CJCE, 16 novembre 1977, n° 13-77
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GB-Inno-BM (SA)
Défendeur :
Association des détaillants en tabac
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutscher
Présidents de chambre :
MM. Sorensen, Bosco
Avocat général :
M. Reischl
Juges :
MM. Donner, Mertens de Wilmars, Pescatore, Mackenzie Stuart, O'Keeffe, Touffait
Avocats :
Mes Van Brunnen, Waelbroeck, Dassesse, Bayard, Goffin, Braun, Thys, Kemmler
LA COUR :
1. Attendu que, par arrêt du 7 janvier 1977, parvenu à la Cour le 26 janvier 1977, la Cour de cassation de Belgique a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions sur l'interprétation des articles 3 f), 5, alinéa 2, 30, 31, 32, 86 et 90 du traité, ainsi que de la directive n° 72-464-CEE du conseil (JO n° L 303, p. 3) concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés ;
2. Que le litige, dans le cadre duquel ces questions ont été soulevées, oppose une société anonyme belge, " GB-Inno-BM ", qui exploite en Belgique plusieurs magasins à grande surface, à l'association sans but lucratif " Association des détaillants en tabac " (ci-après ATAB) ;
3. Qu'il ressort du dossier que, par ordonnance du 24 avril 1972, suite à une action introduite par ATAB, le Président du Tribunal de commerce de Bruxelles a condamné la société, dont GB-Inno-BM est l'ayant cause, à cesser de vendre ou d'offrir en vente des cigarettes à un prix inférieur à celui indiqué sur la bandelette fiscale, au motif que cette pratique constituerait un acte de concurrence déloyale et une violation de l'article 58 de la loi belge du 3 juillet 1969 (Code de la taxe sur la valeur ajoutée), qui est rédigé comme suit :
" En ce qui concerne les tabacs fabriqués, importés ou produits dans le pays, la taxe est perçue dans tous les cas où, en vertu des dispositions légales ou réglementaires relatives au régime fiscal des tabacs, le droit d'accise doit être acquitté. La taxe est calculée sur la base du prix inscrit sur la bandelette fiscale, qui doit être le prix imposé de vente au consommateur, ou, si aucun prix n'est prévu, sur la base adoptée pour la perception du droit d'accise ";
4. Que l'appel de cette ordonnance introduit par GB-Inno-BM ayant été rejeté par la Cour d'appel de Bruxelles, par arrêt du 24 novembre 1974, cette société s'est pourvue en cassation ;
La législation nationale
5. Attendu qu'en Belgique les tabacs manufacturés sont soumis à un régime d'accises caractérisé par l'application d'un droit d'accise " ad valorem " calculé sur le prix de vente au détail, "TVA comprise";
6. Que le montant cumulé de ces deux impositions est acquitté par le fabricant ou l'importateur, lors de l'achat des bandelettes fiscales qui seront apposées sur les divers produits de tabac fabriqués ou importés et qui indiquent le prix de vente au détail ;
7. Attendu qu'il est interdit de vendre des produits de tabac au consommateur à un prix supérieur au prix de vente au détail figurant sur la bandelette ;
8. Qu'en matière d'accises, la même interdiction est formellement prévue au paragraphe 12 du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 22 janvier 1948 réglant la perception des droits d'accise sur le tabac manufacturé ;
9. Qu'en matière de TVA, l'interdiction, se déduit du fait que l'article 58, paragraphe 1, de ladite loi du 3 juillet 1969 renvoie aux principes en matière d'exigibilité et de perception d'accises ;
10. Attendu qu'il est également interdit de vendre au consommateur des produits de tabac à un prix inférieur à celui qui figure sur la bandelette fiscale ;
11. Que si, à l'époque des faits, cette interdiction n'était pas en vigueur en matière d'accises, elle l'était, toutefois, en matière de TVA, en vertu de l'article 58, paragraphe 1, de la loi du 3 juillet 1969, déjà cité ;
12. Attendu que les questions posées par la Cour de cassation doivent permettre à cette juridiction d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions de l'article 58, paragraphe 1, de la loi belge du 3 juillet 1969, dans la mesure où celles-ci imposent, pour la vente au consommateur, un prix de vente fixé par les fabricants ou importateurs ;
Observations générales
13. Attendu que, dans tous les États membres, l'imposition du tabac manufacturé constitue une source importante de revenus fiscaux, de sorte que les autorités compétentes doivent disposer de moyens effectifs pour assurer ces recettes ;
14. Qu'au stade actuel du droit communautaire, il appartient à chaque État membre de choisir sa propre méthode de contrôle fiscal des tabacs manufacturés mis en vente sur son territoire ;
15. Qu'en raison de la nécessité de satisfaire aux exigences des contrôles - rigoureux et souvent compliqués, différant au surplus d'un État membre à un autre - l'importation et l'exportation des tabacs manufacturés sont assujetties au moment actuel à des entraves inévitables et le commerce interétatique de ces produits nécessite, sous les conditions données, des ressources considérables et des connaissances spécialisées ;
16. Que, compte tenu de l'importante proportion fiscale contenue dans le prix de vente au consommateur, le bénéfice retenu par la marchand en gros et par le détaillant est relativement faible ;
17. Que, dans un système où, comme en Belgique, l'assiette de l'imposition du droit d'accise et de la TVA est le prix de vente au détail, une interdiction de vendre des produits de tabac au consommateur à un prix supérieur au prix de vente au détail figurant sur la bandelette constitue une garantie essentielle de caractère fiscal, destinée à éviter, de la part des producteurs, et importateurs, une sous-évaluation de leurs produits au moment du paiement de la taxe fiscale ;
18. Que, par contre, une interdiction de vendre au consommateur à un prix inférieur à celui qui figure sur la bandelette fiscale n'est pas nécessairement imposée pour des raisons fiscales mais, selon certains gouvernements intervenants, poursuivrait des buts plutôt socio-économiques en ce que, en éliminant la possibilité de rabais de toutes sortes lors de la vente au consommateur, elle viserait à maintenir une certaine structure de la vente au détail en évitant que celle-ci ne se concentre au désavantage des petits détaillants ;
19. Qu'on a fait encore valoir que le maintien d'un prix fixé au détail serait essentiel pour assurer que l'État membre serait certain d'obtenir effectivement les recettes des impôts sur les tabacs manufacturés ;
20. Que les recettes étant, dans un système tel que celui en cause, assurées lors de l'obtention des bandelettes fiscales, cet argument ne saurait cependant être retenu ;
21. Qu'enfin, il convient encore de faire remarquer que, dans un système tel que celui qui s'applique en Belgique, rien n'empêche en principe qu'un détaillant, par l'obtention de tabacs manufacturés munis de bandelettes fiscales appropriées, puisse déterminer son propre prix de vente au consommateur ;
22. Qu'en pratique, cependant, cette opération n'est possible qu'avec la coopération du fabricant ou de l'importateur d'une part, et des autorités fiscales nationales d'autre part, et que cette coopération, le cas échéant, peut être difficile à obtenir ;
23. Que c'est compte tenu de l'ensemble de ces considérations qu'il convient de répondre aux questions posées par la juridiction nationale ;
Quant à la première question
24. Attendu que, dans la première partie de la première question, la Cour de cassation demande si les articles 3 f), 5, alinéa 2, et 86 du traité doivent être interprétés dans ce sens qu'il est interdit aux États membres d'introduire ou de maintenir dans leur législation une disposition qui, tant pour les produits importés que pour les produits fabriqués dans le pays, impose, pour la vente au consommateur, un prix de vente fixé par les fabricants ou les importateurs, lorsque cette disposition :
- est de nature à favoriser l'exploitation abusive d'une position dominante sur le Marché commun par une ou plusieurs entreprises au sens de l'article 86 du traité ;
- favorise l'abus de position dominante par une ou plusieurs entreprises, position dominante qui consiste dans le fait que les fabricants et importateurs de tabacs manufacturés peuvent obliger les détaillants d'un État membre à respecter les prix de vente au consommateur fixés par eux ;
25. Que, dans la deuxième partie de la question, il est demandé, en premier lieu, s'il est interdit d'introduire ou de maintenir une telle mesure, même lorsqu'elle a une portée générale dans ce sens qu'elle vise n'importe quel fabricant ou importateur, c'est-à-dire aussi ceux qui ne détiennent pas une position dominante ou qui ne l'exploitent pas de façon abusive, et, a fortiori, lorsque son but, son objet ou son effet ne consiste aucunement dans un abus de position dominante ;
26. Qu'en deuxième lieu, il est demandé si les dispositions du traité mentionnées dans la première partie de la question ne doivent pas, dans un pareil cas, être interprétées dans ce sens que l'introduction ou le maintien d'une telle disposition n'est nullement interdite, mais qu'elle ne peut avoir aucune incidence sur le champ d'application de l'article 86 en ce sens qu'un abus de position dominante reste interdit, même lorsqu'il a en l'espèce été favorisé par cette disposition ;
27. Qu'il y a lieu de traiter ensemble les différentes parties de cette question ;
28. Attendu que le régime du marché unique, voulu par le traité, exclut, d'une part, toute réglementation nationale entravant directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire ;
29. Que, d'autre part, le but énoncé à l'article 3 f) est précisé dans plusieurs dispositions du traité relatives aux règles de concurrence, dont l'article 86, qui déclare incompatible avec le Marché commun, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante ;
30. Attendu que l'article 5, alinéa 2, du traité prévoit que les États membres s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité ;
31. Que, dès lors, s'il est vrai que l'article 86 s'adresse aux entreprises, il n'en est pas moins vrai aussi que le traité impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile de cette disposition ;
32. Que c'est ainsi que l'article 90 prévoit que les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire, notamment aux règles prévues aux articles 85 à 94 inclus ;
33. Que, pareillement, les États membres ne sauraient édicter des mesures permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par les articles 85 à 94 du traité;
34. Qu'en tout état de cause, l'article 86 interdit l'exploitation abusive, par une ou plusieurs entreprises, d'une position dominante, même si un tel abus est favorisé par une disposition législative nationale;
35. Que, de toute manière, une mesure nationale, qui a pour effet de faciliter l'exploitation abusive d'une position dominante susceptible d'affecter le commerce entre États membres, sera normalement incompatible avec les articles 30 et 34 qui interdisent les restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation, ainsi que toute mesure d'effet équivalent ;
36. Attendu que la compatibilité avec le traité d'un système de fixation des prix de vente au détail doit être appréciée par la juridiction nationale, compte tenu de l'ensemble des conditions d'application des dispositions du droit communautaire auxquelles il a été fait référence;
37. Qu'à cet égard, la Cour de cassation a pris en considération la possibilité, d'une part, que pourrait constituer une position dominante le fait que les fabricants et importateurs de tabacs manufacturés peuvent obliger les détaillants d'un État membre à respecter les prix de vente au consommateur fixés par eux et, d'autre part, que la mesure considérée comme portant atteinte éventuellement à l'article 86 en liaison avec l'article 5, alinéa 2, est une disposition qui impose le respect de ces prix lors de la vente au consommateur ;
38. Que, pour apprécier la compatibilité avec ces dispositions du droit communautaire de l'introduction où du maintien en vigueur d'une telle mesure, il incombe au juge national de déterminer en outre si, compte tenu des obstacles aux échanges interétatiques en tabacs manufacturés qui peuvent découler de la nature du régime fiscal en cause, cette mesure en tant que telle est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, condition pour que les interdictions de l'article 86 soient d'application ;
Quant à la deuxième question
39. Attendu que, par la deuxième question, la Cour de cassation demande si on se trouve en présence d'entreprises auxquelles l'État accorde des droits spéciaux ou exclusifs au sens de l'article 90 du traité lorsque l'État donne, au moyen d'une disposition législative, indirectement aux fabricants et importateurs de certains produits, contrairement au cas des fabricants et importateurs d'autres produits, la possibilité de fixer eux-mêmes le prix de vente au consommateur et si, en cas de réponse affirmative, le maintien de tels droits spéciaux ou exclusifs est contraire aux dispositions des articles 7 et 85 à 94 inclus du traité ;
40. Attendu qu'il convient de rappeler le fait que le régime fiscal en cause laisse au fabricant ou importateur la liberté de fixer un prix de vente au détail de ses produits inférieur au prix de vente des produits concurrents de même espèce, de même qualité et de mêmes caractéristiques ;
41. Que cette possibilité étant ouverte à tous ceux, y compris les détaillants, qui deviennent producteurs ou importateurs de tabacs manufacturés, et, dès lors, à une catégorie indéterminée d'entreprises, la qualification de celles-ci comme titulaires de droits " spéciaux " et, en tout cas, de droits " exclusifs " peut paraître douteuse ;
42. Que, toutefois, compte tenu des motifs de la réponse donnée à la première question, en ce sens que l'article 90 ne constitue de toute manière qu'une application particulière de certains principes généraux qui s'imposent aux États membres, une réponse à la deuxième question n'apparaît pas nécessaire ;
Quant à la troisième question
43. Attendu que cette question, qui est subdivisée en trois parties, tend à savoir, en premier lieu, si les articles 30, 31 et 32 du traité CEE doivent être interprétés dans ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative une réglementation d'un État membre qui, pour la vente de tabacs manufacturés au consommateur, impose un prix fixe qui est indiqué sur les bandelettes fiscales et qui, selon le cas, est fixé aussi bien par les fabricants de ces produits qui sont établis dans cet État que par les importateurs de ces mêmes produits, en particulier en provenance d'autres États membres ;
44. Qu'il est ensuite demandé si une pareille réglementation ne constitue une telle mesure que lorsqu'il est de fait certain qu'elle est susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les échanges communautaires, ce qui doit en l'espèce être vérifié par le juge national ;
45. Qu'en dernier lieu, la question vise à savoir si la situation est différente dans l'hypothèse où l'État membre permet aux producteurs et importateurs, après déclaration de hausse de prix moyennant respect d'un certain délai d'attente, de fixer les prix, y compris les prix de vente au détail, mais où il publie ces prix et impose leur respect au moyen de la mesure susmentionnée ;
46. Attendu que l'article 30 du traité interdit, dans le commerce entre États membres, toute mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative ;
47. Qu'aux fins de cette interdiction, il suffit que les mesures en question soient aptes à entraver, directement ou indirectement, actuellement, ou potentiellement, les importations entre États membres ;
48. Attendu qu'il convient de rappeler, ainsi qu'il est indiqué dans la directive de la Commission n° 70-50 du 22 décembre 1969 (JO n° L 13, p. 29), que sont des mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation " les mesures, autres que celles applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, qui font obstacle à des importations qui pourraient avoir lieu en leur absence, y compris celles qui rendent les importations plus difficiles ou onéreuses que l'écoulement de la production nationale ";
49. Que, toutefois, les mesures d'effet équivalent indiquées dans la directive ne comprennent pas les mesures qui font obstacle aux échanges interétatiques en raison de cet effet, mais qui sont déjà visées par le traité sous leur dénomination propre, et notamment en tant que mesures fiscales, ou sont en elles-mêmes permises en tant qu'expression ou moyen d'expression de pouvoirs retenus par les États membres ;
50. Que les entraves résultant des impôts indirects sont visées par l'article 99 du traité, qui impose à la Commission l'obligation de rechercher les moyens d'harmoniser dans l'intérêt du Marché commun les législations nationales en la matière, en liaison avec l'article 100, relatif au rapprochement des législations ;
51. Que le Conseil a arrêté, sur la base des articles précités, la directive n° 72-464, objet de la quatrième question, précisément parce qu'il considérait qu'il était dans l'intérêt du Marché commun d'harmoniser les règles d'imposition frappant la consommation des tabacs manufacturés en vue d'éliminer progressivement des régimes nationaux les facteurs susceptibles d'entraver la libre circulation et de fausser les conditions de concurrence ;
52. Que, si un prix maximal indistinctement applicable aux produits nationaux et importés ne constitue pas en lui-même une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, il peut cependant sortir un tel effet lorsqu'il est fixé à un niveau tel que l'écoulement des produits importés devient, soit impossible, soit plus difficile que celui des produits nationaux ;
53. Qu'en revanche, un régime de prix, librement choisi par le fabricant ou, selon le cas, par l'importateur est devenu, en vertu d'une mesure législative nationale, un régime de prix imposés au consommateur, et qui ne fait aucune distinction entre les produits nationaux et les produits importés, a normalement des effets exclusivement internes ;
54. Que, cependant, on ne peut exclure qu'en certains cas en tel régime soit éventuellement susceptible de produire des effets sur les échanges intracommunautaires ;
55. Que, comme il a été déjà indiqué, l'importation et l'exportation des tabacs manufacturés sont assujetties à des entraves inhérentes aux diverses méthodes de contrôle fiscal utilisées par les États membres, notamment pour assurer la recette des impôts auxquels ces produits sont soumis ;
56. Que, dès lors, pour apprécier si une réglementation d'un État membre qui, pour la vente au consommateur de tabacs manufacturés, impose un prix fixe qui est celui qui a été librement choisi par le fabricant ou l'importateur, constitue éventuellement une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, il incombe au juge national de constater, compte tenu des entraves de caractère fiscal affectant le secteur des produits en cause, si un tel régime de prix imposés est en lui-même apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre États membres ;
Quant à la quatrième question
57. Attendu que cette question tend à savoir, en premier lieu, si les dispositions de l'article 5 de la directive n° 72-464 du Conseil sont directement applicables, de sorte que les particuliers puissent s'en prévaloir devant les juridictions nationales et, en deuxième lieu, s'il est interdit aux États membres d'introduire ou de maintenir en vigueur une mesure législative, qui, pour la vente au consommateur des tabacs manufacturés importés ou fabriqués dans le pays, impose un prix de vente, inscrit sur la bandelette fiscale, en ce sens que ni le maximum ne peut être dépassé, ni l'article être vendu à un prix inférieur ;
58. Qu'il convient d'examiner d'abord la deuxième partie de cette question, étant donné que, si celle-ci devait recevoir une réponse négative, il n'y aurait pas lieu de répondre à la première partie ;
59. Attendu que la directive n° 72-464 du Conseil, fondée, comme l'avaient été les directives du 11 avril 1967 sur l'harmonisation des taxes sur le chiffre d'affaires (JO n° L 71, p. 1301 et 1303), sur les articles 99 et 100 du traité, énonce des règles de base pour une première étape d'harmonisation des droits d'accise sur les tabacs fabriqués ;
60. Que, dans le préambule de la directive, le Conseil pose tout d'abord comme principe que la réalisation d'une union économique comportant une saine concurrence et ayant les caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur présupposerait, en ce qui concerne le secteur des tabacs manufacturés, que l'application, au sein des États membres, des impôts frappant la consommation des produits de ce secteur, ne fausse pas les conditions de concurrence et n'entrave pas leur libre circulation dans la Communauté ;
61. Que la directive énonce, à son article 1, le principe de l'harmonisation des structures des accises sur les tabacs manufacturés en plusieurs étapes et, à son article 4, un système d'accises comportant un élément proportionnel et un élément spécifique ;
62. Qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la directive :
" Les fabricants et importateurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits. Cette disposition ne peut toutefois faire obstacle à l'application des législations nationales sur le contrôle du niveau des prix ou le respect des prix imposés " ;
63. Attendu que le Conseil, considérant que les impératifs de la concurrence impliquent un régime de prix formés librement pour tous les groupes de tabacs manufacturés, a prévu à l'article 5, paragraphe 1, de la directive que les fabricants et importateurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits ;
64. Qu'envisagée dans son contexte, la deuxième phrase du paragraphe 1 de l'article 5 ne saurait être interprétée comme visant à interdire aux États membres d'introduire ou de maintenir en vigueur une mesure législative qui, pour la vente au consommateur de tabacs manufacturés importés ou fabriqués dans le pays, impose un prix de vente, à savoir le prix inscrit sur la bandelette fiscale, à condition toujours que ce prix ait été fixé librement par le fabricant ou l'importateur ;
65. Attendu que, compte tenu de la réponse donnée à la deuxième partie de la quatrième question, il n'y a pas lieu de répondre à la première partie de celle-ci ;
Sur les dépens
66. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, le Gouvernement de la République italienne, le Conseil des Communautés européennes et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;
67. Que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par la Cour de cassation de Belgique par arrêt du 7 janvier 1977, dit pour droit :
1) L'article 86 du traité CEE interdit l'exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d'une position dominante, même si un tel abus est favorisé par une disposition législative nationale ;
2) Pour apprécier la compatibilité, avec l'article 86 en liaison avec les articles 3 f) et 5, alinéa 2, du traité, de l'introduction ou du maintien en vigueur d'une mesure nationale qui impose, lors de la vente des tabacs manufacturés au consommateur, le respect des prix fixés par le fabricant ou l'importateur, il convient de déterminer, compte tenu des obstacles aux échanges qui peuvent découler de la nature du régime fiscal auquel des produits sont soumis, si, en dehors d'une exploitation abusive d'une position dominante qu'un tel régime peut éventuellement favoriser, il est encore susceptible d'affecter le commerce entre États membres ;
3) Une réglementation d'un État membre qui, pour la vente au consommateur de tabacs manufacturés, tant importés que fabriqués dans le pays, impose un prix fixe qui est celui qui a été librement choisi par le fabricant ou par l'importateur, ne constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation que si, compte tenu des entraves inhérentes aux diverses méthodes de contrôle fiscal, utilisées par les États membres, notamment pour assurer la recette des impôts auxquels ces produits sont soumis, un tel régime de prix imposés est apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre États membres ;
4) L'article 5 de la directive n° 72-464-CEE du Conseil du 19 décembre 1972 concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés ne vise pas à interdire aux États membres d'introduire ou de maintenir en vigueur une mesure législative qui, pour la vente au consommateur de tabacs manufacturés importés ou fabriqués dans le pays, impose un prix de vente, à savoir le prix inscrit sur la bandelette fiscale, à condition que ce prix ait été fixé librement par le fabricant ou l'importateur.