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Décisions

CCE, 28 novembre 1979, n° 80-182

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Floral

CCE n° 80-182

28 novembre 1979

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 3 et 15 ; vu la procédure engagée par la Commission le 27 septembre 1978 à l'encontre de la coopération pratiquée dans le cadre de Floral Düngemittelverkaufsgesellschaft mbH, depuis le 10 mai 1968, par la Générale des engrais SA, la Compagnie française de l'azote SA et la Société chimique des charbonnages SA ainsi que par l'entreprise allemande Franz Schiffer, et qui a été notifiée le 10 juillet 1978, après avoir entendu les entreprises concernées conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et aux dispositions du règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 (2); vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 25 juillet 1979.

I. LES FAITS

Considérant que les faits sont les suivants:

1. Les produits en cause

La présente procédure vise la coopération instaurée entre trois grands producteurs français d'engrais pour l'exportation d'engrais complexes vers la république fédérale d'Allemagne par l'intermédiaire de la société Floral GmbH.

Les engrais composés ou complexes en cause sont des engrais de type ternaire NPK contenant des composants azotés, phosphatés et potassiques et plus spécialement ceux de formules 13.13.21 et 15.15.15 (le reste étant des produits de lest).

2. Les entreprises en cause

a) Générale des engrais SA (ci-après dénommée GESA) qui a succédé à la Société de produits chimiques Péchiney-Saint-Gobain, issue du regroupement des intérêts "engrais" de Rhône-Poulenc et de Péchiney-Ugine-Kuhlmann. GESA produit des engrais azotés et des engrais composés. Son chiffre d'affaires "engrais" a été de 1,5 milliard de francs français en 1977. GESA possède sept usines de production d'engrais composés, notamment à Rouen/Grand-Quevilly (nord-ouest de la France), à la Madeleine et, jusqu'en 1977, à Chauny (nord de la France), à Rieme (Belgique) et, par l'intermédiaire de sa filiale néerlandaise Zuid Chemie, à Sas van Gent (Pays-Bas).

GESA est devenue en 1978 majoritaire dans la société holding SOPAG qui contrôle 61 % du capital du groupe Gardinier; une autre participation de 36 % est détenue par la SOPIA. Le capital de la SOPIA est réparti entre, d'une part, l'entreprise UGCA (3) et des coopératives (80 %) et, d'autre part, la famille Gardinier (20 %). Gardinier fabrique des engrais azotés, phosphatés et composés.

b) Compagnie française de l'azote SA (ci-après dénommée Cofaz) issue d'accords conclus entre Pierrefitte-Auby et le groupe Total. Cofaz produit des engrais azotés et composés. Son chiffre d'affaires "engrais" a été, en 1977, de 1,3 milliard de francs français. Cofaz possède des usines d'engrais composés, notamment à Feuchy et au Havre (nord-ouest de la France).

c) Société chimique des charbonnages SA (ci-après dénommée CDF) regroupe les activités "engrais" des Charbonnages de France et des Houillères de bassin. Une participation de 37,5 % est détenue par l'Entreprise Minière et Chimique (EMC) qui, à son tour, est contrôlée par Azote et produits chimiques (APC). De plus, EMC possède 70 % des parts de la Société Commerciale de Potasse et d'Azote (SCPA), qui produit des engrais potassiques. APC participe à parts égales (50 %) avec le fabricant allemand d'engrais BASF à l'entreprise Produits et Engrais Chimiques du Rhin (PEC-Rhin), qui dispose d'une usine de fabrication d'engrais composés à Ottmarsheim (Alsace); la production y a débuté en 1978. CDF a des usines de fabrication d'engrais composés, notamment à Mazingarbe, Grand-Quevilly (nord-ouest de la France) et jusqu'en 1975 à Carling (est de la France). Elle est propriétaire de Chemische Werke Saar-Lothringen GmbH (CSL), qui fabrique et distribue des engrais dans la Sarre. Le chiffre d'affaires du groupe CDF a été, en 1977, de 1,8 milliard de francs français.

Les trois entreprises en cause sont les principaux fabricants d'engrais en France. Viennent ensuite la Société chimique de la Grande Paroisse, filiale d'Air liquide, la société Atlantique d'engrais chimiques, filiale de l'entreprise américaine Grace, Reno, filiale du groupe allemand Oetker, la Société d'engrais chimiques et organiques, filiale des fabricants belges Prayon et Carbochimique, et les Elabissements Lecoester, filiale du fabricant néerlandais UKF.

3. Organisation de la distribution en général

Indépendamment de leur coopération pour l'exportation d'engrais composés vers la république fédérale d'Allemagne (voir point 4), les trois fabricants en cause distribuent actuellement individuellement leurs engrais dans la Communauté. Jusqu'en 1967, tous les fabricants français ont confié la vente de leurs engrais simples azotés en France et à l'étranger au Comptoir Français de l'Azote (CFA) qu'ils avaient créé. Ce comptoir de vente a fait l'objet, le 15 mars 1967, d'une communication des griefs que la Commission a adressée aux membres du CFA, et notamment aux trois entreprises en cause ou à leurs prédécesseurs Auby, Pierrefitte, Péchiney-Ugine, et qui concluait que l'accord de vente en commun d'engrais simples passé entre les membres du CFA tombait sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 du traité et ne pouvait bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3. A la suite de cette communication des griefs, les entreprises intéressées ont décidé, le 28 juillet 1967, de mettre fin aux pratiques incriminées. Elles ont retiré au CFA la concession de vente à la petite exportation (CEE) pour réaliser désormais elles-mêmes. Pour la coopération ainsi limitée à la vente à l'intérieur du pays et dans des pays tiers, la Commission a, par décision du 6 novembre 1968 (4), délivré une attestation négative en vertu de l'article 2 du règlement n° 17;

En 1969, les membres du CFA ont décidé de ne plus confier à celui-ci leurs ventes d'engrais azotés en France. Les ventes vers les pays tiers ont continué en revanche à s'effectuer par l'intermédiaire du CFA, celles destinées à certains pays tiers passant toutefois par la Nitrex à Zurich.

Les membres du CFA ont depuis toujours vendu individuellement dans la Communauté les engrais composés qu'eux-mêmes fabriquaient. Toutefois, le commerce intracommunautaire de ces engrais s'est développé plus lentement que celui des engrais simples. Pour les exportations en dehors de la Communauté, la société Complexport, qui compte également parmi ses membres les trois fabricants visés par la présente procédure, a été créée au début des années 1970. La société Complex installée à Zurich intervient dans les livraisons vers certains pays tiers; elle est également chargée par d'autres fabricants européens de leurs exportations vers ces pays tiers.

4. L'organisation de l'exportation d'engrais composés vers la république fédérale d'Allemagne

Le 10 mai 1968, la société Alfa GmbH a été fondée par les entreprises suivantes:

- Société des produits chimiques d'Auby (actuellement Cofaz),

- Société chimique des charbonnages (CDF),

- Société produits chimiques Péchiney-Saint-Gobain (actuellement GESA),

- Pierrefitte, Société générale d'engrais et de produits chimiques (actuellement Cofaz),

- Franz Schiffer en sa qualité de négociant en engrais.

La création de la société Alfa avait été précédée d'entretiens entre M. Schiffer et Auby portant sur la promotion des exportations vers la république fédérale d'Allemagne et qui ont entraîné la participation d'autres fabricants.

Le 6 juillet 1970, les fabricants GESA, Cofaz et CDF sont convenus de modifier la raison sociale de la société Alfa en Floral GmbH, sans en modifier l'objet statutaire, qui restait d'acheter ou de fabriquer des engrais pour les revendre en république fédérale d'Allemagne.

Le capital de Floral est actuellement réparti entre GESA, Cofaz et CDF à raison de 30 % chacune, les 10 % restants étant détenus par M. Schiffer. Par un contrat du 10 mai 1968, M. Schiffer a été nommé gérant de la société Alfa, devenue par la suite Floral. Le gérant est tenu d'informer de toutes les affaires les associés et de leur demander leur accord sur les affaires importantes (par exemple conclusion de contrats à long terme). Les coûts et les bénéfices sont répartis entre les associés au prorata de leurs parts sociales.

Les 10 mai 1968, 1er mai 1972 et 1er mai 1975, des accords de commercialisation ont été conclus entre Alfa, devenu Floral, et la société Franz Schiffer appartenant à M. Schiffer. Ces accords confèrent à la société F. Schiffer l'exclusivité de vente pour les produits Floral dans les régions méridionales et occidentales de la république fédérale d'Allemagne (limitées au nord par la région de Münster) et lui garantit la fourniture d'une certaine quantité de ces produits.

Les accords en question prévoient, enfin, que la marque Floral sera déposée en faveur de la société F. Schiffer et que les produits seront vendus sous cette marque, l'emballage devant toutefois porter également la marque du fabricant français correspondant.

5. Situation des entreprises en cause sur le marché

La France est, après le Royaume-Uni, le plus gros producteur d'engrais composés de la Communauté. Sa production s'est élevée - comme l'indique l'annexe I - à 547 000 tonnes d'azote (azote contenu dans les engrais composés) en 1977/1978. GESA/Gardinier, Cofaz et le groupe CDF/APC/EMC sont de loin les plus gros fabricants français; ils couvrent plus des deux tiers de la production française. Par rapport à la production totale de la Communauté (environ 3 millions de tonnes d'azote), cela correspond à une part de plus de 10 %.

La production allemande d'engrais composés, qui est assurée principalement par VEBA/Ruhrstickstoff, BASF et Hoechst, a été de 365 400 tonnes d'azote en 1977/1978 (voir annexe II). En 1977/1978, la consommation d'azote s'est élevée à 379 000 tonnes en république fédérale d'Allemagne et à 627 000 tonnes en France. Les deux pays importent d'assez grosses quantités d'engrais composés. Ils sont toutefois aussi gros exportateurs : la république fédérale d'Allemagne a exporté annuellement en moyenne au cours des campagnes 1968/1969 à 1977/1978 120 000 tonnes d'azote (soit 29 % de la production) et la France 65 000 tonnes d'azote (soit 11,7 % de la production). Dans les deux pays, les capacités de production existantes n'ont pas été pleinement utilisées, sauf exceptionnellement pendant des périodes très courtes.

Le tableau figurant à l'annexe III indique l'évolution des exportations de France vers la république fédérale d'Allemagne et inversement. Les exportations françaises vers la république fédérale d'Allemagne ont notablement augmenté de 1969 à 1972, mais n'ont pas été beaucoup plus élevées en 1977 qu'en 1972 (110 000 tonnes contre 102 000). En comparaison, les exportations de la république fédérale d'Allemagne vers la France ont été moins importantes, variant entre 38 000 (1970 et 1974) et 84 000 tonnes (1976).

Les exportations de la France vers la république fédérale d'Allemagne ont représenté, en 1976/1977, les deux tiers de ses exportations à l'intérieur de la Communauté et 38 % de ses exportations totales. Lesdites exportations vers la république fédérale d'Allemagne se sont élevées en 1976/1977 à environ 110 000 tonnes se répartissant comme suit: la moitié environ était constituée par des livraisons effectuées par PEC-Rhin à l'une de ses sociétés mères, la BASF, environ 40 000 tonnes correspondaient aux livraisons effectuées par les fabricants en cause à partir de leurs usines françaises (5) et une faible part seulement était constituée par les exportations de négociants français. Les autres fabricants français n'ont pas exporté vers la république fédérale d'Allemagne;

Les livraisons d'engrais composés, qui s'élevaient à 12 000 tonnes en 1968/1969, se sont accrues au cours des années suivantes pour atteindre environ 50 000 tonnes par an depuis 1976/1977. Au cours des années 1968/1969 à 1971/1972, les trois fabricants en cause ont effectué leurs livraisons à destination de la république fédérale d'Allemagne uniquement par l'intermédiaire de Alfa/Floral ou de la société F. Schiffer. A partir de 1972/1973, GESA et Cofaz ont livré environ 2 000 tonnes par an (4,5 % du total des exportations) à un autre acheteur, la Deutsche Raiffeisen Warenzentrale GmbH. Au cours des années 1972/1973 à 1977/1978, CDF n'a, elle aussi, effectué des livraisons que par l'intermédiaire de Floral/F. Schiffer. Ce n'est qu'au cours de la campagne 1978/1979 -- après l'ouverture de l'enquête de la Commission -- que les livraisons individuelles se sont nettement accrues.

CDF a effectué 68 % de l'ensemble des livraisons à Floral et Schiffer, GESA 18 % et Cofaz 14 %. La part des livraisons effectuées par chacun des intéressés ne correspondait donc pas à leur participation au capital de la société (30 % chacun).

Les produits livrés ne présentent pas de différence de qualité. Ils sont livrés par camion, tandis que les fabricants allemands livrent surtout par voie ferrée ou voie navigable, à la gare ou au port le plus proche. La marchandise emballée porte, outre la marque du fabricant, celle de Floral. Les acheteurs sont une trentaine de centrales coopératives et de grossistes en engrais.

6. Les prix

Les produits que les trois fabricants français livraient à des prix différents à Floral et à la société F. Schiffer étaient revendus aux mêmes prix et aux mêmes conditions. Ces prix et conditions étaient alignés sur ceux des fabricants allemands. Ceux-ci appliquent, comme les fabricants français, des prix courants fixés chaque mois et comprenant les frais de transport. Ces prix sont diminués des mêmes rabais, des mêmes primes à la commande, des mêmes escomptes et des mêmes remises. Les conditions de livraison sont également identiques. Un rabais de 2 % est habituellement accordé sur les engrais importés.

Pour les engrais composés qui contiennent des composants azotés, phosphatés et potassiques à parts égales et qui représentent la plus grande partie des livraisons effectuées par les intéressés, les prix en république fédérale d'Allemagne sont les plus élevés de la Communauté avec ceux pratiqués aux Pays-Bas. Ils sont de 5 à 10 % et parfois jusqu'à 15 % supérieurs aux prix intérieurs français (6). La comparaison de prix effectuée par l'Office statistique des Communautés européennes (annexe V) fait apparaître des différences de l'ordre de grandeur indiqué au niveau du commerce de détail (produit en sac, frais de transport compris). La seule exception concerne la campagne 1974/1975: au cours de cette période, la demande et les prix ont fortement augmenté sur le marché mondial à la suite de la crise pétrolière et les prix français ont accusé une hausse plus rapide que les prix allemands. Ces prix français, provisoirement plus élevés, n'avaient, toutefois, pas entraîné de recul mais, au contraire, un accroissement des exportations vers la république fédérale d'Allemagne. Depuis lors, les prix sur le marché mondial sont redescendus et sont actuellement redevenus en général nettement inférieurs (souvent de 20 %) aux prix pratiqués dans la Communauté, mais ils varient très nettement d'un pays exportateur à l'autre;

Les intéressés ont présenté des calculs dont il ressort que le produit de leurs ventes sur le marché allemand était inférieur à ce qu'il aurait été s'ils avaient vendu les mêmes quantités sur le marché intérieur français. Toutefois, premièrement, le calcul est faussé par le fait que le prix inclut des frais de transport supplémentaires et la commission payée à M. Schiffer; si l'on exclut ces deux éléments, le prix allemand était supérieur de 11,4 % au prix français en 1976/1977 (selon la comparaison jointe en annexe V, de 11,4 % pour 1977) et de 7,7 % en 1977/1978 (selon l'annexe V, de 10,6 % pour 1978). Deuxièmement, le prix français sur lequel les intéressés ont fondé leur comparaison était supérieur au prix qui, selon les constatations de la Commission, était appliqué à des grossistes français, déduction faite de tous les "rabais de concurrence" et ristournes occultes de fin d'année.

7. Frais de transport

Tant en France qu'en république fédérale d'Allemagne, les prix de vente comprennent les frais de transport jusqu'à la gare ou jusqu'au port le plus proche (prix franco gare). L'incidence des frais de transport est estimée, en république fédérale d'Allemagne, à environ 30 marks allemands par tonne, ce qui dans le cas du transport par chemin de fer correspond à une distance moyenne d'environ 275 kilomètres. Les frais de transport par péniche sont nettement moins élevés; ils ne dépassent pas la moitié des frais de transport par chemin de fer.

En France, la part des frais de transport est estimée en moyenne à quelque 55 francs français (environ 25 marks allemands) par tonne, ce qui, dans le cas du transport par chemin de fer ou par camion, correspond à une distance moyenne de 310 kilomètres; là encore, les frais de transport par péniche sont nettement moins élevés. Les frais de transport par chemin de fer sur 100 kilomètres s'élèvent donc en moyenne à 8 marks allemands en France et à 10,90 marks allemands en république fédérale d'Allemagne. Les frais de transport sont donc, en moyenne, de plus d'un tiers plus élevés en république fédérale d'Allemagne qu'en France.

Les frais de transport représentent en moyenne environ 6,8 % du prix de vente de détail en république fédérale d'Allemagne et environ 6,6 % en France.

Les intéressés ont présenté une comparaison des frais de transport réels dont il ressort que, pour une même distance de 300 kilomètres, les frais de transport par chemin de fer s'élèvent à (7)... francs français en France et à l'équivalent de... francs français en république fédérale d'Allemagne. Les chiffres correspondants pour le transport par camion sont respectivement de... francs français. Lorsqu'un fabricant français exporte vers la république fédérale d'Allemagne, les frais de transport correspondant à la distance entre l'usine française concernée et la frontière allemande sont donc nettement inférieurs aux frais correspondant à la même distance à partir de la frontière allemande.

8. L'argumentation des entreprises en cause

Les entreprises en cause estiment que l'article 85 paragraphe 1 n'est pas applicable, qu'en tout état de cause les conditions d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 sont remplies et qu'il n'est nullement justifié d'infliger des amendes. Les entreprises concernées ont notamment souligné la faible part (2 %) que leurs exportations par l'intermédiaire de Floral représentent par rapport à la consommation allemande d'engrais composés.

Elles estiment que la coopération avait pour objet de promouvoir les exportations des fabricants intéressés vers la république fédérale d'Allemagne. Alors qu'elles n'exportaient guère auparavant, leurs livraisons durant la coopération se sont élevées à 50 000 tonnes. Les frais de transport à partir d'usines éloignées constitueraient une limitation naturelle aux livraisons qui correspondrait à la délimitation prévue dans le contrat de distribution conclu entre Floral et la société Schiffer. Les livraisons par voie navigable, qui sont nettement moins chères que les livraisons par chemin de fer ou par camion, ne pourraient être envisagées pour les clients de Floral; en effet, ceux-ci, qui sont souvent mal situés par rapport à une gare de chemin de fer, tiendraient à une livraison franco domicile par camion. L'accès au marché allemand, caractérisé par une production qui dépasse de loin la consommation et oblige, par conséquent, les producteurs allemands à exporter, serait tout compte fait difficile.

L'utilisation en commun du réseau de distribution Floral permettait de réduire les coûts de distribution. Si les entreprises concernées peuvent livrer individuellement sur d'autres marchés d'exportation de la Communauté, tels les Pays-Bas et la Belgique, c'est parce que le territoire de ces pays est moins étendu et que les fabricants intéressés y disposent soit d'établissements de production, soit d'usines proches. D'autres usages (en particulier celui qui consiste pour les utilisateurs à passer commande de 90 % de leurs besoins annuels au début de chaque campagne) exigeraient une présence constante sur le marché allemand.

9. Cession des parts de la société Floral

Le 19 octobre 1979, les trois fabricants français ont cédé toutes les parts qu'ils détenaient dans la société Floral au quatrième sociétaire, M. Schiffer, qui est devenu l'unique détenteur des parts de la société Floral. Dans la perspective de cette solution, les trois fabricants ont accru, dès le début de la campagne 1979/1980, leurs exportations individuelles - en dehors de Floral - vers la république fédérale d'Allemagne. Floral s'est efforcée de s'approvisionner en engrais composés auprès d'autres sources également. Toutefois, au cours de la présente campagne 1979/1980, elle effectuera encore la part de loin la plus importante de ses achats d'engrais auprès des usines des trois fabricants français en cause.

II. APPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 DU TRAITE

Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

1. Accords et pratiques concertées entre entreprises

La coopération, instaurée entre les entreprises en cause et leurs prédécesseurs et qui s'exprime dans la création et la gestion en commun de Floral (ex-Alfa), est fondée sur un accord ou du moins sur une pratique concertée qui consiste pour les trois producteurs français à exporter vers la république fédérale d'Allemagne par l'intermédiaire de l'entreprise de distribution créée et contrôlée par eux.La création de la filiale commune a été précédée d'entretiens entre Auby (actuellement Cofaz) et M. Schiffer, au cours desquels il a été jugé utile de faire participer d'autres fabricants à cette coopération pour en élargir la base. La participation paritaire des trois producteurs français à Floral (ex-Alfa) suppose un accord entre les intéressés qui ne doit pas nécessairement être conclu par écrit.

L'activité des intéressés dans le cadre de l'entreprise commune de distribution suppose elle aussi un consensus constant. Si les fabricants français en cause ne se sont pas engagés à exporter vers la république fédérale d'Allemagne exclusivement par l'intermédiaire de Floral (ex-Alfa), ils n'en ont pas moins effectué, par l'intermédiaire de la société commune de distribution, jusqu'en 1974/1975, la totalité et ensuite la majeure partie de leurs exportations (seules de faibles quantités ont été livrées à un seul autre acheteur). Ce n'est qu'après le début de l'enquête de la Commission qu'ils ont accru leurs exportations individuelles vers la république fédérale d'Allemagne. Même s'ils ne sont pas liés par un accord exprès d'exclusivité, on ne peut guère s'attendre à ce que les trois fabricants, en tant que sociétés mères, fassent concurrence à leur filiale commune. S'ils décident, en toute hypothèse, d'exporter vers la république fédérale d'Allemagne en dehors des livraisons effectuées par l'intermédiaire de Floral, il est inévitable qu'ils tiennent compte de la politique de vente arrêtée d'un commun accord avec leurs partenaires dans le cadre de Floral et qu'ils alignent leurs opérations de vente éventuelles sur cette politique décidée en commun.

Peu importe, pour l'application de l'article 85 paragraphe 1, que la répartition des quantités vendues par les trois fabricants par l'intermédiaire de Floral ne corresponde pas aux parts du capital social qu'elles y détiennent. Le fait que les résultats de l'entreprise commune de distribution soient répartis de façon égale entre les trois fabricants français en fonction de leur participation au capital les oblige automatiquement, même sans fixation de quotas, à adopter une politique d'exportation concertée pour les engrais composés.

2. Restriction de la concurrence à l'intérieur du Marché commun

La coopération instaurée entre les entreprises en cause restreint la concurrence entre les trois producteurs français pour l'exportation d'engrais composés vers la république fédérale d'Allemagne.

Sans l'entreprise commune de distribution, ils seraient en mesure d'offrir des engrais composés en république fédérale d'Allemagne en concurrence les uns avec les autres. Ils disposent de quantités de production suffisamment importantes et d'usines à partir desquelles il est parfaitement possible d'exporter vers la république fédérale d'Allemagne. Auby a envisagé, en 1968, d'exporter par l'intermédiaire de la société F. Schiffer, bien que ses usines ne soient pas aussi proches de la frontière allemande que celles de CDF, par exemple. CDF, après la fermeture de l'usine de Carling en 1975 et avant la mise en service de celle sise à Ottmarsheim, a continué à exporter des quantités importantes qui provenaient d'usines plus éloignées. Les frais de transport en France sont inférieurs d'au moins un tiers aux frais de transport en république fédérale d'Allemagne; un parcours plus long en France n'augmenterait donc que de manière relativement faible le total des frais de transport.

Du départ d'usines bien situées telles que celles d'Ottmarsheim (CDF) et de Rieme en Belgique (GESA), le transport peut également se faire par péniche, ce qui permettrait de livrer jusque dans le nord de la république fédérale d'Allemagne, région qui ne fait pas partie de la zone de distribution réservée à la société F. Schiffer. Il se peut que les clients de Floral tiennent aux livraisons par camion. Cela ne signifie toutefois pas que les fabricants français ne pourraient pas effectuer ces livraisons par camion ou par péniche à des clients ne faisant pas partie de la clientèle particulière de Floral, que ceux-ci soient ou non établis dans la zone d'influence de Floral.

Si les trois producteurs français s'en abstiennent d'un commun accord, cela ne peut s'expliquer que par l'engagement collectif qu'ils ont pris dans le cadre de Floral, société de distribution qu'ils contrôlent. Si, comme l'ont fait valoir les entreprises en cause, la livraison par camion est un créneau commercial que n'exploitent pas les fabricants allemands, le fait de s'abstenir de procéder à des livraisons par péniche qui mettraient les fabricants français en concurrence directe avec les fabricants allemands ne peut s'expliquer que par le fait que les fabricants français ont renoncé d'un commun accord à concurrencer aussi bien cette filiale même que les concurrents allemands afin que la politique de vente de la filiale commune ne soit pas entravée par les fabricants allemands.

La coordination des exportations des trois fabricants français vers la république fédérale d'Allemagne ressort du fait que les acheteurs allemands sont en présence d'une offre uniforme: les produits des fabricants français sont offerts par Floral ou par la société Schiffer aux mêmes prix et aux mêmes conditions. Cela résulte du fait que, lorsqu'il s'agit de marchandises en vrac, les produits offerts sont absolument interchangeables et que, lorsqu'il s'agit de marchandises en sac, on utilise uniformément la marque additionnelle "Floral".

A côté de cette offre uniformisée, il n'existe pour les clients allemands pratiquement aucune possibilité d'acheter directement aux trois fabricants. La commande d'un grossiste de Cologne a été refusée le 6 juillet 1977 par Cofaz au motif qu'elle dispose déjà d'un canal de distribution et qu'elle ne souhaite pas actuellement étendre ses ventes compte tenu de l'éloignement géographique de ses usines. Ce refus de livrer n'est que la conséquence logique de la coopération des fabricants français dans le cadre de Floral. Aussi longtemps que les trois fabricants français seront les principaux associés de la société de distribution commune Floral, on ne pourra pas s'attendre à ce qu'ils approvisionnent des acheteurs allemands en dehors de celle-ci; de toute façon, même s'ils le faisaient, ils n'appliqueraient pas de prix ou de conditions plus favorables que Floral.

Les trois fabricants français ont non seulement canalisé et uniformisé leurs livraisons vers la république fédérale d'Allemagne, mais ils les ont également limitées géographiquement en obligeant la société Schiffer, par l'intermédiaire de Floral, à ne vendre leurs engrais que dans une zone déterminée. Il ne s'agit pas d'une zone dont les limites s'imposeraient d'elles-mêmes en raison des frais de transport; en effet, premièrement, elle englobe des localités qui sont éloignées des usines françaises de beaucoup plus de 310 kilomètres, ce que les entreprises en cause considèrent comme la distance admissible maximale; deuxièmement, ce calcul ne tient compte ni des frais de transport moins élevés pour la partie du trajet à parcourir en France (et qui varient selon l'usine qui effectue les livraisons) ni du moindre coût du transport par péniche; et troisièmement, si les frais de transport devenaient prohibitifs à partir d'une certaine distance, il ne serait pas nécessaire de limiter expressément le territoire de vente.

La concurrence que les trois fabricants français ont l'intention d'exercer est a priori géographiquement limitée par une action concertée, sans que cette limitation soit imposée par des raisons économiques. De plus, en raison de la politique de vente définie en commun, cette offre géographiquement limitée est faite à des prix uniformes alignés sur les prix intérieurs allemands. Enfin, ce n'est pas le transport par voie navigable, particulièrement bon marché, qu'ils ont choisi, mais le transport par camion. Les trois fabricants français ont donc, d'un commun accord, dosé leurs intentions de concurrence sur le marché allemand de façon à entrer aussi peu que possible en conflit avec les intérêts des fabricants allemands sur ce marché. C'est en cela, en liaison avec le fait de renoncer pratiquement à tout acte de concurrence individuel en dehors de Floral, que réside l'effet anti-concurrentiel qu'entraîne la coopération instaurée entre les entreprises en cause.

3. Entrave au commerce entre Etats membres

La coopération instaurée entre les entreprises intéressées est de nature à affecter le commerce entre Etats membres. Cette coopération régit les exportations de France (et également de Belgique en ce qui concerne GESA) vers la république fédérale d'Allemagne. Elle a pour effet que les trois fabricants français renoncent à exporter vers la république fédérale d'Allemagne sans passer par le réseau de distribution de Floral. Il en résulte que l'offre des trois fabricants français à l'exportation vers un autre Etat membre est uniformisée et que la concurrence entre eux sur le marché allemand est exclue. Le commerce entre Etats membres se déroule donc dans des conditions différentes de celles qui prévaudraient si cette coopération n'existait pas.

4. Caractère sensible de cette restriction de la concurrence et de cette entrave au commerce entre Etats membres

Les entreprises intéressées ont fait valoir que les exportations des trois fabricants français vers la république fédérale d'Allemagne ne représentent que 2 % environ de la consommation allemande d'engrais composés. Les quantités d'engrais que les fabricants français ont effectivement livrées en république fédérale d'Allemagne, par l'intermédiaire de Floral, ne constituent toutefois pas l'unique élément à prendre en considération pour apprécier leur influence sur le marché.

Les trois fabricants en cause sont les trois plus grands de France. Leur production est importante, même par rapport à la production totale de la Communauté (plus de 10 %). Ils disposent de capacités qui ne sont pas pleinement utilisées, d'importantes quantités de produits susceptibles d'être exportées et d'usines à partir desquelles des exportations peuvent être effectuées vers la république fédérale d'Allemagne. Les frais de transport pour l'approvisionnement d'une grande partie de la république fédérale d'Allemagne ne sont pas plus élevés que pour les livraisons à l'intérieur de la France, surtout si l'on tient compte des possibilités de livraison par péniche, qui existent mais qui ne sont pas utilisées.

De plus, il y a lieu de tenir compte de la structure de la concurrence sur le marché allemand qui est concerné par la coopération.

Le nombre de concurrents y est très réduit; Ruhrstickstoff, BASF et Hoechst sont de loin les plus importants. Ils détiennent ensemble une position exceptionnelle sur ce marché, mais ont, en tant que fabricants d'engrais composés, une taille comparable à celle des trois fabricants français en cause.

Sur un tel marché à structure oligopolistique, les caractéristiques de l'oligopole se renforcent encore lorsque, parmi les quelques rares vendeurs, trois entreprises (qui, malgré leur taille, ne détiennent qu'une faible part de ce marché) uniformisent leur offre dans le cadre d'une société de distribution commune. Lorsqu'elles sont mises sur le marché par les vendeurs indépendamment les unes des autres, même des quantités relativement réduites peuvent avoir une incidence sensible sur les conditions du marché. Les trois fabricants français ont considéré leur part de marché comme suffisamment importante pour organiser et réaliser une coopération ayant pour objet d'uniformiser leur offre, et rien n'indique que leur influence sur ce marché ne pourrait pas se renforcer à la suite d'une modification des conditions de concurrence qui y règnent ou de la structure de ce marché ou encore de leur propre politique de vente individuelle.

Contrairement à ce que font valoir les intéressés, il est indifférent, pour apprécier le caractère sensible de la restriction de concurrence, que les exportations des entreprises en cause vers la république fédérale d'Allemagne leur aient rapporté un bénéfice moins élevé que si elle avaient vendu des quantités correspondantes sur le marché intérieur français, ce qui revient à chercher à savoir si les prix appliqués en république fédérale d'Allemagne étaient plus ou moins élevés que sur le marché français. Comme l'a constaté la Cour de justice des Communautés européennes (8), cette argumentation est fondée sur une situation qui peut changer d'année en année en fonction de modifications des conditions de concurrence ou de la structure du marché tant dans le marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux, alors que cette concentration des offres à l'exportation, qui a pour effet de restreindre la concurrence, est destinée à durer.

En outre, pour une entreprise exerçant son activité sur différents marchés, ce n'est pas le prix pratiqué sur un marché donné qui est le seul déterminant, mais le prix moyen pratiqué dans l'ensemble desdits marchés (calcul mixte du prix). C'est pourquoi il faudrait, en tout état de cause, comparer également avec les exportations vers d'autres Etats membres et surtout vers des pays tiers dans lesquels les prix pratiqués étaient nettement moins élevés que dans la Communauté, abstraction faite de la campagne de 1974/1975; par comparaison avec ces pays, les exportations vers la république fédérale d'Allemagne rapportaient sans aucun doute de plus gros bénéfices (sauf en 1974/1975). De plus, la comparaison de prix présentée par les intéressés ne tient pas compte de tous les éléments (voir point 16 troisième alinéa) et arrive donc à d'autres résultats que l'Office statistique dont la comparaison de prix, malgré certaines réserves motivées par les conversions monétaires effectuées et les différences existant entre les produits, arrive à des résultats représentatifs qui sont conformes aux constatations de la Commission ;

Les répercussions de la coopération sur la concurrence et sur le commerce entre les Etats membres sont donc sensibles.

5. Inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 3

Aux termes de l'article 85 paragraphe 3 du traité, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises,

et

- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées,

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

1. La pratique concertée, sur laquelle repose la coopération entre les intéressés, n'a été notifiée à la Commission que le 10 juillet 1978, après l'ouverture de l'enquête. Pour la période antérieure, il est exclu qu'une exemption puisse être délivrée en sa faveur; en effet, en vertu de l'article 6 paragraphe 1 du règlement n° 17, aucune des dispenses de notification prévues par l'article 6 paragraphe 2 du règlement n° 17 n'est applicable en l'espèce.

2. En ce qui concerne la période postérieure à la notification, les conditions requises pour une exemption ne sont pas remplies.

a) Les pratiques qui font l'objet de la présente procédure ne présentent, ni pour la production, ni pour la commercialisation, des avantages qui soient de nature à compenser les inconvénients découlant pour les acheteurs de la restriction de la concurrence entre les parties en cause.

L'accord n'affecte pas la production, étant donné que chacune des entreprises concernées a maintenu toute sa gamme de production.

S'agissant de la distribution des produits et étant donné le système de distribution très strict et très intégré du secteur des engrais dans toute la Communauté (coopératives, grossistes, importateurs, etc.), on ne voit pas en quoi la vente en commun contribue à améliorer la distribution. En outre, la Commission n'a pas été informée par les entreprises intéressées et n'a pas elle-même connaissance de faits montrant qu'il existerait dans la Communauté, et notamment en république fédérale d'Allemagne, des difficultés concernant la programmation de la production, le stockage, le transport et la réexpédition, qui ne pourraient être réglées individuellement par n'importe quelle entreprise de la taille des entreprises intéressées et qui exigeraient l'instauration d'un système commun de distribution.

Il est constant, également, que les intéressés disposent de l'expérience et de moyens suffisants pour vendre leurs engrais indépendamment les uns des autres dans d'autres pays de la Communauté, même s'il s'agit de quantités relativement faibles. Les difficultés qui peuvent avoir existé au début, en 1968/1969, à une époque où les exportations étaient très faibles et devaient être stimulées, ne peuvent plus être invoquées pour justifier la coopération qui s'est poursuivie jusqu'à présent.

CDF a été en mesure de fonder dans la Sarre sa propre filiale et de créer pour celle-ci un réseau de distribution propre en faisant appel aux grossistes existants. Les entreprises intéressées ont trouvé, indépendamment les unes des autres, des débouchés dans d'autres Etats membres et y vendent également à titre individuel des engrais azotés (fût-ce en faibles quantités). Des entreprises de leur taille ne peuvent faire valoir qu'elles sont obligées de coopérer entre elles.

La Commission ne peut suivre les intéressés lorsqu'ils affirment que les engrais simples azotés et les engrais composés exigent des réseaux de distribution distincts. Ces produits sont depuis longtemps commercialisés ensemble au stade du commerce de gros et du commerce de détail. Si le critère déterminant est l'économie de frais de distribution, il devrait amener à rationaliser avant tout la distribution au sein d'un seul et même groupe d'entreprises et non pas les réseaux de distribution d'entreprises concurrentes.

b) En outre, les fabricants intéressés ne réservent pas aux utilisateurs une partie équitable du profit qui résulte de la coopération; en effet, l'avantage économique qui pourrait résulter d'une baisse des prix d'achat ne profite pas aux négociants et aux consommateurs allemands, les prix appliqués par Floral sur le marché allemand correspondant pratiquement, ou n'étant que faiblement inférieurs, à ceux pratiqués par les concurrents nationaux. En conséquence, les consommateurs allemands ne bénéficient pas d'une partie équitable du profit résultant du système instauré mais doivent au contraire subir les inconvénients, sur le plan des quantités et des prix, de la canalisation rigide et de l'uniformisation de l'offre.

Les conditions d'une exemption ne sont donc pas remplies.

6. Applicabilité de l'article 3 du règlement n° 17

Aussi bien pour la période comprise entre le 10 mai 1968 et le 10 juillet 1978, date de la notification, que pour la période qui a suivi, il faut constater que la coopération instaurée entre les intéressés constitue une infraction.

Les fabricants français en cause ont cédé le 19 octobre 1979 à M. Schiffer les parts qu'ils détenaient dans la société Floral. Ils ne participent donc plus au contrôle et à la gestion de cette société qui doit acquérir le statut d'un négociant en gros/importateur indépendant. Cependant, la Commission doit veiller à ce qu'il soit effectivement mis fin à la coopération actuelle qui a pour effet de restreindre la concurrence, et ce au plus tard pour la fin de la campagne 1979/1980 en cours. Elle doit également s'assurer que les intéressés ne remplaceront pas leur coopération actuelle par d'autres formes de concertation de leur comportement sur le marché. Le fait que les intéressés ne font plus partie de Floral ne rend pas superflue l'obligation de l'article 3 de la présente décision.

7. Applicabilité de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17

En vertu de l'article 15 paragraphe 2 sous a) du règlement n° 17, la Commission peut infliger aux entreprises des amendes de mille à un million d'unités de compte, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

a) Les trois producteurs français qui sont destinataires de la présente décision ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 depuis le 10 mai 1968. L'infraction a été commise soit par eux-mêmes, soit par leurs prédécesseurs dont le comportement leur est imputable. En effet, Cofaz a continué les activités d'Auby et Pierrefitte, et GESA celles de Pechiney-Saint-Gobain après la restructuration des sociétés en cause, et ils ont repris tous les droits et obligations créés dans le cadre de Alfa/Floral. Ils ont commis, à tout le moins par négligence, une infraction à l'article 85 paragraphe 1. Ils auraient dû savoir que la coordination de leurs exportations d'engrais composés vers la république fédérale d'Allemagne dans le cadre d'une société commune de distribution remplissait les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 1.

Les trois producteurs français ou leurs prédécesseurs savaient que la Commission considère les comptoirs de vente pour l'exportation intracommunautaire dans le secteur des engrais comme tombant sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 et comme n'étant pas susceptibles de bénéficier d'une exemption. La Commission leur en avait communiqué les raisons en détail dans la procédure engagée contre le CFA peu de temps seulement avant la fondation de Floral (Alfa) et avait insisté pour qu'ils mettent fin à l'infraction qu'ils commettaient dans le cadre du CFA, infraction qui a pris fin le 28 juillet 1967.

A la demande de la Commission, les fabricants intéressés de l'époque ont non seulement renoncé à leur engagement d'effectuer leurs exportations exclusivement par l'intermédiaire du CFA, mais ils lui ont également retiré le mandat qu'ils lui avaient confié d'exporter vers d'autres Etats membres. Cela signifiait que les membres du CFA ne pouvaient plus recourir à ses services pour leurs exportations intracommunautaires. La Commission voulait éviter ainsi que les liens d'exclusivité ne soient remplacés par des pratiques concertées sans exclusivité formelle.

Le fait que la procédure engagée contre le CFA ait visé des engrais simples azotés et non pas des engrais composés ne peut exempter les intéressés du grief de négligence. Ils auraient dû se rendre compte que la forme de vente en commun choisie pour les engrais composés devait être appréciée de la même façon au regard de l'article 85 paragraphe 1 que lorsqu'il s'agissait d'engrais azotés. La limitation de la coopération à un seul marché d'exportation dans la Communauté ne pouvait pas plus donner lieu à une autre appréciation que la limitation de la vente en commun à des quantités relativement faibles.

b) En ce qui concerne la gravité de l'infraction, il faut tenir compte, d'une part, du fait que la concentration de l'offre des trois plus grands fabricants d'un Etat membre sur le marché d'un autre Etat membre exclut pratiquement la concurrence entre eux sur ce marché. D'autre part, les effets exercés par leur collaboration sur les consommateurs étaient relativement limités.

Les trois fabricants français seraient en mesure d'exercer, par une politique individuelle d'exportation, une pression plus forte sur la concurrence en ce qui concerne les quantités, les prix et les moyens de transport. Un comportement individuel et autonome des producteurs français aurait, avec un degré élevé de probabilité, amélioré ou contribué à améliorer la structure de la concurrence dans une partie substantielle du Marché commun. Il est toutefois impossible de quantifier l'influence de la pression qu'exercerait sur la concurrence une politique individuelle d'exportation. La Commission doit donc, pour déterminer le montant des amendes, prendre pour base le chiffre d'affaires relativement faible que ces fabricants ont effectivement réalisé par l'intermédiaire de Floral sans cependant pouvoir négliger complètement leur importance sur l'ensemble du marché des engrais complexes.

La Commission tient compte du fait que les fabricants intéressés se sont, sans attendre la décision de la Commission, retirés de la société Floral et qu'ils ont ainsi fait un premier pas vers la cessation de l'infraction.

c) En ce qui concerne la durée de l'infraction, il faut retenir la période comprise entre le 10 mai 1968 et le 10 juillet 1978, date de la notification. La période qui suit la notification n'est pas prise en considération, conformément à l'article 15 paragraphe 5 du règlement n° 17.

d) Les trois fabricants français en cause participaient à égalité aux résultats de Floral. Cette répartition égale des bénéfices constitue un élément plus important que la répartition inégale des quantités distribuées par l'intermédiaire de Floral. Le chiffre d'affaires global des intéressés dans le secteur des engrais n'est pas suffisamment différent pour justifier des amendes d'un montant différent. Il paraît donc opportun d'infliger à chacun des trois fabricants français une amende de 85 000 unités de compte européennes, soit 493 944,35 francs français.

Il n'a pas paru nécessaire d'infliger également une amende à l'entreprise commerciale Schiffer qui détient maintenant la totalité du capital de la société Floral, du fait qu'elle n'a joué qu'un rôle mineur dans la réalisation de la coopération entre les trois fabricants.

A ARRETE LA PRESENTE DECISION:

Article premier

L'accord et la pratique concertée, intervenus entre la Générale des engrais SA, la Compagnie française de l'azote SA, la Société chimique des charbonnages SA et M. Franz Schiffer, pour la fondation et la gestion en commun de la société Floral Düngemittelverkaufsgesellschaft mbH (ex-Alfa GmbH) et pour l'exportation en commun d'engrais composés vers la république fédérale d'Allemagne, constituent depuis le 10 mai 1968 une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 2

L'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 du traité demandée lors de la notification du 10 juillet 1978 est refusée.

Article 3

Les entreprises visées à l'article 6 sont tenues de mettre fin à l'infraction constatée à l'article 1er.

Article 4

Les amendes suivantes sont infligées:

1. à la Générale des engrais SA, quatre-vingt-cinq mille (85 000) unités de compte européennes, soit 493 944,35 francs français;

2. à la Compagnie française de l'azote SA, quatre-vingt-cinq mille (85 000) unités compte européennes, soit 493 944,35 francs français;

3. à la Société chimique des charbonnages SA, quatre-vingt-cinq mille (85 000) unités de compte européennes, soit 493 944,35 francs français.

Ces montants doivent être versés, dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la présente décision aux entreprises intéressées, au compte suivant de la Commission des communautés européennes: Société générale, direction de l'étranger, boîte postale 317-09, F - 75454 Paris Cedex 09, compte n° 5 770 006 5.

Article 5

La présente décision forme titre exécutoire au sens de l'article 192 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 6

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision :

1. Compagnie française de l'azote SA,

4, avenue Velasquez

boîte postale 198-08

F - 75361 Paris Cedex 08

2. Générale des engrais SA

47, rue de Villiers

F - 92527 Neuilly-sur-Seine

3. CDF chimie

Société chimique des charbonnages SA

tour Aurore

place des Reflets

Cedex 5

F - 92080 Paris Défense 2

4. M. Franz Schiffer

Am Güterbahnhof

D - 6601 Hanweiler

5. Floral

Düngemittelverkaufsgesellschaft mbH

D - 6601 Kleinblittersdorf 2

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.

(3) Union des groupements de coopératives agricoles.

(4) JO n° L 276 du 14.11.1968, p. 29.

(5) La différence entre ces 40 000 tonnes et les quantités indiqués à l'annexe IV a été livrée par l'usine belge de GESA.

(6) S'agissant des exportations de GESA à partir de son usine située en Belgique, il convient d'ajouter que les prix intérieurs belges sont généralement encore inférieurs aux prix français.

Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines données ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du réglement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.

(8) Cour de justice des Communautés européennes, 1er février 1978 (Miller International, affaire 19-77), Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1978, p. 131 (quatorzième attendu).

Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

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Annexe 4

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Annexe 5

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