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Décisions

CCE, 25 juillet 1977, n° 77-543

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

De Laval - Stork

CCE n° 77-543

25 juillet 1977

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 4, 6 et 8, vu la notification de l'accord du 1er septembre 1971, portant création d'une filiale commune, conclu avec De Laval Turbine International Inc à Princeton, Etats-Unis, présentée à la Commission le 2 mars 1973 par la société Stork Roterende Werktuigen BV à Assen, Pays-Bas, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, en vue d'obtenir que l'article 85 paragraphe 1, pour le cas où il pourrait être appliqué à cet accord, soit déclaré inapplicable en vertu des dispositions du paragraphe 3 du même article, après avoir entendu les entreprises concernées, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et aux dispositions du règlement n° 99-63-CEE (2), vu la publication du contenu essentiel de la notification, faite en application de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, au journal officiel des Communautés européennes n° C 292 du 11 décembre 1976, vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes recueilli conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 18 janvier 1977,

I. LES FAITS

Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit :

A. Les entreprises :

1. De Laval-Turbine International Inc (ci-après dénommée " De Laval International ") - société constituée conformément au droit de l'Etat du Delaware, Etats-Unis d'Amérique - est une filiale à 100 % de la société de Laval Turbine Inc (ci-après dénommée " De Laval Turbine ") à Trenton, New Jersey, Etats-Unis d'Amérique. De Laval Turbine est contrôlée par le conglomérat Transamerica Corporation qui est une des principales sociétés holding diversifiées des Etats-Unis. Dans le marché commun, De Laval International possède un établissement sous la forme d'une filiale à 100 %, Barksdale international Gmbh, à Friedberg, république fédérale d'Allemagne, qui s'occupe de la fabrication et de la commercialisation de divers appareils de contrôle et de réglage qu'elle écoule principalement dans cet Etat membre et dans les pays du Comecon.

Depuis des années, le groupe De Laval conçoit, fabrique et vend, sous la dénomination " De Laval ", des compresseurs centrifuges, des turbines à vapeur à entraînement mécanique et des pompes alimentaires de chaudières à cylindres non seulement aux Etats-Unis et au Canada, mais dans le monde entier ;

2. Koninklijke Machinefabrieken Stork BV (ci-après dénommée KMS), préalablement société anonyme, est une importante filiale du groupe Verenigde Machinefabrieken NV à Amsterdam (ci-après dénommé " VMF ") qui détient la totalité des actions ; VMF, qui est un groupe néerlandais possédant de multiples unités de production dans le monde, réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires à l'étranger. VMF exerce ses activités dans un grand nombre de secteurs, et notamment dans l'industrie légère de traitement, les installations de montage, l'ingénierie, les voies de service, la climatisation, le transport de marchandises, les machines industrielles et l'énergie. En outre, KMS opère dans plusieurs secteurs apparentés aux turbines à vapeur et aux compresseurs. Stork Roterende Werktuigen Bv (ci-après dénommée " Stork ") - dont la raison sociale était Stork Pompen Nv avant le 3 juillet 1971 - est une filiale à 100 % de KMS ;

3. La filiale commune De Laval-Stork VOF (ci-après dénommée " De Laval-Stork ") est une société en nom collectif de droit néerlandais, créée en 1971 ; ce type de société ne possède pas de personnalité juridique ; les deux associés, De Laval International et Stork, sont solidairement responsables pour l'ensemble des obligations conclues par la société en nom collectif pour autant qu'elles ne dépassent pas l'avoir de cette société. Chacun d'eux, dans la mesure fixée par le droit néerlandais, peut engager la société à l'égard de tiers ; les parts de De Laval-Stork sont réparties également entre de laval-international et Stork. Stork a fourni sa participation au capital en espèces, tandis que l'apport de De Laval International a consisté essentiellement en connaissances. Cet apport représente, en valeur, pour chacun des associés, 3 millions de florins. En outre, après une période de lancement, l'usine de Stork sera transférée à la filiale commune. Les associés ont droit à une part égale des bénéfices et se partagent également les pertes, sous réserve des exceptions prévues en cas de rupture de l'accord.

De laval-international est en principe l'associé gérant et assure donc entièrement la conduite de l'affaire, mais l'accord des deux associés est requis pour certains actes, et notamment pour ceux qui pourraient porter atteinte à l'existence de De Laval-Stork dans sa forme actuelle ;

B. Les produits :

1. Les produits qui font l'objet de l'accord notifié à la Commission sont les suivants :

- turbines à vapeur mono et multicellulaires du type axial pour toutes utilisations avec entraînement mécanique et toutes formes de générateurs électriques,

- compresseurs centrifuges mono et multicellulaires, entraînés ou non par turbine,

- pompes mono et multicellulaires à cylindres, du type axial et centrifuge, pour alimenter les chaudières et les centrales nucléaires, entraînées par des moteurs électriques ou des turbines,

- éventuellement d'autres produits, avec l'autorisation des associés ;

2. De Laval-Stork peut non seulement fournir séparément des turbines à vapeur, des compresseurs et des pompes, mais les livrer sous forme de groupe composés d'un compresseur ou d'une pompe, avec une turbine à vapeur fournissant le couple d'entraînement pour le compresseur ou la pompe ;

3. De Laval-Stork procède régulièrement à des études générales de marché, et elle s'adresse ensuite directement aux clients potentiels. Dans une telle activité de prospection, et compte tenu de la nature des produits, le concours d'un personnel technique est indispensable. Si ces contacts sont suivis de demandes, De Laval-Stork fait aux intéressés une offre établie en fonction des dessins industriels qui font l'objet des licences concédées par les deux associés et qui sont, dans ce dessein, adaptés aux besoins particuliers de chaque client ;

4. De Laval-Stork assure le service d'entretien habituel à l'intention de ses clients. Ce service prévoit, notamment, les prestations garanties, l'aide technique en cas de panne, et, le cas échéant, certains contrôles.

Le service après-vente est considéré comme très important par les utilisateurs dans ce secteur. En effet, en cas de panne du groupe turbo-compresseurs, le dommage subi par l'utilisateur dont les usines sont réduites à l'inactivité peut être bien plus élevé que le prix du produit. Les utilisateurs attachent dès lors une très grande importance à la qualité et à la rapidité du service d'intervention. En général, ce sont les mêmes ingénieurs et techniciens qui ont conçu et installé les groupes turbo-compresseurs qui assurent ce service ;

C. Les accords :

1. Le 2 juin 1969, De Laval Turbine et KMS ont conclu un Compressor, Turbine and Pump Technical Assistance agreement (ci-après dénommé " accord de licence 1969 ") qui n'a pas été notifié à la Commission des Communautés européennes.

Cet accord de licence de 1969 consistait en une licence de fabrication et de vente, en partie exclusive et en partie non exclusive, que De Laval-Turbine avait concédée à KMS, pour un territoire couvrant notamment la plupart des Etats membres de la Communauté économique européenne ; cette licence concernait l'aide technique et commerciale, le service spécial d'études, les brevets, les marques et dessins industriels, ainsi que la fourniture de pièces détachées et de matériel ;

2. Le 1er septembre 1971, l'accord de licence 1969 a été remplacé par un Joint Venture Agreement (ci-après dénommé " accord JVA " conclu entre De Laval-International, KMS et Stork, et notifié le 2 mars 1973 à la Commission ; l'accord JVA comporte plusieurs accords qui forment un tout ; la conclusion des accords énumérés ci-après aux points b) et e) est prévue dans l'accord de base a), et l'existence de ces accords est subordonnée à celle de l'accord de base ; l'accord JVA se décompose comme suit :

a) l'accord de base entre De Laval International et Stork, contresigné par KMS qui jouit aussi de certains droits et assume aussi certaines obligations résultant pour Stork de cet accord ;

b) un accord de livraison (supply agreement) conclu entre De Laval-Stork et KMS qui doit être remplacé, au moment où la période du démarrage sera plus avancée, par un accord de fabrication auquel succédera, à son tour, au stade final, un accord de soutien ;

c) un accord conclu entre De Laval-Stork et KMS relatif à la gestion des contrats (Contract Management Agreement);

d) un accord de licence conclu entre De Laval International et De Laval-Stork, portant sur les connaissances techniques et les droits de propriété industrielle. Il s'agit d'une licence concédée à titre gratuit pour un territoire couvrant l'ensemble de la communauté ainsi que la plupart des autres pays d'Europe occidentale, le Moyen-Orient et, pour une partie des produits, l'Afrique du Sud. La licence est exclusive, à la condition que le siège social de l'acheteur ainsi que le lieu d'implantation des équipements à livrer se situent à l'intérieur du territoire concédé. Dans tous les autres cas où il n'est pas satisfait à ces deux conditions, la licence pourra être complétée dans des conditions qui seront définies chaque fois par les associés. D'autres exceptions sont faites à l'exclusivité, notamment si l'équipement doit être subventionné par des fonds américains ou canadiens. Du champ de l'exclusivité sont également exclus ceux des produits pour lesquels De Laval avait déjà donne une licence à d'autres entreprises dans le territoire concédé avant la création de l'association ;

e) un accord de licence conclu entre Stork et De Laval-Stork portant sur des modèles de compresseurs, de turbines et de pompes, les connaissances techniques et les droits de propriété industrielle. Les conditions de cet accord de licence sont similaires à celles de l'accord de licence mentionné au point d);

3. L'objet de l'accord JVA est de concevoir, de redessiner, de fabriquer et de commercialiser les produits dont licence est donnée par les associés, selon les dessins existants de De Laval International et de Stork ; il comprend également les autres produits, quelle que soit leur origine, que désirerait De Laval-Stork pour augmenter son chiffre d'affaires. Par cet accord, les associés voulaient, d'une part, développer la pénétration de De Laval International sur le marché européen et, d'autre part, étendre les activités de KMS dans les secteurs des compresseurs et des turbines industrielles. En exécution de l'accord JVA, les associés poursuivent conjointement depuis 1971 la fabrication ainsi que la commercialisation de ces produits dans la Communauté.

Les associés ont fourni les fonds nécessaires, en espèces ou sous forme de connaissances, mis à disposition les collaborateurs et le personnel nécessaires, concédé les licences, cédé les installations de production, les bureaux et autres matériels prévus par l'accord ; De Laval a surtout apporté le personnel de direction et son savoir-faire (know-how) tandis que KMS offrait son usine et son personnel technique.

L'apport du savoir-faire nécessaire pour permettre à De Laval-Stork d'exercer ses activités s'est effectué par les deux accords de licence conclus entre chacun des associés de De Laval-Stork. En outre, le personnel nécessaire a été cédé à De Laval-Stork pour exécuter, et éventuellement modifier les dessins et développer le savoir-faire qui font l'objet des licences. De nouvelles recherches ont été entreprises par De Laval-Stork ;

4. L'application de l'accord JVA devait s'étendre sur plusieurs années et comporter différentes phases. En réalité, il est toutefois apparu que la partie de l'accord JVA comprenant trois phases était trop complexe pour entrer formellement en vigueur ; les parties ont donc modifié une première fois le programme des phases en 1974. A la fin de 1976, toutes les activités ont été transférées à De Laval-Stork, comme il était prévu de le faire à la fin de la phase de démarrage. L'usine Stork fut donnée en leasing à De Laval Stork au début de l'année 1977 ;

5. En outre, l'accord de base de l'accord JVA précise, à l'article 8, toutes les dispositions à prendre au cas où il serait mis fin à l'association. L'accord JVA est conclu pour une période de cinq ans et, sauf résiliation moyennant un préavis de six mois, est reconduit tacitement pour une même période. Si un des associés désire vendre sa part dans l'association à un tiers, l'autre associé dispose d'un droit d'option pour racheter cette part ;

6. L'article 8 point 4 de l'accord de base stipule que, en cas de non-prolongation de l'association ou de cession par un des associés de sa part à l'autre associé ou à un tiers, les accords de licence doivent être modifiés comme suit :

a) si les activités de la filiale commune sont continuées, de façon indépendante, par un des associés ou par les deux associés, cet (ou ces) associé(s) se substituera(eront) dans les licences octroyées en vertu des accords ci- dessus. Ces licences cesseront d'être exclusives, mais le territoire visé par les licences restera expressément limite à celui prévu à l'origine. Ces accords de licence non exclusive resteront applicables pendant une période de trois ans à compter de la dissolution de la filiale commune, après quoi, ils seront caducs. Le (ou les) bénéficiaire(s) de la licence devra(ont) payer respectivement une redevance de 5 % sur toutes les machines et de 10 % sur les pièces détachées vendues en application de ces accords de licence ;

b) si les activités de la filiale commune ne sont pas continuées par au moins un des associés, les accords de licence deviennent caducs.

D'autre part, l'article 8 point 6 définit les effets de la dissolution de l'association concernant les noms commerciaux et les marques que les associés ont licenciés à la filiale commune. Chaque associé redevient seul autorisé de les utiliser, à moins que l'autre ne donne auparavant son accord écrit ;

D. La situation économique :

1. Les produits qui font l'objet de l'accord notifié sont fabriqués individuellement, en fonction de chaque commande particulière, sur la base des dessins donnés en licence à De Laval-Stork en application des accords de licence. Dans ce secteur, où la plupart des brevets sont périmés, le know-how réside dans ces dessins et dans les connaissances du personnel technique. C'est bien pour cette raison que les deux associés ont mis leurs dessins respectifs et le personnel spécialisé pour les produits concernés à la disposition de De Laval-Stork.

Pour chaque produit crée, fabriqué et installé par De Laval-Stork, les dessins doivent être adaptés aux besoins particuliers des clients. Ces produits fabriqués hors série ne sont jamais identiques. Il n'existe également aucun intermédiaire ou agent entre le fabricant et l'utilisateur. Chaque produit fait l'objet d'une offre particulière accompagnée d'un devis, et ensuite des négociations sont engagées directement avec l'utilisateur. C'est dans ce dessein que, depuis la création de De Laval-Stork, des bureaux de vente ont été ouverts à Londres, à La Haye et, plus tard, à Francfort ;

2. Les activités de De Laval-Stork se limitent aux turbines à vapeur et aux compresseurs et pompes qui sont le plus souvent fournis avec ces turbines. Sont exclues les turbines hydrauliques (centrales électriques) et les turbines à gaz (centrales de chauffage, propulsion d'avions, etc.). Depuis 1971, les turbines navales ont été formellement ajoutées au champ d'activité possible de De Laval-Stork. Selon l'utilisation des turbines à vapeur, on distingue cinq grandes catégories d'utilisation :

a) transmission des gaz et pipelines ;

b) équipements ;

c) pétrole et industrie pétrochimique ;

d) marine ;

e) industrie générale (sucre, exploitation minière etc.).

Les groupes De Laval et KMS opéraient tous deux - quoique de façon inégale - sur ces cinq marchés partiels, sauf en ce qui concerne les turbines navales pour KMS. Les produits fabriqués actuellement par De Laval-Stork sont fondés pour environ 15 % sur des dessins de KMS, et pour 85 % sur des dessins de De laval. Le personnel de De Laval-Stork comporte environ deux tiers d'ingénieurs de conception et un tiers de directeurs de vente. Les taches de création sont effectuées le plus souvent par du personnel américain, tandis que le personnel néerlandais se charge de l'exécution ;

3. Les deux entreprises mères font partie de groupes puissants qui exercent leurs activités dans le monde entier.

De Laval Turbine vend ses produits dans le monde entier, et notamment dans le marché commun. Elle dispose, dans les secteurs des turbines et des compresseurs, de connaissances techniques et d'un savoir-faire considérable pour lesquels elle a donné des licences à des entreprises dans plusieurs pays. Avant la conclusion de l'accord de licence avec Stork en 1969, elle offrait et vendait ces produits dans le marché commun.

KMS et sa filiale Stork vendent leurs produits également dans le monde entier. Les ventes de Stork dans les secteurs des turbines et des compresseurs sont, certes, inférieures à celles de De Laval, mais ses ventes aux Pays-Bas représentaient, avant la constitution de la filiale commune, un pourcentage important du marché néerlandais et Stork exportait une partie importante de ses produits dans d'autres pays de la Communauté ainsi que dans des pays tiers.

Le chiffre d'affaires réalisé par les associés en commun dans le cadre de l'accord JVA ne représente qu'une petite partie du chiffre d'affaires total des groupes auxquels ils appartiennent.

Les concurrents les plus importants de De Laval-Stork dans les secteurs des turbines et des compresseurs sont Kraftwerk Union, Brown Boveri, Borsig, Alsthom Rateau, MAN, Westinghouse, General Electric. Ils commercialisent leurs produits sur le marché mondial, disposent de connaissances techniques considérables et sont implantés dans d'autres Etats membres avec des capacités quelquefois bien plus grandes et des chiffres d'affaires plus élevés que ceux de De Laval-Stork. Néanmoins, De Laval-Stork a pu augmenter ses chiffres d'affaires considérablement pendant les premières années de son activité. Sa part de marché peut être estimée à 10 à 15 % de la communauté ;

II. APPRECIATION AU REGARD DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1

1. Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre les entreprises et toutes pratiques concernées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; que des conditions sont remplies pour les raisons suivantes :

2. L'accord constitutif de De Laval-Stork, conclu entre De Laval International et Stork, est un accord entre entreprises.

Un tel accord ne doit pas être apprécié sur le seul plan juridique, - création d'une unité nouvelle, dotée ou non de la personnalité juridique - mais également dans son contexte économique. Dans la situation où il est conclu, l'accord de création d'une filiale commune a pour objet et pour effet de mettre en commun, pour l'ensemble de la Communauté économique européenne, la plupart des activités de recherche, de production et de commercialisation des deux associés. Les relations entre les deux entreprises et leurs rapports sur le marché s'en trouvent par conséquent modifiés ;

3. Il y a lieu d'examiner tout d'abord si le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté. Comme l'indique la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires Grundig-Consten (3) et Commercial Solvents (4), cette expression vise à délimiter la sphère d'application des règles communautaires par rapport aux législations nationales.

L'accord est conclu entre des concurrents qui ont auparavant opéré indépendamment dans plusieurs Etats membres de la Communauté ainsi que sur des marchés de pays tiers. De Laval International avait réalisé une partie considérable de son chiffre d'affaires dans le marché commun dans les secteurs des turbines et des compresseurs et aurait, grâce à ses connaissances techniques et à sa taille, pu encore développer ses ventes. L'activité de Stork n'était pas limitée au seul marché néerlandais mais s'étendait, par une grande partie, aux autres marchés de la Communauté ainsi qu'à des pays tiers.

La constitution d'une filiale commune entre ces entreprises a pour résultat que la production et la commercialisation, n'étant plus le fait d'entreprises distinctes, se font différemment et à partir de localisations autres que ce ne serait le cas en l'absence d'une telle association. L'activité de De Laval-Stork comprend l'ensemble du marché commun et certains pays tiers. Sa constitution a, en outre, pour conséquence que De Laval International et Stork s'abstiennent de vendre en concurrence avec leur filiale commune ou, à tout le moins, réduisent considérablement l'intensité d'une telle concurrence. D'autre coté, il est interdit à la filiale commune de concurrencer De Laval International dans certains pays tiers, ce qui affecte sa capacité concurrentielle dans le marché commun.

La constitution de la filiale commune est ainsi de nature à détourner les courants commerciaux de leur orientation naturelle, compte tenu de la taille des entreprises en cause ; le commerce entre Etats membres est donc susceptible d'en être sensiblement affecté ;

4. Avant d'examiner si l'accord empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, il convient tout d'abord de déterminer si chacune des deux entreprises était et reste un concurrent réel ou au moins potentiel sur les divers marchés concernés. Outre le fait qu'avant l'association les deux entreprises se sont livrées à des activités de recherche et ont fabriqué et commercialisé la plupart des produits en cause dans le monde entier, il est établi qu'elles commercialisaient auparavant séparément la plupart de ces produits et des produits analogues à l'intérieur du marché commun. D'une part, KMS s'était engagée dans la recherche, la fabrication et la commercialisation d'une grande partie des produits en cause et a été en mesure d'étendre ses activités aux autres produits relevant du domaine de la filiale commune sans devoir consentir des investissements trop importants. D'autre part, De Laval International, qui avait décidé de tenter de s'imposer sur le marché européen, avait déjà, avant cela, pratiqué des exportations à destination de l'europe. En outre, De Laval International aurait pu, seul, renforcer sans difficulté majeure sa présence sur les marchés européens concernés. De Laval International et KMS avaient d'ailleurs antérieurement conclu à cette fin un accord de licence portant sur ces produits. Les deux entreprises étaient à ce moment des concurrents réels. Même si tel n'était pas le cas, l'entreprise américaine, en dépit des quelques difficultés qu'elle a pu rencontrer dans l'organisation de ses activités au sein du marché commun à partir des Etats-Unis, doit certainement être considérée comme un concurrent potentiel très puissant parce que, d'une part, elle opère aux Etats-Unis sur les mêmes marchés, ce qui lui donne la possibilité d'aborder les mêmes activités à l'intérieur du marché commun sans devoir rassembler préalablement les connaissances nécessaires et, d'autre part, parce que sa puissance financière considérable lui a permis et lui permet encore de consentir les investissements nécessaires à cette fin. Les deux associés étaient donc des concurrents réels ou, à tout le moins, fortement potentiels sur les marchés en cause.

Les deux associés demeurent des concurrents sur ces marchés après l'entrée en vigueur de l'accord JVA. Leur présence au sein de la filiale commune, ainsi que le fait qu'ils continuent à exercer des activités sur des marchés de produits apparentés ou sur des marchés géographiques voisins, leur donnent la possibilité de réaliser, sur le plan économique, leur retour à une activité autonome sur les marchés en cause sans que les modifications qu'ils devraient apporter à cet effet soient insurmontables. En particulier, De Laval International reste présent sur le marché américain pour des produits analogues, tandis que, aux Pays-Bas, KMS continue d'exploiter des installations pour la fabrication de gammes de produits apparentées à celles des marchés en cause et poursuit, notamment, la fabrication de turbines autres que celles visées par l'accord JVA. Comme le mentionnent les accords de licence, chacun des deux associés s'est réservé le droit, sous certaines conditions, de fournir les produits concernés à l'intérieur de la Communauté économique européenne sans passer par la filiale commune. Même la mise en commun de leurs activités de recherche concernant les marchés en cause ne les empêchera pas de continuer à en exploiter individuellement les résultats. Les deux entreprises demeurent donc des concurrents réels ou, à tout le moins, fortement potentiels sur les marchés en cause ;

5. Les circonstances de la présente affaire ainsi que les dispositions prises par les parties en cause ne conduisent pas à considérer la création de l'entreprise commune comme constituant une opération de concentration.

Il convient de relever, à ce sujet, tout d'abord, que l'accord laisse subsister les associés en tant qu'entreprises économiquement indépendantes et rien n'indique qu'ils soient transformés en sociétés holding.

En outre, il ne s'agit pas d'un cas dans lequel au moins une des deux entreprises disparaît complètement et définitivement des secteurs d'activité de la filiale commune et dans lequel il est assuré que la mise en commun de ces secteurs ne conduit pas à un affaiblissement de la concurrence dans d'autres secteurs, et notamment dans les secteurs voisins, dans lesquels les participants restent formellement indépendants.

Pour disparaître complètement et définitivement des secteurs d'activité de la filiale commune, il faudrait que les associés perdent, après l'abandon d'un appareil industriel existant nécessaire à une concurrence réelle ou potentielle, effectivement et de façon irréversible toute possibilité de revenir séparément sur les marchés en cause, de sorte qu'ils ne pourraient plus être considérés comme des concurrents actuels ou même potentiels dans ces secteurs.

Rien n'autorise une telle conclusion aussi longtemps que les entreprises n'ont mis en commun qu'une partie de leurs activités existantes dans ces secteurs, à savoir soit la recherche, soit la production, soit la commercialisation des produits concernés. Or, comme il a été démontré ci-dessus, l'association entre les associés vise dans ce cas une partie, mais non la totalité, de leurs activités relatives à la recherche, à la production et à la commercialisation dans ces secteurs et ils restent des concurrents soit réels, soit pour le moins potentiels. Cette constatation se trouve encore confirmée par le fait que l'accord limite l'activité de la filiale commune à un territoire donné et contient certaines restrictions des activités des sociétés mères, ce qui n'aurait pas été nécessaire si les diverses parties en cause avaient cessé de pouvoir se faire concurrence.

Le caractère non irréversible de l'opération est confirmée par l'accord JVA lui-même qui détermine les procédures et modalités d'une séparation éventuelle, ainsi que par le fait qu'il n'est conclu que pour une période de cinq ans. Même si cet accord peut être prorogé et peut se traduire, par conséquent, par une association plus durable, les deux associés se réservent le droit de mettre fin à l'association et de reprendre leur indépendance totale dans ce domaine, de sorte qu'ils restent des concurrents réels ou au moins potentiels ;

6. L'accord a pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

Chacun des associés contrôle 50 % de l'actif de la filiale commune et il en résulte, ainsi que du texte même de l'accord, que toutes les décisions importantes concernant l'activité de la filiale commune sur les marchés en cause doivent être prises avec le consentement des deux associés. Une telle pratique entraîne, à elle seule, certains effets qui sont en contradiction avec la libre concurrence en raison de la concertation qu'elle exige entre les deux entreprises au sein de la filiale commune. Même s'il peut aboutir à un renforcement de la concurrence entre la filiale commune et les autres entreprises sur les marchés en cause, l'accord a pour effet de réduire la concurrence sur ces mêmes marchés entre les deux associés, tant sur le plan de la recherche que sur celui de la production et de la commercialisation. Les deux associés se privent ainsi de la possibilité d'établir un calcul autonome des coûts et des prix, qui serait l'expression d'une activité indépendante. En se communiquant réciproquement les données relatives à leur capacité compétitive, ils mettent fin entre eux non seulement à l'autonomie de leur comportement sur ces marchés, mais aussi à l'incertitude quant à leur comportement ultérieur à l'égard de leurs concurrents. Ainsi, la mise en commun d'une partie de leurs activités modifie la structure de l'offre sur les marchés en cause, vu que les utilisateurs ne pourront plus choisir entre leurs deux offres indépendantes ;

7. L'accord comporte encore d'autres restrictions. D'une part, les contrats de licence exclusive conclus conjointement avec l'accord JVA font perdre à certains utilisateurs, pour la durée de l'accord, et dans certaines conditions, la possibilité de recevoir des offres de chacun des deux associés. Du fait de ces licences, les activités de De Laval-Stork se limitent exclusivement aux cas où le siège social des acheteurs ainsi que le lieu d'implantation des équipements à livrer se situent dans le territoire concédé qui inclut tous les Etats membres de la Communauté économique européenne. L'impossibilité ainsi créée pour les associés d'offrir individuellement leurs produits dans de tels cas réduit considérablement le choix laissé aux utilisateurs concernes. D'autre part, l'accord JVA comporte également des clauses qui restreindront la concurrence après son expiration. En raison des dispositions de l'article 8, les deux associés ne pourront tirer qu'un parti limité de l'association dans laquelle ils se sont engagés, étant donné que les licences consenties en vertu de l'accord contiennent, pour ce cas, diverses restrictions. Les deux associés ne pourront donc pas se concurrencer pleinement après l'expiration de l'accord JVA ;

8.Il y a lieu d'examiner, ensuite, si ces restrictions à la concurrence à l'intérieur du marché commun ont des effets sensibles. D'une part, l'importance des deux associés, qui sont des entreprises multinationales ayant un chiffre d'affaires élevé et, d'autre part, leur position sur les marchés en cause où, sans être les plus grandes, elles détiennent néanmoins des parts de marché non négligeables, permettent de conclure que les restrictions à la concurrence à l'intérieur du marché commun sont sensibles. Par conséquent, l'accord tombe sous le coup de l'interdiction édictée à l'article 85 paragraphe 1 ;

III. APPRECIATION AU REGARD DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3

9. Considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 3 du traité, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont plus indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ;

Que l'accord qui a été notifié à la Commission des communautés européennes, le 2 mars 1973, en vue de pouvoir bénéficier de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 peut bénéficier, sous réserve de certaines conditions, de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 ;

10. L'accord contribue à améliorer la production et la distribution des produits en cause et à promouvoir le progrès technique et économique.

L'association temporaire entre les associés permet à De Laval International de s'imposer plus facilement sur le marché européen, que ce n'aurait été le cas s'il avait dû le faire isolement et permet à Stork et à KMS de réorganiser et d'étendre une partie de leurs activités dans les secteurs des turbines et des compresseurs. Elle facilite et accélère la réalisation de ces deux objectifs économiques, dont les utilisateurs pourront tirer profit.

Grâce à une coordination temporaire du développement et des investissements communs, l'accord JVA évite la création de capacités économiquement injustifiées et donne aux associés la possibilité d'atteindre une dimension optimale du point de vue des marchés en cause ; à cela s'ajoute que les acquisitions les plus récentes du progrès technique pourront être mises en œuvre dans l'association.

De plus, l'association temporaire exerce une influence déterminante sur les coûts en assurant aux installations communes existantes un taux d'utilisation plus élevé et en diminuant d'autant l'incidence des coûts fixes, qui constituent une grande partie du prix de revient, ce qui permet d'escompter une incidence favorable sur les prix de vente.

De plus, les associés pourront poursuivre en commun leurs activités de recherche et de développement en vue de mettre en œuvre à l'échelon industriel, dans des conditions économiques, l'expérience technique que chacun d'eux avait acquise auparavant et continue d'acquérir ;

11. L'accord réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

La centralisation temporaire de l'offre des deux associés au sein de leur filiale et la souplesse obtenue grâce à l'exploitation centralisée de l'installation commune contribuent à améliorer le service offert aux utilisateurs en leur assurant une plus grande régularité, avant et après l'installation des groupes de turbines et compresseurs en cause. Ceux-ci pourront ainsi mieux répondre aux exigences spécifiques des divers utilisateurs en tenant compte de la nécessité qui prévaut dans ce secteur d'individualiser les plans et la production. Les utilisateurs bénéficieront, également, d'un meilleur service après vente de la part de la filiale commune, qui pourra intervenir plus rapidement et plus efficacement en cas d'arrêt de fonctionnement des groupes turbo-compresseurs.

Pour sa part, la Commission, en imposant des conditions et charges appropriées et en exerçant un contrôle, veillera que les avantages pour les utilisateurs soient effectifs et ne soient en aucune façon remis en cause par le comportement des associés. Il est à noter, en outre, que les utilisateurs, qui sont eux-mêmes en général des entreprises considérables, feront usage de leur puissance économique pour agir dans le même sens ;

12. L'accord ne donne pas aux associés la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Sans doute certains des marchés en cause présentent-ils une structure plutôt oligopolistique, mais les associés n'y occupent pas une position telle qu'ils puissent figurer parmi les plus grandes entreprises ;

Ils détiennent une part du marché de 10 à 15 % environ dans la Communauté et sont exposés à la concurrence de groupes très importants, qui commercialisent leurs produits sur le marché mondial, disposent de capacités quelquefois bien plus grandes et de chiffres d'affaires plus élevés que ceux de De Laval-Stork ;

13. A l'exception des deux points qui seront repris plus loin, l'accord n'impose pas des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs décrits ci-dessus.

La création d'une filiale commune est indispensable, étant donné qu'en l'absence d'une structure de ce type, qui entraîne une diminution des investissements nécessaires et, par conséquent, des risques qui y sont liés, aucun des deux associés ne pourrait poursuivre, au même rythme et avec la même efficacité, ses efforts pour se développer sur les marchés en cause.

Bien qu'il ne soit pas toujours indispensable, pour pouvoir bénéficier d'une exemption, que l'association porte à la fois sur la recherche, sur la production et sur la commercialisation, les circonstances particulières en l'espèce justifient d'étendre l'activité de la filiale commune à la commercialisation en commun des produits en cause avec, comme conséquence, la fixation en commun des prix de vente. En effet, une collaboration technique étroite avec l'acheteur est nécessaire pour faire des prospections, recueillir des demandes, élaborer des projets de turbines et de compresseurs qui satisfont aux exigences et aux besoins propres de l'acheteur et établir le programme de production en fonction des capacités disponibles et tout cela par l'intermédiaire ou à l'aide de la même équipe de techniciens qui assurent aussi le service après vente, lequel constitue l'aspect le plus important de la commercialisation dans ce secteur.

De même, l'échange, entre les associés, de leur savoir-faire scientifique et technique constitue un appoint nécessaire à la coordination des activités, étant donné que De Laval-Stork doit être en mesure de l'exploiter avec un maximum d'efficacité et être assuré de pouvoir disposer, un temps utile, de la technologie nécessaire à la construction d'une installation dans les meilleures conditions.

Il est également indispensable que, en plus des turbines et des compresseurs, les associés transfèrent aussi leurs activités dans le secteur des pompes - où les avantages susmentionnés n'apparaissent pas obligatoirement - à la filiale commune ; en effet, ces produits sont généralement fournis sous forme de groupes, de sorte que ce transfert est indispensable pour assurer le bon fonctionnement de l'ensemble ;

14. Toutefois, l'accord JVA, tel qu'il a été notifié par les associés, impose aussi des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs énoncés à l'article 85 paragraphe 3 :

a) l'exclusivité consentie par chacun des associés à De Laval-Stork par les accords de licence de brevet et de savoir-faire a déjà été assouplie par les associés qui se sont réservé le droit de livrer eux-mêmes sur les marchés en cause si le siège social de l'acheteur ou le lieu d'implantation des équipements à livrer ne se situe pas dans le territoire concédé. Egalement, dans d'autres conditions spécifiées par l'accord JVA, les associés se sont réservé le droit, malgré l'exclusivité concédée, de livrer eux-mêmes indépendamment de la filiale commune ou de donner des licences à des tiers. Ces assouplissements ne sont toutefois pas suffisants. En effet, le caractère en principe total de l'exclusivité octroyée par ces licences n'est pas indispensable, dès lors que la période de démarrage de la filiale commune a pris fin. Durant cette période de démarrage, il est nécessaire de concentrer le plus possible les activités à l'intérieur de la filiale commune. En revanche, dès la fin de la période de démarrage, les utilisateurs doivent rester libres, tant juridiquement qu'économiquement, de s'adresser aux associés directement dans le cas ou la filiale commune, pour une raison quelconque, ne peut satisfaire leurs besoins. Les associés doivent, dans ces mêmes cas, rester libres de livrer leurs produits aux utilisateurs et de traiter avec eux ou de donner des licences non exclusives à des tiers pour traiter avec eux.

Dans la mesure où l'exclusivité octroyée par les associés à leur filiale commune, malgré les assouplissements déjà prévus, empêche de telles transactions, cette exclusivité ne peut être considérée comme indispensable au bon fonctionnement de la filiale commune et à l'obtention des avantages résultant de cette association ;

b) l'autonomie industrielle des associés est limitée dans l'éventualité où il serait mis fin à la filiale commune. Les associés ont prévu à ce sujet que, à la dissolution de la filiale commune, ils succèderont à celle-ci dans les licences de brevets et de savoir-faire qui lui ont été accordées afin de pouvoir bénéficier des connaissances scientifiques et techniques nécessaires à la poursuite de leurs activités après la fin de l'association. De ce point de vue, certaines restrictions imposées au comportement futur des associés prévues par l'article 8 point 4 sous a), ne peuvent pas être considérées comme indispensables à la bonne marche de la filiale commune pendant son existence et à l'obtention des avantages résultant de cette association.

Pour que les associés, qui opèreront sur les marchés en cause, puissent mener une concurrence active, il faut leur donner la possibilité d'avoir accès à toutes les ressources techniques et commerciales nécessaires à la poursuite de leurs activités. A cette fin, chacun des associés doit disposer, après l'expiration de l'accord JVA, de tous les moyens de compétitivité et n'être limité ni dans le temps, ni quant au territoire sur lequel il exercerait ses activités, ni de quelque autre manière. Les restrictions énoncées à l'article 8 point 4 sous a) de l'accord limitent cependant les licences données aux associés de plusieurs façons :

- d'une part, l'accès aux connaissances techniques et scientifiques est limité à une période de trois ans. Or, les associés doivent être en mesure d'utiliser les brevets et le savoir-faire qui font l'objet des licences données à la filiale commune dans la mesure où l'utilisation de ces droits est indispensable pour l'exploitation de brevets et du savoir-faire acquis en commun dans le cadre de la filiale commune,

- d'autre part, le territoire d'activité de ces associés reste expressément limité au territoire d'activité de l'association. Après la dissolution de cette association, une telle limitation n'est plus justifiée parce qu'elle empêche Stork de vendre ses produits librement dans un grand nombre de pays tiers et de contribuer ainsi à améliorer sa propre capacité et la structure concurrentielle dans le marché commun,

- en outre, les associés seront soumis à des redevances de 5 à 10 % sur toutes les machines ou pièces de rechange fournies sur base de ces licences, alors que des licences similaires pourraient être octroyées à des tiers à des taux de redevance inférieurs, ce qui peut entraîner des distorsions de concurrence.

Les restrictions susmentionnées de la concurrence ne revêtant pas un caractère indispensable, l'exemption doit être assortie de certaines conditions ;

IV. CONDITIONS ET CHARGES

Considérant que, en application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, l'exemption peut être assortie de conditions et de charges ;

Qu'à cet égard, il faut observer ce qui suit :

15. L'exemption, en l'espèce, doit être subordonnée aux deux conditions suivantes, en raison du fait que certaines dispositions de l'accord JVA ne réunissent pas les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3.

(1) Au cas où la filiale commune, pour un motif quelconque, ne pourrait satisfaire aux besoins d'un utilisateur, le caractère exclusif des licences de brevets et de savoir-faire qui lui ont été concédées par les associés ne fera pas obstacle à ce que ceux-ci traitent directement avec cet utilisateur, ou concèdent des licences non exclusives à des tiers pour traiter avec lui.

(2) Les licences qui doivent être accordées en application de l'article 8 point 4 de l'accord de base prévoiront la possibilité, pour les associés :

- de disposer, au-delà de trois ans après la dissolution de la filiale commune, de la jouissance des droits de brevets et de savoir-faire qui faisaient l'objet des licences concédées à celle-ci, dans la mesure où l'utilisation de ces droits est indispensable pour l'exploitation de brevets et de savoir-faire acquis en commun dans le cadre de la filiale commune,

et

- d'exporter, dans tous les pays du marché commun et dans les pays tiers, les produits fabriqués en application de ces licences de brevets et de savoir-faire.

Le taux de redevance des licences concédées par les associés, en application de cette disposition, ne devra pas dépasser celui de la redevance la plus faible correspondant aux licences concédées par les associés à des tiers pour les mêmes brevets ou le même savoir-faire.

Cette dernière condition ne doit pas avoir pour effet d'éliminer la possibilité pour les associés d'interdire, après la période de trois ans prévue dans le cadre des licences ainsi concédées, l'utilisation des dessins pour reproduire la forme et la présentation des produits concernés ; les associés doivent donc rester libres d'utiliser le savoir-faire matérialisé par ces dessins, alors qu'il peut leur être interdit après les trois ans de recopier la forme et la présentation sans différencier leurs produits ;

16. Conformément à l'article 8 paragraphe 3 du règlement n° 17, la Commission doit veiller que les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3 restent réunies. Pour que la Commission soit en mesure de s'acquitter de cette tache, il y a lieu d'imposer aux destinataires de la présente décision l'obligation de communiquer toute modification et tout complément des accords et de lui adresser tous les deux ans un rapport sur les activités de la filiale au cours de la période écoulée, afin qu'il soit possible d'apprécier l'effet réel de l'association.

La Commission doit, en outre, être en mesure d'examiner si d'autres pratiques complémentaires des entreprises concernées n'affectent pas la concurrence à l'intérieur du marché commun. De telles restrictions pourraient notamment résulter de participations financières ou liens nouveaux - directs ou indirects - dans ces secteurs entre les associés ou des sociétés appartenant au groupe de l'un des associés, ou entre un de ceux-ci et un tiers, aussi longtemps qu'une de ces sociétés exerce directement ou indirectement une activité dans les secteurs des turbines et des compresseurs dans le marché commun. Tel peut également être le cas si un associé, ou une société appartenant à son groupe, développe de nouvelles activités dans ces secteurs indépendamment l'un de l'autre ; la Commission doit, dans ce cas, être mise en mesure d'évaluer l'augmentation de leur capacité concurrentielle.

Une société appartenant au groupe d'un des associés est une société dans laquelle les associés, ou d'autres sociétés appartenant au groupe De Laval Turbine Inc ou au groupe Verenigde Machinefabrieken NV contrôlent directement ou indirectement au moins la moitié des droits de vote, ou disposent du pouvoir de nommer la moitié des membres du conseil d'administration ou de direction, ou ont, de quelque manière que ce soit, le pouvoir d'administrer les affaires de cette société.

Pour la raison exposée ci-dessus, il convient d'imposer des charges garantissant que les parties informeront la Commission sans délai de l'existence de tels liens ou d'activités nouvelles.

Les possibilités de concurrence des associés lors de la dissolution de l'association ne doivent pas pouvoir être compromises par les accords, ou pratiques que les associés concluront, ou mettront en œuvre pour conserver ou se procurer parmi les membres du personnel de l'ancienne filiale ceux qui sont nécessaires à la bonne continuation de leurs activités. Les associés doivent, s'ils mettent fin à la filiale commune, être obligés d'informer la Commission des accords ou pratiques qu'ils concluront à ce sujet afin de lui permettre de vérifier si ces accords ou pratiques ne comportent pas de restrictions à la concurrence ;

17. L'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17 dispose que, lorsque la Commission rend une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité, une telle décision est accordée pour une durée déterminée.

L'association en cause, dans laquelle les deux associés se sont profondément engagés, doit être suffisamment développée pour pouvoir porter des avantages satisfaisants. Dans une telle perspective, une période d'environ dix ans ne parait pas excessive. La fin de la durée de validité de la présente décision peut utilement coïncider avec celle de la troisième période d'application de l'accord, qui expire le 1er septembre 1986,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne sont déclarées inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3 et jusqu'au 1er septembre 1986, à l'accord de base et aux quatre accords d'application conclus le 1er septembre 1971, entre les sociétés De Laval Turbine International Inc et Stork Roterende Werktuigen BV, auparavant Stork Pompen NV ainsi que Koninklijke Machinefabriek Stork BV, concernant la création d'une filiale commune, De Laval-Stork Vof, sous réserve des conditions suivantes :

1. au cas où la filiale commune, pour un motif quelconque, ne pourrait satisfaire aux besoins d'un utilisateur, le caractère exclusif des licences de brevets et de savoir-faire qui lui ont été concédées par les associés ne fera pas obstacle à ce que ceux-ci traitent directement avec cet utilisateur, ou concèdent des licences non exclusives à des tiers pour traiter avec lui ;

2. les licences, qui doivent être accordées en application de l'article 8 point 4 de l'accord de base, prévoiront la possibilité, pour les associés :

- de disposer, au-delà de trois ans après la dissolution de la filiale commune, de la jouissance des droits de brevets et de savoir-faire qui faisaient l'objet des licences concédées à celle-ci, dans la mesure où l'utilisation de ces droits est indispensable pour l'exploitation de brevets et de savoir-faire acquis en commun dans le cadre de la filiale commune,

et

- d'exporter dans tous les pays du marché commun et dans les pays tiers les produits fabriqués en application de ces licences de brevets et de savoir-faire.

Le taux de redevance des licences concédées par les associés, en application de cette disposition, ne devra pas dépasser celui de la redevance la plus faible correspondant aux licences concédées par les associés à des tiers pour les mêmes brevets ou le même savoir-faire.

Article 2

L'exemption est assortie des charges suivantes :

1. les destinataires de la présente décision informent sans délai la Commission de toute modification et de tout complément apportés aux accords susmentionnés, ainsi que de toute précision relative à leur interprétation ou à leur application, même résultant d'un arbitrage ;

2. les destinataires adressent tous les deux ans à la Commission un rapport complet sur les activités de la filiale commune ;

3. chacun des destinataires avise sans délai la Commission de l'existence de tout lien et de toute modification présente ou future d'un tel lien sous l'une des formes suivantes :

a) participation au capital de 25 % ou davantage,

b) liens personnels par l'intermédiaire d'administrateurs communs,

c) création d'une filiale commune ou acquisition en commun d'une entreprise existante,

d) octroi de licences de brevet ou de savoir-faire ;

et établis entre :

a) les destinataires

ou

b) une société appartenant aux groupe De Laval Turbine Inc ou au groupe Verenigde Machinefabrieken NV et une autre société appartenant à un de ces groupes, ou une ou plusieurs sociétés tierces, lorsqu'une de ces sociétés exerce directement ou indirectement une activité dans le secteur des turbines ou celui des compresseurs à l'intérieur du marché commun ;

4. Chacun des destinataires est tenu, dans la mesure où il ne s'agit pas d'activités purement occasionnelles, d'informer sans délai la Commission des nouvelles activités qu'une société de son groupe exercerait de façon indépendante dans le secteur des turbines ou dans celui des compresseurs ;

5. Chacun des destinataires est tenu d'informer sans délai la Commission des accords et pratiques qu'ils auront conclus ou mis en œuvre pour se concéder les licences de brevet ou de savoir-faire ou se substituer dans ces licences et pour se répartir ou céder le personnel affecté à la filiale commune en cas de dissolution de celle- ci.

Article 3

La présente décision est destinée aux entreprises suivantes :

- De Laval Turbine International Inc PO box 2072, Princeton, New Jersey 08540, Etats-Unis d'Amérique,

- Koninklijke Machinefabriek Stork BV, Hengelo, Pays-Bas,

- Stork Roterende Werktuigen BV, Hengelo, Pays-Bas,

- De Laval-Stork Vof, Hengelo, Pays-Bas.

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268.

(3) arrêt du 13 juillet 1966, recueil 1966-4, p. 429.

(4) arrêt du 6 mars 1974, recueil 1974-3, p. 255.