CCE, 26 mai 1978, n° 78-516
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Rai/Unitel
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment ses articles 85 et 87, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment son article 11 paragraphe 5,
I.
Considérant que la Radiotelevisione italiana (ci-après dénommée RAI) se proposait de transmettre en direct en mondovision la représentation de gala de l'opéra Don Carlos de Giuseppe Verdi donnée le 7 décembre 1977 à l'occasion du 200e anniversaire de la Scala de Milan ;
Considérant que cette transmission n'a pu avoir lieu en raison de l'opposition de UNITEL Film-und Fernseh-Produktionsgesellschaft mbH & Co. de Munich (ci-après dénommée UNITEL) ; que UNITEL a fait valoir que quatre des principaux interprètes de la Scala de Milan faisaient également partie de l'ensemble qui avait exécuté Don Carlos à Salzbourg et que ces quatre interprètes avaient conclu avec UNITEL des contrats d'exclusivité par lesquels ils s'étaient engagés à ne participer pour le cinéma ou pour la télévision à aucune représentation de cet opéra autre que celle autorisée par UNITEL ;
II.
Considérant que ces constatations provisoires de la Commission sont fondées sur des articles de presse et sur des renseignements fournis par la RAI ; que, afin de pouvoir les vérifier et les compléter, la Commission avait adressé le 23 novembre 1977 une demande de renseignements à UNITEL conformément à l'article 11 paragraphes 1 à 3 du règlement n° 17, en la priant de transmettre dans un délai de deux semaines les documents et données suivants :
1. une copie du texte complet des contrats que vous avez conclus avec les chanteurs qui, parce qu'ils ont participé à l'exécution de Don Carlos à Salzbourg, ne peuvent pas, selon vous, participer à l'exécution de cet opéra à Milan que la RAI se propose de transmettre ;
2. la structure juridique de votre société (SARL, société en nom collectif, société en commandite, etc.) avec une copie de l'acte constitutif de la société ou de ses statuts ;
3. les noms des titulaires des parts de votre société avec l'indication précise de l'importance relative de ces participations ;
III.
Considérant que UNITEL a, par une lettre du 12 décembre 1977 adressée à la Commission, refusé de fournir ces renseignements en faisant valoir ce qui suit :
1. La Cour de justice des Communautés européennes n'a jusqu'à présent jamais englobé d'artistes dans la notion d'entreprise au sens de l'article 85 paragraphe 1.
2. Les contrats d'exclusivité conclus entre UNITEL et ses chanteurs sont exemptés de l'interdiction visée à l'article 85 paragraphe 1 conformément à l'article 85 paragraphe 3 sur la base du règlement n° 67-67-CEE (2) relatif aux accords d'exclusivité.
3. Ces contrats d'exclusivité n'affectent pas le commerce entre États membres.
4. La communication des participations respectives est sans objet en ce qui concerne la question d'une violation éventuelle de l'article 85 paragraphe 1.
5. Le refus de communiquer les renseignements a également été motivé par le fait qu'un article de presse publié le 29 novembre 1977 serait dû à une indiscrétion des services de la Commission et que celle-ci se serait fait le défenseur d'intérêts unilatéraux ;
IV.
Considérant que les renseignements demandés par la Commission sont nécessaires au sens de l'article 11 paragraphe 1 du règlement n° 17 ;
1. a) Considérant que la Commission estime jusqu'à présent que des artistes constituent une entreprise au sens de l'article 85 paragraphe 1 lorsqu'ils exploitent commercialement leurs prestations artistiques; qu'il se pose bien sûr la question de savoir si un contrat conclu par un artiste a des effets sensibles sur la concurrence ; que,dans de nombreux cas, en particulier lorsqu'il s'agit d'artistes peu connus, ce caractère sensible semble devoir être nié, mais qu'il est en revanche évident lorsqu'il s'agit d'artistes très célèbres ; que, dans l'affaire en cause, les contrats ont empêché la RAI de réaliser une émission en mondovision à partir de la Scala de Milan ; que l'on ne peut donc guère imaginer un effet plus sensible ; que, en ce qui concerne la demande de renseignements de la Commission, la question de savoir si les chanteurs constituent une entreprise peut toutefois être laissée en suspens ; qu'UNITEL constitue indiscutablement une entreprise au sens de l'article 85 paragraphe 1 ; que la Commission est déjà habilitée à demander des renseignements lorsqu'elle se propose d'examiner s'il existe des accords entre entreprises ; que la Commission, pour pouvoir répondre à la question de savoir si les artistes concernés constituent une entreprise, peut demander des renseignements sur les effets économiques d'accords concernant l'exploitation commerciale de leurs prestations artistiques ; que la Commission ne peut toutefois donner une réponse définitive à cette question que si elle dispose du texte complet de ces accords ;
b) que le règlement n° 67-67-CEE n'est pas applicable aux services et qu'il ne l'est donc pas non plus à l'exploitation de prestations artistiques ; que, même s'il l'était, la Commission n'en serait pas moins habilitée à demander des renseignements sur les cas entrant dans le champ d'application de ce règlement, étant donné que la Commission est également habilitée, conformément à l'article 6 de ce règlement, à examiner les accords exemptés par le règlement ;
c) qu'un accord d'exclusivité conclu entre UNITEL et un chanteur empêche celui-ci d'exploiter autrement sa prestation artistique dans tous les États membres de la Communauté ; qu'il est donc susceptible d'affecter le commerce entre États membres ; qu'il appartient en outre à la Commission de décider s'il y a infraction à l'article 85 ; qu'une entreprise invitée à fournir des renseignements sur un accord ne peut pas refuser de les fournir pour le motif qu'elle estime que l'accord n'a aucun effet sur le commerce entre États membres ;
2. Considérant que, pour pouvoir poursuivre normalement la procédure, la Commission doit savoir quelle est la structure juridique d'UNITEL ;
3. Considérant que, pour pouvoir statuer définitivement sur la base de l'article 85, la Commission doit enfin savoir quelles sont les personnes qui détiennent des participations dans UNITEL et quelle est l'importance de ces participations ;
Considérant que l'importance d'UNITEL pour les échanges dépend notamment de l'influence qu'exercent ses sociétaires sur son activité : qu'il est donc nécessaire de connaître ces sociétaires et l'importance de l'influence qu'ils peuvent exercer ;
Considérant que, en vertu de l'article 15 paragraphe 1 sous b) et de l'article 16 paragraphe 1 sous c) du règlement n° 17, dont le texte est annexé à la présente décision, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises :
a) des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l'article 11 paragraphe 3 ou 5 ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai fixé dans une décision prise en vertu de l'article 11 paragraphe 5 ;
b) des astreintes par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision, pour les contraindre à fournir, de manière complète et exacte, un renseignement qu'elle a demandé par voie de décision prise en application de l'article 11 paragraphe 5,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
UNITEL-Film-und Fernseh-Produktionsgesellschaft mbH & Co. est tenue de fournir dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision les renseignements suivants : 1. le texte complet des accords conclus entre UNITEL et les chanteurs dont l'exécution de Don Carlos à la Scala de Milan, le 7 décembre 1977, n'a pas pu être transmise à la télévision par la RAI en raison de leur participation à la représentation à Salzbourg du même opéra ;
2. quelle est la structure juridique d'UNITEL ? Production de l'acte constitutif de la société ou de ses statuts ;
3. indication complète des titulaires des parts de la société UNITEL, avec mention précise de leurs participations respectives.
Article 2
L'annexe jointe à la présente décision fait partie intégrante de la présente décision.
Article 3
UNITEL Film-und Fernseh-Produktionsgesellschaft mbH & Co., Amiraplatz 1/IV, D-8000 München 2, est destinataire de la présente décision.
Un recours peut être formé contre la présente décision devant la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg aux conditions prévues dans le traité CEE, et en particulier conformément à ses articles 173 et 185.
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO n° 57 du 25.3.1967, p. 849-67.