CJCE, 14 février 1978, n° 27-76
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
United Brands Company, United Brands Continentaal (BV)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Bananes Chiquita
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutscher
Présidents de chambre :
MM. Sorensen, Bosco
Avocat général :
M. Mayras
Juges :
MM. Donner, Mertens de Wilmars, Mackenzie Stuart, Touffait
Avocats :
Mes Van Bael, Bellis
LA COUR,
1. Attendu que par requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mars 1976, la société United Brands Company de New York (désignée par la suite sous l'abréviation UBC) et son représentant la société United Brands Continental BV de Rotterdam (désignée par UBCBV) ont demandé l'annulation de la décision de la Commission du 17 décembre 1975, publiée ultérieurement au journal officiel n° L 95, p. 1, du 9 avril 1976, publication à laquelle se réfèreront les citations figurant dans le présent arrêt ;
2. Que, pour des raisons pratiques, l'argumentation qui suit mentionnera les requérantes sous le vocable unique UBC ;
3. Attendu qu'aux termes de son article 1, la décision constate qu'UBC a enfreint l'article 86 du traité de la manière suivante :
a) en obligeant ses mûrisseur-distributeurs établis en Allemagne, au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas et en union économique belgo-luxembourgéoise (UEBL) à ne pas revendre les bananes d'UBC à l'état vert ;
b) en appliquant pour ses ventes de bananes Chiquita à l'égard de ses partenaires commerciaux, les mûrisseurs-distributeurs établis dans les états membres précités, à l'exception du groupe SCIPIO, des prix inégaux à des prestations équivalentes ;
c) en appliquant pour ses ventes de bananes Chiquita aux clients établis en Allemagne (exception faite pour le groupe SCIPIO ), au Danemark, aux Pays-Bas et en UEBL des prix de vente non équitables ;
d) en cessant, du 10 octobre 1973 au 11 février 1975, ses livraisons de bananes Chiquita à la société Th. Olesen A-S A Valby, Copenhague, désignée ultérieurement sous le vocable Olesen ;
4. Qu'en vertu de l'article 2, une amende d'un million d'unités de compte est infligée à UBC pour les infractions constatées à l'article 1 ;
5. Que l'article 3 enjoint à UBC :
a) de mettre fin sans délai aux infractions constatées à l'article 1 pour autant qu'elle n'y ait mis fin spontanément ;
b) et, a cette fin :
- de communiquer la suppression de l'interdiction de revendre les bananes à l'état vert à tous ses distributeurs-mûrisseurs établis en Allemagne, au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas et en UEBL et de porter ce fait à la connaissance de la Commission au plus tard le 1 février 1976 ;
- de communiquer à la Commission, deux fois par an (au plus tard les 20 janvier et 20 juillet) et pour la première fois le 20 avril 1976, pendant une période de 2 ans, les prix qu'elle a pratiqués, au cours du semestre précédent, à ses clients établis en Allemagne, au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas et en UEBL ;
6. Attendu qu'UBC a introduit un recours tendant au principal à l'annulation de la décision du 17 décembre 1975 et à la condamnation de la Commission à une unité de compte pour préjudice moral et, subsidiairement, si la décision était maintenue au fond à la suppression de l'amende ou tout au moins à sa réduction ;
7. Qu'elle fait valoir à l'appui de ses conclusions, huit moyens :
1) elle conteste l'analyse faite par la Commission du marché en cause, aussi bien du marché du produit que du marché géographique ;
2) elle dénie détenir sur le marché en cause une position dominante au sens de l'article 86 du traité ;
3) elle considère que la clause relative aux conditions de vente des bananes à l'état vert est justifiée par l'exigence de la qualité du produit vendu aux consommateurs ;
4) elle entend démontrer que le refus de livrer à la firme danoise Th.olesen était justifié ;
5) elle estime qu'elle n'a pas pratiqué de prix discriminatoires ;
6) elle estime qu'elle n'a pas pratiqué de prix inéquitables ;
7) elle se plaint du fait que la procédure administrative aurait été irrégulière ;
8) elle conteste l'infliction d'une amende et subsidiairement en demande la réduction ;
8. Attendu qu'à la suite de ce recours, UBC a présenté, par acte séparé et en vertu de l'article 185 du traité, une demande en référé, datée du 18 mars 1976, visant à obtenir du président de la cour le sursis à exécution de l'article 3, a) et b ), paragraphe 1, de la décision jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête en annulation pendante devant la cour ;
9. Que, par ordonnance du 5 avril 1976, le président a donné acte des déclarations des parties concernant la modification de la clause relative à la revente des bananes à l'état vert et a accordé :
le sursis à l'exécution de l'article 3, a) et b ), premier tiret, de la décision de la Commission du 17 décembre 1975 (IV-26699) jusqu'à l'arrêt a intervenir au fond dans l'affaire 27-76, pour autant que les requérantes n'aient déjà mis fin spontanément aux comportements incriminés par la Commission dans l'article 1 de ladite décision.
Chapitre I - De l'existence d'une position dominante
Section 1 - Du marché en cause
10. Attendu que pour apprécier si UBC détient une position dominante sur le marché des bananes, il y a lieu de délimiter ce marché, tant au point de vue du produit qu'au point de vue géographique ;
11. Que les possibilités de concurrence au regard de l'article 86 du traité doivent être examinées en fonction des caractéristiques du produit en cause et par référence à une zone géographique définie dans laquelle il est commercialisé et où les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour pouvoir apprécier le jeu de la puissance économique de l'entreprise intéressée ;
Paragraphe 1. Le marché du produit
12. Attendu qu'en ce qui concerne le marché du produit, il y a lieu d'abord de rechercher si, comme le soutient la requérante, les bananes font partie intégrante du marché des fruits frais, parce qu'elles seraient raisonnablement interchangeables pour les consommateurs avec d'autres variétés de fruits frais, tels que les pommes, les oranges, le raisin, les pêches, les fraises, etc... ; ou si le marché en cause serait exclusivement celui de la banane, qui comprendrait tant les bananes de marque que les bananes non pourvues de label et constituerait un marché suffisamment homogène et distinct de celui des autres fruits frais ;
13. Attendu qu'à l'appui de sa thèse, la requérante fait valoir que les bananes seraient en concurrence avec les autres fruits frais dans les mêmes magasins, sur les mêmes étalages, à des prix qui peuvent être comparés, satisfaisant les mêmes besoins : la consommation au dessert ou entre les repas ;
14. Que les statistiques fournies montreraient que les dépenses des consommateurs pour l'achat des bananes seraient à leur point le plus bas entre juin et septembre, lorsque les fruits frais indigènes abondent sur le marché ;
15. Que des études effectuées par l'organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) (en particulier en 1975) confirmeraient que les prix des bananes sont relativement faibles durant les mois d'été et que les prix des pommes, par exemple, auraient un impact statistiquement significatif sur la consommation des bananes en République fédérale d'Allemagne ;
16. Que, toujours selon les mêmes études, un mouvement de fléchissement serait observé à la fin de l'année lors de la saison des oranges ;
17. Que les pointes saisonnières d'abondance d'autres fruits frais influeraient ainsi non seulement sur les prix des bananes, mais aussi sur le volume de leur vente et en conséquence sur celui de leur importation ;
18. Que, de ces constatations, la requérante tire la conclusion que les bananes et les autres fruits frais constituent un seul et unique marché et que c'est dans ce cadre qu'aurait du être examinée l'action d'UBC pour l'application éventuelle de l'article 86 du traité ;
19. Attendu que la Commission soutient qu'il existe pour les bananes une demande séparée des autres fruits frais, étant donné notamment que la banane serait une composante importante du régime alimentaire de certaines parties de la population ;
20. Que les qualités spécifiques de la banane interviendraient dans la décision du consommateur et le conduiraient à ne pas chercher à la remplacer totalement ou en grande partie par d'autres fruits ;
21. Que, des études citées par la requérante, la Commission tire la conclusion que l'influence des prix ou des quantités disponibles des autres fruits serait très faible sur les prix ou les quantités disponibles de bananes sur le marché en cause et que ces incidences sont beaucoup trop limitées dans le temps, beaucoup trop faibles et trop peu généralisées pour qu'on puisse en conclure que ces autres fruits en tant que produits de substitution font partie du même marché que les bananes ;
22. Attendu que la banane pour être considérée comme constituant l'objet d'un marché suffisamment distinct doit pouvoir être individualisée par ses caractéristiques particulières la différenciant des autres fruits frais au point qu'elle soit peu interchangeable avec eux et ne subisse leur concurrence que d'une manière peu sensible;
23. Attendu que la maturation de la banane se produit tout le long de l'année sans considération de saison ;
24. Que sa production est toute l'année supérieure à la demande et peut à tout moment la satisfaire ;
25. Que cette caractéristique en fait un fruit privilégié dont la production et la commercialisation peuvent s'adapter aux fluctuations saisonnières connues et mesurables des autres fruits frais;
26. Qu'il n'existe pas de substitution forcée saisonnière, puisque le consommateur peut se procurer ce fruit toute l'année;
27. Que la banane étant un fruit disponible à tous moments en quantités suffisantes, c'est sur l'ensemble de l'année qu'il s'impose d'évaluer sa substituabilité avec les autres fruits pour mesurer le degré de concurrence existant entre elle et d'autres fruits frais;
28. Qu'il résulte des études sur le marché de la banane versées au dossier que celui-ci ne comporte pas d'élasticité croisée significative à long terme, pas plus, comme il a été dit, de substituabilité saisonnière de façon généralisée entre la banane et tous les fruits saisonniers, mais seulement entre elle et deux fruits (pêche et raisin de table) et dans un pays (Allemagne) du marché géographique en cause ;
29. Qu'en ce qui concerne les deux fruits disponibles toute l'année (orange et pomme), il n'existe pas d'interchangeabilité pour le premier et seulement une substituabilité relative pour le second ;
30. Que ce très faible degré de substituabilité est dû aux caractéristiques spécifiques de la banane et à tous les facteurs influençant le choix du consommateur;
31. Que la banane a une apparence, un goût, une consistance moelleuse, une absence de pépins, un maniement facile, un niveau permanent de production qui lui permettent de satisfaire les besoins constants d'une catégorie importante de la population composée d'enfants, de personnes âgées et de malades;
32. Qu'en ce qui concerne les prix, deux études de la FAO montrent que la banane ne subit l'incidence des prix - en baisse - d'autres fruits (et seulement des pêches et raisins de table) que pendant les mois d'été et principalement le mois de juillet et cela dans une proportion ne dépassant pas 20 % ;
33. Que s'il n'est pas niable que pendant ces mois et durant quelques semaines en fin d'année ce produit subit la concurrence des autres fruits, sa flexibilité d'adaptation en volume d'importation et de commercialisation sur le marché géographique en cause fait que les conditions de concurrence sont extrêmement réduits et que son prix se conforme sans difficultés majeures à cette situation d'abondance ;
34. Que, de l'ensemble de ces considérations, il résulte qu'une grande masse de consommateurs qui a un besoin constant de bananes n'est pas détournée d'une manière caractérisée et même sensible de la consommation de ce produit par l'arrivée sur le marché d'autres fruits frais et que même les pointes saisonnières ne l'affectent que d'une manière modérée dans le temps et très limitée au point de vue de la substituabilité ;
35. Qu'il s'ensuit que le marché de la banane constitue un marché suffisamment distinct de celui des autres fruits frais ;
Paragraphe 2. Le marché géographique
36. Attendu que la Commission a pris en considération comme marché géographique sur lequel il y a lieu d'examiner si UBC à la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective, la République fédérale d'Allemagne, le Danemark, l'Irlande, les Pays-Bas et l'UEBL ;
37. Qu'elle estime que les conditions économiques présentes dans cette partie de la communauté permettent aux importateur-distributeurs de bananes d'y commercialiser normalement leurs produits, sans qu'il n'y existe de barrières économiques significatives pour UBC par rapport à d'autres importateurs-distributeurs ;
38. Que, par contre, il conviendrait d'exclure de cette délimitation géographique du marché les autres états membres de la communauté (France, Italie, Royaume-Uni) malgré la présence relativement importante d'UBC dans ces états, en raison de situations particulières causées par les régimes d'importation, aux conditions de commercialisation et aux caractéristiques des bananes qui y sont vendues ;
39. Attendu que la requérante fait remarquer que le marché géographique ou la puissance économique et commerciale d'une entreprise est prise en considération ne devrait comprendre que des zones dans lesquelles les conditions de concurrence sont homogènes ;
40. Que, si, à juste titre, la Commission a exclu dudit marché, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, elle aurait omis de tenir compte des différences dans les conditions de concurrence existant dans les autres états membres, différences qui auraient dû l'amener à adopter à l'égard de ceux-ci les mêmes conclusions que pour les trois pays susvisés ;
41. Qu'en effet, trois régimes douaniers substantiellement différents seraient applicables dans les états membres concernés : un tarif 0 en Allemagne pour un contingent de bananes qui couvre sensiblement les besoins de ce pays, un tarif transitoire en Irlande et au Danemark et le tarif extérieur commun, soit 20 %, pour les importations dans le Bénélux ;
42. Que la Commission n'aurait pas, non plus, tenu compte des habitudes des consommateurs de chaque état membre (la consommation annuelle de fruits frais par tête en Allemagne est égale à 2,5 fois celle de l'Irlande et à 2 fois celle du Danemark ), des différences de structure commerciale, de concentration et du point de vue monétaire ;
43. Que de l'ensemble de ces constatations, la requérante tire la conclusion que le marché géographique retenu par la Commission comporterait des zones dans lesquelles les conditions de concurrence sont si dissemblables qu'elles ne sauraient être considérées comme constituant un marché unique ;
44. Attendu que les conditions d'application de l'article 86 à une entreprise en position dominante impliquent la délimitation, d'une manière claire, de la partie substantielle du Marché Commun où elle est en mesure de se livrer éventuellement à des pratiques abusives faisant obstacle à une concurrence effective, zone dans laquelle les conditions objectives de concurrence du produit en cause doivent être similaires pour tous les opérateurs économiques ;
45. Que la communauté n'a pas mis en place une organisation commune de marché agricole pour les bananes ;
46. Qu'il en résulte des situations nationales très diversifiées, maintenant divers régimes d'importation reflétant une certaine politique commerciale propre aux états concernés ;
47. Que c'est ainsi que le marché français, par son organisation nationale, est limité en amont par un régime d'importation spécifique et bloqué en aval par un prix de détail surveillé par l'administration ;
48. Qu'en plus de certaines mesures concernant un prix objectif fixé annuellement et de normes relatives à l'emballage, au triage et aux qualités minimales requises, ce marché est réservé pour -3 environ à la production des départements d'outre-mer et pour - 3 à celle de certains pays ayant des relations privilégiées avec la France (Côte-d'Ivoire, Madagascar, Cameroun) et dont les bananes sont importées en franchise, et comporte un régime dont la gestion est confiée au comité interprofessionnel bananier (CIB);
49. Que le marché du Royaume-Uni bénéficie des " commonwealth preferences ", régime caractérisé notamment par le maintien d'un niveau de production au bénéfice des territoires en voie de développement au commonwealth et d'un prix payé aux associations de producteurs lié directement au prix de vente du fruit vert pratiqué au Royaume-uni ;
50. Que, sur le marché italien, depuis l'abolition, en 1965, du monopole d'état chargé de la commercialisation des bananes, a été mis en place un système national de contingentement avec un contrôle du Ministère de la Marine marchande et de l'office national des changes sur les importations et les contrats d'affrètement des bateaux étrangers destinés au transport des bananes ;
51. Que l'organisation nationale de ces trois marchés a pour conséquence que les bananes de la requérante ne sont pas à égalité de concurrence avec les autres bananes vendues dans ces états, bénéficiaires d'un régime préférentiel, et que c'est à juste titre que ces trois marchés nationaux ont été exclus par la Commission du marché géographique considère ;
52. Qu'en revanche, les six autres états constituent des marchés entièrement libres, bien qu'assujettis à des dispositions tarifaires distinctes et à des coûts de transport nécessairement différents, mais non discriminatoires, et dans lesquels les conditions de concurrence sont similaires pour tous;
53. Que ces six états constituent, sous l'angle de la possibilité d'exercice de la libre concurrence, un tout suffisamment homogène pour être considéré globalement;
54. Qu'UBC a organisé la commercialisation de ses produits à partir de sa filiale de Rotterdam - UBCBV - qui constitue à cet effet un centre unique pour toute cette partie de la communauté ;
55. Que les frais de transport ne forment pas d'obstacle réel à la politique de distribution choisie par UBC qui consiste à vendre for dans les deux ports de débarquement Rotterdam et Bremerhaven ;
56. Que ces éléments sont des facteurs unificateurs du marché en cause ;
57. Qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que le marché géographique tel que déterminé par la Commission, qui constitue une partie substantielle du Marché Commun, doit être considéré comme le marché en cause pour l'appréciation d'une éventuelle position dominante de la requérante;
Section 2 - De la position d'UBC sur le marché en cause
58. Attendu que la Commission estime qu'UBC occupe sur le marché en cause une position dominante en se fondant sur une série de facteurs dont l'interaction assurerait à UBC une prédominance incontestable sur tous ses concurrents : sa part de marché par rapport à celle de ses concurrents, la variété de ses sources d'approvisionnement, la qualité homogène de son produit, l'organisation de sa production et de ses transports, son système de commercialisation et son action publicitaire, le caractère diversifié de ses activités et enfin son intégration verticale ;
59. Que c'est au vu de toutes ces caractéristiques que la Commission estime qu'UBC serait une entreprise en position dominante disposant d'un degré d'indépendance globale de comportement sur le marché en cause et ayant la possibilité de faire obstacle, dans une large mesure, à une concurrence effective de la part de concurrents qui ne pourraient éventuellement acquérir les mêmes avantages qu'après de grands efforts prolongés sur plusieurs années, perspective qui ne les inciterait pas a s'engager dans cette voie, à la suite, particulièrement, de plusieurs échecs subis ;
60. Attendu qu'UBC conteste cette conclusion et déclare qu'elle ne procède que d'une affirmation sans l'appui d'une démonstration ;
61. Qu'elle affirme ne se livrer qu'à une concurrence loyale en termes de prix, de qualité et de services ;
62. Que, selon UBC, une appréciation objective de sa part de marché, des possibilités d'approvisionnement, de la concurrence " agressive " des autres entreprises, de leurs ressources, de leurs méthodes et de leur degré d'intégration, de la relative liberté des mûrisseurs-distributeurs, de l'apparition de nouveaux concurrents sur le marché, de la force et de l'importance de certains clients, du prix bas et même de la baisse du prix de la banane, des pertes qu'elle a subies depuis cinq ans, aurait permis de conclure, sur la base d'une analyse correcte, que, ni dans ses structures ni dans son comportement, son entreprise ne posséderait les caractéristiques d'une firme en situation de position dominante sur le marché en cause ;
63. Attendu que l'article 86 est une expression de l'objectif général assigné par l'article 3 f) du traité à l'action de la communauté : l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le Marché Commun ;
64. Que cet article interdit, dans la mesure où le commerce entre états membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une entreprise d'exploiter de façon abusive une position dominante dans une partie substantielle du Marché Commun ;
65. Que la position dominante visée par cet article concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs;
66. Que l'existence d'une position dominante résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants ;
67. Attendu que la recherche, sur le point de savoir si UBC a le caractère d'une entreprise en position dominante sur le marché en cause, doit se faire en examinant d'abord sa structure et ensuite la situation concurrentielle sur ledit marché ;
68. Que, ce faisant, il peut être utile de prendre éventuellement en considération des faits qui ont été évoqués à titre d'agissements abusifs sans devoir leur reconnaître nécessairement ce caractère ;
Paragraphe 1. La structure d'UBC
69. Attendu qu'il convient d'examiner successivement les ressources et méthodes de production, d'emballage, de transport, de vente et de présentation du produit par UBC ;
70. Qu'UBC est une entreprise verticalement intégrée à un degré très poussé ;
71.Que cette intégration se manifeste à chacune des étapes menant de la plantation au chargement sur wagons ou sur camions dans les ports de débarquement et qu'au-delà, la surveillance d'UBC s'exerce, en ce qui concerne le mûrissage et les prix de vente, jusqu'aux mûrisseurs-distributeurs et aux grossistes, par la mise en place de tout un réseau d'agents ;
72. Attendu qu'au stade de la production, UBC est propriétaire de vastes plantations en Amérique Centrale et du Sud ;
73. Que, pour autant que sa production propre ne suffise pas à ses besoins, UBC peut se fournir sans difficulté auprès des planteurs indépendants, étant donné qu'il est constant que, sauf circonstances exceptionnelles, la production est excédentaire ;
74. Que de nombreux producteurs indépendants sont en outre liés avec UBC par des contrats de culture qui les ont amenés à cultiver la variété de bananes qu'UBC leur a conseillé d'adopter ;
75. Que les conséquences de catastrophes naturelles susceptibles de compromettre les approvisionnements sont fortement minimisées par la dispersion géographique des plantations et par la sélection de variétés peu sensibles aux maladies ;
76. Que cet état de choses a été confirmé par la manière dont UBC a pu réagir aux suites de l'ouragan " fif " en 1974 ;
77. Qu'au stade de la production, UBC est donc assurée de pouvoir satisfaire à toutes les demandes qui lui sont présentées ;
78. Attendu qu'au stade de l'emballage et du conditionnement sur place, UBC dispose d'usines, de main-d'œuvre, d'installation et de matériel qui lui permettent de traiter la marchandise de manière indépendante;
79. Que les bananes sont transportées du lieu de production aux ports d'embarquement par des moyens qui lui sont propres, dont des chemins de fer ;
80. Attendu qu'au stade du transport maritime, il a été reconnu qu'UBC est la seule entreprise du genre à être capable de transporter les deux tiers de ses exportations à l'aide de sa propre flotte bananière ;
81. Qu'ainsi UBC est assurée de pouvoir transporter, régulièrement, sans risque d'immobilisation de ses propres navires et quelles que soient les circonstances du marché, les deux tiers de son tonnage de vente moyen et est seule à pouvoir assurer trois arrivages hebdomadaires réguliers en Europe, ce qui lui donne une garantie de stabilité et de confort commerciaux ;
82. Attendu que, dans le domaine des connaissances techniques et grâce à des recherches constantes, UBC, en perfectionnant le système de drainage, en corrigeant les déficiences pédologiques et en combattant efficacement les maladies des plantes, continue à améliorer la productivité et le rendement des plantations ;
83. Qu'elle a mis au point de nouvelles méthodes de mûrissage que des techniciens d'UBC enseignent aux distributeurs-mûrisseurs de la banane Chiquita;
84. Qu'il s'agit là encore d'un élément à retenir dans l'examen de la position d'UBC, les firmes concurrentes ne pouvant développer des activités de recherche à un niveau comparable et se trouvant, à cet égard, désavantagées par rapport à la requérante ;
85. Attendu qu'au stade de l'élaboration finale et du contrôle de qualité, il est reconnu qu'UBC contrôle non seulement les mûrisseurs-distributeurs qui sont ses clients directs, mais encore ceux qui travaillent pour le compte de ses clients importants, comme le groupe SCIPIO ;
86. Que la clause d'interdiction de revente des bananes à l'état vert, même si elle n'était destinée qu'au contrôle sévère de la qualité, procure en fait à UBC le contrôle absolu de tout commerce de sa marchandise tant qu'elle est commercialisable en gros, c'est-à-dire avant que ne commence le processus de mûrissage qui rend inévitable une vente très prochaine ;
87. Que ce contrôle généralisé de la qualité d'une marchandise homogène rend efficace la publicité faite sur la marque ;
88. Attendu qu'UBC a axé sa politique globale dans le marché en cause, depuis 1967, sur la qualité de sa banane marquée Chiquita ;
89. Qu'elle donne incontestablement à UBC un contrôle sur la transformation du produit en bananes consommables, alors que la plus grande partie de ce produit ne lui appartient plus ;
90. Que cette politique a été basée sur une réorganisation profonde du système de production, d'emballage, de transport, de mûrissage (nouvelles capacités avec ventilation et refroidissement) et de commercialisation (réseau de représentants);
91. Qu'UBC a réalisé l'individualisation de ce produit par des campagnes de publicité et promotion massives et répétées qui ont conduit le consommateur à lui marquer sa préférence, malgré l'écart de prix existant entre les bananes non étiquetées et les bananes étiquetées (de l'ordre de 30 a 40 %) ainsi qu'entre les bananes Chiquita et celles étiquetées sous une autre marque (de l'ordre de 7 a 10 % );
92. Qu'elle a été la première à exploiter les possibilités offertes par l'étiquetage sous les tropiques aux fins de publicité sur une grande échelle ce qui, d'après les termes employés par UBC, a révolutionné l'exploitation commerciale de la banane (annexé II, a ), à la requête, p.10 ):
93. Qu'elle a ainsi acquis une position privilégiée en faisant de Chiquita la première marque de bananes sur le marché en cause avec la conséquence que le distributeur ne peut se passer de la mettre à la disposition du consommateur;
94. Attendu qu'au stade de la vente, ce facteur d'individualisation - justifié par la qualité constante de la banane portant ce label - lui assure une clientèle permanente consolidant sa puissance économique ;
95. Que ses circuits de vente, n'englobant qu'un nombre restreint de clients, grands groupes ou distributeurs-mûrisseurs, ont pour conséquence une simplification de la politique d'approvisionnement et des économies d'échelle;
96. Que sa politique d'approvisionnement consistant - en dépit de la production excédentaire - à ne satisfaire les demandes de bananes Chiquita qu'avec parcimonie et parfois incomplètement, UBC se trouve, au stade de la vente, en position de force ;
Paragraphe 2. La situation concurrentielle
97. Attendu qu'UBC constitue le plus important groupe bananier, ayant assuré, en 1974, 35 % de toutes les exportations de bananes sur le marché mondial ;
98. Qu'il convient cependant en l'espèce de ne tenir compte que de ses activités dans le marché en cause ;
99. Attendu qu'à propos de ce marché, les parties se trouvent en opposition sur la fraction de la part de marché détenue par UBC en République Fédérale d'Allemagne et sur la part globale de l'ensemble du marché en cause détenue par la requérante ;
100. Attendu qu'en premier lieu, UBC retire de sa part globale de l'ensemble du marché en cause le pourcentage attribué à l'entreprise SCIPIO qui achète ses bananes FOB en Amérique Centrale ;
101. Attendu qu'il convient cependant de l'y intégrer, parce que SCIPIO mûrit presque exclusivement des bananes " Chiquita ", dont l'acheminement en Europe est coordonné par la société SVEN SALEN, que SCIPIO se soumet au contrôle technique d'UBC, qu'il existe des accords de livraison et de prix entre ces deux groupes, que SCIPIO respecte l'obligation de ne pas revendre de bananes " Chiquita " à l'état vert et que, depuis 30 ans, il n'a jamais tenté d'agir d'une manière indépendante à l'égard d'UBC ;
102. Qu'il existe des accords de travail entre SCIPIO et UBC et des actions en commun sur les prix, ainsi qu'en vue de l'animation de points de vente et de campagnes publicitaires ;
103. Qu'il y a d'ailleurs lieu de constater que les prix de vente pratiqués par SCIPIO sont les mêmes que ceux des autres mûrisseurs alimentés par UBC ;
104. Qu'il en résulte qu'il n'existe pas de concurrence entre UBC et SCIPIO ;
105. Attendu, en second lieu, que la Commission affirme qu'UBC détient une part de marché qu'elle évalue à 45 % ;
106. Qu'UBC fait cependant remarquer qu'en 1975, cette part serait tombée a 41 % ;
107. Attendu qu'un opérateur ne saurait détenir une position dominante sur le marché d'un produit que s'il est parvenu à disposer d'une partie non négligeable de ce marché ;
108. Attendu que, sans entrer dans une discussion de pourcentages nécessairement fixes avec une certaine approximation, on peut considérer qu'il est constant que la part d'UBC sur le marché en cause est toujours supérieure à 40 % et se rapproche de 45 %;
109. Que ce pourcentage ne permet cependant pas de conclure au contrôle automatique du marché par UBC;
110. Qu'il convient de l'apprécier au regard de la force et du nombre des concurrents;
111. Attendu qu'il faut d'abord constater, sur l'ensemble du marché en cause, que ledit pourcentage représente grosso modo une part plusieurs fois supérieure à celle de son concurrent Castle et Cooke, le mieux placé, les autres ne venant que loin derrière;
112. Que ce fait, combiné avec d'autres déjà signalés, peut être considéré comme un élément probatoire de la force prépondérante d'UBC ;
113. Qu'il n'est cependant pas nécessaire qu'une entreprise ait éliminé toute possibilité de concurrence pour être en situation de position dominante;
114. Qu'en l'espèce, la lutte concurrentielle a en effet été très vive à plusieurs reprises, en 1973, Castle et Cooke ayant lancé sur les marchés danois et allemand une campagne de publicité et de promotion sur une grande échelle avec rabais sur les prix ;
115. Que, simultanément, ALBA a cassé les prix et offert des articles de promotion ;
116. Que, récemment, la firme Vellemann et Tas a mené une concurrence si vive sur le marché néerlandais que les prix sont devenus inférieurs à ceux du marché allemand, traditionnellement les plus bas ;
117. Qu'il faut cependant constater que, malgré leurs efforts, ces firmes n'ont pas réussi à augmenter leur part de marché de façon significative sur les marchés nationaux attaqués;
118. Qu'il y a lieu de remarquer que ces périodes de concurrence, limitées dans le temps et l'espace, ne se sont pas étendues à l'ensemble du marché en cause;
119. Que, même si l'on a pu qualifier de " sauvages " les attaques locales de certains concurrents, on ne peut que constater qu'UBC y a parfaitement résisté, soit en adaptant momentanément ses prix (aux Pays-Bas, devant Vellemann et Tas), soit faisant pression implicite sur les intermédiaires ;
120. Que, d'ailleurs, si l'on considère la position d'UBC sur chacun des marchés nationaux intéressés, on constate que, sauf en Irlande, elle écoule directement et en outre, en ce qui concerne l'Allemagne indirectement par l'intermédiaire de SCIPIO, à peu près deux fois plus de bananes que le concurrent le mieux placé et que ses chiffres de vente ne baissent pas de manière sensible, même devant l'apparition de concurrents nouveaux ;
121. Que la puissance économique d'UBC lui a ainsi permis d'instaurer une stratégie globale et souple s'opposant à l'implantation de nouveaux concurrents sur l'ensemble du marché en cause;
122. Que les barrières à l'entrée de la concurrence résultent notamment des investissements exceptionnellement lourds qu'exigent la création et l'exploitation des bananeraies, de la nécessité de multiplier les sources d'approvisionnement pour éviter les conséquences des maladies de fruits et des intempéries (ouragans, inondations ), de la mise en place d'une logistique contraignante que nécessité la distribution d'une marchandise très périssable, des économies de dimension dont le nouveau venu sur le marché ne peut immédiatement bénéficier et des coûts absolus d'entrée que constituent notamment tous les frais fixes de pénétration sur un marché, tels la mise sur pied d'un réseau commercial adéquat, le montant de campagnes publicitaires de grande envergure, tous risques financiers dont les dépenses sont perdues en cas d'échec de la tentative ;
123. Qu'ainsi, s'il est exact, comme l'a fait remarquer UBC, que les concurrents ont la possibilité d'utiliser les mêmes méthodes de production et de distribution que la requérante, ils se heurtent à des obstacles pratiques et financiers quasi insurmontables ;
124. Qu'il s'agit là encore d'un facteur caractéristique de la situation de position dominante ;
125. Attendu cependant qu'UBC fait état de pertes que sa division bananes aurait subies de 1971 a 1976 - alors que la concurrence aurait réalisé des bénéfices - pour en déduire que l'essence de la dominance étant le pouvoir de déterminer les prix, le fait de subir des pertes contredirait l'existence d'une position dominante ;
126. Attendu que la puissance économique d'une entreprise ne se mesure pas à partir de sa rentabilité, qu'une marge bénéficiaire réduite ou même des pertes temporaires ne sont pas incompatibles avec une position dominante, tout comme des bénéfices élevés peuvent être compatibles avec une situation de concurrence effective;
127. Qu'en fait, une rentabilité temporairement médiocre ou nulle doit être considérée à la lumière de l'ensemble des activités d'UBC;
128. Qu'il est plus significatif de constater que, quelles que soient les pertes éventuelles d'UBC, les clients continuent à acheter plus de marchandises à UBC qui est le vendeur le plus cher, ce qui constitue un fait caractéristique de la position dominante, fait dont la vérification est déterminante en l'espèce;
129. Que l'ensemble cumulé des avantages dont UBC bénéficie lui assure ainsi une position dominante sur le marché en cause;
Chapitre II - De l'exploitation abusive de cette position dominante
Section 1 - Du comportement vis-à-vis des mûrisseurs
Paragraphe 1. La clause d'interdiction de revente des bananes à l'état vert
130. Attendu que la Commission estime que la requérante a abusé de sa position dominante à l'égard des mûrisseurs-distributeurs, en premier lieu par l'utilisation d'une clause inscrite dans ses conditions générales de vente, relative à l'interdiction imposée à ses mûrisseurs-distributeurs de revendre ses bananes à l'état vert ;
131. Qu'elle rappelle, par ailleurs, qu'UBC avait également insisté auprès des mûrisseurs-distributeurs pour qu'ils ne vendent pas d'autres bananes que celles qu'UBC leur livrait aussi longtemps qu'ils distribuaient des bananes UBC, pour qu'ils ne revendent pas de bananes UBC à des mûrisseurs concurrents, ni à des négociants étrangers, en les assurant qu'elle avait formulé la même exigence à l'égard des autres mûrisseurs-distributeurs étrangers ;
132. Que cette pratique aurait été introduite en janvier 1967, à l'époque ou UBC faisait l'effort de lancer en Europe la nouvelle banane Cavendish Valery sous la marque " Chiquita " qui remplaçait la variété " Gros Michel " connue sous le label " fyffes ";
133 Que l'interdiction de revendre les bananes à l'état vert aurait été appliquée de façon stricte depuis 1967, bien que ne figurant pas toujours dans un texte écrit, dans tous les états constituant le marché en cause, aux importateurs mûrisseurs-distributeurs d'UBC, y compris au groupe SCIPIO ;
134. Que cette interdiction aurait été illustrée en décembre 1973, lors du refus de vente par UBC à la firme danoise OLESEN qui s'était vu opposer une fin de non-recevoir par tous les distributeurs (y compris le groupe SCIPIO) auxquels elle s'était adressée pour être approvisionnée en bananes vertes ;
135. Qu'outre le fait qu'elle contribuerait indirectement à renforcer et à consolider la position dominante d'UBC, cette obligation rendrait quasiment impossible tout échange de bananes vertes d'UBC marquées ou non, tant à l'intérieur d'un seul état qu'entre Etats membres, et que cette disposition aurait ainsi un effet comparable à une interdiction d'exporter ;
136. Que l'effet de cette clause serait encore renforcé par la politique instaurée par UBC de ne livrer à ses clients que des quantités de bananes inférieures à celles dont ils ont passé commande, ce qui les mettrait dans l'impossibilité d'engager toute action concurrentielle contre là disparité des prix existant d'un état à l'autre et les obligerait à se cantonner dans leur rôle de mûrisseur ;
137. Que ces interdictions et ces pratiques seraient - toujours d'après la Commission - à la fois l'élément essentiel d'un système global permettant à la requérante de contrôler totalement l'écoulement de son produit et de restreindre le jeu de la concurrence, et la base des trois autres abus reprochés à UBC ;
138. Qu'il aurait fallu attendre le mois suivant (31 janvier 1976) la décision du 17 décembre 1975 la condamnant (et donc avant la date du 1 février 1976, date ultime fixée par la Commission pour que lui soit communiquée la suppression de l'interdiction de revendre les bananes à l'état vert) pour que la requérante adresse à tous ses clients établis dans le marché en cause, une lettre circulaire indiquant que la clause n'avait jamais visé à interdire la vente de bananes vertes Chiquita par un mûrisseur agrée à un autre mûrisseur Chiquita, ni la revente de bananes vertes sans marque ;
139. Attendu qu'en réponse à ces griefs, la requérante fait remarquer que la clause litigieuse était libellée comme suit pour la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas : " les bananes peuvent seulement être revendues à l'état mur " (la clause danoise précise que l'on ne peut revendre des bananes que de couleur n° 3) ;
140. Que la clause concernant les Pays-Bas fut notifiée à la Commission le 15 novembre 1968 sous la forme : " la vente à des mûrisseurs concurrents de bananes fournies par nous n'est pas autorisée " ;
141. Que la requérante s'étonne que la Commission ne lui ait pas demandé de préciser et le cas échéant de modifier le libellé des conditions de vente aux fins d'examiner si elle pouvait bénéficier de l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, et qu'il lui a fallu sept ans pour élaborer et mettre au point sa condamnation ;
142. Que cette clause n'aurait eu comme but que de protéger la marque et donc en définitive les consommateurs en assurant aux produits - sélectionnés et étiquetés sous les tropiques - une qualité exemplaire, en les réservant à des mûrisseurs avertis, possédant des installations de mûrissage adéquates, appliquant les méthodes de haute technicité mises au point par les ingénieurs d'UBC et acceptant leurs contrôles et d'amener sur le marché les bananes " Chiquita " à leur qualité optimale ;
143. Que cette clause n'aurait jamais été entendue, appliquée, ni mise à exécution dans le sens d'une interdiction des exportations ;
144. Que la requérante n'aurait jamais eu l'intention de recourir à des sanctions en cas d'inobservation ;
145. Que d'ailleurs les négociants en bananes vendraient un produit demi-fini hautement périssable qui, par sa nature même, devrait être mûri immédiatement plutôt que négocié horizontalement et que le commerce de bananes à l'état vert - s'il existait - ne pourrait être que marginal ;
146. Que la fonction du mûrisseur serait seulement de mûrir les bananes et de les distribuer aux détaillants ;
147. Que d'ailleurs la marge brute du mûrisseur serait supérieure aux gains qu'il pourrait acquérir en spéculant sur les différences de prix moyennes entre les divers marchés sauf pendant quelques semaines par an et qu'il n'aurait donc aucun intérêt à se livrer à des ventes horizontales de bananes vertes ;
148. Que le seul cas où les apparences pourraient laisser croire que la clause a joué est celui d'Olesen ;
149. Que ce serait un cas exceptionnel dû à un litige entre UBC et ce mûrisseur danois, se situant dans un contexte différent de celui de l'application de l'interdiction de vendre des bananes vertes ;
150. Qu'en tout cas, la suppression de la clause à laquelle la requérante a été condamnée lui apparaît comme étant " déraisonnable et injustifiée ", car ne possédant aucune installation de mûrissage en propre - sauf Spiers en Belgique représentant 3,3 % de la capacité de mûrissage du " marché en cause "- elle ne serait plus en mesure de garantir la qualité de ses bananes au consommateur ce qui entraînerait la ruine de toute sa politique commerciale ;
151. Attendu que l'examen de la cour doit être limité à la clause concernant l'interdiction de revente des bananes vertes telle qu'elle a été notifiée à la Commission, le 15 novembre 1968, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération la clause telle qu'elle a été libellée par UBC le 31 janvier 1976, c'est-à-dire à une date postérieure à la décision de la Commission ;
152. Attendu que la clause appliquée en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas, pour autant qu'elle ait été fixée par écrit, interdisait de revendre les bananes à l'état vert, qu'elles soient marquées ou non marquées, et même entre mûrisseurs de bananes Chiquita ;
153. Qu'UBC, ayant cru devoir préciser dans la lettre-circulaire du 31 janvier 1976 envoyée à tous les mûrisseurs-distributeurs, dont ceux installés en Allemagne, que la clause n'avait pas été établie par écrit pour l'Allemagne, reconnait ainsi implicitement son existence sur le marché allemand, ladite clause ayant été, de toute évidence, sous-entendue ou exprimée oralement ;
154. Que, selon les termes des clauses générales de vente de 1967, UBC demandait instamment à ses clients de veiller à ce que les bananes en leur possession ne soient pas revendues à des négociants étrangers, qu'elle avait demandé la même chose à ses clients étrangers en ce qui concerne les Pays-Bas et qu'elle n'hésiterait pas à prendre les mesures nécessaires si ce qui précède n'était pas respecté d'une manière ou d'une autre;
155. Que cette rédaction implique qu'UBC, loin de repousser l'idée d'infliger des sanctions aux mûrisseurs- distributeurs agrées qui ne se conformeraient pas à ses instructions, brandissait cette possibilité comme une menace ;
156. Qu'Olesen en a d'ailleurs indiscutablement subi les rigueurs, quand il a voulu - après le refus de livrer d'UBC - s'approvisionner en bananes Chiquita auprès de SCIPIO et de distributeurs agrées danois ;
157. Que c'est une restriction à la concurrence que d'obliger le mûrisseur à ne pas revendre les bananes tant qu'il ne les a pas fait mûrir et de réduire les activités dudit mûrisseur aux contacts avec les seuls détaillants;
158. Que si une recherche de politique de qualité est recommandable et légitime, notamment par le choix des revendeurs en fonction de critères objectifs relatifs aux qualifications du revendeur, de son personnel et de ses installations, cette pratique ne peut être justifiée que si elle ne met pas en place des entraves dont le résultat dépasse l'objectif à atteindre;
159. Qu'en l'espèce, et bien que ces conditions de choix aient été fixées d'une manière objective et non discriminatoire, l'interdiction de revendre imposée aux mûrisseurs agrées Chiquita et celle de revendre les bananes sans marque - même si le caractère périssable de la banane restreignait, en pratique, les possibilités de revente au terme d'un certain délai - constituaient indéniablement une exploitation abusive de position dominante, en limitant les débouchés au préjudice des consommateurs et en affectant le commerce entre Etats membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux;
160. Qu'ainsi cette organisation de marché propre à UBC cantonnait les mûrisseurs dans un rôle d'approvisionneurs de marché local et les empêchait de développer leur pouvoir de négociation vis-à-vis d'UBC qui d'ailleurs accentuait encore son emprise économique sur eux en leur fournissant moins de marchandises qu'ils n'en commandaient ;
161. Que, de l'ensemble de ces considérations, il résulte que la clause litigieuse d'interdiction de revente des bananes vertes violait l'article 86 du traité ;
162. Que la décision attaquée est donc justifiée sur ce point ;
Paragraphe 2. Le refus de poursuivre les livraisons à Olesen
163. Attendu que la Commission estime qu'UBC a enfreint l'article 86 du traité en cessant, du 10 octobre 1973 au 11 février 1975, ses livraisons de bananes Chiquita à Olesen ;
164. Que cette cessation - d'après un message télex du 11 octobre 1973 adressé par UBC à Olesen - serait intervenue pour la raison que ce mûrisseur- distributeur avait participé à une campagne publicitaire entamée au cours du mois d'octobre 1973 au Danemark, pour les bananes Dole ;
165. Qu'à la suite de cette cessation de livraison, Olesen se serait adressé en vain aux sept autres mûrisseurs-distributeurs d'UBC au Danemark, ainsi qu'à une société du groupe SCIPIO à Hambourg pour obtenir des bananes Chiquita à l'état vert ;
166. Que cette situation lui aurait causé un grave préjudice occasionné par des pertes de vente et de plusieurs clients importants dont l'association des coopérateurs danois (FDB) qui lui achetait 50 % de ses bananes ;
167. Que, le 11 février 1975, UBC et OLESEN auraient conclu un accord aux termes duquel UBC se serait engagée à reprendre les livraisons de bananes à Olesen et celui-ci aurait retiré la plainte qu'il avait introduite auprès de la Commission ;
168. Que la Commission voit dans ce refus de livrer, qui ne pourrait se justifier objectivement, une ingérence arbitraire dans la gestion de l'affaire d'Olesen, lui ayant causé un préjudice et tendant à dissuader les mûrisseurs d'UBC de vendre les marques concurrentes ou du moins de faire de la publicité pour elles, faits constituant une infraction à l'article 86 du traité ;
169. Attendu que la requérante dit suivre une politique beaucoup plus libérale que celle de ses concurrents en matière de distribution ;
170. Que ses mûrisseurs seraient libres de vendre des produits de marques concurrentes, de faire de la publicité pour ces produits, de réduire leurs commandes, de les annuler et de mettre fin à leurs relations quand ils le jugent bon ;
171. Que c'est dans ce cadre qu'il faudrait placer l'incident OLESEN ;
172. Qu'en 1967, celui-ci étant devenu au Danemark le plus important mûrisseur de bananes Chiquita aurait fait pression sur UBC pour obtenir des conditions privilégiées par rapport aux sept autres mûrisseurs danois agréés par la requérante ;
173. Que, s'étant vu opposer un refus, il serait devenu, en octobre 1969, importateur-distributeur exclusif de la firme standard fruit ;
174. Qu'en 1973, la standard fruit, dans une conférence de presse, aurait proclamé que la banane Dole allait supplanter la banane Chiquita dans le monde entier ;
175. Qu'Olesen aurait alors vendu de moins en moins de bananes Chiquita et poussé délibérément la vente de bananes Dole ; qu'il n'aurait pas apporté au mûrissage des bananes Chiquita le même soin qu'il réservait à celui des bananes d'autres marques ;
176. Que c'est dans ces circonstances, ponctuées de discussions développées sur un long temps, que la rupture, qui n'avait pas de caractère soudain et imprévisible, se serait produite ;
177. Qu'elle aurait donc été amplement justifiée du fait que, lorsqu'une firme est sujette à une attaque directe de son concurrent principal qui est parvenu à faire de l'un de ses anciens clients les plus importants son distributeur exclusif pour tout le pays, cette firme dans son propre intérêt et celui de la concurrence ne pourrait que réagir sous peine de disparaître de ce marché national ;
178. Que la requérante ajoute que cette mesure justifiée n'aurait pas constitué un abus, car ce refus de livrer n'aurait pas affecté la concurrence effective sur le marché danois qui aurait enregistré une baisse de 40 % en deux semaines à la fin de 1974 sur le prix de détail des bananes Chiquita à la suite de la compétition entre les concurrents née de ces circonstances ;
179. Qu'enfin le refus de vendre à Olesen n'aurait pas eu d'effet sur les échanges entre états membres, car les bananes Dole ne font que transiter par l'Allemagne à partir de Hambourg, les bananes Chiquita à partir de Bemerhaven ;
180. Que ces transactions ne seraient donc pas intra-communautaires, mais constitueraient en réalité des échanges entre le Danemark et les pays tiers d'ou proviennent les bananes ;
181. Que c'est pour l'ensemble de ces raisons, le refus de vente ne constituant pas, en lui-même, une infraction spécifique, que la requérante estime que sa condamnation de ce chef n'est pas justifiée ;
182. Attendu qu'il convient, au vu de ces thèses contradictoires, d'affirmer dès l'abord qu'une entreprise disposant d'une position dominante pour la distribution d'un produit - bénéficiant du prestige d'une marque connue et appréciée des consommateurs - ne saurait cesser ses livraisons à un client ancien et respectant les usages commerciaux, lorsque les commandes de ce client ne présentent aucun caractère anormal;
183. Qu'un tel comportement serait contraire aux objectifs énoncés à l'article 3 f) du traité, explicités par l'article 86, notamment aux paragraphes b) et c ), puisque le refus de vendre limiterait les débouchés au préjudice des consommateurs et établirait une discrimination pouvant aller jusqu'à l'élimination d'un partenaire commercial du marché en cause;
184. Qu'il importe donc de savoir si la cessation de fournitures, en octobre 1973, de la part d'UBC était justifiée ;
185. Que la raison exprimée se trouve dans la lettre de la requérante du 11 octobre 1973, dans laquelle elle reproche nettement à Olesen d'avoir participé à une campagne de promotion pour un de ses concurrents ;
186. Qu'UBC a, par la suite, ajouté à ce motif un certain nombre de griefs tels que celui d'être le représentant exclusif de son principal concurrent sur le marché danois ;
187. Que cette situation n'était pas nouvelle, puisqu'elle datait de 1969, qu'en tout cas elle n'était pas contraire aux usages loyaux du commerce ;
188. Que, finalement, aucun argument pertinent n'a été avancé par UBC pour justifier le refus de livrer ;
189. Que s'il est exact, comme le fait remarquer la requérante, que l'existence d'une position dominante ne saurait priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, et qu'il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger lesdits intérêts, on ne peut admettre de tels comportements lorsqu'ils ont précisément pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser ;
190. Que même si on peut admettre la possibilité d'une riposte, encore faut-il que celle-ci soit proportionnée à la menace, compte tenu de la puissance économique des entreprises en présence ;
191. Que la sanction du refus de livrer d'une entreprise en position dominante dépassait la mesure qui pouvait être éventuellement et raisonnablement envisagée pour sanctionner une attitude semblable à celle qu'UBC reprochait à Olesen;
192. Qu'en effet, UBC ne pouvait pas ignorer qu'elle dissuaderait, ce faisant, ses autres mûrisseurs-distributeurs d'appuyer la publicité pour d'autres marques et conforterait encore puissamment sa position de force sur le marché en cause par la valeur exemplaire de la sanction prise à l'égard de l'un d'entre eux ;
193. Qu'un tel procédé porte ainsi atteinte gravement à l'indépendance des petites et moyennes entreprises en relations commerciales avec l'entreprise en position dominante, indépendance qui implique le droit de donner la préférence aux produits des concurrents;
194. Qu'en l'occurrence, l'emploi d'un tel procédé tend à altérer gravement la concurrence sur le marché en cause de la banane en ne laissant subsister que des firmes dépendantes de l'entreprise dominante;
195. Attendu que l'argument de la requérante, relatif à la baisse de 40 % du prix des bananes sur le marché danois qui, d'après elle, montrerait que la concurrence n'a pas été affectée par le refus de livrer à Olesen, ne peut être retenu ;
196. Qu'en effet, cette baisse n'a été que la conséquence de la concurrence très vive - qualifiée à l'époque de " guerre des bananes "- à laquelle se sont livrées les deux sociétés transnationales UBC et Castle et Cooke ;
197. Attendu que la requérante soutient que le refus de livrer n'a pas pu avoir d'incidence sur le commerce intra-communautaire, car d'après elle toutes les bananes venant de pays tiers (Amérique Latine) et transitant simplement dans les pays du marché commun avant d'arriver dans l'état membre où elles sont consommées, ne participeraient pas au commerce intra-communautaire;
198. Attendu que si cet argument était valable, l'ensemble du commerce européen d'UBC traitant des marchandises de pays tiers, échapperait au droit communautaire;
199. Qu'en fait, lorsque Olesen a été privé de livraison, il a été dans l'impossibilité d'acheter des bananes Chiquita à Bremerhaven et donc d'importer au Danemark les mêmes quantités de bananes qu'avant l'application de cette mesure ;
200. Qu'il a été dans l'obligation d'acheter des bananes d'autres marques en dehors du Danemark et de les importer au Danemark ;
201. Qu'en outre, lorsque le détenteur d'une position dominante établi dans le Marché Commun tend à éliminer un concurrent également établi sur ce marché, il est indifférent de savoir si ce comportement concerne les échanges entre Etats membres, dès qu'il est constant que cette élimination aura des répercussions sur la structure de la concurrence dans le Marché Commun;
202. Qu'il en résulte que le refus d'approvisionner un client régulier de longue date qui achète en vue de revendre dans un autre Etat membre influe sur le mouvement habituel des échanges et a un effet sensible sur le commerce entre Etats membres;
203. Que la conclusion de la décision selon laquelle UBC avait enfreint l'article 86 du traité en refusant de livrer à Olesen est donc justifiée ;
Section 2 - De la politique des prix
Paragraphe 1. Les prix discriminatoires
204. Attendu que toutes les bananes commercialisées par UBC sous la marque " Chiquita " sur le marché en cause sont de la même origine géographique, de la même variété (Cavendish-Valery) et de qualité quasiment identique ;
205. Qu'elles sont déchargées dans deux ports, Rotterdam et Bremerhaven, où les coûts de débarquement ne diffèrent que de quelques cents de dollar par boîte de 20 kg, et revendues, sauf à SCIPIO et en Irlande, aux mêmes conditions de vente et de paiement, après avoir été chargées sur les wagons ou les camions des acheteurs, le prix d'une boîte se situant en moyenne entre 3 et 4 dollars et passant à 5 dollars en 1974 ;
206. Que les prix de transport des ports de débarquement aux lieux des mûrisseries et le montant éventuel des droits du tarif douanier extérieur commun sont supportés par l'acheteur, sauf en Irlande ;
207. Que, dans ces conditions, on aurait pu s'attendre à ce que tous les clients venant s'approvisionner à Rotterdam et à Bremerhaven se voient proposer par UBC le même prix de vente des bananes Chiquita ;
208. Attendu que la Commission reproche à la requérante d'appliquer chaque semaine pour ses bananes vendues sous marque - et cela sans raison objective - un prix de vente qui diffère sensiblement en fonction de l'Etat membre où ses clients sont établis ;
209. Que cette politique de prix différents selon les états membres auxquels les bananes sont destinées aurait été appliquée au moins depuis l'année 1971 pour les clients de la République fédérale d'Allemagne, des Pays-Bas et de l'UEBL, auxquels seraient venus s'ajouter depuis janvier 1973 ceux du Danemark et depuis novembre 1973 ceux de l'Irlande ;
210. Que les écarts hebdomadaires maximaux constatés entre deux destinations auraient été en moyenne sur l'ensemble de l'année 1971, de 17,6 % - en 1972, de 11,3 % - en 1973, de 14,5 % - en 1974, de 13,5 % ;
211. Que les écarts hebdomadaires les plus élevés (prix par boîte) auraient respectivement été entre les clients allemands, d'une part, et les clients belgo-luxembourgeois et néerlandais, d'autre part :
en 1971 de 32 % et de 37 %,
- en 1972 de 21 % et de 30 %,
- en 1973 de 18 % et de 43 %,
- en 1974 de 25 % et de 54 %,
et entre les clients danois, d'une part, et les clients belgo-luxembourgeois et néerlandais, d'autre part :
- en 1973 de 24 % et de 54 %,
- en 1974 de 16 % et de 17 % ;
212. Que le prix demandé aux clients belges serait en moyenne plus élevé de 80 % que celui payé par les clients irlandais ;
213. Qu'il existerait un écart maximal de 138 % entre le prix rendu Rotterdam pratiqué par UBC à ses clients irlandais et le prix For Bremerhaven pratiqué aux clients danois, c'est-à-dire que le prix payé par les clients danois représenterait 2,38 fois le prix payé par les clients irlandais ;
214. Que la Commission qualifie ces faits d'abus de position dominante pour application à l'égard de partenaires commerciaux de conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
215. Attendu que la requérante déclare que ses prix seraient déterminés par la loi du marché et qu'ils ne sauraient donc être discriminatoires ;
216. Que, d'ailleurs, la différence moyenne de prix pour les bananes Chiquita entre les marchés nationaux en cause ne se serait élevée qu'a 5 % en 1975 ;
217 Que, chaque semaine, le prix serait calculé de façon à refléter autant que possible de manière anticipée le prix du marché des bananes mûres Chiquita au cours de la semaine suivante pour chaque marché national ;
218. Que ce prix fixé par la centrale de Rotterdam après discussions et négociations entre les représentants locaux de la requérante et les mûrisseurs-distributeurs devrait obligatoirement tenir compte des caractéristiques propres de la situation concurrentielle dans le cadre de laquelle les mûrisseurs-distributeurs opèrent dans chaque pays ;
219. Qu'il trouverait sa justification objective dans le prix du marché moyen anticipé ;
220. Que ces différences de prix seraient dues aux facteurs fluctuants du marché, tels que temps, présence de fruits de saison sur un marché plutôt que sur un autre, comportement des consommateurs, congés, grèves, mesures gouvernementales, taux de change différents ;
221. Qu'en somme, la requérante se verrait demander par la Commission de prendre les mesures appropriées pour créer un marché unique de la banane, alors que celle-ci n'a pas été en mesure de le réaliser ;
222. Que, tant que les institutions communautaires n'auront pas créé les mécanismes d'un marché unique de la banane et que les divers marchés resteront nationaux et répondront aux rapports entre l'offre et la demande qui leur sont propres, il serait impossible d'éviter que des différences de prix n'existent entre ces marchés ;
223. Attendu qu'il ressort des réponses fournies par UBC aux demandes de renseignements de la Commission (lettres des 14 mai, 13 septembre, 10 et 11 décembre 1974, et 13 février 1975) qu'UBC applique, chaque semaine, pour ses bananes vendues sous la marque Chiquita un prix de vente qui diffère dans les proportions rappelées par la Commission à ses clients selon l'état membre ou ceux-ci exercent leur profession de mûrisseurs-distributeurs ;
224. Que les différences dans ces prix pourront atteindre certaines semaines 30 a 50 %, alors que les prestations fournies sont équivalentes (exception faite pour le groupe SCIPIO, avec cette remarque que les bananes sortant des mûrisseries SCIPIO sont vendues au même prix que celles vendues par les mûrisseurs indépendants);
225. Qu'en effet, les bananes vendues par UBC proviennent des mêmes bateaux, déchargés aux mêmes coûts à Rotterdam ou à Bremerhaven et que les différences de prix concernent des quantités sensiblement égales de bananes de la même variété, de maturation semblable, de qualité quasi-identique, vendues sous la même marque Chiquita aux mêmes conditions de vente et de paiement, pour être chargées sur les moyens de transport des acheteurs, qui sont tenus par ailleurs de payer les droits de douane et le transport à partir de ces ports et les charges fiscales ;
226. Que cette politique de prix discriminatoires a été appliquée par UBC aux clients d'Allemagne, des Pays-Bas et de l'UEBL depuis 1971, auxquels sont venus s'ajouter ceux du Danemark depuis le début de l'année 1973 et ceux d'Irlande depuis novembre 1973 ;
227. Que s'il n'incombe pas à la requérante de réaliser le marché unique de la banane, elle ne peut essayer de tirer du marché " ce qu'il peut supporter ", qu'à condition de respecter les règles régulatrices et coordinatrices du marché mises en place par le traité ;
228. Que si l'on peut comprendre que des différences dans les frais de transport, la fiscalité, les droits de douane, les salaires de la main-d'œuvre, les conditions de commercialisation, les différences de parité des monnaies, la densité de la concurrence peuvent éventuellement aboutir à des niveaux de prix de revente au détail différents selon les Etats membres, il s'agit là d'éléments qu'UBC n'a à prendre en considération que dans une mesure limitée, puisqu'elle vend un produit rigoureusement identique et au même endroit à des distributeurs-mûrisseurs qui - seuls - ont à supporter les aléas du marché des consommateurs ;
229. Que le jeu de l'offre et de la demande ne devrait essentiellement s'appliquer qu'à chaque stade ou celui-ci s'exprime réellement ;
230. Que les mécanismes du marché sont altérés si le prix est calculé en prenant en considération non pas la loi de l'offre et de la demande entre le vendeur (UBC) et l'acheteur (les distributeurs-mûrisseurs) mais, en sautant un échelon du marché, entre le vendeur et le consommateur final;
231. Qu'ainsi, en raison de sa position dominante, UBC renseignée par ses représentants locaux pouvait en fait imposer son prix de vente à l'acheteur intermédiaire, que ce prix n'était fixé et communiqué au client que quatre jours avant l'arrivée du navire transporteur à quai, ainsi que le " quota hebdomadaire alloué ";
232. Que ces prix discriminatoires selon les Etats membres constituaient autant d'obstacles à la libre circulation des marchandises, dont l'effet était accentué par la clause interdisant de revendre des bananes à l'état vert et par la limitation de livraisons des quantités commandées;
233. Qu'ainsi était créé un cloisonnement rigide des marchés nationaux à des niveaux de prix artificiellement différents, entraînant pour certains distributeurs-mûrisseurs un désavantage dans la concurrence ainsi faussée par rapport à ce qu'elle aurait dû être;
234. Qu'en conséquence, la politique des prix inégaux, permettant à UBC d'appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant un désavantage dans la concurrence, constituait une exploitation abusive de position dominante ;
Paragraphe 2. Les prix non équitables
235. Attendu que la Commission estime qu'UBC a également abusé de sa position dominante en pratiquant des prix de vente non équitables, en l'occurrence des prix qu'elle juge " exagérés par rapport à la valeur économique de la prestation fournie " à l'égard de ses clients allemands (à l'exception du groupe SCIPIO), danois, néerlandais et de l'UEBL ;
236. Que la politique de cloisonnement du marché en cause aurait permis à UBC de pratiquer pour les bananes Chiquita des prix soustraits à une concurrence effective et qui atteindraient souvent, pour un produit alimentaire de grande consommation, des écarts élevés qui ne pourraient être justifiés de manière objective ;
237. Que ces écarts révéleraient que les prix les plus élevés sont excessifs par rapport aux prix les plus bas, et cela d'autant plus que ceux-ci seraient rentables ;
238. Qu'à la suite d'une lettre d'UBC du 10 décembre 1974, il serait apparu justifié à la Commission, sans analyse de la structure des coûts d'UBC, de considérer les prix pratiqués aux clients irlandais comme indicatifs et que les écarts entre les prix CIF Dublin rendus Rotterdam et les autres prix pratiqués par UBC pour ses ventes For à Rotterdam ou à Bremerhaven exprimeraient des profits de même ordre de grandeur que ces écarts ;
239. Que les prix pratiqués par UBC à ses clients allemands (exception faite pour le groupe SCIPIO ), danois, néerlandais et de l'UEBL, seraient nettement plus élevés et parfois supérieurs de plus de 100 % aux prix pratiqués à ses clients irlandais et comporteraient pour elle un profit très élevé et exagéré par rapport à la valeur économique de la prestation fournie ;
240. Que la portée de ces remarques serait encore accentuée par le fait qu'une différence de prix de 30 a 40 % existe entre les bananes Chiquita et les bananes non marquées, alors que la qualité de ces dernières ne serait que légèrement inférieure à celle des bananes sous label et par le fait que le prix des bananes vendues sans marque et de qualité comparable par ses principaux concurrents serait moins élevé, alors que leurs entreprises seraient rentables ;
241. Qu'au vu de cette situation, la Commission considérerait comme indiquée une réduction du niveau des prix d'au moins 15 % au-dessous des prix pratiqués par UBC à ses clients du marché en cause, excepté les irlandais, étant donné que les prix non équitables pratiqués constitueraient un abus de position dominante de la part d'UBC ;
242. Attendu que la requérante - s'opposant à la thèse de la Commission - souligne le très bas prix des bananes à tous les niveaux de la chaîne bananière, caractérisé par le prix d'une tonne de bananes importée en Allemagne, en 1956, au prix de 697 dm et tombé à 458 dm en 1973, ce qui correspondrait à une diminution de 50 % en termes réels ;
243. Que le raisonnement de la Commission, pour démontrer qu'UBC pratique des prix excessifs, serait erroné car fondé sur la lettre du 10 décembre 1974 - indiquant " qu'UBC avait vendu des bananes aux mûrisseurs irlandais à des prix lui laissant une marge considérablement plus étroite que dans certains autres Etats membres " - dont les termes établis avant le 31 décembre 1974, date de la clôture de l'exercice financier, auraient été démentis à deux reprises différentes par la requérante et que, d'un document annexé à la requête, il apparaîtrait que les prix pratiqués en Irlande ont laissé un déficit à UBC ;
244. Qu'il aurait donc été arbitraire de partir de prix irlandais, pratiqués pendant quelques mois pour avoir accès au marché irlandais, lequel, pour 1974, n'aurait représenté que 1,6 % des quantités totales importées dans l'ensemble du marché en cause, pour calculer les profits qui auraient été réalisés sur le reste du marché en cause et durant les années antérieures, alors que les prix pratiqués n'auraient pas permis de réaliser des bénéfices de 1970 à 1974 inclus sur ce marché en cause ;
245. Que la requérante estime que la différence de prix entre les bananes marquées et celles sans label serait justifiée, car les précautions prises de la cueillette à la vente au consommateur expliqueraient amplement cette différence ;
246. Qu'elle s'efforce de démontrer, par ailleurs, qu'il existerait de réelles différences de qualité entre les bananes Chiquita et les autres marques et que la différence de prix - en moyenne 7,4 % entre 1970 et 1974 - serait justifiée ;
247. Que l'injonction de réduire ses prix de 15 % serait incompréhensible, s'agissant de prix qui varient chaque semaine sur tout le marché en cause, et impraticable, car une réduction de cet ordre l'amènerait à vendre au-dessous des prix pratiqués par ses concurrents une banane supérieure en qualité à la leur ;
248. Attendu que le fait pour une entreprise en position dominante d'imposer, de façon directe ou indirecte, des prix d'achat ou de vente non équitables constitue une pratique abusive condamnable au sens de l'article 86 du traité;
249. Qu'il convient donc de rechercher si le détenteur de cette position a utilisé les possibilités qui en découlent pour obtenir des avantages de transactions qu'il n'aurait pas obtenus en cas de concurrence praticable et suffisamment efficace ;
250. Qu'un tel abus consisterait, en l'espèce, dans la pratique d'un prix excessif sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie;
251. Que cette exagération pourrait, entre autres, être objectivement appréciée si elle pouvait être mesurée en comparant le prix de vente du produit en cause à son prix de revient, comparaison d'où se dégagerait l'importance de la marge bénéficiaire, mais que cependant la Commission n'a pas faite, en ne procédant pas à une analyse de la structure des coûts d'UBC ;
252. Qu'il s'agirait alors d'apprécier s'il existe une disproportion excessive entre le coût effectivement supporté et le prix effectivement réclamé et, dans l'affirmative, d'examiner s'il y a imposition d'un prix inéquitable, soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits concurrents;
253. Qu'il peut être conçu d'autres méthodes - et la doctrine économique ne s'est pas fait faute d'en concevoir plusieurs - pour dégager les critères du prix inéquitable d'un produit;
254. Que tout en mesurant les difficultés non négligeables et quelquefois très grandes d'établissement d'un prix de revient qui peut comporter parfois une répartition discrétionnaire des coûts indirects et des frais généraux et qui peut présenter d'importantes différenciations selon l'importance de l'entreprise, son objet, sa complexité, son étendue territoriale, l'unicité ou la diversité de ses fabrications, le nombre de ses filiales et leur imbrication, celui relatif à la banane ne parait pas présenter de problèmes insurmontables à résoudre ;
255. Qu'en effet, en l'espèce, il apparaît d'une étude effectuée par la conférence des nations unies sur le commerce et le développement, en date du 10 février 1975, que la structure de la production, de l'emballage, du transport, de la commercialisation et de la distribution des bananes aurait pu permettre le calcul approché du coût de revient de ce fruit et, en conséquence, de mesurer au vu de son prix de vente aux mûrisseurs-distributeurs, si celui-ci était excessif ;
256. Qu'il appartenait au moins à la Commission de réclamer à UBC tous les éléments constitutifs de son prix de revient ;
257. Que la véracité du contenu des documents fournis aurait peut-être pu être mise en cause, mais qu'il se serait alors agi d'une question de preuve ;
258. Que la Commission déduit l'existence de prix excessifs d'une analyse des écarts - excessifs à son avis - entre les prix pratiqués dans différents états membres, en liaison avec la politique de prix discriminatoires ci- dessus examinée ;
259. Qu'elle a pris pour base de sa démonstration la lettre de la requérante du 10 décembre 1974 qui reconnaissait que la marge que lui laissait la vente des bananes aux mûrisseurs irlandais était considérablement plus étroite que dans certains autres états membres et en a déduit que les écarts entre les prix CIF Dublin rendus Rotterdam et les autres pratiqués par UBC pour ses ventes For à Rotterdam ou à Bremerhaven exprimaient des profits de même ordre de grandeur que ces écarts ;
260. Que, constatant que les prix pratiqués aux mûrisseurs des autres états membres étaient nettement supérieurs, parfois de 100 %, aux prix pratiqués à l'égard des clients irlandais, elle a conclu qu'UBC réalisait des profits très élevés ;
261. Attendu que la Commission n'a cependant pas tenu compte, dans ce raisonnement, de plusieurs lettres d'UBC accompagnées d'un document confidentiel démentant les termes de la lettre du 10 décembre 1974 et indiquant que les prix pratiqués en Irlande lui avaient laissé un déficit ;
262. Que la requérante ajoute que les prix pratiqués sur le marché en cause ne lui ont pas permis de réaliser des profits au cours des cinq dernières années, sauf en 1975 ;
263. Que ces affirmations de la requérante ne sont pas appuyées par des documents comptables justificatifs des comptes consolidés du groupe UBC, ni même des comptes consolidés au niveau du marché en cause ;
264. Qu'aussi sujets à caution que puissent être les éléments fournis par UBC (et en particulier le document déjà cité et calculant des " pertes " sur le marché irlandais en 1974 sans justification sérieuse), il n'en reste pas moins que c'est à la Commission à fournir la preuve que la requérante pratiquait des prix inéquitables ;
265. Qu'en raison des dénégations d'UBC insuffisamment réfutées par la Commission, il s'avère que la base du calcul adoptée par celle-ci pour faire sa démonstration de prix excessifs est sujette à critique et que, sur ce point précis, il subsiste un doute qui doit profiter à la requérante, et ce d'autant plus que depuis près de 20 ans les prix de la banane en prix constants n'ont pas augmenté sur le marché en cause ;
266. Que s'il est exact aussi qu'une différence de prix existe entre le prix des bananes Chiquita et celui de ses principaux concurrents, celle-ci est de 7 % environ, taux non contesté et qui ne peut être automatiquement considéré comme exagéré et donc inéquitable;
267. Que, dans ces conditions, il apparaît que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit les faits et appréciations sur lesquels elle s'était fondée pour condamner UBC pour avoir imposé de façon directe ou indirecte des prix de vente de la banane non équitables;
268. Qu'il y a donc lieu d'annuler l'article 1, lettre c ), de la décision ;
Chapitre III - De la régularité de la procédure
Section 1 - Des griefs relatifs à la violation des droits de la défense
269. Attendu que la requérante se plaint de la rapidité avec laquelle se serait déroulée la procédure administrative officielle, d'erreurs matérielles contenues dans la communication des griefs qu'elle aurait signalées et qui n'auraient pas été rectifiées - tels que les prétendus bénéfices réalisés en Irlande -, de la brièveté ou de l'ambiguïté de la motivation de certains griefs tels que celui concernant les prix inéquitables et qu'elle estime que ce comportement de la Commission aurait porté atteinte aux droits de la défense;
270. Attendu que l'article 11 du règlement n° 99-63 de la Commission du 25 juillet 1963 recommandé à celle-ci de " prendre en considération le temps nécessaire à l'établissement des observations ", délai qui ne peut être inférieur à deux semaines ;
271. Qu'à la suite d'une enquête préliminaire d'environ une année, la procédure administrative a été engagée le 9 mars 1975 ;
272. Qu'UBC a eu deux mois (du 11 avril 1975 au 12 juin 1975) pour présenter ses observations et que c'est elle-même qui a sollicité l'audition du 24 juin 1975 comme prévu à l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 17 du 6 février 1962 ;
273. Qu'il apparaît de ces dates, que la procédure a été conduite dans des délais normaux et ne peut subir le reproche d'une procédure précipitée ;
274. Attendu qu'en ce qui concerne l'imputation de motivation insuffisante des griefs, l'article 4 du règlement n° 99-63 prévoit que, dans ses décisions, la Commission ne retient que les griefs au sujet desquels le destinataire de l'acte a eu l'occasion de faire connaître son point de vue ;
275.Que l'exposé des griefs répond à cette exigence dès lors qu'il énonce, même sommairement, mais de manière claire, les faits essentiels sur lesquels se base la Commission ;
276. Que, dans sa communication du 19 mars 1975, celle-ci a clairement exposé les faits essentiels sur lesquels elle fondait les griefs articulés et a indiqué dans quelle mesure UBC détiendrait une position dominante et l'aurait exploitée abusivement ;
277. Que, dés lors, il n'apparaît pas qu'au cours de la procédure devant la Commission, le droit de défense des parties ait été violé ;
278. Qu'en ce qui concerne les autres griefs, ils dépendaient de la discussion sur le fond ;
279. Que ce moyen n'est donc pas fondé ;
Section 2 - De la demande de dommages-intérêts de la requérante
280. Attendu que la requérante se plaint que l'attitude de la Commission dans le déroulement de la procédure ait été empreinte de partialité ;
281. Que, pour tenter de justifier ce grief, elle cite : l'exagération des écarts de prix entre les pays retenus par la Commission, la description qu'elle déclare erronée des progrès réalisés par UBC sur le marché irlandais, une présentation qui serait fallacieuse d'une étude de la FAO concernant la concurrence entre les bananes et les fruits d'été, l'assertion que " les bananes ne peuvent être transportées qu'à l'état vert ", la présentation inexacte de la réduction des livraisons à Olesen ;
282. Attendu que l'examen de l'exactitude de ces reproches relève du fond de l'affaire et que les parties ont longuement développé leur point de vue à leur sujet ;
283. Que rien ne permet de dire que la Commission ait fait ces citations d'une manière tendancieuse ;
284. Attendu que la requérante déclare avoir subi un préjudice moral du fait qu'un agent de la Commission, avant l'adoption de la décision, aurait confié à un journal des commentaires dénigrants sur le comportement commercial d'UBC, commentaires qui auraient été repris par la presse mondiale et auraient fait apparaître comme établie l'existence des infractions alléguées, alors que les intéressés n'avaient pas encore fait valoir leurs moyens de défense ;
285. Que, de ce fait, la Commission n'aurait plus été en état d'apprécier sereinement les faits de la cause et les arguments avancés par la requérante ;
286. Attendu qu'aucun élément du dossier ne permet de présumer que la décision attaquée n'aurait pas été prise ou aurait eu un contenu différent, sans l'existence de ces manifestations litigieuses qui en elles-mêmes sont regrettables ;
287. Que rien n'indique que la Commission a eu une attitude de nature à altérer la conduite normale de la procédure ;
288. Que, dans ces conditions, la demande de dommages-intérêts portée contre elle doit être rejetée ;
Chapitre IV - Des sanctions
289. Attendu que la Commission, pour infliger une amende d'un million d'unités de compte pour les quatre infractions qu'elle a retenues à la charge d'UBC, en relevant que cette dernière " avait fait preuve, à tout le moins, de négligence ", a pris en considération leur gravité, leur durée et l'importance de l'entreprise;
290. Attendu qu'en ce qui concerne leur gravité, elle les a placées dans leur contexte économique et juridique, en retenant leur interrelation et leurs conséquences manifestement contraires aux objectifs de l'intégration des marchés et en tenant compte du fait que la banane est un produit de grande consommation ;
291. Attendu qu'en ce qui concerne la durée des infractions, la Commission a considéré que l'interdiction de revendre les bananes à l'état vert ne devait être prise en considération que de janvier 1967 au 15 novembre 1968, date de la notification à la Commission des conditions générales de vente pour les Pays-Bas ;
292. Qu'il en résulterait qu'en raison des agissements d'UBC postérieurs au 15 novembre 1968 et qui sont restés dans les limites de l'activité à laquelle la notification se réfère, il n'y aurait plus lieu de constater une négligence de la part d'UBC et que ces agissements postérieurs n'ont d'ailleurs pas été sanctionnés par l'amende;
293. Qu'en outre, lors de la procédure de référé du 5 avril 1976, la Commission a pris acte de la modification de la clause litigieuse, tout en estimant qu'elle aurait dû intervenir plus tôt ;
294. Attendu que, selon la Commission, la cessation des livraisons de bananes Chiquita à OLESEN s'est placée entre le 10 octobre 1973 et le 11 février 1975 et que la Commission dit avoir pris en considération le fait qu'UBC a mis fin spontanément à cette infraction ;
295. Attendu que les comportements relatifs à la politique des prix existaient au moins depuis l'année 1971 à l'égard des clients UBC établis en Allemagne, aux Pays-Bas et en UEBL, depuis janvier 1973 des clients danois, et depuis novembre 1973 des clients irlandais ;
296. Attendu qu'enfin selon la Commission, le montant de l'amende a été fixé à un million d'unités de compte par rapport au chiffre d'affaires total d'UBC qui est d'environ deux milliards de dollars et à celui de cinquante millions de dollars réalisé pour les bananes sur le marché en cause, ainsi qu'aux profits très élevés réalisés grâce à sa politique des prix ;
297. Attendu qu'en outre, pour obliger UBC à mettre fin à ces infractions pour autant qu'elle ne l'avait pas fait spontanément, elle l'a condamnée, sous astreinte, à communiquer la suppression de l'interdiction de revendre les bananes vertes à tous ses mûrisseurs-distributeurs établis en Allemagne, au Danemark, en Irlande, aux Pays-Bas et en UEBL, au plus tard le 1 février 1976, et à la Commission, deux fois par an pendant une période de deux ans, les prix qu'elle a pratiqués au cours du semestre précédent aux mêmes clients ;
298. Attendu que la requérante soutient qu'elle ne savait pas qu'elle occupait une position dominante et donc, encore moins, qu'elle en avait fait une exploitation abusive et ce d'autant plus que, selon la jurisprudence de la Cour, jusqu'ici n'auraient été retenues en position dominante que des entreprises en situation de monopole ou contrôlant une part considérable du marché ;
299. Attendu qu'UBC est une entreprise qui, par son ancienneté dans la pratique des commerces internationaux et nationaux, connaît particulièrement les législations relatives à la concurrence dont elle à déjà eu à subir les rigueurs;
300. Qu'en mettant en place un système commercial combinant l'interdiction de vendre des bananes vertes, des prix discriminatoires, des livraisons inférieures à la quantité commandée, tout ceci pour aboutir à un cloisonnement strict des marchés nationaux, UBC prenait des mesures dont elle savait ou aurait dû savoir qu'elles violaient l'interdiction énoncée à l'article 86 du traité;
301. Que c'est donc à bon droit que la Commission a constaté qu'UBC avait commis ces infractions en faisant preuve pour le moins d'une négligence;
302. Attendu que le montant de l'amende infligée ne parait pas disproportionné par rapport à la gravité et à la durée des infractions (ainsi qu'à l'importance de l'entreprise );
303. Qu'il convient cependant de tenir compte de l'annulation partielle de la décision, et de réduire en conséquence le montant fixé par la Commission ;
304. Qu'il apparaît justifié de réduire le montant de l'amende à 850 000 (huit cent cinquante mille) unités de compte, à payer dans la monnaie nationale de l'entreprise requérante dont le siège est situé dans la communauté, soit 3 077 000 florins néerlandais (trois millions soixante-dix-sept mille florins néerlandais );
Sur les dépens
305. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens ;
306. Qu'en vertu du paragraphe 3 du même article, la cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels ;
307. Attendu, quant aux dépens de la procédure au principal, que la Commission a succombé sur l'un des griefs faits à la requérante, en vertu de l'annulation de la partie correspondante de la décision ;
308. Que chaque partie supportera ses propres dépens ;
309. Attendu qu'il convient par ailleurs de compenser les dépens du référé ;
par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête :
1) l'article 1, lettre c ), de la décision de la Commission IV-26.699 Chiquita du 17 décembre 1975 (JO n° L. 95 du 9.4.1976, p. 1 et suiv.) est annulé.
2) le montant de l'amende infligée à UBC et UBCBV est réduit à 850 000 (huit cent cinquante mille) unités de compte, à payer dans la monnaie nationale de l'entreprise requérante dont le siège est situé dans la communauté, soit 3 077 000 florins néerlandais (trois millions soixante-dix-sept mille florins néerlandais );
3) la requête est rejetée pour le surplus ;
4) chaque partie supportera ses propres dépens, y compris les dépens du référé.