Livv
Décisions

CCE, 2 juillet 1984, n° 84-379

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

British Leyland

CCE n° 84-379

2 juillet 1984

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 3, vu la plainte déposée, le 6 novembre 1981, au titre de l'article 3 du règlement n° 17, par Derek Merson, revendeur de véhicules automobiles, vu la décision prise par la Commission, le 28 juin 1982, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné à BL l'occasion de faire connaître son point de vue sur les griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et à celles du règlement n° 99-63 de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. BL

(1) BL, constituée dans sa structure actuelle le 11 août 1975, est une société anonyme de droit britannique depuis le 31 juillet 1981.

(2) BL est le deuxième plus grand constructeur automobile britannique et occupe la septième place en Europe en termes de chiffre d'affaires. Au 31 décembre 1982, le gouvernement du Royaume-Uni était propriétaire de 99,7 % du capital émis de la société, le restant (0,3 %) étant réparti entre 69 000 actionnaires privés.

B. LES RÈGLEMENTS EN MATIÈRE D'HOMOLOGATION DE MODÈLE EN GRANDE- BRETAGNE

(3) Dans la plupart des cas, les voitures ne peuvent être immatriculées en Grande-Bretagne (Angleterre, pays de Galles et Ecosse) que s'il existe un certificat d'homologation valable pour le véhicule en question, qu'il soit construit en Grande-Bretagne ou importé. L'existence d'un tel certificat d'homologation indique que le véhicule satisfait à certaines normes de conception, de construction et de protection de l'environnement. Les règlements actuellement en vigueur en matière d'homologation figurent dans le Statutory Instrument n° 1092 de 1979, tel qu'il a été modifié par les Statutory. Instruments n° 1980-879 et 1165, 1981-696, 1619 et 1982-8. Ces règlements ont été pris par le ministre des transports du Royaume-Uni en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les lois sur la circulation routière de 1972 et 1974.

(4) Les règlements sur l'homologation nationale (National Type Approval - dénommé ci-après NTA) ne s'appliquent pas à toutes les catégories de véhicules. En particulier, le certificat d'homologation n'est pas nécessaire en cas d'importation temporaire ou personnelle, telle que définie par les règlements. Mais, dans tous les autres cas, la NTA est requise et le respect des règlements est obligatoire. Ainsi, en vertu de l'article 51 paragraphe 1 de la loi de 1972 sur la circulation routière et du règlement NTA n° 14, il est interdit à toute personne d'utiliser ou de laisser utiliser sur la route. En Grande-Bretagne un véhicule soumis à la NTA qui n'a pas fait l'objet de la délivrance d'un certificat NTA. De la même manière, en vertu de l'article 62 de la loi de 1972 sur la circulation routière, telle qu'elle a été modifiée, il est interdit de vendre, de livrer ou de proposer à la vente ou à la livraison un véhicule soumis à la NTA qui n'a pas été homologué.

(5) Le respect des règlements NTA, qui comporte essentiellement deux étapes, peut se faire de différentes manières. C'est ainsi que, dans le cas des véhicules construits dans la Communauté économique européenne et vendus pour la première fois en Grande-Bretagne, le constructeur obtient d'abord un certificat NTA du ministère des transports et délivre un certificat de conformité par lequel il déclare que, au moment de sa livraison, le véhicule est conforme au modèle approuvé.

(6) Le constructeur - et dans ce cas, toute autre personne, y compris un importateur - peut également solliciter un certificat pour une seule version d'un modèle donné. Cette demande, qui fait partie de la procédure normale pour l'obtention de la NTA pour les véhicules construits en dehors de la Communauté économique européenne, aboutit à la délivrance d'un certificat primaire d'homologation ministérielle (Primary Minister's Approval Certificate - PMAC). Ensuite, des certificats ultérieurs d'homologation ministérielle (subsequent Minister's Approval Certificates - sub MAC) peuvent soit être fournis, sur demande, par le constructeur, au cas où c'est lui qui a obtenu le PMAC, soit être établis par l'importateur lui-même au cas où c'est ce dernier qui a obtenu le PMAC.

(7) Bien que les règlements NTA leur permettent de demander un PMAC, la plupart des importateurs - qu'il s'agisse de particuliers ou de distributeurs - ne tireront probablement pas avantage de cette possibilité, puisque l'obtention individuelle d'un PMAC peut nécessiter la vérification technique du véhicule, laquelle coûte approximativement 20 000 livres sterling. Toutefois, même si le fabricant fournit au demandeur les informations requises rendant la vérification superflue, le coût d'obtention d'un PMAC - environ 800 livres sterling - découragera probablement la plupart des importateurs. Sauf s'ils peuvent bénéficier de l'exemption prévue en cas d'importation personnelle évoquée au point 4 ci-avant, les particuliers ou les distributeurs ont besoin de la coopération du constructeur pour se conformer aux règlements NTA.

C. LA DEMANDE DE VEHICULES BL IMPORTES

(8) En 1981, BL vendait dans certains autres Etats membres des versions à conduite à gauche de ses modèles à des prix sensiblement inférieurs à ceux appliqués par les distributeurs BL agréés au Royaume-Uni pour les modèles équivalents à conduite à droite. Dans des circonstances normales, la demande de véhicules BL à prix intéressant au Royaume-Uni aurait pu être satisfaite par des importations personnelles de véhicules à conduite à droite vendus en dehors du Royaume-Uni.

(9) Or, à cette époque, BL livrait généralement elle-même à ses distributeurs établis dans les autres Etats membres (sauf en Irlande) les véhicules à conduite à droite, sous le couvert de régimes spéciaux destinés à faciliter les achats de voitures par le personnel diplomatique ou militaire. La seule manière de satisfaire à la demande de véhicules BL moins chers était donc l'importation de variantes à conduite à gauche.

(10) Après la fermeture par BL de sa chaîne de montage à Seneffe en Belgique en 1981, les candidats acheteurs britanniques qui désiraient bénéficier des différences de prix entre le Royaume-Uni et certains autres Etats membres étaient obligés d'acheter des véhicules construits au Royaume-Uni selon les spécifications requises dans d'autres Etats membres et de les réimporter par la suite.

(11) Ayant obtenu un véhicule à conduite à gauche, l'importateur se heurtait à plusieurs problèmes avant de pouvoir l'utiliser licitement sur la route. Premièrement, pour obtenir un certificat de conformité de la part du constructeur, il devait démontrer que certaines modifications d'importance mineure avaient été apportées au véhicule.

(12) Une fois l'homologation accordée, le propriétaire souhaitait généralement convertir son véhicule en conduite à droite même si l'utilisation d'un véhicule à conduite à gauche n'est pas interdite. La conversion ne présente pas de grandes difficultés techniques. Elle n'invalide pas l'homologation et ne contrevient pas aux règlements britanniques en matière de sécurité, à condition d'être exécutée correctement.

(13) La voie s'ouvrait donc à des échanges importants de véhicules BL entre les Etats membres. La demande était particulièrement grande pour la version à conduite à gauche de la Metro, qui disposait de certificats NTA accordés pour la première fois le 17 juillet 1980.

D. LA REACTION DE BL

(14) L'importation des Metro n'a pas été accueillie favorablement par les distributeurs BL agréés au Royaume-Uni. Ce mécontentement a été exprimé à la réunion du conseil des distributeurs de BL où les distributeurs agréés et la direction de BL ont la possibilité de discuter de leurs problèmes réciproques. L'enquête de la Commission a révélé que BL a répondu aux doléances des distributeurs le 4 novembre 1981 en faisant savoir au conseil des distributeurs "que le maintien de l'homologation britannique pour les véhicules à conduite à gauche n'avait plus de justification commerciale et qu'on devrait laisser expirer les homologations existantes à partir d'octobre 1981".

(15) Toutefois, l'impression que BL pouvait avoir donnée au sein du conseil des distributeurs, à savoir que, à la suite de ses interventions, l'homologation ne pouvait plus être obtenue après le mois d'octobre 1981, était inexacte. En fait, il est possible à tout moment d'immatriculer tout véhicule construit avant la date d'expiration prévue de l'homologation. Même les véhicules construits après cette date pouvaient encore être immatriculés si la demande en était faite dans les six mois. Pour la version à conduite à gauche de la Metro, cela signifie donc que les véhicules construits avant le mois d'octobre 1981 peuvent encore être immatriculés et que ceux construits après cette date pouvaient être immatriculés jusqu'au 1er avril 1982.

(16) Alors que BL devait savoir que l'homologation pouvait toujours être obtenue pour les Metro à conduite à gauche, l'examen de la correspondance commerciale de BL entre octobre 1981 et avril 1982 a révélé que la société a parfois refusé de donner suite à des demandes d'assistance qui lui étaient adressées sous le prétexte qu'il n'existait pas d'homologation.

(17) La décision de BL de ne pas faire renouveler l'homologation et ses affirmations selon lesquelles une telle homologation n'existait pas, alors qu'elle était toujours en vigueur, n'étaient pas les seules mesures auxquelles la société a eu recours pour empêcher la réimportation de Metro à conduite à gauche. D'autres documents examinés par la Commission montrent que BL, entre juin 1981 et janvier 1982, a systématiquement refusé de fournir les informations nécessaires à l'obtention de certificats de conformité. Qu'elle ait nié l'existence d'une homologation ou simplement refusé d'aider les acheteurs à obtenir le certificat de conformité en ne leur fournissant pas les informations indispensables, le résultat fut le même. Dans les deux cas, les Metro à conduite à gauche ne pouvaient pas être utilisées licitement sur les routes d'Angleterre, d'Ecosse et du pays de Galles.

(18) En particulier, les inspecteurs de la Commission ont examiné dans les bureaux de BL un dossier relatif aux "pirates". Ce dossier contenait des échanges de courrier avec plusieurs particuliers et revendeurs d'automobiles. LES FAITS suivants en ressortent : le 18 juin 1981, BL a informé Auto Europe de Birmingham qu'aucun certificat de conformité n'était disponible pour les Metro à conduite à gauche et n'a pas voulu fournir les numéros NTA concernés ; le 23 juin 1981, BL a écrit dans un sens similaire à International Cars RHT Ltd d'Edgware ; le 11 août 1981, BL a écrit à Mme Fox de Pevensey pour lui indiquer en effet que la NTA pour les Metro à conduite à gauche ne s'appliquait pas aux véhicules vendus dans un Etat membre autre que le Royaume-Uni ; le 16 novembre 1981, BL a informé Royal Cars AMS Autos Ltd de Londres qu'elle ne fournirait pas de numéros NTA pour les Metro à conduite à gauche ; le 17 novembre 1981, BL a écrit à M. Merson, le plaignant dans le présent cas d'espèce, pour l'informer que BL ne pouvait pas fournir de numéro NTA pour les Metro à conduite à gauche ; le 12 janvier 1982, BL a informé M. Doyle de Preston que les Metro à conduite à gauche n'étaient pas homologuées. A toutes les dates susmentionnées, l'homologation des Metro à conduite à gauche était en vigueur et des certificats de conformité auraient pu être délivrés.

(19) C'est dans ce contexte qu'une question a été posée à la Chambre des communes, le 2 février 1982, sur les intentions du gouvernement dans ce domaine. En réponse à cette question, le ministre des transports a déclaré que ses services avaient pris contact avec les constructeurs et leurs distributeurs agréés pour discuter de la manière dont on pourrait donner aux acheteurs et aux distributeurs individuels l'accès rapide et facile aux informations en matière d'homologation dont ils avaient besoin et auxquelles ils avaient droit selon le droit commercial international.

(20) Trois semaines plus tard, BL a fait savoir qu'elle avait révisé sa politique et qu'elle était maintenant en mesure de délivrer les certificats nécessaires. Toutefois, elle a décidé d'imposer une redevance de 150 livres pour l'établissement du certificat, le paiement devant être effectué avant la fourniture des renseignements. Le travail occasionné par l'octroi du certificat étant de nature purement administrative, la Commission a vérifié la politique de prix de BL pour voir si la redevance de 150 livres sterling n'était pas excessive ou discriminatoire.

(21) Ces vérifications ont montré que BL avait jusque-là réclamé des redevances de montants variables pour la fourniture des différentes sortes d'informations requises pour l'obtention de l'homologation. Tantôt elle ne réclamait rien, tantôt elle réclamait 25 livres sterling par véhicule, qu'il soit muni de la conduite à gauche ou de la conduite à droite, que la demande émane d'un particulier ou d'un revendeur. En juillet 1981, lorsque, pour la première fois, les doléances ont été formulées à la réunion des distributeurs concernant l'entrée massive de véhicules à conduite à gauche, BL a porté à 150 livres sterling la redevance pour la délivrance à un revendeur d'un certificat de conformité pour des versions à conduite à gauche, tout en la maintenant à 25 livres sterling pour les particuliers et les véhicules à conduite à droite. En même temps, elle a augmenté le coût de délivrance du sub MAC pour les véhicules à conduite à gauche construits à Seneffe pour lesquels elle avait obtenu un PMAC. Dans ce cas, la redevance a été portée de 100 à 150 livres sterling.

(22) Les stocks de véhicules à conduite à droite et à conduite à gauche construits en dehors du Royaume-Uni s'épuisant rapidement à la suite de la fermeture de l'usine BL à Seneffe en janvier 1981 et le nombre de véhicules à conduite à droite construits au Royaume-Uni mais vendus à l'étranger étant assez limité, la redevance la plus significative était celle de 150 livres sterling réclamée par BL aux revendeurs pour les véhicules à conduite à gauche réimportés. Cette somme se révélait être six fois plus élevée que la redevance réclamée aux importateurs privés ou aux revendeurs pour le nombre restreint de véhicules à conduite à droite du même modèle qui entraient au Royaume-Uni. Or, l'enquête de la Commission a permis de constater que le volume de travail administratif était le même dans les deux cas, à savoir deux heures.

(23) C'est pour éviter ces obstacles que certains revendeurs ont sollicité l'aide de BL en vue d'obtenir un PMAC pour leurs propres réimportations. Avec l'aide de BL, ils auraient pu obtenir un PMAC pour environ 800 livres sterling, indépendamment de l'existence ou non d'un certificat valable d'homologation nationale. Or, BL a refusé de fournir aux distributeurs les informations nécessaires à l'obtention de cette autre forme d'homologation. De plus, lorsque vers la fin de 1982 BL a décidé de redemander un certificat d'homologation nationale pour les véhicules à conduite à gauche, elle a continué à refuser sa coopération. En fait, la seule concession que BL était disposée à faire aux revendeurs était de réduire la redevance pour la délivrance d'un certificat de conformité de 150 à 100 livres sterling. Toutefois, la fixation de cette redevance, devenue effective le 16 mars 1983, date de prise d'effet de la nouvelle homologation du véhicule à conduite à gauche, semble s'être faite aux dépens des acheteurs individuels de véhicules à conduite à gauche, qui doivent maintenant payer 100 livres sterling au lieu de 25.

II. APPRECIATION JURIDIQUE

A. ARTICLE 86

(24) L'article 86 du traité CEE interdit comme incompatible avec le marché commun toute exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté.

a) Position dominante

(25) i) Le marché en cause

Le marché en cause est le marché de la fourniture d'informations en matière d'homologation (NTA), indispensables aux importateurs qui souhaitent immatriculer un véhicule BL en vue de son utilisation sur la route en Grande-Bretagne, une partie substantielle du marché commun.

ii) La position dominante de BL

La position dominante de BL dans le marché susmentionné découle des dispositions des lois britanniques sur la circulation routière et des règlements britanniques relatifs à l'homologation des véhicules à moteur pris en vertu de ces lois, qui autorisent BL seule à demander l'homologation nationale pour les véhicules qu'elle construit et ensuite à délivrer les certificats de conformité nécessaires en vue de l'immatriculation du véhicule et de son utilisation sur la route. La possibilité théorique du recours à la procédure du PMAC pour l'obtention de l'homologation pour des véhicules individuels n'affecte en aucune façon cette analyse. Premièrement, le coût de l'obtention individuelle d'une telle homologation - soit 20 000 livres sterling - est prohibitif et, deuxièmement, BL ne voulait et ne veut pas fournir aux importateurs les informations nécessaires pour qu'ils puissent obtenir le PMAC pour 800 livres sterling. Dans ces conditions, la procédure du PMAC ne peut être considérée comme un substitut valable.

b) Exploitation abusive

(26) BL a de différentes manières abusé de sa position dominante en Grande-Bretagne, une partie substantielle du marché commun. Premièrement, elle a refusé de fournir des certificats de conformité à un certain nombre de revendeurs et de particuliers souhaitant réimporter des Metro à conduite à gauche en Grande-Bretagne, malgré le fait qu'un certificat d'homologation nationale pour ces véhicules était en vigueur au moment de la demande. Deuxièmement, BL a décidé de propos délibéré de ne pas faire renouveler les certificats d'homologation nationale pour la version à conduite à gauche de la Metro. Troisièmement, lorsque BL a finalement décidé de faire renouveler son certificat d'homologation nationale pour la Metro à conduite à gauche, elle a imposé pour la délivrance des certificats de conformité une redevance qui était à la fois excessive et discriminatoire par rapport à la redevance qu'elle réclamait pour la version à conduite à droite du même véhicule. L'enquête de la Commission, à laquelle il a été fait référence dans le point 18 ci-avant, a permis de constater le refus constant de BL d'assister les importateurs. Par conséquent, les Metro importées d'autres Etats membres ne pouvaient pas être utilisées licitement et des véhicules pour lesquels une demande certaine existait et existe encore sont pénalisés. Par ses agissements, BL a donc abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture des informations relatives à l'homologation NTA nécessaires en vue de l'immatriculation de ses véhicules et de leur utilisation sur la route en Grande-Bretagne.

(27) Il n'y a pas de motif objectif justifiant ce comportement. Le premier abus - à savoir le refus de délivrer des certificats de conformité - ne peut s'expliquer simplement par une erreur administrative. Au sein de l'organisation BL, de telles décisions ne sont pas prises au niveau local mais au niveau d'un service centralisé. Dans ces conditions, il est peu probable que le département "homologation" ait ignoré le désir de la société d'empêcher les réimportations et l'explication fournie par BL n'est dès lors pas convaincante. La tentative de BL de justifier le deuxième abus - à savoir sa décision de ne pas faire renouveler le certificat d'homologation nationale pour la Metro à conduite à gauche - doit être analysée de la même façon. Le désir de la société de réduire les frais administratifs aurait pu être une explication crédible de son comportement si sa décision n'avait pas été prise à un moment où le conseil des distributeurs la priait avec insistance de restreindre le flux de Metro réimportées au Royaume-Uni.

(28) Des considérations semblables s'imposent lorsque BL tente de démontrer que la redevance de 150 livres sterling réclamée pour la délivrance d'un certificat de conformité était justifiée par un accroissement des frais généraux. Une fois encore, la chronologie des agissements de BL et le taux d'accroissement du prix ne cadrent pas avec ses explications. La faiblesse de la justification de BL en ce qui concerne la redevance de 150 livres sterling est encore plus évidente lorsqu'on la compare à sa décision de réduire de 50 livres sterling et de ramener donc à 100 livres sterling la redevance réclamée aux revendeurs et de porter en même temps à 100 livres sterling la redevance réclamée aux particuliers. Il est donc manifeste que les facteurs de coût n'étaient pas l'élément décisif dans la détermination du montant de ces redevances. Ce qui plus est, la redevance de 100 livres sterling dépasse largement le montant que la Cour de justice a indiqué comme raisonnable dans son arrêt General Motors - Commission dans l'affaire 26-75 (1), compte tenu de l'inflation qui a sévi depuis lors. Dans ces conditions, la redevance de 150 et de 100 livres sterling appliquée aux revendeurs ainsi que la redevance rajustée de 100 livres sterling appliquée aux particuliers pénalisent les réimportations et constituent donc une exploitation abusive de la position dominante de BL.

c) L'affectation du commerce entre les Etats membres

(29) BL a entravé le commerce entre les Etats membres en empêchant les propriétaires de véhicules importés de les faire immatriculer en vue de leur utilisation sur la route en Grande- Bretagne. Les agissements de BL ont aussi eu un effet dissuasif sur les importateurs potentiels qui auraient pu tirer profit des prix plus bas auxquels les véhicules BL étaient vendus ailleurs dans le marché commun. En particulier, des revendeurs d'automobiles qui auraient pu satisfaire une demande importante pour les Metro se trouvaient empêchés de le faire. De surcroît, lorsque la NTA a été renouvelée, la redevance de 100 livres sterling réclamée par BL pour la fourniture des informations nécessaires aux importateurs constituait une sanction qui frappait le commerce parallèle. BL a donc entravé et entrave encore la libre circulation des marchandises et l'interpénétration économique voulue par le traité CEE.

B. ARTICLE 15 DU RÈGLEMENT n° 17

(30) L'article 15 paragraphe 2 point a) du règlement n° 17 habilite la Commission à infliger par vote de décision des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, à une entreprise qui participe à une infraction, commise de propos délibéré ou par négligence, aux dispositions de l'article 86 du traité.

(31) En fixant le montant de l'amende en l'espèce, il faut tenir compte de la gravité et de la durée de l'infraction. BL devait savoir que ses agissements étaient semblables à ceux que la Commission a (3) considérés comme un abus dans sa décision 75-75-CEE (General Motors Continental) (4). Les infractions se sont poursuivies pendant un laps de temps considérable, à savoir d'octobre 1981 à mars 1983 en ce qui concerne la suspension de la NTA pour les véhicules à conduite à gauche, de juin 1981 jusqu'à aujourd'hui en ce qui concerne les redevances réclamées pour la fourniture de certificats de conformité, et d'octobre 1981 à avril 1982 en ce qui concerne le refus de délivrer des certificats de conformité alors que l'homologation était toujours en vigueur.

Quoique les faits recueillis par la Commission permettent de constater que les infractions ont été commises de propos délibéré, il y a lieu également de tenir compte, pour la fixation de l'amende, de l'attitude coopérative de BL en ce qui concerne certaines des infractions constatées dans la présente décision,

A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Il est constaté que BL a violé et continue de violer l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne : i) en refusant de délivrer des certificats de conformité entre juin 1981 et avril 1982, alors qu'un certificat NTA était en vigueur pour la version à conduite à gauche de la Metro ;

ii) en décidant en novembre 1981 de ne plus solliciter de NTA pour la version à conduite à gauche de la Metro afin d'empêcher la réimportation de ce véhicule au Royaume-Uni à partir d'autres Etats membres ;

iii) en réclamant une redevance de 150 livres sterling aux distributeurs pour la fourniture de certificats de conformité pour les Metro à conduite à gauche, entre août 1981 et avril 1982, et une redevance de 100 livres sterling pour le même service aux revendeurs indépendants et aux particuliers, depuis le 16 mars 1983, date à laquelle la NTA pour la version à conduite à gauche de la Metro a été renouvelée.

Article 2

Pour les infractions indiquées à l'article 1er, une amende de 350 000 écus (trois cent cinquante mille écus, soit 207 876,55 livres sterling) est infligée à BL. L'amende est payable au compte de la Commission des Communautés européennes à la Lloyds Bank, Overseas Department, PO Box 19, 6 Eastcheap, Londres (compte n° 1086341) dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3

BL est tenu de mettre fin à l'infraction décrite à l'article 1er sous iii) et d'informer immédiatement la Commission des mesures prises à cet effet.

Article 4

La présente décision est destinée à

BL plc 33 - 35 Portman Square UK-London W1H 0HQ.

La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CEE.

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.

(3) Recueil 1975, p. 1367.

(4) JO n° L 29 du 3.2.1975, p. 14.