CJCE, 25 octobre 1977, n° 26-76
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co. (KG)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutcher
Présidents de chambre :
MM. Sorensen, Bosco
Avocat général :
M. Reischl
Juges :
MM. Donner, Mertens de Wilmars, Pescatore, Mac Kenzie Stuart, O'Keeffe, Touffait
Avocats :
Mes von der Osten, Bartholatus, Hootz.
LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPENNES,
EN DROIT
1. Attendu que le recours introduit par la firme Metro SB-Grossmärkte GmbH & Co. KG (ci-après Metro) et parvenu le 11 mars 1976 au greffe de la Cour tend, en premier lieu, à l'annulation de la décision de la Commission du 15 décembre 1975 (JO n° L 28 du 3.2.1976, p. 19) relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité concernant le système de distribution sélective mis en œuvre par la société Schwarzwälder Apparate-Bau-Anstalt, August Schwer une Söhne GmbH (ci-après SABA) pour la commercialisation dans le Marché commun des appareils de l'électronique de divertissement de sa marque ;
Que le recours tend, en second lieu, à l'annulation du refus, exprimé par la Commission dans sa lettre du 14 janvier 1976, de revenir sur sa décision du 15 décembre 1975 pour tenir compte d'objections, présentées à nouveau par la requérante qui avait cependant déjà eu l'occasion de les faire valoir au cours de l'audition des intéressés et des tiers à laquelle la Commission avait procédé, conformément à l'article 19 du règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 et au règlement n° 99-63 de la Commission du 25 juillet 1963, avant de prendre la décision attaquée ;
Que par l'article 1er de cette décision il est reconnu que les conditions de vente pour le marché intérieur (édition de mai 1972), arrêtées par SABA, ne tombent pas sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité tandis que, par l'article 2, la Commission décide que les autres dispositions du système de distribution concerné bénéficient d'une exemption au sens de l'article 85, paragraphe 3 ;
2. Attendu que, bien que le recours tende à l'annulation de l'ensemble de la décision attaquée, l'examen des moyens soulevés révèle que ceux-ci ne mettent en cause que la légalité du seul article 2 de cette décision ;
Sur la recevabilité
a) Quant à la lettre du 14 janvier 1976
3. Attendu que la Commission a contesté la recevabilité du recours en tant qu'il est dirigé contre le refus exprimé dans sa lettre du 14 janvier 1976 ;
4. Attendu que ce refus a un caractère purement confirmatif de la décision du 15 décembre 1975 et que son annulation se confondrait avec celle de cette décision, de sorte que le recours doit, sur ce second point, être considéré comme sans objet et, partant, irrecevable ;
b) Quant à la décision du 15 décembre 1975
5. Attendu que SABA, qui intervient au litige en vue de soutenir les conclusions de la Commission, estime que le recours est irrecevable, Metro n'étant pas directement et individuellement concernée par la décision qu'elle attaque ;
6. Attendu que, selon l'article 173, alinéa 2, du traité, " les personnes physiques ou morales peuvent former un recours en annulation contre les décisions dont elles sont le destinataire, ou contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, les concernent directement et individuellement " ;
Que Metro n'étant pas le destinataire de la décision attaquée, il y a lieu d'examiner si celle-ci la concerne directement et individuellement ;
7. Attendu que Metro exploite une entreprise de commerce de gros, dit en libre service, dans une trentaine d'établissements, en république fédérale d'Allemagne, ainsi que dans certains autres États membres ;
Que cette forme de distribution, qui la met en concurrence, notamment avec les grossistes spécialisés, consiste à s'approvisionner en gros chez les producteurs, pour une large gamme de produits alimentaires (rayon food) et autres (rayon non food) en vue de la revente, en ordre principal, soit à des détaillants aux fins de la revente par ceux-ci, soit à des exploitants d'entreprises commerciales, artisanales ou industrielles en vue de l'utilisation des marchandises achetées dans leur établissement à des fins professionnelles, soit enfin en vue de la vente à des utilisateurs finals privés qualifiés " d'institutionnels ", étant cependant entendu que cette dernière fonction fait l'objet de contestations entre parties ;
Que Metro distribue ces produits par le système dit " cash and carry ", selon lequel les acheteurs s'approvisionnent sur les lieux de vente en marchandises qui sont stockées de façon à permettre un enlèvement rapide par le client lui-même, présentées de façon rudimentaire et payées au comptant, d'où résulteraient des compressions de prix et la possibilité de se contenter de marges bénéficiaires plus réduites que celles du commerce de gros traditionnel ;
Qu'ainsi cette forme de distribution est caractérisée à la fois par des méthodes de vente spéciales et par la nature de la clientèle à laquelle le grossiste s'adresse ;
8. Attendu que la requérante, ayant demandé à SABA de l'admettre en qualité de grossiste pour la distribution d'appareils de l'électronique de divertissement, s'est vu opposer un refus parce qu'elle n'était pas disposée à accepter un certain nombre des conditions auxquelles SABA subordonne l'agréation en qualité de grossiste SABA, conditions qui, selon la requérante, seraient inconciliables avec la structure du commerce de gros en libre service telle qu'elle le pratiquerait ;
Que tel aurait été notamment le cas de l'interdiction faite aux grossistes SABA de livrer des appareils SABA à des utilisateurs finals professionnels, c'est-à-dire à des commerçants ou artisans n'appartenant pas à la branche de l'électronique mais qui utilisent les appareils achetés dans leur établissement à des fins professionnelles, ainsi que de l'interdiction de livrer aux utilisateurs finals " institutionnels " et également des obligations imposées aux grossistes par le contrat de coopération qui les lie à SABA ;
Que, selon la partie intervenante SABA, par contre, ces conditions seraient compatibles avec l'activité de Metro dont le refus s'expliquerait, plutôt, par une politique de vente visant à confondre dans sa personne le rôle d'un grossiste et celui d'un détaillant, ce que SABA ne pourrait admettre, compte tenu de la structure de son système de distribution qui séparerait nettement les deux fonctions, en conformité, affirme-t-elle, avec les exigences de la législation fédérale allemande ;
9. Qu'à raison du refus qui lui a été opposé la requérante a déposé, les 7 et 9 novembre 1973, entre les mains de la Commission, conformément à l'article 3, paragraphe 2, b) du règlement n° 17, une demande visant à faire constater que le système de distribution mis en œuvre par SABA constituait une infraction aux articles 85 et 86 du traité et à obliger SABA d'y mettre fin ;
10. Que de son côté, SABA avait en 1962, 1963, 1969 et 1972, en vue de l'obtention d'une attestation négative au sens de l'article 2 du règlement n° 17, ou d'une déclaration d'exemption au sens des articles 85, paragraphe 3 du traité, et 6 du règlement n° 17, notifié à la Commission ses conditions de vente pour le marché intérieur, les accords de concession exclusive qu'elle conclut avec des entreprises établies dans d'autres Etats membres, les " attestations d'engagement de distribution imposée " qu'elle fait souscrire à ses distributeurs, grossistes et détaillants, en république fédérale d'Allemagne et les " attestations d'engagement pour la CEE des grossistes SABA et des détaillants spécialisés SABA " ;
Que le 22 juillet 1974, après la réclamation introduite par Metro, SABA à également notifié le contrat type de coopération qu'elle impose aux grossistes agréés par elle ;
11. Que la Commission, considérant que Metro faisait valoir un intérêt légitime à la constatation d'une infraction éventuelle, a instruit les demandes, tant de Metro que de SABA ;
Qu'après avoir, dans un premier stade, communiqué à Metro qu'elle estimait ne pouvoir donner une réponse favorable à sa plainte, tout en l'invitant, par télex du 6 décembre 1974, conformément à l'article 6 du règlement n° 99-63, à lui présenter ses observations, elle a, suite aux observations présentées par la requérante et à l'audition de celle-ci, partiellement modifié son point de vue et obligé SABA à éliminer des engagements qu'elle impose aux grossistes notamment l'interdiction de vente aux utilisateurs finals professionnels ;
Qu'après que SABA eut accepté, parmi d'autres, cette modification, la Commission a pris la décision attaquée, qui maintient cependant, sur divers points, les particularités du système de distribution critiquées par la requérante au cours de la procédure administrative ;
12. Que Metro, estimant que le système de distribution ainsi approuvé maintenait des obstacles illégitimes à son admission en qualité de grossiste de SABA, a introduit le présent recours ;
13. Attendu qu'il résulte des faits ci-dessus relevés que la décision attaquée a été rendue notamment à la suite d'une réclamation introduite par Metro et qu'elle se prononce sur les dispositions du système de distribution SABA que cette entreprise a opposées et continue d'opposer à Metro pour justifier son refus de vente et d'agréation comme grossiste et que la requérante avait pour ce motif incriminées dans sa réclamation;
Qu'il est de l'intérêt à la fois d'une bonne justice et d'une exacte application des articles 85 et 86 que les personnes physiques ou morales qui sont, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, b) du règlement n° 17, habilitées à demander à la Commission de constater une infraction aux dits articles 85 et 86, puissent, s'il n'est pas fait droit, en tout ou en partie, à leur demande, disposer d'une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes;
Que dans ces conditions la requérante doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée, au sens de l'article 173, alinéa 2, par la décision litigieuse etque le recours est dès lors recevable;
Sur le fond
14. Attendu que, selon la requérante, la Commission aurait, en édictant la décision litigieuse, violé, à la fois l'article 85, paragraphe 3, du traité en accordant le bénéfice d'une exemption de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, alors que les conditions de pareille exemption n'étaient pas réunies, et l'article 86 du traité en autorisant un abus de position dominante ;
15. Attendu qu'il ne saurait y avoir lieu à application de l'article 86 du traité que si SABA dispose d'une position dominante, de sorte qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu si tel est le cas ;
I - En ce qui concerne l'existence d'une position dominante
16. Attendu que à l'appui de son allégation selon laquelle SABA disposerait d'une position dominante sur le marché de l'électronique de divertissement en république fédérale d'Allemagne, la requérante fait valoir que dans cet État membre dix producteurs s'occuperaient activement de la fabrication d'appareils de l'électronique de divertissement, mais que six d'entre eux détiennent des parts qui ensemble constituent l'essentiel du marché, dont SABA, qui, dans le domaine de la télévision en couleurs, aurait une part supérieure à la moyenne en produisant quotidiennement mille appareils ;
Qu'elle ajoute qu'à raison de leur haute qualité les appareils SABA sont, malgré leur prix, recherchés par la clientèle de sorte que tout distributeur devrait, dans l'éventail des produits qu'il offre, pouvoir présenter des appareils SABA sous peine de se trouver dans une position concurrentielle défavorable ;
17. Attendu que, selon les éléments produits par la Commission et non contestés par la requérante, vingt-six producteurs allemands seraient présents sur le marché de l'électronique de divertissement dont huit, parmi lesquels SABA, détiennent environ 90 % du marché, la part de SABA se situant entre 5 et 10 % ;
Qu'en ce qui concerne en particulier les appareils de télévision dont le chiffre de production quotidienne est invoqué par la requérante à l'appui de ses dires, il ressort des données fournies par la Commission pour 1975 et acceptées par la requérante comme représentatives que huit producteurs couvrent 91 % du marché allemand, dont un dépasse 25 %, trois 10 % tandis que les quatre autres, dont SABA, ont des parts de marché de 7 ou 6 % ;
Qu'il suit de ces données que, même s'il fallait - ce qui n'a été ni allégué ni à plus forte raison démontré - considérer le marché des appareils de télévision en couleurs comme le marché à prendre en considération, plutôt que celui de l'ensemble des produits de l'électronique de divertissement, il s'agit de parts de marché relativement modestes ;
Que si la part de marché détenue par une entreprise ne constitue pas nécessairement le seul critère de l'existence d'une position dominante on peut cependant conclure à bon droit que des parts de marché aussi réduites que celles détenues par SABA excluent, sauf circonstances particulières, dans un marché de produits hautement techniques, mais aisément interchangeables aux yeux de la grande masse des acheteurs, l'existence d'une position dominante;
Qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il est constant qu'entre les différents producteurs règne une vive concurrence ;
Que la circonstance que la qualité du produit en cause doit inciter les distributeurs à le comprendre dans la gamme qu'ils offrent ne constitue pas, en soi, un élément susceptible de permettre au producteur d'agir dans une mesure notable sans devoir tenir compte de l'attitude de ses concurrents et, par conséquent de lui assurer une position dominante, mais constitue un moyen de concurrence parmi d'autres ;
Qu'il en est de même de la circonstance, invoquée par la requérante et l'intervenante Verband des Selbstbedienungs-Grosshandels (ci-après SB-Verband), que d'autres producteurs de l'électronique de divertissement auraient adopté ou s'apprêteraient à adopter des systèmes de distribution sélective analogues à celui approuvé par la Commission dans la décision attaquée ;
Que cette circonstance est de nature à être, éventuellement, prise en considération pour l'appréciation de la conformité du système litigieux avec l'article 85 du traité mais ne saurait avoir pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de transformer la position de SABA sur le marché concerné en une position dominante ;
18. Que SABA n'étant pas dans une position dominante au sens de l'article 86 du traité CEE, cette disposition ne saurait trouver application à son égard, de sorte que le recours, pour autant qu'il est fondé sur sa violation, doit être rejeté;
II - En ce qui concerne l'application de l'article 85
19. Attendu que, selon la requérante, l'article 2 de la décision attaquée serait entaché de détournement de pouvoir en ce que la Commission aurait méconnu " ce qui fait l'objet de la protection instaurée par l'article 85 (à savoir) la liberté de concurrence au profit du consommateur et non la défense des intérêts parallèles d'un fabricant et d'un groupe déterminé de commerçants, visant à obtenir des prix de vente jugés satisfaisants par ces derniers " ;
Qu'en outre, pour le cas où le système de distribution litigieux devrait être considéré comme susceptible de bénéficier d'une exemption d'interdiction par application de l'article 85, paragraphe 3, la requérante soutient que la Commission a fait une application inexacte de cette disposition en faisant bénéficier de l'exemption des restrictions de concurrence qui ne seraient pas indispensables pour atteindre les objectifs d'amélioration de la production ou de la distribution ou de promotion du progrès technique et économique et qui aboutiraient à éliminer la concurrence des grossistes en libre service ;
A - En ce qui concerne l'existence d'un détournement de pouvoir
20. Attendu que la concurrence non faussée visée aux articles 3 et 85 du traité CEE implique l'existence sur le marché d'une concurrence efficace (workable competition), c'est-à-dire de la dose de concurrence nécessaire pour que soient respectées les exigences fondamentales et atteints les objectifs du traité et, en particulier, la formation d'un marché unique réalisant des conditions analogues à celles d'un marché intérieur ;
Que cette exigence admet que la nature et l'intensité de la concurrence puissent varier en fonction des produits ou services en cause et de la structure économique des marchés sectoriels concernés ;
Que, notamment, dans le secteur de la production de biens de consommation durables, de haute qualité et technicité, dans lequel un nombre relativement restreint de producteurs, grands et moyens, offre une gamme variée d'appareils aisément interchangeables, en tout cas aux yeux des consommateurs, la structure du marché ne s'oppose pas à l'existence de canaux de distribution différenciés adaptés aux caractéristiques propres des différents producteurs et aux besoins des différentes catégories de consommateurs ;
Que dans cette perspective la Commission a, à juste titre, reconnu que des systèmes de distribution sélective constituaient, parmi d'autres, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire;
21. Attendu qu'il est exact que, dans ces systèmes de distribution, l'accent n'est généralement pas mis de façon exclusive ni même principale sur la concurrence par les prix ;
Qu'il en est notamment ainsi lorsque, comme en l'espèce, l'accès au réseau de distribution est subordonné à des conditions allant au-delà des nécessités d'une distribution des produits conforme à la nature de ceux-ci ;
Que la concurrence par les prix, pour importante qu'elle soit - de sorte qu'elle ne peut jamais être éliminée - ne constitue toutefois pas la seule forme efficace de concurrence ni celle à laquelle doit, en toutes circonstances, être accordée une priorité absolue ;
Que les compétences octroyées à la Commission par l'article 85, paragraphe 3, démontrent que les nécessités du maintien d'une concurrence efficace peuvent être conciliées avec la sauvegarde d'objectifs de nature différente, et que, dans ce but, certaines restrictions de concurrence sont admissibles lorsqu'elles sont indispensables à la réalisation de ces objectifs et n'aboutissent pas à éliminer la concurrence pour une partie substantielle du Marché commun ;
Que la préoccupation, s'agissant de grossistes et détaillants spécialisés, de maintenir un certain niveau de prix correspondant à celle du maintien, dans l'intérêt du consommateur, de la possibilité pour ce canal de distribution de subsister à côté de formes de distribution nouvelles axées sur une politique concurrentielle de nature différente, rentre dans le cadre des objectifs qui peuvent être poursuivis sans tomber nécessairement sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, et, si tel était en tout ou en partie le cas, dans le cadre de l'article 85, paragraphe 3;
Que tel est, d'autant plus, le cas si ces conditions contribuent, en outre, à une amélioration de la concurrence pour autant qu'elle porte sur d'autres éléments que le prix ;
22. Attendu que les chiffres avancés, de part et d'autre, en ce qui concerne l'existence d'une concurrence dans les prix entre les distributeurs SABA, s'ils aboutissent à constater une certaine rigidité dans la structure des prix, ne permettent cependant pas, en raison notamment de l'existence à la fois d'autres facteurs de concurrence entre produits d'une même marque (intra-brand) et de l'existence d'une concurrence effective entre marques différentes, de conclure à une restriction ou une élimination de la concurrence dans le secteur de l'électronique de divertissement ;
Qu'il appartiendra cependant à la Commission de veiller à ce que la rigidité de cette structure ne soit pas renforcée, ce qui pourrait se produire dans l'hypothèse d'une multiplication de réseaux de distribution sélective pour la commercialisation d'un même produit ;
Qu'en n'accordant l'exemption sollicitée que pour un délai expirant le 21 juillet 1980, la Commission s'est réservé la possibilité de réexaminer dans des délais raisonnables les conséquences de sa décision à cet égard ;
Que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir doit être rejeté ;
B - En ce qui concerne l'application de l'article 85, paragraphe 3
23. Attendu qu'à cet égard les griefs de la requérante portent en substance sur quatre points à savoir :
a) l'obligation faite aux distributeurs SABA - grossistes et détaillants - de veiller à ce que les revendeurs qu'ils fournissent en appareils SABA soient des distributeurs agréés, et d'effectuer à cet égard un certain nombre de contrôles ;
b) l'interdiction faite aux grossistes SABA en république fédérale d'Allemagne de livrer à des consommateurs finals dits " institutionnels " ;
c) l'obligation pour ces mêmes grossistes lorsqu'ils livrent à des consommateurs finals dits "professionnels" de veiller à ce que ceux-ci affectent les appareils achetés exclusivement à des fins de rentabilité de leur entreprise à l'exclusion de tout usage privé ;
d) l'obligation faite aux grossistes de coopérer au développement du réseau SABA en concluant avec celle-ci des plans d'achat convenus pour chaque semestre ;
Que, selon la requérante, ces éléments constituent des restrictions de concurrence que la Commission fait bénéficier de l'exemption visée à l'article 85, paragraphe 3, bien qu'elles ne soient pas indispensables pour atteindre, dans le cas d'espèce, les objectifs de cette disposition et qui, en outre, compromettent l'existence d'autres canaux de distribution tels les grossistes en libre service - fondés sur une politique concurrentielle différente ;
24. Attendu qu'avant d'aborder l'examen de ces griefs il y a lieu d'observer que, selon la Commission, si les dispositions du système de distribution sélective visé à l'article 2 de la décision attaquée ont, dans leur ensemble, fait l'objet d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, il ne s'ensuit pas, pour autant, que chacun des éléments de ce système est incompatible avec l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 ;
Qu'au contraire, il résulterait, tant des motifs de la décision attaquée que des précisions apportées au cours de la procédure orale, que seuls certains de ces éléments constitueraient des restrictions de concurrence pour lesquelles l'octroi d'une exemption était nécessaire ;
Que, selon la défenderesse, ne constituent pas des restrictions de concurrence: a) les conditions d'agréation en qualité de distributeur qui sont relatives à la qualification professionnelle des distributeurs, aux connaissances techniques du personnel de vente, à la participation des grossistes SABA au développement du réseau de distribution au service de la clientèle et à l'aménagement des locaux de vente (Décision n° 28) et b) l'interdiction de livrer à des consommateurs finals dits " institutionnels " (Décision n° 34) ;
Que, par contre, tomberaient sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, mais seraient susceptibles de bénéficier d'une exemption, l'obligation imposée aux distributeurs de vérifier si les revendeurs auxquels ils livrent sont agréés par SABA et celle de porter sur un registre les appareil vendus, leur numéro ainsi que le nom des acheteurs (Décision n° 11, lettres b et c et n° 29) ainsi que les obligations imposées par les contrats de coopération (Décision n° 29) ;
25. Attendu qu'il y a lieu d'examiner pour chacun des éléments contestés par la requérante, si la Commission les a exactement qualifiés en ce qui concerne l'application ou la non-application à leur égard de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, et, dans le cas où ils tombent sous cette interdiction, si la Commission, en les faisant bénéficier de l'article 85, paragraphe 3, a fait une exacte application de cette dernière disposition ;
1) En ce qui concerne l'obligation faite aux distributeurs SABA de n'approvisionner en vue de la revente que des grossistes ou détaillants agréés
26. Attendu que la requérante fait valoir que l'obligation faite aux grossistes de vérifier personnellement, avant de livrer à un revendeur, si celui-ci a été effectivement agréé par SABA, notamment en portant sur un registre et en contrôlant rigoureusement les numéros de tous les appareils SABA livrés, avec la date de vente et le nom de l'acheteur, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien d'un réseau sélectif et constituerait une obligation incompatible avec la structure du commerce de gros en libre service ;
27. Attendu que tout système de commercialisation fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement, à peine de n'avoir aucun sens, l'obligation, pour les grossistes faisant partie du réseau, de n'approvisionner que des revendeurs agréés et, partant, la possibilité pour le producteur intéressé de contrôler l'observation de cette obligation;
Que les obligations acceptées en matière de contrôle, tant qu'elles ne dépassent pas le but recherché, ne sauraient constituer par elles-mêmes une restriction de concurrence mais forment l'accessoire de l'obligation principale, dont elles contribuent à assurer l'application;
Que la Commission a pu estimer que les obligations imposées à cet égard par l'attestation d'engagement ne dépassent pas les nécessités d'un contrôle approprié et constituent une charge normale pour un grossiste, l'identification des détaillants approvisionnés et des produits fournis, lorsqu'il s'agit de biens de consommation durables, correspondant à une exigence normale de l'exploitation d'un commerce de gros ;
Qu'ainsi, ne dépassant pas ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif, ces obligations de contrôle, dans la mesure où elles visent à assurer le respect des conditions d'agréation en ce qui concerne les critères de qualification professionnelle, échappent au champ d'application de l'article 85, paragraphe 1 tandis que, dans la mesure où elles garantissent le respect d'obligations plus contraignantes, elles tomberont sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, sauf à bénéficier, le cas échéant, ensemble avec l'obligation principale qu'elles accompagnent, de l'exemption de l'article 85, paragraphe 3 ;
Que la conformité au traité des obligations ci-dessus visées dépend, dès lors, de l'appréciation qu'il y a lieu de porter sur les autres éléments critiqués par la requérante ;
2) En ce qui concerne l'interdiction de livraisons sautées aux utilisateurs finals institutionnels
28. Attendu que la Commission, tout en obligeant SABA à renoncer à imposer aux grossistes l'interdiction de livrer à des utilisateurs finals professionnels, a admis le maintien de l'interdiction de livrer à des consommateurs privés, en ce compris les gros utilisateurs finals dits " institutionnels " tels que écoles, hôpitaux, casernes, administrations, et autres clients de même nature ;
Que la Commission considère que cette limitation du champ d'activité des grossistes, outre qu'elle serait conforme aux prescriptions de la législation allemande, ne constitue pas une restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, parce qu'elle correspondrait à la séparation des fonctions de grossiste et de détaillant et que, à défaut de pareille séparation, les premiers profiteraient d'un avantage concurrentiel injustifié par rapport aux seconds, lequel avantage concurrentiel, non conforme aux prestations fournies, ne serait pas protégé par l'article 85;
29. Attendu qu'il est constant que plusieurs États membres ont édicté des statuts légaux, impliquant des obligations et des charges, notamment sociale et fiscales, différentes pour le commerce de détail et le commerce de gros, de telle sorte que la concurrence serait faussée si les grossistes, dont les charges sont en général proportionnellement plus légères à raison même du stade de commercialisation auquel ils opèrent, faisaient aux détaillants une concurrence au stade de la distribution au détail, et notamment de l'approvisionnement des utilisateurs privés ;
Qu'en estimant que cette séparation des fonctions est, en principe, conforme à l'exigence d'une concurrence non faussée, la Commission n'a pas violé l'article 85, paragraphe 1 ;
Que la requérante ne conteste d'ailleurs pas ce point de vue, et affirme même que son système de vente est organisé de façon à respecter cette distinction, mais soutient que la livraison directe à des consommateurs finals importants dits "institutionnels" est comprise dans la fonction du grossiste ;
Qu'elle invoque à cet égard les termes de l'article 2, paragraphe 2, de la directive du Conseil du 25 février 1964 concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services pour les activités relevant du commerce de gros, selon lesquels: "au sens de la présente directive exerce une activité relevant du commerce de gros toute personne physique ou morale qui, à titre habituel et professionnel, achète des marchandises en son propre nom et pour son propre compte, et les revend soit à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, soit à des transformateurs, soit à des utilisateurs professionnels ou utilisateurs importants".
30. Attendu que cette directive donne une définition de la fonction de grossiste en vue de l'application des règles du traité relatives à la liberté d'établissement et la libre prestation des services, mais ne saurait être interprétée comme visant à régler les problèmes de concurrence visés à l'article 85 ;
Que si, à coup sûr, pour de nombreux produits, tels ceux de l'alimentation, certains utilisateurs privés, telles les institutions, sont amenés à acheter des quantités importantes leur caractère institutionnel n'implique pas qu'elles possèdent la qualité d'utilisateurs importants pour n'importe quelle sorte de produits ;
Qu'en estimant que, pour les produits fabriqués par SABA, il ne fallait pas faire de distinction entre les différentes sortes d'utilisateurs finals non professionnels, la Commission n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en la matière ;
Qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il incomberait, en tout état de cause, à la requérante de démontrer que dans le secteur de l'électronique de divertissement, elle est ou a été approchée, par des consommateurs privés non professionnels de caractère institutionnel en vue de livraisons importantes, mais qu'elle n'a apporté, à l'appui de son affirmation à cet égard, aucun élément de preuve ;
3) En ce qui concerne l'obligation faite aux grossistes lorsqu'ils approvisionnent des utilisateurs finals professionnels de veiller à ce que les appareils SABA achetés seront utilisés à des fins professionnelles
31. Attendu que selon le numéro 15 de la décision attaquée " aux termes de l'attestation d'engagement de distribution imposée des grossistes SABA (point 2, paragraphe 2), il est en outre interdit aux grossistes SABA allemands de livrer, sur le territoire de la république fédérale d'Allemagne et à Berlin-Ouest, des appareils SABA à des consommateurs finals, sauf si ceux-ci:
- peuvent fournir la preuve qu'ils exploitent une entreprise industrielle ou commerciale,
- n'utilisent des produits SABA qu'à des fins professionnelles susceptibles de servir la rentabilité de l'entreprise, et souscrivent une déclaration prescrite par SABA garantissant le respect de cette obligation, prouvant de façon objective les fins professionnelles précitées et excluant toute autre utilisation et toute aliénation ultérieure " ;
32. Qu'il ressort de ces considérations que la Commission, au cours de la phase administrative du litige, a reconnu, conformément à la thèse de Metro, que l'interdiction faite aux grossistes SABA de vendre à des détaillants n'appartenant pas au secteur de l'électronique de divertissement, mais désireux d'acheter des appareils SABA en vue de les utiliser à des fins professionnelles dans leur entreprise, n'était pas conforme à l'article 85, paragraphe 1, et ne devait pas bénéficier d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3 ;
Que cette élimination d'une restriction indue de la concurrence doit cependant se concilier avec le respect de l'interdiction aux grossistes de livrer à des utilisateurs finals en vue de la satisfaction de leurs besoins privés ;
Que, dès lors, le producteur est en droit de contrôler le respect de cette obligation, nécessaire au maintien de la structure de son système de distribution en deux stades, sous peine de ne pouvoir exiger des détaillants qu'il agrée les prestations nécessaires au bon fonctionnement d'un système de distribution sélective ;
Que la requérante affirme, sans cependant apporter des éléments de preuve convaincants, que les obligations de contrôle prévues, à cet égard, par les attestations d'engagement sont incompatibles avec les exigences d'un commerce de gros en libre service et contribueraient ainsi à éliminer cette forme de concurrence ;
33. Attendu que, selon les renseignements fournis par la requérante elle-même, le commerce de gros en libre service est essentiellement fondé sur la circonstance que l'accès aux surfaces de vente est exclusivement réservé aux titulaires d'une carte d'acheteur nominative, permettant non seulement d'identifier le client par son nom, mais également de vérifier s'il s'agit d'une personne physique ou morale exploitant une entreprise commerciale, artisanale ou industrielle ;
Qu'en outre, en vue de se conformer, en tout cas dans le rayon " non food ", à la législation allemande, un contrôle est opéré, avant la sortie des marchandises, afin de s'assurer qu'il s'agit d'achats faits soit en vue de la revente, soit en vue d'une utilisation professionnelle dans l'entreprise de l'acheteur, à l'exclusion de la satisfaction des besoins privés ;
Que les opérations de vérification imposées par l'attestation d'engagement ont substantiellement la même portée, sauf qu'elle oblige le grossiste à faire signer une déclaration par l'acheteur confirmant que l'achat est fait en vue d'une utilisation professionnelle ;
Que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que cette exigence supplémentaire, compte tenu des possibilités d'abus que présente, par elle-même, l'extension des possibilités de vente à des fins autres que la revente, soit déraisonnable et constituerait un obstacle grave et incompatible avec la nature même du commerce de gros en libre service ;
Qu'il en est d'autant plus ainsi que l'obligation imposée ne comporte pas celle de veiller personnellement à l'exécution par les acheteurs des obligations souscrites ;
4) En ce qui concerne l'obligation pour les grossistes de coopérer au développement du réseau de distribution SABA en souscrivant des contrats de coopération
34. Attendu que l'admission en qualité de grossiste SABA en république fédérale d'Allemagne et Berlin-Ouest est, selon le point 9 de la décision, soumise aux conditions suivantes: " SABA a déclaré à la Commission qu'elle est en principe disposée à livrer ses produits dans la république fédérale d'Allemagne et à Berlin-Ouest à tous les grossistes :
a) qui exploitent un commerce spécialisé, c'est-à-dire ceux qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d'affaires par la vente de récepteurs de radio, de téléviseurs et de magnétophones ou d'autres articles électriques ou qui ont ouvert un rayon spécial pour la vente en gros de récepteurs de radio, de téléviseurs et de magnétophones, dont le chiffre d'affaires est comparable à celui d'un grossiste spécialisé en produits de l'électronique de divertissement ;
b) qui contribuent à la mise en place et au renforcement du réseau de distribution de SABA ;
c) qui participent au service à la clientèle de SABA et qui sont, notamment, en mesure d'assurer le service technique à la clientèle et de conseiller celle-ci de façon compétente grâce à un personnel formé ;
d) qui souscrivent le contrat de coopération de SABA ;
e) qui souscrivent les attestations d'engagement de SABA et qui respectent la distribution imposée qui y est prévue " ;
35. Que, selon la requérante, les obligations sub a) (commerce spécialisé ou rayon spécial), b) (renforcement du réseau SABA) et d) (contrats de coopération) constituent des restrictions de concurrence interdites en vertu de l'article 85, paragraphe 1, et que la Commission ne pouvait faire bénéficier d'une exemption sur base de l'article 85, paragraphe 3, les conditions de pareille exemption n'étant pas réunies ;
a) en ce qui concerne l'obligation d'ouvrir un rayon spécial et de réaliser un chiffre d'affaires comparable à celui d'un grossiste spécialisé
36. Attendu que, bien que cette double condition ne se trouve pas expressément mentionnée dans les différents textes d'engagement soumis à la Cour (EWG-Verpflichtungsschein SABA-Grosshändler ; Verpflichtungsschein Vertriebsbindung SABA-Grosshandler Deutschland ; EWG-Verpflichtungsschein SABA-Facheinzelhändler ; Kooperationsvertrag), il apparaît qu'elle a été formulée au cours de l'instruction de la plainte de Metro notamment dans une lettre de SABA du 20 février 1975 dont le contenu a été communiqué le 5 mars 1975 à la requérante ;
Qu'il s'ensuit qu'il s'agit d'une condition mise à l'agréation des distributeurs SABA lorsqu'il s'agit de grossistes non spécialisés et qui fait partie de l'ensemble du système de distribution approuvé par la Commission ;
Qu'il y a donc lieu d'en examiner la portée au regard tant du paragraphe 1 que du paragraphe 3 de l'article 85 ;
37. Attendu que l'obligation pour les grossistes non spécialisés d'ouvrir un rayon spécial pour les produits de l'électronique de divertissement est de nature à garantir la vente dans de bonnes conditions des produits concernés et ne constitue dès lors pas une restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1;
Que, par contre, l'obligation de réaliser un chiffre d'affaires comparable à celui d'un grossiste spécialisé va au-delà des nécessités imposées par les critères qualitatifs propres à un système de distribution sélective et qu'il y a dès lors lieu de l'apprécier à la lumière du paragraphe 3 de l'article 85;
38. Attendu cependant que cette obligation se confond, dans le cas d'espèce, avec celle, reprise dans les contrats de coopération, de réaliser un chiffre d'affaires satisfaisant de sorte qu'elle doit être examinée ensemble avec lesdits contrats ;
b) en ce qui concerne les obligations sub b) (contribuer au développement du réseau de distribution) et sub d) (souscrire des contrats de coopération)
39. Attendu que les obligations sub b), à savoir contribuer à la mise en place et au développement du réseau de distribution et sub d), à savoir souscrire des contrats de coopération par lesquels le grossiste s'engage à réaliser un chiffre d'affaires jugé satisfaisant par SABA, et comportant des engagements d'achat sur une période de six mois, ainsi que des obligations de stockage, vont au delà à la fois des obligations normales de l'exploitation d'un commerce de gros et des nécessités d'un système de distribution sélective basé sur des exigences qualitatives ;
Qu'elles ont pour effet de lier fortement à SABA les distributeurs agréés et sont susceptibles d'entraîner l'exclusion d'entreprises qui, bien que remplissant les conditions d'admission qualitatives, ne sont pas en mesure ou ne sont pas disposées à se soumettre à ces obligations et peuvent ainsi aboutir indirectement à une limitation du nombre et de l'implantation des points de distribution ;
Qu'elles ne peuvent dès lors être exceptées de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1 que si se trouvent réunies les conditions de l'article 85, paragraphe 3 ;
40. Attendu cependant que, selon la Commission (décision n° 28), l'obligation pour les grossistes de " participer au développement du réseau de distribution " ne constitue pas une restriction de concurrence relevant du champ d'application de l'article 85, paragraphe 1 ;
Que cette appréciation méconnaît la portée de cette disposition, la fonction d'un grossiste n'étant pas de promouvoir la production de tel ou tel producteur, mais d'assurer au commerce de détail un approvisionnement profitant de la concurrence entre producteurs, de sorte que des engagements d'un grossiste qui limitent sa liberté à cet égard, constituent des restrictions de concurrence ;
Que cette appréciation inexacte n'a néanmoins pas pour effet de vicier la décision attaquée parce qu'il apparaît que l'obligation de participer au développement du réseau de distribution SABA se confond en fait avec les obligations énumérées au contrat de coopération que la Commission a considérées comme une restriction de concurrence admissible seulement dans le cadre de l'article 85, paragraphe 3 ;
Qu'il y a donc lieu d'examiner si ces conditions se trouvent réunies ;
41. Attendu que le " contrat de coopération " à conclure entre SABA et le grossiste comporte :
1) à charge de SABA des obligations d'ordre général (consultations avec les groupements de grossistes SABA sur les questions présentant un intérêt pour les relations commerciales bilatérales, information sur le plan technique, coopération financière) ;
2) à charge de SABA des prestations plus spécifiques (coopération en matière de publicité, remboursement des prestations de garantie) ;
3) des dispositions énonçant des obligations à charge des deux parties en ce qui concerne les contrats de livraison ;
Que ce même contrat comporte à charge du grossiste SABA l'engagement de conclure au moins six mois à l'avance des contrats de livraison avec SABA portant sur un volume de produits tenant compte de la croissance probable du marché intérieur de l'électronique de divertissement d'une manière qui soit adéquate pour l'une et l'autre partie ainsi que des obligations de stockage ;
Qu'en outre le grossiste SABA s'engage à réaliser un chiffre d'affaires " adéquat " (ein angemessener Umsatz) en appareils SABA ;
Que, pour sa part, SABA s'engage à verser aux grossistes une prime annuelle calculée sur la valeur nette des facturations et dont le montant varie de 0 à 2 % en fonction du degré de réalisation des engagements acceptés dans le contrat de livraison ;
Que l'octroi de cette " prime " est en outre combiné avec l'octroi d'une prime " de gestion prévisionnelle " annuelle accordée pour l'acceptation à 100 % ou à plus de 95 % des propositions de livraisons élaborées par SABA, dès lors que le contrat de livraison basé sur ces propositions est rempli ;
42. Attendu que le paragraphe 3 de l'article 85 subordonne le bénéfice de l'exemption de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, à la condition 1) que l'accord contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, 2) qu'il réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ; 3) qu'il n'impose pas des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ; 4) qu'il ne donne pas aux entreprises intéressées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ;
43. Attendu, en ce qui concerne la première condition ci-dessus énoncée, que la conclusion de contrats de livraison pour une durée de six mois et compte tenu de la croissance probable du marché, doit permettre à la fois d'assurer une certaine stabilité dans l'approvisionnement des produits concernés d'où doit résulter une couverture plus adéquate des besoins de ceux qui s'approvisionnent chez le grossiste et, du fait de la durée relativement courte de ces contrats de livraison, un degré de souplesse permettant l'adaptation de la production aux besoins changeants du marché ;
Qu'ainsi est assurée une distribution plus régulière profitant à la fois au producteur qui participe à l'expansion prévue du marché du produit concerné, au grossiste qui se voit assuré de son approvisionnement et enfin aux entreprises qui s'approvisionnent chez le grossiste en ce que l'assortiment des produits disponibles se trouve élargi ;
Qu'une autre amélioration de la distribution réside dans la clause du contrat de coopération obligeant SABA à indemniser les grossistes pour les prestations de garantie et à livrer les pièces de rechange nécessaires pour opérer les réparations sous garantie ;
Qu'en outre la conclusion de programmes de livraisons pour une durée raisonnable constitue, en ce qui concerne le maintien de l'emploi, un élément de stabilisation dont la recherche rentre, au titre de l'amélioration des conditions générales de production, spécialement dans les circonstances d'une conjoncture économique défavorable, dans le cadre des objectifs que l'article 85, paragraphe 3, permet de viser;
44. Attendu qu'il y a lieu en deuxième lieu d'examiner si les restrictions imposées aux grossistes par le contrat de coopération sont indispensables pour atteindre les objectifs envisagés ;
45. Attendu qu'à défaut d'engagements couvrant une période d'une certaine durée les relations entre producteur et grossiste agréé ne pourraient se former que sous la forme de relations occasionnelles qui ne permettraient pas d'atteindre la stabilité nécessaire pour permettre aux grossistes spécialisés et aux producteurs d'assumer les autres obligations qui garantissent un approvisionnement amélioré ;
Qu'en estimant que par une limitation à six mois de la période couverte par la contrat de livraison le contrat de coopération restait dans les limites du nécessaire, la Commission n'avait pas manifestement dépassé la marge d'appréciation lui revenant en la matière ;
46. Attendu que, selon l'article 85, paragraphe 3, l'accord restrictif de concurrence doit, pour pouvoir bénéficier d'une exemption, non seulement améliorer la distribution des produits mais réserver une part équitable du profit qui en résulte aux utilisateurs ;
47. Attendu que, selon la décision attaquée, les conditions d'approvisionnement résultant pour les grossistes du contrat de coopération sont de nature à profiter directement aux utilisateurs en ce qu'elles assureraient un approvisionnement continu et une offre plus large des marchandises de la part des détaillants aux utilisateurs finals privés ;
Qu'en outre la vive concurrence qui existerait dans le secteur de l'électronique de divertissement exercerait une pression suffisante pour amener SABA et les grossistes à répercuter sur les utilisateurs les avantages découlant de la rationalisation de la production et de la distribution résultant des contrats de coopération ;
48. Attendu qu'un approvisionnement régulier constitue, dans les circonstances de l'espèce, pour les utilisateurs un avantage suffisant pour pouvoir être considéré comme une partie équitable du profit résultant des améliorations provoquées par la restriction de concurrence admise par la Commission ;
Que même s'il est douteux que puisse être considérée comme répondant à l'exigence sur ce point de l'article 85, paragraphe 3, la supposition que la pression concurrentielle sera suffisante pour que SABA et les grossistes répercutent sur les consommateurs une partie du profit résultant de la rationalisation du réseau de distribution, l'octroi du bénéfice de l'exemption peut cependant, dans le cas d'espèce, être considéré comme suffisamment justifié par l'avantage que les utilisateurs retirent d'un approvisionnement amélioré ;
49. Attendu enfin qu'il y a lieu d'examiner si les obligations contenues au contrat de coopération ne donnent pas aux entreprises intéressées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ;
50. Attendu qu'il résulte des considérations ci-dessus que les conditions mises par SABA à l'agréation de la qualité de grossiste peuvent, pour une large part, être remplies sans inconvénient par les grossistes en libre service ;
Que si, par contre, les plans d'achats que les grossistes sont obligés de souscrire dans le contrat de coopération constituent, selon toute vraisemblance, un élément étranger aux méthodes propres à ce canal de distribution, il n'apparaît pas qu'en mettant, pour le secteur particulier de l'électronique de divertissement, en balance, d'une part, la nécessité des contrats de coopération pour assurer au réseau de distribution SABA, notamment à l'égard de grossistes spécialisés, une cohérence suffisante et, d'autre part, les difficultés non insurmontables qui en résultent pour les grossistes en libre service et en donnant la préférence aux premières, la commission ait excédé la marge d'appréciation qui lui appartient en la matière ;
Qu'il pourrait en être autrement si, notamment par une multiplication de réseaux de distribution sélective d'un contenu semblable à celui de SABA, les grossistes en libre service se voyaient effectivement éliminés comme distributeurs dans le secteur de l'électronique de divertissement ;
Que cependant il résulte des considérations ci-dessus que tel n'était pas le cas au moment où a été édictée la décision litigieuse ;
Qu'ainsi cette décision n'est pas manifestement fondée sur une appréciation erronée des conditions économiques dans lesquelles la concurrence s'effectue dans le secteur concerné ;
51. Que le recours doit être rejeté ;
Sur les dépens
52. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Qu'aux termes du deuxième alinéa de cette disposition si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens ;
Que la requérante ayant succombé en ses moyens il y a lieu de la condamner aux dépens, l'intervenante SB-Verband supportant les dépens causés par son intervention.
Par ces motifs, LA COUR déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté ;
2) L'intervenante SB-Verband supportera les dépens causés par son intervention ;
3) La requérante supportera le surplus des dépens.