CJCE, 12 juillet 1979, n° 32-78
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BMW Belgium (SA), Ets W. Jorssen, Garage Hindrickx, J. Siau-Verméesch (Pvba), Ets J. de Smeth, Ets Jo valle, Ets J. Depotter, Garage J. Wiliquet (Sprl), Ets Rajans (SA), Garage Verhaeren, Dewilde Motor (SC), Ets Autogamas (Sprl), Ets Houyoux, Garage Leon Louyet (Sprl), Station Albert 1 (SA), Auto-service (Sprl), Ets A. Petit & co. (SA), Ets Jean Blaise (Sprl), Ets Cuisinier, Ets Briot (Sprl), Garage Georges Antoine, Garage Hubert Scaillet, Ets Ferracin, Ets Le stop, Autobedrijf de Ruysscher, Garage W. Termont-Vermeire, Centrauto (NV), Garage R. Geurts & Pvba, Etn. Dekkers, Etn. J. Vandeperre (Pvba), J. Sebrechts, Garage Van Avondt & ZN (Pvba), Garage A. Ottevaere, Ceres-leterme (Pvba), Garage St Christophe (Pvba), Garage Vangoidsenhoven, Garage Moderne-Ghyselinck, Garage R. Kellens-Behiels, Garage S. de Mey, Ets J. & Sels (Pvba), Garage Tanghe (Pvba), Gebr van Den Bulck (Pvba), De Kempische Molen (Pvba), Garage W. Aelbrecht, Etn. Erco (nv), Garage A. Liesens, Garage Centrum-mottoul
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutscher
Présidents de chambre :
MM. Mertens de Wilmars, Mackenzie Stuart
Avocat général :
M. Warner
Juges :
MM. Pescatore, Sorensen, O'Keeffe, Bosco
Avocats :
Mes Van Hecke, Bellis, Waelbroek, Vandersanden, Herbert, Evrard.
LA COUR,
1. Par requêtes introduites les 10 et 15 mars 1978, les requérants ont demandé l'annulation de la décision 78-155-CEE de la Commission du 23 décembre 1977, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO 1978, n° L 46/33), leur faisant grief d'avoir souscrit à une interdiction d'exporter contraire à l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE et leur infligeant, du fait de cette infraction, des amendes.
2. Les affaires 32-78 et 36 à 82-78 ayant été jointes aux fins de la procédure orale, il y a lieu de maintenir leur jonction aux fins de l'arrêt.
3. BMW Belgium, qui est une filiale à 100 % de la société "Bayerische Motoren Werke AG" de Munich (ci-après dénommée "BMW Munich"), a notifié à la Commission, le 13 janvier 1975, le modèle des contrats de distribution conclus avec ses revendeurs agréés, et a demandé une exemption au titre des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Ce contrat-type ne prévoit pas une interdiction générale d'exporter, mais interdit aux concessionnaires BMW belges la revente de véhicules BMW neufs à des revendeurs non agréés. Pour le surplus, la plupart de ses clauses correspondent à celles du contrat-type qui sert de base au système de distribution sélective établi dans la République Fédérale d'Allemagne et à Berlin-ouest par BMW Munich et que la Commission a, par décision du 13 décembre 1974 (JO 1975, n° L 29/1), exempté, au titre de l'article 85, paragraphe 3, de l'interdiction énoncée au premier paragraphe de cette disposition, au motif notamment qu'aucune interdiction d'exporter n'était prévue par les clauses contractuelles.
4. En effet, une des caractéristiques essentielles du système de distribution sélective ainsi autorisé par la Commission tient au fait que les concessionnaires BMW, s'ils s'engagent à ne pas revendre à des revendeurs non agréés, demeurent libres de revendre non seulement à l'intérieur de leur propre zone, mais aussi partout ailleurs dans le marché commun, à d'autres concessionnaires BMW, à des utilisateurs finals ou à leurs intermédiaires.
5. En 1975, les prix des voitures BMW neuves étaient nettement inférieurs en Belgique à ceux pratiqués dans d'autres Etats membres, en raison, au moins en partie, des mesures de blocage des prix appliquées par le gouvernement belge entre le 5 mai et le 1er novembre 1975.
Ce décalage de prix a entraîné une augmentation des réexportations de véhicules BMW à partir de la Belgique vers d'autres Etats membres, notamment la République Fédérale d'Allemagne et les Pays-Bas. Un certain nombre de ces exportations a été effectué à destination de revendeurs non agréés, n'agissant pas pour le compte d'utilisateurs finals.
6. Dans plusieurs lettres adressées à partir de janvier 1975 à BMW Belgium, BMW Munchen a informé sa filiale belge des réimportations de véhicules BMW neufs en République Fédérale d'Allemagne. Elle a demandé à BMW Belgium d'adresser à ses agents des circulaires leur rappelant expressément la politique de distribution de BMW.
BMW Belgium a réagi en adressant à certains de ses concessionnaires un certain nombre de lettres leur rappelant notamment les conditions de l'article 1 de leur contrat, prévoyant, à la lettre a), que "le concessionnaire s'interdit ... Toute vente à des revendeurs ... Non agréés pour la distribution des produits contractuels, sauf l'hypothèse de pièces de rechange et équipement d'origine demandés aux fins de réparation ".
7. Le 4 juillet 1975 elle a adressé à tous les concessionnaires BMW belges une circulaire où, en leur faisant savoir que plusieurs concessionnaires avaient vendu des voitures BMW aux Pays-Bas et en République Fédérale d'Allemagne, elle a attiré leur attention sur le fait que "chaque concessionnaire BMW s'est obligé en signant le contrat de concession BMW de ne pas fournir des produits BMW à des revendeurs non agréés pour la vente de produits contractuels BMW ".
8. Les réexportations de Belgique s'étant cependant poursuivies, BMW Belgium a adressé un certain nombre de lettres à des concessionnaires belges relativement à de telles exportations. Faisant état d'une de ces lettres, BMW Munich a envoyé à BMW Belgium une communication du 22 juillet 1975, où il était précisé que :
"... Conformément aux dispositions du contrat de concession, nous attirons encore une fois votre attention sur le fait qu'une réexportation ne constitue pas en soi une infraction et que, dans des cas de ce genre, elle ne doit pas non plus être invoquée comme motif. Veuillez plutôt faire état de la présomption d'une vente faite à un revendeur contrairement aux dispositions du contrat. "
9. Le 29 septembre 1975 ont été envoyées à tous les concessionnaires BMW belges les deux circulaires sur la base desquelles la Commission a estimé que l'article 85, paragraphe 1, avait été enfreint. La première de ces circulaires, émanant de BMW Belgium elle-même, affirmait entre autres :
" en dehors de lettres individuelles à certains concessionnaires, nous avons déjà au 4 juillet 1975 attiré l'attention de vous tous aux stipulations du contrat de concession BMW concernant la vente aux revendeurs non agréés pour la vente des produits BMW.
Néanmoins nous devons constater que nous recevons toujours des rapports de la part de nos usines de Munich et de l'importateur des Pays-Bas, concernant des ventes de voitures BMW dans ces pays par les concessionnaires belges et malheureusement nous devons en tirer la conclusion que ceux-ci ne peuvent ou ne veulent pas voir les conséquences de leurs actions.
...
3. Chacun comprendra facilement que les usines BMW de Munich peuvent en tirer seulement des conclusions :
A) les prix en Belgique sont trop bas,
B) les concessionnaires belges ont trop de stock.
Et les conséquences en seront :
A) nos prix vont être adaptés aussi vite que possible aux prix des pays environnants,
B) la livraison de voitures neuves pour la Belgique sera diminuée à partir du mois d'octobre 1975.
4. vous créez pour vous-même déjà des désavantages énormes par le fait que vous vendez, dans une période où l'on n'a pas assez de voitures, à des clients qui :
A) n'apparaîtront jamais dans votre atelier ;
B) auxquels vous ne pourrez jamais vendre des pièces détachées ou des accessoires ;
C) qui ne vous donneront pas la possibilité de faire un profit additionnel par la revente de leur voiture d'occasion ;
D) qui ne vous achèteront jamais une deuxième ou troisième BMW comme le font en général les clients de votre propre région.
5. en dehors de tout cela, vous créez des difficultés énormes pour vous-mêmes et vos collègues en vue des mesures que BMW Munich serait logiquement amenée à prendre, cela veut dire, une réduction importante des quantités de voitures prévues principalement pour la Belgique.
Nous croyons donc que, dans cette situation, il y ait seulement une solution : aucun concessionnaire BMW en Belgique ne vendra à l'avenir des voitures à l'étranger ou à des firmes qui fourniraient des voitures à l'étranger.
...
Veuillez bien donner votre accord avec ces propositions en signant la copie de la lettre ci-jointe pour accord.
Vous trouverez en annexe une déclaration des membres du conseil consultatif des concessionnaires qui sont unanimes dans leur accord avec nos arguments et qui expliqueront leur point de vue personnellement au cours des réunions régionales.
Pour accord... ".
10. La deuxième circulaire, datée elle aussi du 29 septembre 1975 et contenant la déclaration des huit membres composant le conseil consultatif des concessionnaires BMW belges, exprimait, sous le titre " ventes à l'étranger ", l'accord de ceux-ci " avec les faits exposés par BMW Belgium dans la lettre du 29 septembre 1975 " et poursuivait en affirmant :
"... Nous trouvons vraiment regrettable que le réseau complet des concessionnaires devra souffrir des conséquences désavantageuses qui ont leur origine dans le fait qu'un certain nombre de concessionnaires n'ont pas suivi les conseils de l'importateur du 4 juillet 1975 et ont continué à livrer des voitures à l'étranger.
Nous avons demandé qu'on nous fasse connaître les noms de ces concessionnaires de sorte que nous, votre conseil consultatif des concessionnaires, soyons à même de faire savoir à vous tous lesquels de vos collègues sont responsables pour une réduction éventuelle des quantités des voitures à deux portes et 518 pour la Belgique.
Le conseil consultatif des concessionnaires considère comme sa tache la plus importante de donner au réseau BMW des bons conseils. Dans ce cas, ce conseil peut uniquement être le suivant : plus aucune vente en dehors de la Belgique] "
Des quatre-vingt-dix concessionnaires BMW belges, quarante-huit (dont l'un est décédé entre-temps) ont signé pour accord la copie de la lettre jointe à la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975.
11. BMW Belgium ayant informé de ces démarches BMW Munich, celle-ci a réagi, entre autres, par une lettre du 17 octobre 1975 ou, après avoir félicité BMW Belgium d'être intervenue à l'encontre des ventes à des revendeurs non agréés, elle poursuivait dans les termes suivants :
" par la même occasion, nous devons toutefois vous demander, comme nous l'avons déjà fait dans nos lettres du 17 janvier, du 23 juin et du 22 juillet 1975, de respecter absolument les points suivants :
- aucune intervention à l'encontre de vos partenaires contractuels n'est permise pour le seul motif qu'il s'agit d'une réexportation ; mais le simple fait que l'on puisse supposer qu'il s'agit de ventes effectuées, en violation du contrat de concession, à des revendeurs libres justifie une lettre d'avertissement,
- vous ne pourrez menacer vos partenaires contractuels de représailles que dans la mesure où elles sont nécessaires en raison d'une violation établie du contrat."
12. BMW Belgium a Attendu quatre mois avant de donner suite à ces instructions en adressant, le 20 février 1976, à l'ensemble des concessionnaires une nouvelle circulaire où il était affirmé, entre autres :
" par notre lettre du 29 septembre 1975, nous avons attiré votre attention sur la nouvelle situation du marché belge suite à la vente de voitures BMW neuves à des revendeurs situés à l'étranger au cours de l'année 1975.
...
Contrairement à notre propos il nous a été rapporté que cette circulaire ainsi que son annexe avaient été considérées par des tiers comme pouvant être des directives de l'importateur à son réseau de distributeurs.
Si tel a pu être le cas nous entendons par la présente mettre fin à toute confusion à ce sujet.
Il n'a jamais été et il n'est toujours pas de notre intention ni de celui du conseil consultatif des concessionnaires de vous donner des directives précises ou de vous formuler des interdictions de réexportation. En toute hypothèse nous vous demandons de bien vouloir considérer notre circulaire du 29 septembre 1975, en tant qu'elle pourrait être interprétée comme une interdiction à la réexportation, comme nulle et non avenue.
Le but de notre lettre du 29 septembre 1975 consistait à vous rappeler qu'en vertu du contrat de concession signé par vous, la vente de voitures BMW à des revendeurs non agréés tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger est interdite.
En aucun cas nous n'avons voulu et ne voulons empêcher le concessionnaire BMW de négocier avec un intermédiaire du client particulier, mais nous nous opposons à ce que les concessionnaires négocient avec des revendeurs
... ".
13. Entre-temps, le 20 octobre et le 19 novembre 1975, les entreprises " Automobile-Importe c. Heuer " et " MGH Motorgesellschaft Mbh ", établies en République Fédérale d'Allemagne, avaient informé la Commission que des revendeurs agréés au réseau de distribution de BMW Belgium n'étaient plus disposés à leur livrer certains modèles de véhicules BMW neufs en vue d'une réexportation en République Fédérale d'Allemagne. Ces informations étaient données dans le cadre et aux fins de l'application éventuelle de l'article 3, paragraphe 2 b), du règlement n° 17-62 du conseil (JO 1962, n° 13).
14. Le 3 novembre 1976, la Commission a décidé d'engager à l'encontre de BMW Belgium et des concessionnaires BMW belges, signataires de la lettre annexée à sa circulaire du 29 septembre 1975, la procédure qui a abouti à l'adoption de la décision attaquée.
15. Selon cette décision, les circulaires du 29 septembre 1975 susdites rendraient manifeste l'intention de BMW Belgium et des membres du conseil consultatif d'arrêter toutes exportations de véhicules BMW neufs hors de Belgique. La décision en conclut, à son article 1, que BMW Belgium, les membres du conseil consultatif précité et les concessionnaires BMW belges qui ont signé la lettre jointe à la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975 ont, sur la base desdites circulaires, commis, " de propos délibéré " en ce qui concerne BMW Belgium et les membres du conseil consultatif, et " par négligence " en ce qui concerne les concessionnaires BMW belges précités, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en souscrivant à une interdiction générale d'exporter et en la maintenant en vigueur du 29 septembre 1975 au 20 février 1976. La décision attaquée précise qu'en souscrivant à une telle interdiction, les requérants ont participé à des accords susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et ayant pour objet d'empêcher, de restreindre et de fausser sensiblement la concurrence à l'intérieur du marché commun, au sens de l'article 85, paragraphe 1, précité.
16. Ladite décision, ayant en outre constaté qu'à défaut de notification de tels accords conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17-62 du conseil, l'article 15, paragraphe 5, du même règlement est en l'espèce inapplicable, inflige, dans son article 2, des amendes, à concurrence de montants différents, pour l'infraction dont il s'agit.
1. Quant à l'infraction constatée à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
17. A) BMW Belgium soulève tout d'abord la question de savoir si la procédure relative à la décision attaquée, engagée à la suite des plaintes déposées par Heuer MGH, constitue une base juridique valable de la décision attaquée. Il fait valoir, à ces fins, que MGH et Heuer, n'ayant pas agi en tant qu'intermédiaires pour des utilisateurs finals, ne pouvaient prétendre à des livraisons de voitures BMW neuves. Il y aurait partant lieu de se demander si ces entreprises avaient bien en l'espèce un " intérêt légitime ", au sens de l'article 3, paragraphe 2 b) du règlement n° 17-62, à ce que la procédure litigieuse soit engagée par la Commission.
18. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, dudit règlement, la procédure relative aux décisions qui imposent aux entreprises ou aux associations d'entreprises de mettre fin à une infraction aux articles 85 et 86 du traité est engagée " si la Commission constate sur demande ou d'office " l'existence d'une telle infraction. Ceci étant, peu importe de savoir si Heuer et MGH avaient en l'espèce un " intérêt légitime " à demander l'ouverture d'une procédure, la Commission étant en droit d'engager celle-ci d'office.
19. B) les requérants contestent, en outre, la légalité de la décision attaquée en faisant valoir qu'un examen approfondi tant du texte des circulaires du 29 septembre 1975, que du contexte général dans lequel ces circulaires se situent et du comportement des parties, montrerait que lesdites circulaires avaient uniquement pour objet de rappeler aux concessionnaires BMW belges l'interdiction de revendre à des revendeurs non agréés, figurant à l'article 1 du contrat de concession, et que c'est précisément dans ce sens qu'elles ont été comprises par les concessionnaires signataires de la lettre jointe à la circulaire de BMW Belgium.
20. S'il est vrai que la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975 s'ouvre par un rappel aux stipulations du contrat de concession concernant la vente aux revendeurs non agréés, il n'en reste pas moins que ce rappel n'est assorti d'aucune distinction entre le cas des revendeurs non agréés qui, agissant pour leur propre compte, ne peuvent pas prétendre à des livraisons de la part des concessionnaires BMW belges, et celui des revendeurs qui, agissant comme intermédiaires d'utilisateurs finals, en vertu du système de distribution sélective notifié à la Commission, auraient droit à de telles livraisons. Par ailleurs, l'ensemble du texte de cette circulaire, ainsi que de celle de même date du conseil consultatif, se réfère de manière globale aux opérations d'exportation.
21. C'est ainsi que le paragraphe 3 de la circulaire de BMW Belgium, en indiquant la réaction prévisible de BMW Munich à l'égard des reventes de voitures BMW neuves provenant de Belgique en République Fédérale d'Allemagne et aux Pays-Bas, se réfère à des circonstances tout à fait indépendantes de la qualité de l'acheteur des produits exportés. De même, le paragraphe 4 de cette circulaire, énumérant les inconvénients découlant des réexportations en dehors de la Belgique, se réfère à des difficultés - telles que le manque de relations continues avec l'acheteur, l'impossibilité de lui vendre des pièces détachées ou des accessoires, etc. - qui sont inhérentes à toute vente à l'étranger, quelle que soit la qualité de l'acheteur, revendeur agréé ou non et, dans ce dernier cas, intermédiaire ou non d'utilisateur final.
22. Enfin, l'affirmation contenue dans la circulaire de BMW Belgium aux termes de laquelle " nous croyons que dans cette situation il y ait seulement une solution : aucun concessionnaire BMW en Belgique ne vendra à l'avenir des voitures à l'étranger ou à des firmes qui fourniraient des voitures à l'étranger ", et celle figurant dans la circulaire du conseil consultatif, dans laquelle il était conseillé uniquement de n'effectuer : " plus aucune vente en dehors de la Belgique ", expriment sans équivoque la volonté d'arrêter et de faire arrêter toutes livraisons destinées à l'étranger, quelle que soit la qualité de l'acheteur, revendeur agréé ou non, utilisateur final ou intermédiaire de celui-ci.
23. Le contexte juridique et matériel dans lequel se situent les circulaires du 29 septembre 1975 confirme, d'autre part, qu'en adressant aux concessionnaires BMW belges lesdites circulaires, BMW Belgium et le conseil consultatif ont outrepassé les clauses du contrat de concession BMW en ce qui concerne la revente aux revendeurs non agréés. Il suffit à cet effet de comparer les termes de ces circulaires avec les réserves exprimées par BMW Munich dans ses communications du 22 juillet 1975 et du 17 octobre 1975 adressées à BMW Belgium. Dans la première de ses communications, où il est fait état d'une lettre du 9 juillet 1975 envoyée par BMW Belgium à un concessionnaire belge au sujet des réexportations de véhicules neufs, BMW Munich rappelle expressément le contrat de concession autorisé par la Commission, aux termes duquel seul " l'approvisionnement des revendeurs libres " est interdit. Dans la deuxième communication, postérieure aux circulaires du 29 septembre 1975 et envoyée à BMW Belgium au vu de ces circulaires, BMW Munich revient sur les conditions du contrat de concession en précisant textuellement qu'aucune intervention à l'encontre des concessionnaires belges n'est permise " pour le seul motif qu'il s'agit d'une réexportation ".
24. L'argument selon lequel BMW Belgium, étant filiale à 100 % de BMW Munich, n'aurait pu poursuivre un objectif différent de celui assigné par la société-mère, ne saurait constituer en l'espèce un élément utile d'interprétation des circulaires litigieuses. Le lien de dépendance économique existant entre une société-mère et une société filiale n'exclut ni une diversité de comportement ni même une diversité d'intérêts entre les deux sociétés. Les réserves exprimées par BMW Munich dans les communications précitées, notamment dans celle du 17 octobre 1975, confirment d'ailleurs que le point de vue exprimé dans ces circulaires, compte tenu notamment de leur libellé, appelait une mise au point de la part de la société-mère.
25. Eu égard précisément à cet avertissement, BMW Belgium devait se rendre compte de la nécessité urgente de modifier sa circulaire du 29 septembre 1975. Or, ce n'est que le 20 février 1976, avec quatre mois de retard, que BMW Belgium a adressé à tous ses concessionnaires une nouvelle circulaire où elle précise textuellement que sa circulaire du 29 septembre 1975 est à considérer comme nulle et non avenue, " pour autant qu'elle pourrait être interprétée comme une interdiction à la réexportation ".
26. Par ailleurs, la correspondance échangée entre BMW Belgium et une partie de ses concessionnaires au cours de la période du 29 septembre 1975 au 20 février 1976, ne révèle pas des éléments indiquant que les circulaires du 29 septembre 1975 auraient été conçues par leurs auteurs comme comportant une interdiction d'exporter limitée aux seuls revendeurs non agréés. Les lettres individuelles envoyées par BMW Belgium au cours de cette correspondance à certains concessionnaires belges entretenaient la confusion entre comportements autorisés et comportements interdits et étaient parfois libellées de manière à laisser entendre qu'aucune vente à l'étranger, même à des utilisateurs finals ou à leurs intermédiaires, ne pouvait être admise.
27. Enfin, la circonstance invoquée par les requérants, selon laquelle les concessionnaires belges auraient, malgré les circulaires, continué à vendre des véhicules BMW neufs à l'étranger au-delà du 29 septembre 1975, n'est pas déterminante. Les données fournies par BMW Belgium en réponse à une question de la Cour ne concernent que vingt-huit cas sur les cinquante-neuf cas de réexportations dont BMW Belgium a eu connaissance entre octobre 1975 et février 1976.
28. Pour toutes ces raisons, il faut ainsi constater que la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975 et la circulaire du conseil consultatif des concessionnaires belges de même date, considérées tant dans leur teneur que par rapport au contexte matériel et juridique dans lequel elles se situent et par rapport au comportement des parties, sont constitutives d'une manifestation de volonté visant à faire cesser toute exportation de véhicules BMW neufs à partir de la Belgique.
29. En adressant ces circulaires à tous les concessionnaires belges, BMW Belgium s'est fait le promoteur de la conclusion avec ces concessionnaires d'un accord visant à l'arrêt total de ces exportations.
30.Les concessionnaires belges, y inclus les membres du conseil consultatif qui ont donné leur consentement à la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975, ont, du fait de leur consentement, souscrit à un tel accord, dont le contenu est précisément déterminé par lesdites circulaires.
31. Eu égard à leur contenu et à leur portée, les accords susdits avaient pour objet d'empêcher, de restreindre et de fausser sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, pour un produit de marque déterminé.
32. En poursuivant le cloisonnement de marchés, en ce qui concerne l'exportation d'un produit de marque déterminé, ces accords étaient en outre susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
33. Il s'ensuit, dès lors, que BMW Belgium, les membres du conseil consultatif et les concessionnaires belges signataires de la circulaire du 29 septembre 1975 ont, sur la base des circulaires en question, souscrit à des accords incompatibles avec le marché commun et interdits par l'article 85, paragraphe 1 précité.
34. Les accords ayant été maintenus en vigueur jusqu'à la date de la circulaire de BMW Belgium du 20 février 1976, les requérants se sont par conséquent rendus coupables, jusqu'à cette date, d'une infraction aux dispositions de l'article susdit.
35. BMW Belgium et les membres du conseil consultatif, auteurs des circulaires du 29 septembre 1975, ont intentionnellement adressé ces circulaires aux concessionnaires belges, en les invitant par là-même à souscrire à un accord par lequel ils s'engageaient à ne pas réexporter les produits considérés. Agissant conséquemment, BMW Belgium et les membres du conseil consultatif ont ainsi commis de propos délibéré l'infraction dont il s'agit.
36.Quant à la participation à cette infraction, de la part des concessionnaires belges signataires de la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975, s'il est vrai que les liens de dépendance économique existant entre eux et BMW Belgium pouvaient conditionner leur liberté d'initiative et de décision, il n'en reste pas moins que l'existence de ces liens n'excluait pas la possibilité de refuser de consentir à l'accord qui leur était proposé, ainsi qu'il est démontré par le nombre important des concessionnaires qui se sont abstenus de la faire.
37. Eu égard aux termes du contrat de concession stipulé avec BMW Belgium, on ne saurait admettre que les concessionnaires BMW belges n'auraient pas compris la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975, considérée à la lumière de son texte ainsi que de l'avertissement contenu dans la circulaire de même date du conseil consultatif, comme comportant la cessation de toute vente à l'étranger, et qu'ils n'auraient pas été conscients de ce qu'en donnant leur accord écrit à la proposition de BMW Belgium ils convenaient d'une interdiction d'exportation qui allait au-delà des conditions de distribution sélective de BMW Munich.
38. Pour ces motifs, les recours n'apparaissent pas fondés, pour autant qu'ils sont dirigés contre l'article 1 de la décision attaquée.
2. Quant aux amendes
39. Pour l'infraction mentionnée à l'article 1, l'article 2 de la décision attaquée inflige à BMW Belgium et aux quarante-sept concessionnaires BMW belges qui ont souscrit à cette infraction des amendes en vertu de l'article 15, paragraphe 2 a) du règlement n° 17-62 du conseil.
40. Il ressort de la décision attaquée qu'en infligeant ces amendes la Commission a considéré, d'une part, que BMW Belgium et les membres du conseil consultatif des concessionnaires belges " étaient conscients, en convenant à une interdiction générale d'exporter, d'enfreindre les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité ", et, d'autre part, que " les concessionnaires BMW belges signataires de la lettre jointe à la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975 sont ... coupables de négligence ".
41. I) BMW Belgium fait tout d'abord valoir que, dans la mesure où la circulaire du 29 septembre 1975 s'est bornée à rappeler l'interdiction de vendre à des revendeurs non agréés, édictée à l'article 1 du contrat de concession notifié à la Commission, l'article 2 de la décision attaquée aurait été pris en violation de l'article 15, paragraphe 5 a) du règlement n° 17-62, en ce que cette disposition inflige à BMW Belgium une amende du chef d'une clause notifiée.
42. L'interprétation que BMW a proposée de sa circulaire du 29 septembre 1975 ayant été, pour les motifs ci-dessus indiqués, rejetée, ce moyen ne peut pas être retenu.
43. BMW Belgium a ensuite soutenu qu'à supposer même qu'il y ait eu infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle n'aurait pas commis cette infraction " de propos délibéré ", son intention véritable ayant été uniquement de mettre fin aux ventes aux revendeurs non agréés. La preuve en serait, entre autres, le fait qu'elle avait pris la précaution de soumettre le texte de sa circulaire du 29 septembre 1975 à l'avis d'un conseil.
44. Il ressort des considérations qui précèdent que la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975, eu égard tant à sa teneur qu'au contexte juridique et matériel dans lequel elle se situe et au comportement des parties, exprime clairement l'intention de faire cesser toute exportation en dehors de la Belgique de véhicules BMW neufs, quelle que soit la qualité des acheteurs, revendeurs non agréés, utilisateurs finals ou intermédiaires de ceux-ci.
Dès lors qu'on ne saurait ainsi contester que les clauses de la circulaire en question ont été adoptées par la requérante, il importe peu de savoir si celle-ci avait ou non conscience, ce faisant, d'enfreindre en même temps l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
45. BMW Belgium soutient encore que la durée de l'infraction relevée aurait pu être abrégée considérablement si la Commission lui avait fait part de ses objections à l'encontre de la circulaire du 29 septembre 1975.
Cet argument doit être rejeté, compte tenu, d'une part, de la circonstance que la Commission n'a été informée que le 20 octobre 1975 par l'entreprise MGH du refus de certains revendeurs agréés belges de livrer des véhicules BMW neufs en vue de leur réexportation, et, d'autre part, du fait que, dès le 17 octobre 1975, BMW Munich avait attiré l'attention de BMW Belgium sur les éléments comportant l'irrégularité de la circulaire en question.
46. BMW Belgium allègue enfin que le montant de l'amende litigieuse est trop élevé, eu égard à la courte période entre l'envoi de la circulaire du 29 septembre 1975 et celui de la circulaire du 20 février 1976, et au fait que l'infraction n'aurait eu aucun effet réel sur le commerce entre la Belgique et les autres Etats membres de la Communauté, sinon de rendre plus difficile en Belgique l'achat de véhicules BMW neufs par des revendeurs non agréés, c'est-à-dire par des firmes qui, de toute façon, ne pouvaient pas légitimement prétendre à de telles livraisons.
47. Il suffit de relever, quant au premier point, que la Commission a expressément tenu compte, au paragraphe 26, alinéa 7, de sa décision, de la durée de l'infraction relevée pour déterminer le montant de l'amende infligée à BMW et aux huit membres du conseil consultatif, et que rien dans les arguments invoqués par les intéressés ne montre que ce montant serait disproportionné par rapport à leur chiffre d'affaires.
48. Quant au deuxième point, il importe de constater que la requérante elle-même reconnaît que le nombre de réexportations de voitures BMW neuves de Belgique vers d'autre Etats membres était, à partir notamment du mois d'août 1975, suffisamment important pour amener BMW Belgium à intervenir de plus en plus fréquemment auprès du réseau belge de distribution, à tel point qu'elle a estimé nécessaire de distribuer et de faire distribuer à ce réseau les circulaires litigieuses du 29 septembre 1975.
49. II) les membres du conseil consultatif des concessionnaires belges soutiennent eux aussi que c'est à tort que la décision attaquée leur fait grief d'avoir enfreint de " propos délibéré " les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et qu'elle leur inflige une amende plus lourde qu'aux autres concessionnaires, du seul fait qu'ils étaient à l'époque membres du conseil consultatif. Ils soulignent à cet effet que, s'ils ont été élus sur présentation de leur candidature, ce serait néanmoins le hasard qui aurait décidé que la contestation dont la Cour est actuellement saisie se soit produite pendant la période où ils étaient membres du conseil précité.
50. Les membres du conseil consultatif allèguent par ailleurs que la circulaire du 29 septembre 1975 qu'ils ont adressée à l'ensemble des concessionnaires belges a été rédigée par BMW Belgium et leur a été présentée, pour signature, lors d'une réunion convoquée à cet effet. Ils concluent ainsi que la décision attaquée devrait, en ce qui concerne également l'amende qu'elle leur inflige, être annulée pour défaut et obscurité des motifs, ainsi que pour violation de l'article 15 du règlement n° 17-62 du conseil.
51. Les huit membres du conseil consultatif ne pouvaient ignorer que leur qualité de porte-parole des concessionnaires belges leur imposait des responsabilités accrues à l'égard de ces concessionnaires, et que leur intervention auprès du réseau belge de distribution ne pouvait que conférer un poids particulier aux propositions de BMW Belgium qu'ils ont appuyées de leur autorité.
En signant, ne fut-ce que sur injonction de BMW Belgium, la seconde circulaire de 29 septembre 1975 jointe à celle de même date de BMW Belgium, les huit membres du conseil consultatif ont ainsi contribué activement à renforcer, auprès du réseau belge de distribution, l'autorité des exhortations contenues dans la circulaire de BMW Belgium du 29 septembre 1975. Si leur souci eut été véritablement d'empêcher les ventes aux distributeurs non agréés, ils auraient dû le faire ressortir clairement, par une précision explicite dans leur circulaire, au lieu d'y employer des termes qui laissaient encore plus manifestement entendre que l'interdiction de réexportation devait s'appliquer à toute vente en dehors de la Belgique.
52. III) les autres concessionnaires BMW belges contestent enfin le bien-fondé des amendes qui leur sont infligées, en faisant valoir qu'ils n'ont jamais eu l'intention de souscrire à une interdiction générale de réexportation et que la dépendance économique dans laquelle ils se trouvent à l'égard de BMW Belgium était de nature à vicier de manière substantielle leur consentement à la circulaire susdite. Ils soutiennent en outre que les amendes sont d'autant plus injustifiées dans leur cas que, dans toutes ses décisions précédentes par lesquelles des amendes ont été infligées pour violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission n'aurait jamais sanctionné les revendeurs mais uniquement les concédants. En traitant sans raison apparemment valable les concessionnaires BMW belges plus rigoureusement qu'elle n'a fait dans le passé à l'égard de concessionnaires placés dans des situations comparables, la Commission aurait violé, au détriment de ces concessionnaires, le principe de non-discrimination.
53. En l'espèce, il ressort des considérations qui précèdent que les concessionnaires en question ont commis une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La circonstance que, dans des affaires similaires précédentes, la Commission n'ait pas estimé qu'il y avait lieu d'infliger une amende également aux revendeurs ne saurait la priver d'un tel pouvoir expressément attribué par ledit règlement, dès lors que les conditions requises pour son exercice sont réunies.
54. En ce qui concerne le montant des amendes, la Commission, même s'il s'agissait d'une infraction commise de propos délibéré, a fait une appréciation exacte de la gravité de l'infraction en raison de la dépendance économique où les concessionnaires se trouvent vis-à-vis de BMW Belgium.
55. Il s'ensuit que les recours ne sont pas non plus fondés, pour autant qu'ils sont dirigés contre l'article 2 de la décision attaquée.
56. Pour ces raisons, il y a lieu de rejeter les présents recours dans leur ensemble.
Sur les dépens
57. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
58. Les parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il convient donc de les condamner aux dépens. Chaque partie requérante supportera une partie des dépens de la Commission correspondant au pourcentage de l'amende qui lui a été infligée par rapport au total des amendes.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) les recours sont rejetés comme non fondés.
2) les parties requérantes sont condamnées aux dépens. Chaque partie requérante supportera une partie des dépens de la Commission correspondant au pourcentage de l'amende qui lui a été infligée par rapport au total des amendes.