle (rétrocession), les réassureurs allemands sont en mesure à tout moment d'adopter une démarche commune vis-à-vis de leurs clients, c'est-à-dire des assureurs cédants, sur des questions d'intérêt vital.
2. Historique et application des mesures de stabilisation et d'assainissement
(11) 2.1. Le marché de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation s'est toujours caractérisé par une évolution cyclique sur le plan des dommages et des primes. C'est ainsi que le taux des dommages est passé en Allemagne de 72,1 % en 1978 à 93,4 % en 1979, tandis que le taux moyen des primes dans la branche des risques industriels d'incendie est descendu de 1,93 °/oo en 1973 à 1,08 °/oo en 1979, soit une baisse de 44 %. Dans la branche des risques d'interruption d'exploitation, le taux moyen des primes a diminué davantage encore pendant la même période, passant de 2,93 à 1,49 °/oo. Au cours des cinq années qui ont précédé la mise en application des mesures allemandes de stabilisation et d'assainissement, les taux de dommages et de charges considérés dans leur ensemble ont constamment dépassé 100 % des primes encaissées (1976 : 108,2 % ; 1977 : 113,4 % ; 1978 : 104,1 % ; 1979 : 125,4 %).
(12) En 1979, c'est-à-dire au cours de l'année précédant la recommandation de 1980 en matière de primes, le taux des seuls dommages - à l'exclusion des charges - a atteint provisoirement son sommet dans le secteur de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation : 93,4 % des primes encaissées. Au cours des années suivantes, les taux de dommages relevés sont de 93 % (1980), 91,1 % (1981) et 86,8 % (1982). En 1983, les taux de dommages s'établissent, d'après les données du Verband der Sachversicherer e.V. (VdS) aux alentours de 97 %.
Les majorations de primes appliquées au cours de la même période ont été de 3,9 % (1979), 5,4 % (1980), 8,6 % (1981), 6,2 % (1982) et - d'après les estimations du VdS - 2 % environ (1983). Au cours de ces années, le montant des primes encaissées n'a donc jamais dépassé le total des dommages et des charges d'exploitation.
(13) 2.2. Une évolution analogue se constate dans d'autres grands Etats industrialisés, tels que les Etats-Unis d'Amérique. Deux motifs sont donnés au fait que les entreprises d'assurances n'aient pas réagi à cette tendance négative en relevant les taux de primes sur le marché : d'une part, le rendement du patrimoine des entreprises d'assurance s'est considérablement accru pendant la période examinée, sous l'effet des taux d'intérêts élevés, ce qui a permis de rééquilibrer les comptes (cash-flow-underwriting) ; d'autre part, la plupart des assureurs incendie pratiquent, en tant que sociétés composites ou par l'intermédiaire de sociétés liées au même groupe, plusieurs branches d'assurance des risques industriels et s'efforcent d'attirer de grosses affaires dans d'autres branches en facturant à leurs clients industriels des primes d'assurance incendie insuffisantes pour couvrir leurs frais. Ils sont incités à ainsi faire lorsque les opérations réalisées avec un même client dans d'autres branches leur offrent un profit suffisant.
(14) 2.3. Dans le cadre des travaux préparatoires de sa commission technique "Risques industriels d'incendie", l'association allemande Verband der Sachversicherer e.V. (VdS) à Cologne, qui regroupe la presque totalité des assureurs incendie opérant en Allemagne, a notifié par lettre du 21 mai 1980 à l'Office fédéral de contrôle des assurances et au Bundeskartellamt, conformément à l'article 102 de la loi allemande contre les restrictions de concurrence, le projet de "recommandation non obligatoire visant à stabiliser et assainir le secteur de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation" (dont le texte est repris à l'annexe I). Cette recommandation a pris effet partiellement en juin 1980 (points I, IV et V) et intégralement le 1er août 1980. A en croire le VdS, elle n'aurait pas trouvé chez tous les membres l'audience souhaitée par ladite association.
(15) La recommandation distingue notamment les mesures de stabilisation des opérations en portefeuille (point I) et celles qui contribuent à leur assainissement (points II et III). Les mesures d'assainissement sont fonction de la date d'échéance et des montants assurés par les contrats existants.
Pour les contrats venant à échéance entre le 31 décembre 1980 et le 30 décembre 1981 et dont le montant assuré était inférieur à 50 millions de marks allemands, le taux de prime devait être majoré d'au moins 10 %. Dans la mesure où le contrat avait atteint au cours des cinq dernières années d'assurance un taux de dommages (dommages liquidés rapportés aux primes payées) dépassant 150 %, la majoration était de 20 % au moins.
Pour les contrats venant à échéance entre le 31 décembre 1981 et le 30 décembre 1982 et dont le montant assuré était égal ou supérieur à 1 million de marks allemands, le taux de prime devait être majoré d'au moins 20 %. Dans la mesure où le contrat avait atteint au cours des cinq dernières années d'assurance un taux de dommages supérieur à 150 %, la majoration devait être d'au moins 30 %.
(16) Les contrats venant à échéance le 31 décembre 1982 ou à une date ultérieure devaient être adoptés au taux de prime inscrit dans les nouvelles directives applicables à partir de la même date, c'est-à-dire le "tarif 1982". (A cet égard, la recommandation a été remplacée par les nouvelles directives - le tarif 1982 - applicables à partir du 1er janvier 1983, en vertu d'une lettre circulaire adressée par le VdS à ses entreprises affiliées à la date du 25 juin 1982. Ces directives en matière de primes ont été notifiées à la Commission le 23 septembre 1982, en même temps que la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement ; elles ne font pas l'objet de la présente procédure).
(17) 2.4. Les entreprises allemandes de réassurance, naturellement aussi intéressés à un niveau satisfaisant des primes que les assureurs cédants eux-mêmes ont décidé, à l'époque, sur les instances pressantes du Verband der Sachversicherer, de compléter la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement par une "clause spéciale de calcul des primes" inscrite dans les contrats de réassurance à partir du 1er janvier 1981, et dont le texte figure en annexe II. Aux termes de cette clause et avec l'accord des autorités de contrôle allemandes, une tarification non conforme à la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement est assimilée, en cas de sinistre, à une assurance insuffisante et le paiement des dommages par le réassureur est réduit en conséquence. Quatre réassureurs ont cependant signalé à la Commission qu'ils n'utilisent cette clause de calcul des primes que dans les contrats de réassurance conclus avec des assureurs cédants allemands et qu'elle ne figure pas dans les contrats qu'ils passent avec des assureurs étrangers qui assurent des risques situés en Allemagne par l'intermédiaire d'une succursale allemande.
(18) 2.5. La recommandation du VdS en matière de stabilisation et d'assainissement a fait l'objet d'entretiens à Bruxelles entre les représentants de la Commission et ceux de l'association VdS, dont le premier remonte au 10 février 1981. Il s'agissait de savoir si la recommandation et le comportement que les entreprises adoptent en conséquence devaient être notifiés à la Commission conformément à l'article 4 du règlement n° 17. (Un an auparavant, déjà, lors d'un entretien organisé à Cologne les 27 et 28 février 1980, auxquels participaient des représentants du VdS, les représentants de la Commission avaient préconisé, à titre préventif, la notification des recommandations ou directives existantes et futures en matière de primes, pour le cas où l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE se révélerait applicable).
(19) A la suite de l'entretien qui a eu lieu à Bruxelles le 10 février 1981, le Gesamtverband der Deutschen Versicherungswirtschaft e.V., en son nom et en celui de VdS, avait réfuté, par lettre du 25 février 1981, les arguments énoncés par les représentants de la Commission pour démontrer l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1. Le Gesamtverband se référait à une lettre adressée par le directeur général de la concurrence, le 3 juillet 1962, au secrétaire général du "Comité européen des assurances" (CEA). Dans son quinzième rapport d'activité (1962-1963, p. 108), le Gesamtverband se référait déjà à cette lettre et adoptait la position reflétée dans l'annexe IV. Au cours de la procédure, le VdS s'en est tenu strictement à la position selon laquelle il était et reste fondé à émettre, sans considération de l'article 85, une recommandation analogue à celle formulée en juin 1980 en matière de stabilisation et d'assainissement.
(20) La Commission a recueilli auprès de divers assureurs communautaires des renseignements sur l'application de la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement. Dans un cas où ces renseignements avaient été refusés, elle les a exigés par décision du 9 décembre 1981, au motif que cette recommandation et la concertation, qui s'en serait éventuellement suivie entre les membres du VdS quant à la conduite à tenir, étaient susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. Cette décision ayant force exécutoire a paru ou Journal officiel des Communautés européennes (JO n° L 80 du 26.3.1982, p. 36).
(21) La Commission a demandé au VdS des renseignements sur les données qui lui servent de base pour calculer la moyenne des frais d'exploitation de ses membres. Le VdS a réagi par l'envoi du tableau qui figure en annexe V, intitulé "Charges d'exploitation suivant enquête de 1980". En même temps, le VdS signalait que les taux de prime jugés nécessaires dans le cadre de l'association comportent 25 % pour l'administration/organisation et les provisions/courtages, 5 % de taxe "protection incendie" et 3 % de profits.
B. Applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE
(22) 3. En vertu de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le marché et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. La Commission a déjà constaté dans le cadre d'une procédure intéressant le secteur des assurances, par décision du 30 mars 1984 (affaire n° IV/30.804 - Nuovo CEGAM, JO n° L 99 du 11.4.1984, p. 29), que les accords, décisions ou autres pratiques concertées relevant du champ d'application de l'article 85 peuvent porter sur des biens ou sur des prestations de service. Il s'ensuit que l'article 85 s'applique également au secteur des assurances.
(23) 3.1. Le Verband der Sachversicherer e.V. (VdS) à Cologne constitue une association d'entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 et, à ce titre, est soumis à cette disposition, qui lui interdit de prendre des décisions contraires à la concurrence. La recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement (juin 1980) a été prise par l'organe compétent d'après les statuts de l'association et communiquée aux membres par son secrétaire général, agissant dans le cadre de ses attributions, en tant qu'expression officielle de la volonté de l'association. Si le texte de la recommandation la qualifie de "non obligatoire", elle n'en revêt pas moins le caractère d'une "décision" de l'association d'entreprises. Il suffit que la recommandation soit conforme aux statuts et qu'elle ait été portée à la connaissance de ses membres suivant les modalités requises, en tant qu'expression de la volonté de l'association d'entreprises et conformément aux dispositions des statuts.
(24) 3.2. La recommandation a pour objet de restreindre la concurrence dans le domaine de l'assurance industrielle contre les risques d'incendie et d'interruption d'exploitation à l'intérieur du marché commun. Le fait qu'elle ne s'applique qu'aux risques situés en Allemagne n'enlève rien à cette constatation, car "la concurrence à l'intérieur du marché commun" est également en jeu quand la demande dans un domaine particulier, à savoir la demande d'assurances pour les risques allemands, est concentrée dans un seul Etat membre.
(25) 3.2.1. La restriction de concurrence envisagée ressort à suffisance du texte même de la recommandation, qui prévoit, selon les circonstances, une majoration des taux de primes de 10, 20 ou 30 %. Aux termes de l'article 85, il importe peu que l'objet de la recommandation soit atteint ou non dans tous les cas envisageables. Il suffit que la décision du VdS, communiquée en respectant toutes les formalités juridiques prévues dans la République fédérale d'Allemagne et largement diffusée par la presse, ait pour objet de restreindre sensiblement la concurrence. A cet égard, il faut tenir compte du fait que les VdS, auquel adhèrent cent vingt-six entreprises du secteur de l'assurance industrielle contre l'incendie, regroupe tous les assureurs opérant en Allemagne sur ce marché.
(26) 3.2.2. La restriction de concurrence a été sensiblement renforcée du fait que les entreprises allemandes de réassurance se sont déclarées prêtes à compléter, à partir du 1er janvier 1981, la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement, par l'inclusion de la clause spéciale de "calcul des primes" dans les contrats de réassurance (voir point 17 ci-avant). Un élément déterminant à cet égard est la forte position qu'occupent sur le marché les entreprises allemandes de réassurance professionnelle, évoquée ci-avant au paragraphe 1.3 (points 8 à 10). Seule cette position sur le marché permet d'expliquer que les réassureurs allemands aient pu adopter un comportement qui s'est traduit par l'introduction de la clause uniforme de "calcul des primes" à partir du 1er janvier 1981, sans le soutien des autres entreprises pratiquant la réassurance sur le marché et sans devoir craindre une réduction durable de leur part de marché.
(27) Eu égard à la forte position qu'ils occupent sur le marché, les réassureurs professionnels allemands étaient, depuis le 1er janvier 1981, grâce à l'introduction généralisée de la clause spéciale de calcul des primes dans les contrats de réassurance, en mesure de faire pression sur les assureurs cédants afin qu'ils appliquent la recommandation du VdS, laquelle est contraire à la concurrence. Cette remarque vaut surtout pour les assureurs cédants qui, sans prendre formellement leurs distances par rapport à la décision du VdS d'introduire la recommandation, n'avaient, commercialement parlant, guère de motifs de s'y conformer.
(28) 3.2.3. La restriction de concurrence visée par la recommandation du VdS en matière de stabilisation et d'assainissement et renforcée par le comportement des réassureurs n'est nullement justifiée du fait que la décision du VdS sur la recommandation et celle des réassureurs sur l'application de la "clause de calcul des primes" ont été introduites avec l'agrément des autorités allemandes de contrôle. Une infraction aux règles de concurrence du traité CEE ne disparaît pas du simple fait que les autorités nationales l'ont approuvée expressément ou tacitement pour des motifs qui peuvent paraître évidents sous l'angle de l'intérêt national. L'obligation, imposée à la Commission par le traité CEE et le règlement n° 17 (article 10 paragraphe 2), de mener la procédure d'application des règles de concurrence en liaison étroite et constante avec les autorités compétentes des Etats membres n'enlève rien à cette observation. Certes, la Commission doit s'efforcer d'éviter, dans l'interprétation et l'application des règles de concurrence, le développement de situations où il serait fait échec sans motif valable aux décisions de politique économique des autorités nationales. S'agissant toutefois, comme dans le cas d'espèce, d'une infraction manifeste à des dispositions contraignantes et fondamentales du droit communautaire de la concurrence, tout conflit ne peut être tranché qu'en faveur des règles du droit communautaire, comme le confirme la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
(29) 3.3. La possibilité pour la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement d'affecter le commerce entre Etats membres ressort en premier lieu du fait qu'elle s'adressait également aux assureurs incendie de la Communauté affiliés au VdS tout en ayant leur siège dans des Etats membres autres que la République fédérale d'Allemagne. Peu importe en l'occurrence que lesdits assureurs opèrent en Allemagne en qualité d'assureurs principaux/uniques ou en qualité de coassureurs. Dans le premier cas, ils figurent parmi les destinataires directs de la recommandation et s'en trouvent directement influencés. Dans le deuxième cas, la recommandation est susceptible d'influer indirectement sur la rentabilité de leurs opérations transnationales de coassurance et sur leurs propensions à participer à de telles opérations, à travers l'influence qu'elle exerce sur l'assureur principal allemand, responsable au premier chef de la majoration éventuelle des taux de primes des contrats existants conformément à la recommandation. Il en irait de même des assureurs incendie de la Communauté ayant leur siège ailleurs qu'en Allemagne et qui ne seraient pas affiliés au VdS, dans la mesure où leurs opérations allemandes se dérouleraient entièrement ou principalement dans le secteur de la coassurance.
(30) 3.3.1. Les assureurs incendie qui opèrent dans la République fédérale d'Allemagne sans y avoir leur siège participent au commerce entre Etats membres, c'est-à-dire aux échanges intracommunautaires. A cet égard, peu importent les dispositions en matière d'établissement prévues par la loi allemande sur le contrôle des assurances, dispositions qui, d'ailleurs d'après la Commission, ne sont pas compatibles avec la libre prestation de services découlant de l'article 59 du traité CEE (voir l'affaire 107-84). Ces dispositions ne les autorisent à travailler dans la République fédérale d'Allemagne que s'ils y sont représentés par une succursale (sans personnalité juridique propre), abstraction faite des cas prévus par la directive du Conseil du 30 mai 1978 en matière de coassurance (3). Si le législateur national peut assimiler de telles succursales à des entreprises nationales autonomes, elles n'en deviennent pas pour autant, au sens des règles de concurrence des articles 85 et suivants du traité CEE, des sociétés de droit national dotées d'une personnalité juridique propre.
(31) A cela, on ne saurait objecter que la prestation de service qui constitue l'essence même de l'activité d'une entreprise d'assurance, à savoir la prise en charge d'un risque déterminé, est fournie en Allemagne. Sans doute les contrats d'assurance sont-ils signés par le principal fondé de pouvoir en Allemagne, l'assureur étranger est-il obligé d'y constituer des sûretés financières pour garantir le respect de ses obligations contractuelles et fait-il souvent appel, pour fournir ces prestations, à des ressources financières disponibles en Allemagne. Mais ce qui importe, c'est que l'opération d'assurance proprement dite, c'est-à-dire la prise en charge d'un risque déterminé contre paiement de la prime d'assurance, n'a d'effet qu'à l'égard et à l'encontre de l'assureur étranger (représenté par le principal fondé de pouvoir en Allemagne). Au regard de la concurrence, une succursale doit être considérée comme un simple prolongement de l'assureur étranger.
Il est significatif, à cet égard, que plusieurs réponses provisoires reçues par la Commission dans le cadre de l'information en cours font état de ce que la succursale allemande concernée devait toujours en référer d'abord à la direction de l'entreprise à l'étranger.
(32) Bien plus qu'une filiale, la succursale dépend entièrement de la renommée (goodwill) de l'assureur étranger qu'elle représente. Elle est souvent chargée d'assurer les risques des filiales allemandes de preneurs d'assurance étrangers qui ont conclu avec l'assureur étranger des accords d'assurances internationaux. La direction de l'entreprise d'assurance étrangère ne détermine pas seulement la politique commerciale à suivre par la succursale dans le domaine d'activité qui lui est propre, mais les bénéfices réalisés en Allemagne vont, en fin de compte, à l'entreprise d'assurance étrangère et, en cas de pertes durables de la succursale, c'est à l'entreprise étrangère qu'il incombe de renflouer les finances de la succursale en recourant à des fonds de provenance étrangère. Enfin et par-dessus tout, les dispositions de droit public des lois sur le contrôle des assurances n'empêchent nullement l'assureur étranger, en tant que tel, d'avoir des droits et obligations relevant du droit privé et découlant des contrats d'assurance conclus par sa succursale. Compte tenu de tous ces éléments, il serait spécieux de prétendre que les entreprises d'assurance ayant des succursales dans d'autres Etats membres de la Communauté ne participent pas aux échanges entre ces pays et le pays de leur siège.
(33) 3.3.2. La recommandation du VdS en matière de primes était susceptible d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres, même si la part du marché allemand détenue par les assureurs étrangers de la Communauté est relativement réduite (moins de 3 % du produit brut comptabilisé des primes). La possibilité d'une atteinte sensible au commerce entre Etats existe toujours lorsqu'une mesure restrictive affecte l'ensemble ou presque du volume actuel du commerce entre Etats membres ou du volume prévisible au cas où cette restriction n'existerait pas.
(34) Même si, dans le cas présent, compte tenu des circonstances de fait et de droit qui en déterminent le volume, le flux des échanges actuels ou prévisibles entre Etats membres est peu important, on ne saurait pour autant en déduire que les entreprises sont libres de prendre des mesures visant à atténuer la concurrence dans ces échanges, au motif que l'effet n'en serait pas sensible. La part du marché allemand détenue par les assureurs incendie étrangers de la Communauté affiliés au VdS ne revêt dès lors aucune signification particulière. En effet, il est établi que cette part du marché représente à peu de choses près le volume total des échanges entre la République fédérale d'Allemagne et les autres Etats membres dans la branche de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et qu'un afflux sensible de nouveaux concurrents ayant leur siège dans d'autres Etats membres de la Communauté économique européenne n'est, dans les faits, pas encore à prévoir dans un proche avenir.
(35) 3.3.3. Par ailleurs, la recommandation en matière de primes, conjointement à l'application de la "clause de calcul des primes" par les réassureurs allemands, était en mesure de cloisonner le marché en cause entre Etats membres et de rendre ainsi plus difficile l'interprétation économique voulue par le traité CEE. A cet égard, on notera que la pression exercée par les réassureurs allemands du fait de l'introduction de la "clause de calcul des primes" affectait aussi des assureurs incendie communautaires opérant dans la République fédérale d'Allemagne sans y avoir leur siège. D'après les constatations relevées au paragraphe 1.2 (point 6), ils réalisent presque tous le plus gros de leurs opérations d'assurances dans le domaine de l'assurance industrielle contre l'incendie et l'interruption d'exploitation par la voie de la coassurance et sous la direction d'une entreprise d'assurances allemande. Dans ces conditions, ils étaient également visés par la "clause de calcul des primes", lorsqu'ils se réassuraient, éventuellement dans le pays où ils ont leur siège, auprès de réassureurs étrangers ou bien auprès de réassureurs allemands prêts à renoncer à leur égard à l'application de cette clause (voir ci-avant, point 17). Dans ce cas, et bien que la clause de "calcul des primes" allemande ne figurait évidemment pas dans les contrats de réassurance qu'ils ont conclus, ils subissaient indirectement l'effet restrictif de concurrence, par le biais de leur assureur principal allemand, dans la mesure où celui- ci se réassure auprès de réassureurs professionnels allemands. Eu égard à la position particulièrement forte des réassureurs allemands sur le marché, ce cas est sans doute le plus fréquent.
(36) Dans ces conditions, il apparaît que la recommandation était en mesure de cloisonner le marché entre Etats membres parce que les assureurs communautaires étrangers qui doivent largement, pour l'assurance de risques importants, coopérer avec les assureurs principaux allemands (apériteurs) ne pouvaient pas, en conséquence, offrir des taux de primes plus favorables que leurs concurrents allemands, en vue de mieux pénétrer, le cas échéant, le marché en question. Il est vrai que, dans le cadre de la libre prestation de services existant d'ores et déjà selon l'avis de la Commission (voir affaire 107-84, point 30 ci-avant) d'importants assureurs communautaires étrangers devraient pouvoir faire de telles offres en tant qu'assureurs principaux (apériteurs). Toutefois, ils ne peuvent pas, dans les faits, intervenir en République fédérale d'Allemagne comme assureurs principaux, même pas dans les conditions plus souples prévues par la directive du Conseil du 30 mai 1978 en matière de coassurance (voir point 30 ci-avant) sans être soumis aux dispositions restrictives en matière d'établissement qui sont toujours d'application en vertu de la loi allemande sur le contrôle des assurances.
C. Non-applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE
(37) 4. En vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :
- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,
- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,
et
- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées,
qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
(38) 4.1. En vertu de l'article 4 paragraphe 1 deuxième phrase du règlement n° 17, la Commission ne peut rendre une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 qu'après que les accords, décisions ou pratiques concertées en question lui ont été notifiés. Les intéressés ne pouvaient s'abstenir de la notification en invoquant l'article 4 paragraphe 2 point 1 du règlement n° 17. Selon cette disposition, le paragraphe 1 n'est pas applicable aux accords, décisions et pratiques concertées lorsque n'y participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et que ces accords, décisions ou pratiques ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres. Eu égard au fait que la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement est assimilable à une décision d'association d'entreprises, à laquelle adhèrent des assureurs incendie communautaires ayant leur siège dans d'autres Etats membres, les conditions d'application de la dérogation précitée ne sont pas remplies. Peu importe, en l'occurrence, que ces assureurs communautaires réalisent leurs opérations dans la République fédérale d'Allemagne par l'intermédiaire de succursales dûment agréées. Il est renvoyé à cet égard à ce qui est dit au chapitre B paragraphe 3.3 (points 30 à 32).
(39) 4.2. L'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 ne peut davantage être accordée pour la période prenant cours le 23 septembre 1982, jour où la recommandation a été notifiée par la Commission, vu l'absence des conditions requises. En effet, la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement n'est pas susceptible de contribuer à l'amélioration des services fournis par les assureurs incendie.
4.2.1. L'un des principaux arguments du VdS, à savoir que les données dont les diverses entreprises disposent en matière de statistiques des dommages sont tout à fait insuffisantes pour permettre un calcul correct, est valable en soi. L'on ne saurait néanmoins en déduire qu'une décision d'association recommandant des majorations de primes de 10, 20 ou même 30 % représente une mesure contribuant à l'amélioration des prestations de service dans le secteur des assurances. Il ne suffit pas de constater que le niveau des primes était devenu insuffisant à la suite d'une "surenchère" de la concurrence et que, sous l'angle de leur gestion, tous les assureurs avaient un intérêt pressant à améliorer leurs rentrées. Cet intérêt est commun à tous les gestionnaires dans toutes les branches - surtout en période de faible conjoncture - et ne saurait justifier en soi l'admission de restrictions à la concurrence.
(40) 4.2.2. La conclusion ci-avant n'est pas davantage modifiée du fait que l'objectif de l'assurance dommages et les dispositions légales en la matière veulent que l'exécution des contrats d'assurance soit constamment garantie, sans toucher au principe de la séparation des branches. Sans doute les preneurs d'assurance doivent-ils être protégés efficacement contre les agissements d'assureurs peu sérieux. Tout au moins doivent-ils l'être lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes en mesure de sélectionner, sous leur propre responsabilité, des entreprises d'assurances économiquement saines, auxquels ils confient la couverture de leurs risques. Ils ne s'ensuit pas que la majoration forfaitaire du niveau des primes soit susceptible d'améliorer les services dans le secteur des assurances et justifie à ce titre l'une des dérogations admises par l'article 85 paragraphe 3 en matière de restrictions de concurrence.
(41) 4.2.2.1. Comme la Cour de justice l'a fait ressortir (arrêt du 13 juillet 1966, affaires 56 et 58-64 - Grundig-Consten, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1966, p. 431 et 502), l'amélioration des processus économiques requise pour l'octroi de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 ne saurait être identifiée à tous avantages que les partenaires retirent de l'accord quant à leur activité, mais il convient d'apprécier les risques qu'une mesure fait peser contre la concurrence au regard des améliorations qui en résultent. Cette amélioration doit notamment présenter des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients en résultant sur le plan de la concurrence.
République fédérale d'Allemagne 4.2.2.2. Cette condition n'est pas remplie par la recommandation en matière de stabilisation et d'assainissement adoptée par le VdS. La recommandation, qui préconise une majoration forfaitaire du niveau des primes, va bien au- delà de ce qui peut être considéré comme une collaboration utile entre assureurs de dommages en vue d'exploiter les statistiques des dommages et d'en déduire des indications pratiques pour la mise au point des contrats d'assurance. L'abus ne résulte pas seulement du fait qu'une majoration forfaitaire de 10, 20 ou 30 % ne tient aucun compte de la situation des coûts et des recettes propre à chaque assureur. Il ressort du principe même de cette majoration, basée sur la fixation de primes brutes qui, au mépris des situations particulières, prévoient, pour tous, les mêmes pourcentages de suppléments pour charges d'exploitation et marges de profit, calculés d'après les statistiques afférentes au coût des dommages liquidés (en prévoyant une marge de sécurité).
(43) La comparaison des éléments de coûts mis en œuvre par le VdS dans son calcul des primes brutes (voir point 21 in fine) et des charges d'exploitation relevées à l'annexe V (qui ressortent de la dernière enquête menée par le VdS en 1980) indique nettement l'existence de différences notables d'une entreprise à l'autre en matière de coûts d'exploitation, différences qui devraient normalement se répercuter sur leurs tarifs. Si des tarifs différenciés se révèlent possibles dans d'autres secteurs des assurances de risques divers, où ils sont calculés sur la base du coût des dommages établi en commun et des majorations de frais d'exploitation calculées individuellement, pourquoi la collaboration dans le secteur de l'assurance incendie ne pourrait-elle se concentrer également sur un calcul prévisionnel du coût des dommages ?
(44) 4.2.2.3. Dans la mesure où certaines entreprises d'assurance accepteraient de compromettre l'exécution durable de leurs contrats d'assurances en méconnaissant une évolution négative de leurs résultats globaux et en renonçant à un comportement responsable en ce qui concerne la prise en considération de leurs frais d'exploitation, les possibilités d'intervention ouvertes aux autorités de contrôle devraient suffire pour y porter remède. Pareilles interventions apparaissent en tout cas comme un moindre mal, comparées à ce système de "convoi" où les assureurs défavorisés sur le plan des coûts seraient entraînés par les autres et où les entreprises efficientes de la branche augmenteraient leurs profits d'autant (y compris ceux qu'elles tirent de leurs placements).
D. Applicabilité de l'article 3 paragraphe 1 du règlement n° 17
(45) 5. Pour les motifs exposés aux chapitres B et C, la Commission s'estime tenue de constater l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité CEE. Sans doute l'examen des circonstances relevées ci-avant (points 14 à 16) incite-t- il à croire que la recommandation incriminée n'a eu d'effet qu'entre le 1er juin 1980 et le 31 décembre 1982. Toutefois, eu égard à la position juridique que le VdS n'a cessé de défendre au cours de la procédure, tout indique que cette association pourrait très bien adopter à l'avenir d'autres recommandations du même genre, s'il ne lui est pas clairement signifié que le comportement incriminé par la Commission est incompatible avec l'article 85. A cet égard, il paraît opportun de préciser les limites que cette disposition impose à la collaboration réciproque des entreprises d'assurances dans le domaine visé par la notification,
A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
Constitue une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE la recommandation du Verband der Sachversicherer e.V. visant à stabiliser et à assainir le secteur de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation (juin 1980).
Article 2
Sont refusées à la recommandation visée à l'article 1er la délivrance d'une attestation négative au titre de l'article 2 du règlement n° 17, de même qu'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE.
Article 3
La présente décision est adressée au Verband der Sachversicherer e.V. à Cologne (République fédérale d'Allemagne), Riehler Straße 36.
ANNEXE 1 Recommandation non obligatoire visant à stabiliser et assainir le secteur de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation - juin 1980
I. Stabilisation du portefeuille d'assurances
1. Le taux de primes appliqué actuellement aux contrats relevant des "principes" (4) ne sera modifié que dans la mesure imposée par une modification objective des critères de tarification.
2. Il ne sera pas conclu de contrats pluriannuels et aucun contrat existant ne sera prorogé au-delà d'un an [point IV (2) des "principes" (4)].
II. Assainissement du portefeuille d'assurances
1. Le taux de prime applicable aux contrats venant à échéance entre le 31 décembre 1980 et le 30 décembre 1981 et dont le montant assuré est égal ou supérieur à 50 millions de marks allemands sera augmenté de 10 % au moins. Dans la mesure où le contrat a donné lieu, au cours des cinq dernières années d'assurance, à l'indemnisation de dommages pour un montant qui dépasse 150 % de la prime versée (taux de dommages), la majoration sera d'au moins 20 %.
La durée prévue des contrats ne pourra excéder deux ans.
2. Le taux de prime applicable aux contrats venant à échéance entre le 31 décembre 1981 et le 30 décembre 1982 et dont le montant assuré est égal ou supérieur à 50 millions de marks allemands sera augmenté de 20 % au moins. Dans la mesure où le contrat a donné lieu, au cours des cinq dernières années d'assurance, à l'indemnisation de dommages pour un montant qui dépasse 150 % de la prime versée (taux de dommages), la majoration sera d'au moins 30 %.
La durée ne pourra être prorogée pour une période supérieure à un an.
3. Les contrats venant à échéance le 31 décembre 1982 ou à une date ultérieure seront adaptés au taux de prime figurant dans les directives de primes en vigueur à ce moment.
4. Les points 1 et 2 ci-avant ne s'appliquent pas aux contrats tarifés conformément aux recommandations de la commission de tarification. Ceux-ci seront soumis comme précédemment à ladite commission.
5. Les assurances complémentaires seront souscrites au taux de prime applicable au contrat de base à la date de leur conclusion.
III. En cas de sinistre, les contrats pluriannuels seront dénoncés en vue de l'adaptation des primes au sens de la présente recommandation, dans la mesure où l'indemnité dépasse la prime annuelle du contrat ou si le rapport entre la charge des dommages et la prime payée (taux de dommages) a dépassé 150 % au cours des cinq dernières années d'assurance.
IV. Sauf dispositions contraires des points I à III, les "principes" (4) et les circulaires explicatives les concernant (circulaires F-GR) sont d'application. Cette disposition concerne notamment :
- les affaires nouvelles [point III des "principes" (4)] (les affaires nouvelles dont le montant assuré est égal ou supérieur à 50 millions de marks allemands doivent être soumises à la commission de tarification),
- les autres dispositions du contrat [point IV des "principes" (4)],
- le procédure de demande et d'information [point VIII des "principes" (4)],
- l'information des dirigeants [point X des "principes" (4)].
Dans les opérations de coassurance, l'assureur principal informe les coassureurs de la mesure envisagée et obtient leur accord.
V. En cas de doute, la présente recommandation doit être interprétée de manière à ne pas compromettre l'objectif de stabilisation et d'assainissement du secteur.
ANNEXE 2 Clause de calcul des primes
1. Le cédant traitera les assurances contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation situés en Allemagne (y compris les opérations qu'il assure à titre facultatif), conformément aux "directives en matière de primes dans le secteur de l'assurance contre les risques d'incendie et d'interruption d'exploitation par suite d'un incendie" et à la "recommandation non obligatoire visant à stabiliser et assainir le secteur de l'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation pour cause d'incendie" élaborées par le Verband der Sachversicherer e.V., dans leur version la plus récente.
2. Le réassureur veillera au respect du point 1 en cas de survenance d'un sinistre dont le montant atteint ou dépasse 1 million de marks allemands imputable à 100 % à la police d'assurance contre les risques industriels d'incendie et d'interruption d'exploitation pour cause d'incendie.
3. En cas de non respect de l'accord visé au point 1, le réassureur, au moment où survient un sinistre, traitera l'insuffisance de tarif comme une insuffisance d'assurance et réduira sa prestation en conséquence. Le dommage complémentaire à reprendre en charge par le cédant, imputable à 100 % de ses contrats de réassurance obligatoire, est cependant limité au montant maximal de la partie non cédée du dommage. Cette reprise en charge complémentaire ne peut être réassurée ailleurs.
4. En cas de doute sur le montant de la prime à calculer conformément au point 1, l'avis de la commission de tarification du Verband der Sachversicherer e.V. a valeur de sentence arbitrale.
5. L'exécution des dispositions précitées figure parmi les objets des négociations consacrées au renouvellement du présent contrat de réassurance à dater du 1er janvier de chaque année.
ANNEXE 3 (Traduit de l'allemand)
Lettre de la direction générale de la concurrence à Monsieur Favre
Bruxelles, le 3 juillet 1962.
Monsieur le Secrétaire général,
J'ai reçu communication de la lettre que vous avez adressée à M. van der Groeben à propos du règlement n° 17.
Sous réserve d'un examen ultérieur de l'ensemble des questions concernant l'application des règles de concurrence au secteur des assurances, les deux questions posées dans votre lettre me paraissent appeler les réponses suivantes.
1) Pour ce qui est des accords que les entreprises d'assurance passent entre elles pour recueillir des données statistiques, j'estime qu'il faut veiller à ce que pareils accords, d'une manière générale, ne visent pas à restreindre, fausser ou empêcher la concurrence à l'intérieur du marché commun ; or, si la diffusion de données statistiques entraînait l'introduction d'un tarif uniforme, il n'est pas exclu que l'accord soit considéré comme visant, même indirectement, à restreindre la concurrence entre les sociétés d'assurance qui y participent.
2) En ce qui concerne la dérogation à la notification prévue à l'article 4 paragraphe 3 point 1 du règlement n° 17, elle joue uniquement lorsque ne participent à l'accord que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et qu'il ne concerne ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres. Dans le secteur des assurances, les réglementations de contrôle obligent généralement les entreprises étrangères qui veulent travailler sur le territoire d'un Etat membre à se constituer en société de droit national ou à désigner un représentant ressortissant de l'Etat où l'activité d'assurance est exercée. Il semble donc que, à l'intérieur d'un même Etat, les diverses sociétés d'assurance aient le statut de ressortissant de cet Etat, ce qui permet d'appliquer l'article paragraphe 2 point 1 du règlement n° 17.
Veuillez agréer, ...
Le directeur général de la concurrence
P. VERLOREN VAN THEMAAT
ANNEXE 4 Extrait du quinzième rapport d'activité 1962-1963 publié par le Gesamtverband der Deutschen Versicherungswirtschaft e.V. (p. 108)
3. Statut national des succursales de sociétés étrangères
Il est clair que l'appartenance des succursales d'entreprises étrangères au cercle des "ressortissants nationaux" au sens de l'article 4 paragraphe 2 point 1 du règlement n° 17 est également remise en question.
Dans notre dernier rapport d'activité (5), nous vous faisions part de la communication de la Commission selon laquelle elle pouvait admettre le statut national et, partant, l'application de l'article 4 paragraphe 2 point 1 du règlement n° 17, ce qui suppose que, à l'intérieur d'un Etat membre les accords ne perdent pas ce statut et restent donc exemptés du devoir de notification, lorsqu'y participent des succursales nationales de sociétés étrangères.
A l'heure actuelle, il est envisagé de ne plus admettre ce point de vue que dans les cas où la "succursale" prend la forme d'une société de droit interne créée à cet effet (filiale autonome) et non plus dans le cas, infiniment le plus fréquent en Allemagne, où un "fondé de pouvoir général" est désigné. Ce retournement de situation est dû exclusivement à des considérations de droit civil, en ce sens que le fondé de pouvoir agit en tant que tel et non en son nom propre et que les droits et devoirs de l'entreprise étrangère représentée découlent des accords qu'il a conclus, en sorte que des accords purement nationaux seraient assimilés dorénavant à des "accords entre sociétés de plusieurs Etats membres" et soumis de ce fait à l'obligation de notifier.
Cette analyse ne tient pas compte des réalités économiques. En l'occurrence, il s'agit réellement d'accords nationaux, auxquels les entreprises étrangères ne veulent prendre part que dans le pays et auquel elles ne peuvent participer que par l'intermédiaire d'un représentant général ressortissant du pays, puisqu'elles ne peuvent exercer leurs activités directement en Allemagne. Les conditions requises pour établir une succursale en Allemagne supposent une autonomie juridique et financière si grande que, sur le plan de la participation aux accords, il n'existe aucune différence entre une filiale et une succursale représentée par un fondé de pouvoir principal.
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.
(3) JO n° L 151 du 7.6.1978, p. 25.
(4) Principes de tarification des risques industriels et des gros risques artisanaux et commerciaux d'incendie et d'interruption d'exploitation (version du 3 février 1977).
(5) Rapport d'activité 1961-1962, p. 69.