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Décisions

CJCE, 16 décembre 1975, n° 40-73

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coöperatieve Vereniging "Suiker Unie" UA, Société générale sucrière SA, NV Centrale Suiker Maatschappij, Raffineries et Sucreries Say SA, F Beghin SA, Zuccherificio Del Volano SpA, Societa Agricola Industriale Emiliana, Raffinerie tirlemontoise SA, Sucres et Denrées SA, Societa Sadam SPA, Süddeutsche Zuckeraktiengesellschaft, Südzucker-Verkauf Gmbh, Firma Pfeifer & Langen, Cavarzere Produzioni Industriali SpA, Societa Italiana Per L'Industria Degli Zuccheri SpA, Eridania Zuccherifici Nazionali SPA

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

CJCE n° 40-73

16 décembre 1975

LA COUR,

Partie Générale

I

1. Attendu que les présents recours ont pour objet la décision n° COM (72) 1600 de la Commission, du 2 janvier 1973, adressée et notifiée aux requérantes ainsi qu'à une série d'autres entreprises, et publiée ultérieurement au journal officiel n° L 140, du 26 mai 1973, p. 17 à 48, publication à laquelle se référeront les citations figurant dans le présent arrêt ;

2. Qu'aux termes de son article premier, la décision invoque neuf griefs, se répartissant sur les campagnes sucrières 1968-1969 à 1971-1972, concernant chaque fois une ou plusieurs des entreprises susvisées et reprochant, dans leur ensemble, à chacune de celles-ci d'avoir commis une ou plusieurs infractions, soit à l'article 85 du traité CEE, soit à ces deux dispositions ;

3. Que le paragraphe 1 dudit article 1 fait état, en ses sous-paragraphes 1 à 4, de quatre pratiques concertées qui auraient eu pour objet et pour effet, en violation de l'article 85, de protéger, respectivement, les marchés italien, néerlandais, ouest-allemand et sud-allemand du sucre ;

4. Que le paragraphe 2 du même article expose que, " dans le contexte des pratiques concertées visées ci-dessus ", la Commission a relevé certaines " mesures qui constituent en elles-mêmes des infractions " aux articles 85 et 86 ;

5. Que le paragraphe 3 de l'article 1 constate que les entreprises qu'il vise se seraient concertées, contrairement à l'article 85, lors des adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers, sur le montant des restitutions demandées ainsi que sur les quantités offertes ;

6. Que l'article 2 enjoint aux entreprises destinataires de la décision " de mettre fin immédiatement aux infractions constatées " ;

7. Qu'en vertu de l'article 3, des amendes allant de 100 000 à 1 500 000 unités de compte sont infligées à chacune des requérantes, alors que les autres entreprises visées par la décision n'ont pas été frappées d'amende ;

8. Qu'enfin, l'article 4 énumère les destinataires de la décision ;

9. Attendu que, par requêtes déposées au greffe de la Cour entre le 12 et le 23 mars 1973, chacune des requérantes a introduit un recours tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision litigieuse pour autant qu'elle la concerne ;

10. Que, pour le cas où la Cour confirmerait les articles 1 et 2 de la décision, certaines requérantes concluent, à titre subsidiaire, à ce qu'en tout état de cause, les amendes que leur inflige l'article 3 de la décision soient annulées ou, pour le moins, réduites ;

11. Attendu qu'en raison de leur connexité, il convient de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt ;

II

12. Attendu qu'avant de traiter séparément les neuf griefs, il convient d'examiner une question d'ensemble, à savoir si, ainsi que l'affirment plusieurs requérantes, l'organisation commune du marché du sucre est ainsi aménagée qu'elle exclurait une concurrence efficace ;

13. Attendu que les dispositions relatives à cette organisation prévoient notamment la fixation d'un prix minimum à payer par les fabricants de sucre à l'achat des betteraves à sucre, d'un prix de seuil, d'un prix indicatif et de prix d'intervention auxquels les organismes nationaux sont tenus d'acheter le sucre qui leur est offert, la perception d'un prélèvement à l'importation ainsi que l'octroi de restitutions à l'exportation, de primes de dénaturation et, pour l'industrie chimique, de restitutions à la production ;

14. Qu'à la différence des organisations communes d'autres marchés agricoles, celle du marché du sucre prévoit en outre que chaque État membre détermine, à partir d'une quantité de base qui lui est assignée et pour chaque usine ou entreprise produisant du sucre sur son territoire, un quota de base et un quota maximum, étant entendu, d'une part, que, pour la quantité de sucre produite qui dépasse le quota de base sans dépasser le quota maximum, les États membres perçoivent du fabricant concerné une cotisation à la production et, d'autre part, que la quantité dépassant le quota maximum ne peut en principe être écoulée sur le marché intérieur ;

15. Que, sur le plan économique, le marché du sucre est notamment caractérisé par la nature largement homogène et standardisée du produit, par l'incidence relativement élevée des coûts de transport du sucre et par le fait que le transport de betteraves à sucre à longue distance est exclu en raison des frais de transport ;

16. Attendu qu'il est constant que le régime de quotas nationaux susvisé, ayant empêché le déplacement progressif de la production vers des régions particulièrement indiquées pour la culture des betteraves et, en plus, une augmentation importante de la production, a restreint les quantités que les producteurs sont en mesure d'écouler dans le marché commun ;

17. Que cette restriction, en liaison avec le coût relativement élevé du transport, est de nature à avoir une incidence non négligeable sur un élément essentiel du jeu de la concurrence, à savoir l'offre, et, par-là, sur le volume et la structure des échanges entre États membres ;

18. Que, de même, le fait qu'un prix d'intervention uniforme ait été fixé pour tous les États membres sauf l'Italie, était de nature à faire obstacle à une augmentation rapide des échanges intracommunautaires susceptible d'intensifier le jeu de la concurrence, et cela d'autant plus que, d'une part, tous les anciens États membres à l'exception de l'Italie et du Luxembourg étaient plus ou moins en état de couvrir leurs besoins par leur propre production et, d'autre part, la situation géographique des fabriques de sucre par rapport aux régions de consommation de leurs pays respectifs est, à de rares exceptions près, plus favorable que la situation des producteurs d'autres États membres ;

19. Attendu, cependant, que le régime communautaire comporte également des éléments, soit jouant en faveur du développement des échanges entre États membres et, par-là, d'une concurrence efficace, soit, pour le moins, de nature à tempérer les effets en sens contraire résultant des éléments susvisés ;

20. Que, d'abord, ce régime - qui d'ailleurs à laissé subsister aussi bien des régions excédentaires que des régions déficitaires - est caractérisé par la disparition des barrières intracommunautaires ;

21. Qu'en outre, les " prix " fixés ou prévus par le régime communautaire ne sont pas des prix de vente aux négociants, aux utilisateurs ou aux consommateurs et, dès lors, laissent aux producteurs une certaine liberté de déterminer eux-mêmes le prix auquel ils entendent écouler leurs produits ;

22. Qu'il résulte d'ailleurs de nombreux éléments du dossier, y compris les allégations de plusieurs requérantes, qu'à l'occasion, le prix de vente, loin de se présenter aux intéressés comme une valeur pratiquement préétablie par la réglementation communautaire, a fait l'objet de négociations serrées ;

23. Qu'enfin, l'organisation commune du marché n'a aucune incidence sensible, fut-elle indirecte, sur certains éléments également susceptibles de faire l'objet de, ou d'assurer, une concurrence efficace, tels le volume de la demande et les conditions de vente autres que le prix ou la qualité du service ;

24. Que, quelles que soient les critiques que l'on puisse formuler à l'égard d'un système qui tend à consacrer un cloisonnement des marchés nationaux, notamment par le moyen de quotas nationaux, et dont les conséquences seront examinées ci-après, il n'en demeure pas moins qu'un domaine résiduel mais réel relève des règles de la concurrence ;

III

25. Attendu que, plusieurs griefs soulevés par la Commission reprochant aux intéressés de s'être livrés à des " pratiques concertées " au sens de l'article 85 du traité, il y a lieu de rappeler la portée de cette notion et la manière dont il convient de l'appliquer à un cas d'espèce ;

26. Attendu que la notion de " pratique concertée " vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence, coopération aboutissant à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché, compte tenu de la nature des produits, de l'importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume et du caractère dudit marché ;

27. Qu'une telle coopération pratique est constitutive d'une pratique concertée notamment lorsqu'elle permet aux intéressés la cristallisation de situations acquises au détriment de la liberté effective de circulation des produits dans le marché commun et du libre choix par les consommateurs de leurs fournisseurs ;

28. Que, dans un cas d'espèce, la question de savoir s'il y a eu pratique concertée ne peut être appréciée correctement que si les éléments invoqués par la Commission sont considérés non pas isolément, mais dans leur ensemble, compte tenu des caractéristiques du marché en cause ;

1er Chapitre - Quant au grief de pratique concertée tendant à la protection du marché italien

29. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe premier, sous-paragraphe 1 de la décision attaquée, il est reproché à Eridania, Zuccherifici, Cavarzere, Industria degli Zuccheri, Romana, Volano, Emiliana, Sadam, Sermide, d'une part, et sucres et denrées, Beghin, Sucre-Union, Say, Générale Sucrière, Lebaudy-SUC et Szag, d'autre part, d'avoir " commis, depuis la fin de la campagne 1968-1969, des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en se livrant à une pratique concertée ayant pour objet et pour effet de contrôler les livraisons de sucre sur le marché italien et de protéger, en conséquence, ce marché " ;

I - Résumé de l'exposé de la décision et de l'argumentation essentielle des parties

30. Attendu que, selon la Commission, le comportement des requérantes s'analyserait en une pratique concertée interdite par l'article 85 du traité, notamment du fait " que toute concurrence sur le marché italien a été exclue entre les fournisseurs français, belge et allemand précités et le groupe des importateurs italiens " ;

31. Que les restrictions seraient " particulièrement évidentes, parce que, d'une part, les fournisseurs se sont reparti entre eux, selon des quotas, les quantités à livrer. . . et que, d'autre part, les fournisseurs français et belge ont groupe leurs offres par l'intermédiaire de sucres et denrées, les producteurs italiens étant représentés par la société Eridania " ;

32. Que, " sans ces ventes entre producteurs. . . les producteurs de sucre des pays excédentaires. . . vendraient individuellement leur sucre sur le marché italien en fixant eux-mêmes les quantités, les prix et les circuits de commercialisation ", de sorte qu'il faudrait admettre que, " pour les quantités vendues à leurs concurrents, les producteurs renoncent ainsi à une activité commerciale indépendante sur le marché italien " ;

33. Que les pratiques litigieuses constitueraient une restriction de concurrence susceptible d'affecter le commerce entre États membres et de nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre États ;

34. Attendu que, pour autant que les requérantes ne contestent pas le comportement retenu contre elles par la décision, elles font valoir qu'il ne tomberait pas sous l'interdiction énoncée à l'article 85 du Traité, au motif, d'une part, que le jeu combine de la réglementation communautaire et des mesures prises par les autorités nationales n'aurait pas laissé subsister, sur le marché italien du sucre, la possibilité d'une concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée et, d'autre part, que les pratiques incriminées auraient été la conséquence inévitable desdites mesures ;

35. Attendu que la Commission répond, d'une part, que les réglementations communautaire et italienne n'auraient pas fait obstacle à une concurrence efficace, et que, d'autre part, les mesures italiennes n'auraient pas obligé les requérantes à se comporter comme elles l'ont fait ;

II - Examen du moyen

36. Attendu qu'il convient d'examiner d'abord l'incidence de la réglementation italienne et des autres mesures adoptées par les autorités italiennes sur l'appréciation du litige ;

37. 1. Attendu qu'au cours des années en cause, le " comitato interministeriale dei prezzi " (Comité Interministériel des Prix), organisme public italien dénomme ci-après " CIP ", a adopté une série d'arrêtés (" provvedimenti ") comportant l'institution d'aides essentiellement destinées à profiter à des opérateurs italiens (producteurs de betteraves, sucreries, Exportateurs de sucre) et devant être versées par la " cassa conguaglio zucchero " (caisse d'égalisation pour le sucre), organisme public italien, ci-après dénomme " CCZ ", s'étant vu attribuer, aux termes de la législation en cause, la tâche de procéder " aux péréquations nécessaires en vue de l'introduction progressive de l'économie sucrière italienne dans celle de la communauté pour la réalisation du marché commun dans le secteur du sucre " ;

38. Que ces aides sont financées moyennant un surprix (" sovrapprezzo ") de 23 lires par kg, représentant l'écart entre les cours pratiques en Italie et le prix d'intervention communautaire dérivé applicable dans ce pays, et grevant aussi bien le sucre national que le sucre importé, étant entendu cependant que le surprix frappant le sucre importé a été réduit en vue de compenser le coût de sucre étranger, dans la mesure où il dépassait celui du sucre national, et de faciliter ainsi les importations jusqu'à concurrence de la quantité considérée nécessaire pour combler le déficit de la production italienne ;

39. Que cette réduction a été prévue au motif que l'exigence de la totalité du " sovrapprezzo ", jointe à l'incidence des frais de transport, aurait rendu impossible l'importation de sucre communautaire en Italie, puisque les fournisseurs étrangers n'auraient pu offrir leurs produits qu'à un prix supérieur au prix maximum fixé par les autorités italiennes, ce qui, selon le CIP, aurait été " contraire aux objectifs poursuivis " ;

40. Attendu que lesdits arrêtés prévoyaient l'organisation, par la CCZ, d'adjudications publiques ouvertes à tous les opérateurs qui désiraient importer au moins 1 000 tonnes de sucre communautaire, et portant sur le montant du " sovrapprezzo " réduit que les intéressés étaient disposés à verser, sous réserve que les quantités globales pouvant être adjugées et, dès lors, susceptibles de bénéficier d'un " sovrapprezzo " réduit ne devaient pas excéder le plafond fixé chaque fois par le CIP ;

41. Que, le principe de ce régime reposant sur la volonté de l'administration italienne d'obtenir des adjudicataires le taux de " sovrapprezzo " le plus élevé, compatible avec le respect des prix maxima, la CCZ a reçu le pouvoir de fixer secrètement la quote-part de " sovrapprezzo " qu'elle considère comme adéquate (" prezzo congruo "), et d'adjuger les importations en fonction de la quantité et du montant de " sovrapprezzo " offerts par les candidats ;

42. Qu'en vue d'assurer l'exécution des importations dans les conditions prescrites, les dispositions applicables obligent les intéressés à fournir une caution relativement élevée et prévoient, en cas de non-respect desdites conditions, le paiement de la totalité du " sovrapprezzo " ;

43. Attendu que, considérant que " tous les opérateurs économiques ne peuvent pas disposer d'une organisation leur permettant de participer aux adjudications publiques ", le CIP a autorise la CCZ à admettre, jusqu'a concurrence d'une quantité globale de 10 000 tonnes et en raison de quantités non supérieures à 1 000 (plus tard 6 000) tonnes pour chaque adjudicataire, des importations hors adjudication et moyennant un " sovrapprezzo " réduit, sous réserve que, si la quantité globale ainsi revendiquée était supérieure à 10 000 tonnes, les quantités revendiquées par chaque intéressé soient proportionnellement réduites ;

44. Que des arrêtés ultérieurs ont précisé que les quantités importées hors adjudication devaient être réservées aux utilisateurs industriels et, dans leur ensemble, ne devaient pas dépasser 20 % - plus tard 25% - de la quantité limite fixée pour chaque adjudication ;

45. Que le système des adjudications et des importations hors adjudication avait manifestement pour objectif de n'admettre à l'importation que les tonnages strictement nécessaires pour combler le déficit de la production nationale ;

46. Attendu qu'après avoir abrogé le système de prix maxima à la consommation en vigueur avant l'intervention du régime communautaire, les autorités italiennes, " afin d'éviter aux consommateurs italiens des augmentations ne résultant pas de la variation des prix communautaires ", ont adopté, en 1969, l'arrête n° 1236 qui revient pratiquement au même résultat, ceci par le biais d'une décision aux termes de laquelle les limites maxima des " écarts de prix " pour les diverses qualités et variétés de sucre, des rémunérations pour le conditionnement du produit ainsi que des marges commerciales pour la vente de ce produit à la consommation doivent rester " celles qui résultent de la comparaison avec les quotations figurant dans l'arrêté n° 1119 de 1965 ", tant pour les ventes par les producteurs que pour la vente à la consommation ;

47. Que, faisant suite à l'arrêté n° 1236, la circulaire n° 1237 a précisé le prix du sucre départ usine, dont dérivait directement le prix maximum et uniforme à la consommation, puisqu'il résultait d'une addition d'éléments dont certains découlent des dispositions communautaires fixant le prix d'intervention dérivé et les autres des dispositions arrêtées par le CIP ;

48. Qu'il apparaît que des prix maxima entaient applicables, non seulement au stade de la consommation, mais également à celui de la production, donc notamment aux ventes de sucre aux utilisateurs industriels ;

49. Que si l'arrêté n° 1236 et la circulaire n° 1237 ont été annulés par le conseil d'État d'Italie, il convient cependant de faire observer, d'une part, que cette décision n'a été prise que le 29 février 1972, d'autre part qu'elle a admis la légalité des mesures litigieuses quant au fond et, enfin, que le régime des prix susvisé a continué en fait à être appliqué ;

50. 2. A - Attendu que la Commission ne conteste pas sérieusement que cette réglementation ainsi que son exécution ont eu une incidence sur le comportement incriminé des requérantes ;

51. Que, d'abord, l'articulation du présent grief se réfère, entre autres, aux adjudications organisées par la CCZ, en constatant notamment " que le groupe des importateurs a pratiquement couvert environ 75% du montant total des importations mises en adjudication " (décision, p. 24 sous c 13), " que les quantités de sucre qu'Eridania, ou tout autre membre du groupe, se sont adjugées, ont été entièrement livrées par le groupe des fournisseurs " (loc. cit. ), et que " la concertation entre producteurs-importateurs se manifeste. dans le fait d'offrir aux adjudications des taux de " sovrapprezzo " identiques (en réalité, dans le fait d'acheter en commun, en vertu d'accords et de répartitions établis à l'avance) " (mémoire en défense dans l'affaire 114-73, p. 58), pratique en raison de laquelle " les adjudications n'ont pu jouer un rôle qui est le leur " (loc. cit. , P. 42) ;

52. Qu'en outre, d'une manière plus générale, la Commission reproche aux requérantes d'avoir " utilisé la réglementation italienne pour restreindre des possibilités de concurrence " (duplique dans l'affaire 48-73, p. 17), et affirme que cette réglementation " n'explique pas tout " (loc. cit. , P. 19), ce qui revient à admettre qu'elle explique, pour le moins, certains aspects de l'action des requérantes ;

53. Que, d'ailleurs, dans un " rapport de vérification " constituant l'annexe 16 au mémoire en défense dans l'affaire 41-73 et établi par des agents de la Commission (direction générale de la concurrence), il est dit que " les modalités pratiques d'adjudication favorisent indiscutablement l'action concertée des producteurs italiens pour contrôler la totalité des importations " ;

54. Qu'enfin, la Commission n'a pas contredit certaines affirmations d'Eridania avancées en partie sous forme d'offres de preuve, à savoir, d'une part, que le gouvernement italien aurait toujours " ouvertement souhaité et demandé " que les producteurs italiens " participent et procèdent aux importations nécessaires pour combler le déficit de la production nationale ", et cela " de manière rationalisée ", c'est à dire concertée, et, d'autre part, que ledit gouvernement " a toujours poursuivi l'objectif fondamental de l'unicité du prix du sucre . , et cela tant pour le sucre destiné à la consommation alimentaire que pour celui destine à l'industrie transformatrice " (réplique dans l'affaire 114-73, p. 57, 78 à 79 ; voir également la requête dans cette affaire, p. 25) ;

55. Que la Commission n'a pas davantage contredit les affirmations de sucres et denrées, avancées sous formes d'offres de preuve et selon lesquelles, d'une part, un haut fonctionnaire italien a fait part à Sucres et Denrées " de la nécessité d'établir une harmonisation des livraisons tant en amont de la frontière franco-italienne qu'en aval, de sorte que puisse être respectée l'unicité de prix sur le territoire italien, impératif économique et social absolu pour les autorités italiennes " et, d'autre part, " le système des adjudications a été établi comme un moyen d'obtenir cette unicité de prix, grâce à l'engagement pris par les principaux importateurs italiens de respecter ladite unicité de prix " (requête dans l'affaire 48-73, p. 18 à 19) ;

56. Que, d'ailleurs, ces affirmations concordent avec les intentions qui se reflètent dans la réglementation en cause, notamment en ce que celle-ci tend à limiter les importations au minimum nécessaire pour combler le déficit de la production italienne, à adapter le coût du sucre étranger à celui du sucre national et à maintenir les prix en Italie à un niveau uniforme et relativement bas ;

57. B - Attendu que, indépendamment même de ces considérations, ladite réglementation - en combinaison avec l'influence que les autorités italiennes ont exercée sur l'action des producteurs intéressés - était, à maints égards, de nature à provoquer la concentration de la demande italienne entre les mains des grands producteurs et le groupement aussi bien des producteurs-importateurs que celui des fournisseurs-exportateurs ;

58. Attendu, d'abord, que le contingentement des importations pouvant bénéficier d'un " sovrapprezzo " réduit, envisagé conjointement avec les aléas des adjudications, était susceptible d'inciter les intéressés à procéder à une répartition aussi bien de l'offre que de la demande et à s'entendre sur le montant du " sovrapprezzo " à offrir, ceci pour éviter que l'un ou l'autre d'entre eux ne se voie exclu des livraisons en cause, pour avoir offert un " sovrapprezzo " trop bas ;

59. Que cela est particulièrement vrai, d'une part, pour les fournisseurs étrangers obligés d'écouler des excédents considérables et, d'autre part, pour les petits producteurs italiens ne pouvant négocier de grandes quantités ;

60. Attendu, en outre, que la fixation de quantités minima importantes (1 000 tonnes) pour chaque offre individuelle à présenter en vue de l'adjudication - jointe à l'absence d'un réseau de distribution indépendant et au fait que les utilisateurs industriels, qui ne disposent pas de moyens de stockage et doivent le plus souvent s'approvisionner au jour le jour, étaient dans la quasi-impossibilité de participer aux adjudications - a nécessairement conduit à ce que les producteurs italiens, conformément au voeu des autorités nationales, aient été pratiquement seuls en mesure de se présenter aux adjudications, ce qui devait amener les fournisseurs étrangers à offrir auxdits producteurs une grande partie du sucre qu'ils entendaient exporter en Italie ;

61. Que d'ailleurs, la circonstance que les quantités réclamées aux fins de l'importation hors adjudication étaient proportionnellement réduites dès lors que leur total dépassait le plafond de 10 000 tonnes, était de nature à dissuader les intéressés de faire usage de ce système d'importation et à les inciter à s'approvisionner directement auprès des producteurs nationaux ;

62. Que, de plus, ladite fixation de quantités minima pouvait contraindre les petits producteurs italiens, soucieux de garder la possibilité de participer aux opérations d'importation, à coopérer avec leurs homologues de dimension plus vaste ;

63. Attendu que la centralisation tant de l'offre que de la demande pouvait être considérée comme la conséquence de la réglementation italienne et était favorisée en outre par le fait qu'en raison de l'importance des quantités soumises aux adjudications, les acheteurs se trouvaient fortement incités à s'adresser à des exportateurs disposant d'un volume de production suffisant, offrant des garanties de livraisons groupées et régulières, et en mesure de contracter à des prix intéressants, notamment en obtenant des conditions de transport particulièrement favorables qui n'auraient pu être consenties par les entreprises ferroviaires pour des tonnages plus réduits ;

64. Que, dans ces conditions, d'une part, les producteurs-exportateurs pouvaient s'estimer incités à confier la réalisation des opérations d'exportation à un intermédiaire unique, à savoir Sucres et Denrées, négociant international susceptible d'offrir les garanties indispensables à la bonne fin de ces opérations, et, d'autre part, les producteurs-importateurs étaient également amenés à centraliser les négociations, en donnant un mandat à Eridania, producteur italien important ;

65. 3. Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que la réglementation italienne et son exécution ont eu une incidence décisive sur des éléments essentiels du comportement incriminé des entreprises concernées, de sorte qu'il apparaît qu'à défaut de cette réglementation et de son exécution, la coopération litigieuse, ou bien n'aurait pas eu lieu, ou bien aurait eu lieu sous une forme différente de celle retenue par la Commission;

66. Attendu qu'il ressort de la décision attaquée que la Commission a insuffisamment tenu compte de cette incidence et, dès lors, a négligé un élément indispensable à l'appréciation des infractions alléguées;

67. 4. Attendu, en outre, que la réglementation italienne et son exécution avaient pour objet et pour effet d'adapter strictement la quantité de l'offre à celle de la demande et, par la, d'écarter un élément essentiel du jeu normal de la concurrence ;

68. Qu'ensuite, le régime ci-dessus décrit a réduit de manière substantielle la possibilité pour les intéressés de négocier un prix qui aurait résulte du jeu libre de l'offre et de la demande ;

69. Qu'au surplus, la réglementation italienne a fait obstacle, indirectement mais de manière fondamentale, au libre choix du fournisseur par l'acheteur et inversement ;

70. Que d'ailleurs, la seule " concurrence " efficace que cette réglementation a laissé subsister, du moins en apparence, à savoir celle relative aux montants du " sovrapprezzo " à offrir aux fins des adjudications, était de nature à faire augmenter un élément non négligeable du prix de revient des acheteurs éventuels et, par là, les prix pratiqués lors de la revente du sucre adjugé, alors que les dispositions du traité relatives à la concurrence tendent au contraire, entre autres, à empêcher des ententes permettant aux intéressés de pratiquer des prix injustifiés ;

71. Attendu, comme il a été constaté plus haut que si notamment, le système des quotas nationaux, en tendant à cloisonner les marchés nationaux, ne laisse déjà aux règles de la concurrence qu'un domaine résiduel, celui-ci se trouve à son tour en grande partie restreint de manière fondamentale par l'organisation spéciale du marché italien ;

72. Attendu qu'il ressort de ces considérations que le comportement incriminé n'a pu entraver le jeu de la concurrence de manière sensible et, dès lors, ne relève pas de l'interdiction de l'article 85 du traité ;

73. Attendu, dès lors, que l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé ;

2e Chapitre - Quant au grief de pratique concertée tendant à la protection du marché néerlandais

74. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 2, de la décision attaquée, il est reproché à SU et CSM, d'une part, et à RT et Pfeifer & Langen, d'autre part, d'avoir commis, " depuis la campagne 1968-1969 (Pfeifer & Langen seulement à partir de la campagne 1970-1971) " - c'est-à-dire de la campagne 1968-1969 à la campagne 1971-1972 - " des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en se livrant à une pratique concertée ayant pour objet et pour effet de contrôler les livraisons de sucre sur le marché néerlandais, en provenance de la Belgique et de la partie occidentale de l'Allemagne, et de protéger, en conséquence, ce marché " ;

Première section : Moyen liminaire : inexistence de la " cooeperatieve Suiker Unie UA " (SU) pendant une partie de la période à laquelle se réfère le présent grief

75. I - Attendu que SU fait valoir qu'elle n'aurait commencé ses activités que le 2 janvier 1971, de sorte que la décision manquerait en fait en ce qu'elle constate, dans le chef de la requérante, des infractions commises " depuis la campagne 1968-1969 " ;

76. Que, de même, la Commission aurait violé le règlement n° 17, en particulier son article 15, paragraphe 2, en infligeant à la requérante une amende fondée sur l'existence d'une infraction qu'elle ne pourrait avoir commise pendant la plus grande partie de la période retenue ;

77. Attendu qu'il résulte de l'ensemble du dossier qu'en 1966 quatre coopératives néerlandaises, productrices de sucre et ayant comme membres des producteurs de betteraves, ont fondé une association dénommée " Coöperatieve vereniging " Suiker Unie UA ", désignée ci-après comme " ancienne association " et ayant pour mission, notamment, de coordonner les activités desdites coopératives, celles-ci étant tenues de suivre les instructions de l'association, notamment quant à l'exploitation des installations, aux investissements et aux prix ;

78. Qu'animées du désir de parvenir à une coopération plus poussée comportant une véritable fusion, les quatre coopératives ont fondé, le 16 juillet 1970, une société dénommée également " Coöperatieve vereniging Suiker Unie UA ", groupant, en tant qu'associés directs, les membres desdites coopératives, ayant commencé ses activités le 1er janvier 1971 et constituant la requérante dans la présente affaire ;

79. Que l'ancienne association, après avoir change son nom en " Coöperatieve vereniging Suiker Unie behéer UA ", a cessé ses activités au moment ou la requérante a commencé les siennes, et a été dissoute avec effet du 1er juin 1971 ;

80. Que les quatre coopératives, membres de l'ancienne association, ont été liquidées le 31 décembre 1970 et que la requérante, le 1er janvier 1971, a repris tous leurs droits et toutes leurs obligations ;

81. Attendu que la requérante allègue qu'elle ne saurait être rendue responsable des faits de l'ancienne association, qui ne serait pas son auteur (" rechtsvoorganger ") et qui n'aurait disposé, ni de fonds de commerce, ni d'actif qu'elle aurait pu transférer à la requérante, abstraction faite de ce que la transmission d'un fonds de commerce serait étrangère au droit néerlandais ;

82. Que la requérante ne serait l'ayant droit et le successeur économique que des quatre coopératives, dont les dénominations n'auraient d'ailleurs pas comporte l'élément " Suiker Unie " ;

83. Qu'à supposer même qu'elle doive être considérée comme l'ayant droit de l'ancienne association, il y aurait lieu de tenir compte du fait que les obligations découlant de la décision ne sont pas nées dans le chef de cette association, mais directement dans le chef de SU.

84. II - Attendu que, la requérante ayant repris tous les droits et obligations des quatre coopératives de l'ancienne association, elle doit être considérée comme le successeur économique tant de l'ancienne association que de ses membres, ceux-ci mêmes ayant entendu lui assigner cette fonction ;

85. Que la requérante ne conteste d'ailleurs pas que la dénomination " Suiker Unie " a toujours recouvert les mêmes entreprises, dirigées en grande partie par les mêmes personnes et siégeant à la même adresse ;

86. Qu'il n'est même pas allégué que le comportement de la requérante sur le marché du sucre aurait eu un caractère différent de celui de l'ancienne association ;

87. Que, dans ces circonstances, en ce qui concerne le marché du sucre, le comportement de la requérante et de son prédécesseur a donc été caractérisé par une unité d'action évidente qui rend ce comportement imputable à la requérante ;

88. Que, dès lors, le présent moyen est dénué de fondement ;

Deuxième section : Moyens de procédure et de forme

I - Moyens concernant la procédure administrative

1) Violation du principe du procès équitable pour cause de publications prématurées

89. Attendu que SU, CSM et Pfeifer & Langen reprochent à la Commission d'avoir violé le principe du procès équitable en émettant certaines déclarations publiques faisant apparaître comme établie l'existence des infractions alléguées, et cela à un moment ou les intéressés n'auraient même pas encore pu prendre position sur les griefs les concernant ;

90. Que la Commission se serait ainsi privée de la possibilité d'apprécier en toute sérénité les faits de la cause et les arguments avancés par les requérantes ;

91. Attendu qu'aucun élément du dossier ne permet de présumer que la décision attaquée n'aurait pas été prise, ou aurait eu un contenu différent, à défaut des manifestations litigieuses, que celles-ci soient ou non critiquables sur un autre plan ;

92. Que, d'ailleurs, la décision n'a pas retenu tous les griefs énoncés dans la communication des griefs ;

93. Que le moyen doit donc être rejeté ;

2) Brièveté excessive des délais fixés pour la présentation d'observations

94. Attendu que SU, CSM et Pfeifer & Langen font valoir qu'en fixant aux intéressés, pour la présentation de leurs observations sur la communication des griefs, un délai de deux mois seulement, la Commission aurait violé l'article 11 du règlement n° 99-63, aux termes duquel, pour la fixation des délais prévus dans ce règlement, " la Commission prend en considération le temps nécessaire à l'établissement des observations " ;

95. Que le délai ainsi fixé aurait été trop bref, compte tenu notamment du fait que la Commission elle-même aurait mis plus de deux ans pour mener son enquêté ;

96. Attendu qu'en vertu de l'article 11, le délai dont s'agit " ne peut être inférieur à deux semaines ", ce qui démontré que la Commission, en le fixant à deux mois, a accordé aux intéressés un temps dépassant largement le minimum prescrit par cette disposition ;

97. Qu'en outre, celle-ci exigeant également la prise en considération de " l'urgence de l'affaire ", la Commission, du fait qu'elle a estimé, à tort ou à raison, se trouver en présence d'une série d'ententes de caractère particulièrement nocif, a pu être amenée à accélérer la procédure administrative, en vue de pouvoir mettre fin le plus vite possible aux comportements incriminés ;

98. Que le rapprochement, d'une part, du laps de temps écoulé entre l'ouverture et la clôture de l'enquête et, d'autre part, du délai litigieux de deux mois manque de pertinence, la Commission ayant du rassembler une multitude de faits concernant un grand nombre d'entreprises, alors que chacune de celles-ci n'a eu à s'expliquer, pour l'essentiel, que sur son propre comportement ;

99. Que le moyen ne saurait donc être retenu ;

3) Défaut, par la Commission, d'avoir pris en considération certains faits allégués par la requérante

100. Attendu que SU fait valoir que la Commission aurait violé l'article 19, paragraphe premier, du règlement n° 17 et l'article premier du règlement n° 99-63, un membre de la Commission ayant affirmé, lors d'une conférence de presse tenue le 18 décembre 1972, qu'aucune des entreprises concernées par la décision n'aurait fait valoir qu'elle ait fixé le prix du sucre en accord avec les autorités compétentes de l'État membre dont elle relève, alors que SU aurait précisément expose, dans la procédure administrative, que tel aurait été le cas pour elle ;

101. Attendu qu'il résulte de ces dispositions que la Commission est tenue, avant de prendre une décision et d'entendre le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, de donner aux intéressés " l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission " ;

102. Qu'il ressort des allégations mêmes de SU qu'elle a eu l'occasion de prendre position sur le point dont s'agit ;

103. Que le fait, par un membre de la Commission, de fournir éventuellement à la presse des informations erronées sur les allégations avancées par une entreprise au cours d'une procédure administrative, n'est pas de nature à établir que la Commission n'ait pas pris en considération lesdites allégations ;

104. Que le moyen n'est donc pas fonde ;

4) Violation de l'article 4 du règlement n° 99-63

105. Attendu que, selon SU, la Commission aurait violé l'article 4 du règlement n° 99-63 aux termes duquel " la Commission ne retient contre les entreprises et associations d'entreprises destinataires que des griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue " ;

106. Que la décision retiendrait les achats des producteurs néerlandais à RT et Pfeifer & Langen comme constituant en eux-mêmes une infraction, alors que la communication les aurait simplement considérés comme indice d'une pratique concertée ;

107. Attendu qu'il résulte du libellé et de l'esprit de la décision que la Commission ne soutient pas que des livraisons de producteur à producteur soient illicites en elles-mêmes, mais qu'elle a déduit l'illicéite des opérations en cause du fait que celles-ci constitueraient des éléments de pratiques concertées ;

108. Que la décision ne s'écartant donc pas de la communication sur le point en question, le moyen n'est pas fondé ;

II - Moyens concernant la rédaction et la notification de la décision

1) Violation des droits de la défense par l'adoption d'une décision unique ; violation de l'article 191, alinéa 2, du traité et de l'article 3 du règlement n° 1

109. A - Attendu que SU et CSM reprochent à la Commission d'avoir violé les droits de la défense en adoptant une décision unique à l'égard d'un grand nombre d'entreprises et au regard d'une série de prétendues infractions non liées les unes aux autres ;

110. Que cette manière de procéder aurait laissé les destinataires de la décision dans l'incertitude sur le contenu exact des reproches adressés à chacun d'entre eux individuellement, et pourrait avoir pour conséquence que les infractions éventuellement commises par une entreprise seraient imputées également à une autre entreprise ;

111. Attendu que rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions, même si certains destinataires sont étrangers à certaines de ces infractions, à condition que la décision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard;

112. Que la décision attaquée satisfaisant à cette exigence en ce qui concerne SU et CSM, le moyen n'est pas fondé ;

113. B - Attendu que SU argue d'une violation de l'article 191, alinéa 2, du traité, ainsi que de l'article 3 du règlement n° 1, motif pris de ce que la Commission lui a adresse, non seulement la version néerlandaise de la décision, mais également les versions allemande, française et italienne, et cela sans indiquer que le texte néerlandais serait le seul faisant foi, en ce qui concerne su ;

114. Attendu que les institutions de la Communauté sont tenues de communiquer à toute entreprise destinataire d'une décision le texte de celle-ci dans la langue de l'État membre dont cette entreprise relève ;

115. Que, cette exigence étant remplie en l'espèce le fait que la Commission ait notifié la décision aux requérantes également dans d'autres langues n'est pas de nature à mettre en cause sa validité ;

116. Que, dès lors, le moyen ne saurait être retenu ;

2) Violation de l'article 190 du traité

117. Attendu que SU et CSM font valoir que certaines affirmations figurant à l'exposé de motifs de la décision seraient trop imprécises pour satisfaire aux exigences de l'article 190 du traité ;

118. Attendu qu'a supposer même que les passages signalés n'aient pas été rédigés avec toute la précision souhaitable, cette circonstance n'a cependant empêché, ni les requérantes, ni la cour, de comprendre la portée du grief soulevé par la Commission et d'en apprécier le bien ou mal fondé, de sorte qu'il ne saurait être question de violation de formes substantielles, au sens de l'article 173 du traité ;

119. Que, dans la mesure ou le moyen vise à contester les faits allégués par la Commission ou leur appréciation par cette dernière, il relève du fond ;

120. Que, dès lors, il ne saurait être retenu ;

3) Défaut de clarté du dispositif

121. Attendu que SU, CSM et RT font valoir, selon le cas, une violation des formes substantielles, du principe de la sécurité juridique ou de l'article 3 du règlement n° 17, consistant, soit en ce que l'article premier, paragraphe premier, sous-paragraphe 2, de la décision ne définirait pas de manière précise les comportements qui constitueraient l'infraction et auxquels les requérantes sont tenues de mettre fin en vertu de l'article 2 de la décision, soit en ce que cette dernière disposition, même envisagée à la lumière de l'exposé des motifs, ne permettrait pas de déceler si des ventes de producteur à producteur, du fait qu'elles ont été considérées comme illicites en elles-mêmes, ne doivent plus avoir lieu ;

122. Attendu que, pour juger du présent moyen, il convient de se reporter non seulement au dispositif de la décision, nécessairement succinct, mais également à l'exposé des motifs ;

123. Que le dispositif critique, envisage à la lumière de la motivation, fait apparaître avec suffisamment de clarté quel comportement est reproché aux requérantes et doit cesser en vertu de l'article 2 de la décision ;

124. Qu'en ce qui concerne plus particulièrement les livraisons de producteur à producteur, il a déjà été dit qu'elles n'ont pas été considérées comme interdites en elles-mêmes, mais que la Commission en a déduit l'illicéité du fait qu'elles constitueraient des éléments de pratiques concertées ;

125. Que le moyen doit donc être rejeté ;

Troisième section : Moyens concernant le fond

I - Violation de l'article 85 du traité

126. Attendu que SU, CSM, RT et Pfeifer & Langen font valoir en substance que, faute de concertation, les comportements reprochés aux requérantes ne constitueraient pas des pratiques concertées, de sorte que la Commission, en appliquant l'article 85 du traité à ces comportements, aurait violé cette disposition ;

1) Résumé de l'expose de la décision

127. Attendu que l'ensemble des pratiques reprochées aux requérantes, ou à certaines d'entre elles, se subdivise en trois complexes d'actions ou d'omissions ;

128. Qu'il leur est d'abord fait grief d'avoir canalisé les exportations dans les Pays-Bas, totalement ou presque, vers des destinataires ou des destinations déterminés, à savoir les producteurs néerlandais, certaines industries pour l'approvisionnement desquelles ces producteurs avaient marqué leur consentement, la dénaturation ou l'exportation ultérieure vers des pays tiers ;

129. Qu'ensuite, il est reproché aux requérantes d'avoir opposé des refus de livraison à des opérateurs désirant importer du sucre dans l'État membre voisin ;

130. Qu'enfin, la Commission a retenu contre RT, d'une part, et SU et CSM, d'autre part, le fait d'avoir obligé, respectivement, les négociants belges et les négociants néerlandais à suivre leur politique ;

2) Examen du moyen

A - Quant aux rapports entre RT, d'une part, et SU et CSM, d'autre part

A) Quant aux preuves

a - a) Quant aux preuves concernant le comportement effectif des requérantes

1) Quant à la canalisation des exportations belges vers des destinataires ou des destinations déterminés

131. Attendu que de nombreuses pièces du dossier font apparaître que RT et d'autres producteurs belges contrôlés par celle-ci (raffinerie Notre-dame, à Oreye ; sucreries des Flandres, à Moerbeke-Waas), d'une manière générale ou à propos de livraisons déterminées à effectuer à des clients néerlandais autres que SU ou CSM, ont systématiquement enjoint à Export et à Hottlet de ne livrer les quantités en cause qu'à certains groupes de destinataires, ou pour certaines destinations ;

132. Qu'ainsi, dans une lettre à Export du 24 juillet 1969 (annexe I 43 aux mémoires en défense), RT, après avoir rappelé à cette firme qu'elle l'aurait " informée antérieurement de notre politique à l'égard de nos collègues étrangers ", lui enjoint de ne pas exporter vers les Pays-Bas, à destination du marché de la consommation, des quantités originairement vendues en vue de la dénaturation, mais ne pouvant plus être utilisées à cette fin en raison de la suppression de la prime de dénaturation ;

133. Que, dans un compte-rendu du 23 avril 1970, établi par Export, d'une réunion ayant eu lieu entre cette société et RT le 20 avril 1970 (annexe I 74 aux mémoires en défense), il est dit que M. Rolin, de RT, aurait été " heurté par les opérations d'Export de la campagne 1969-1970 aux Pays-Bas, et lors des achats aux fabricants indépendants peu de temps avant le début de la campagne sucrière ", passage qui, dans le contexte des autres pièces, ne peut être compris qu'en ce sens que RT reprochait à Export d'avoir livré, éventuellement avec le concours de fabricants belges indépendants de RT, à des clients néerlandais autres que ceux auxquels RT entendait limiter ses exportations ;

134. Que, dans un télex du 19 août 1970 (annexe I 82 aux mémoires en défense), RT, après avoir pris note de l'accord marqué par Export sur la ligne de conduite à suivre sur le marché néerlandais, fait savoir à cette firme que " nous mettons par conséquent sucre à votre disposition pour industrie hollandaise lait condense. . . " ;

135. Que, dans un télex à RT du 20 août 1970 (annexe I 83 aux mémoires en défense), Export se declare d'accord pour se conformer à " l'entente " intervenue entre RT et les producteurs néerlandais, en précisant que cette entente comporterait, pour Export, l'obligation de ne pas livrer dans les Pays-Bas aux fins de " la consommation de bouche humaine " ni à " l'industrie des produits sucres ", Export restant en revanche libre de traiter avec l'industrie du lait et l'industrie chimique ainsi que dans le cadre du " trafic de denaturation " ;

136. Que l'industrie laitière est indiquée, à l'occasion à côté de SU, comme seul client néerlandais entrant en ligne de compte dans une série d'autres documents, à savoir un télex de RT à Export du 20 août 1970, une confirmation de vente faite par Export à Jacobson le 1er octobre 1970, un télex d'Export à Jacobson de la même date, deux lettres d'Oreye à Export des 2 et 7 octobre 1970, un contrat de vente de Hottlet du 16 décembre 1970, neuf contrats d'achat ou de vente passes par Export ou Hottlet avec RT, d'autres fabricants belges ou Jacobson entre le 16 décembre 1970 et le 7 janvier 1972, un télex d'Export à RT du 17 septembre 1970, une lettre d'Export à Oreye du 5 octobre 1970, un télex d'Export à RT du 21 septembre 1970 (annexe I 84, 88, 89, 91 à 97, 100 à 104, 112 à 114 aux mémoires en défense) ;

137. Que, dans une confirmation d'achat faite par Export à RT le 5 octobre 1970 (annexe I 128 aux mémoires en défense), on lit : " destination : Hollande, en principe seulement l'industrie du lait, sucres destinés à des preneurs-acheteurs-utilisateurs finaux pour lesquels l'industrie sucrière néerlandaise marque une approbation d'approvisionnement. . . " ;

2) Quant aux refus de livraison

138. Attendu que certains documents confirment ce tableau de la politique restrictive de RT, du fait qu'ils établissent qu'à l'occasion, les opérateurs belges ont refusé d'accéder à des offres d'achat émanant d'opérateurs néerlandais autres que les producteurs de sucre et les industries laitière et chimique ;

139. Qu'ainsi, par lettres des 14 août, 23 août, 2 septembre et 3 septembre 1968 (annexes I 44 à 47 aux mémoires en défense), soit RT, soit Export ou le comptoir sucrier d'Anvers agissant conformément aux instructions de RT ou d'autres producteurs belges contrôlés par RT, ont décliné des offres d'achat émanant de tels opérateurs, au motif que les quantités disponibles ne laisseraient aucune possibilité d'exportation ;

140. Que, dans une note interne du 23 avril 1970 (annexe I 75 aux mémoires en défense), Export constate que " la politique des raffineurs fait échec " à la réalisation des possibilités d'exportation " dans les régions frontières du Bénélux ", malgré l'existence, aux Pays-Bas, de besoins considérables ;

3) Quant à l'obligation, imposée respectivement par RT aux négociants belges et par SU et CSM aux négociants néerlandais, de suivre la politique décrite ci-dessus

141. Attendu, en ce qui concerne les rapports entre RT et les négociants belges, qu'il résulte déjà de la plupart des documents cites que RT a insiste auprès de ces négociants, et notamment auprès d'Export, pour que ceux-ci ne livrent, à l'intérieur des Pays-Bas, qu'aux producteurs néerlandais, à l'industrie du lait, à l'industrie chimique, ou aux fins de la dénaturation ;

142. Attendu que, dans un télex expédié à RT le 19 août 1970 (annexe I 81 aux mémoires en défense), Export écrit : " Hollande : sur base des besoins d'importation des Pays-Bas en sucres CEE, sommes d'accord sur principe évoqué déjeuner d'avant-hier, travailler selon votre schéma, à savoir échanges entre fabricants de sucre via commerce traditionnel belgo-hollandais, sur base satisfaisante pour Export. Pour donner suite votre proposition, contactons maisons hollandaises sur ces questions. . . " ;

143. Que, par télex de la même date répondant au télex susvisé (annexe I 82 aux mémoires en défense), RT, après avoir exprimé son " grand plaisir " au sujet de l'accord marqué par Export, expose que : " nous mettons par conséquent sucre à votre disposition pour industrie hollandaise lait condensé pour opération via commerce traditionnel . . . d'autre part, si nous étions sollicités par industrie sucrière hollandaise pour ses besoins propres, une exportation éventuelle de sucre belge se traiterait également avec le concours de nos maisons de commerce. Des dispositions ci-dessus il découle que vous vous abstiendrez de toute autre démarché sur le marché hollandais, en sorte de ne pas en perturber la structure " ;

144. Que, par télex de réponse du 20 août 1970 (annexe I 83 aux mémoires en défense), Export précise de manière plus détaillée les conditions de l'arrangement intervenu, en écrivant notamment : " Export marque son accord de suivre la RT . . . dans son élaboration d'une entente avec la SU et la CSM . . . pour la campagne sucrière 1970-1971 sur les bases suivantes :

1) Export renonce de traiter des sucres belges avec les acheteurs-utilisateurs néerlandais pour ce que nous dénommons les besoins propres néerlandais et qui consistent en la consommation de bouche humaine, d'une part en l'état, tel quel, d'autre part pour l'industrie des produits sucres, pour consommation de ces produits sucres aux Pays-Bas . . . Cette industrie des produits sucres ne comprend pas l'industrie du lait. Est également exclu du renoncement d'Export, le trafic de dénaturation du sucre et l'industrie chimique.

2) Cet abandon d'Export est lié . . . à ce que, en ce qui concerne les besoins d'importation des Pays-Bas en sucre CEE . . . les échanges à prendre cours pour approvisionner ce marché néerlandais, entre les fabricants de sucre belges et les fabricants de sucre néerlandais, seront effectués via les commerces traditionnels belge et hollandais. . . " ;

145. Attendu, quant aux rapports entre SU et CSM, d'une part, et les négociants néerlandais, d'autre part, qu'une note du 3 septembre 1970, adressée par le baron Kronacker, d'Export, à M. Rolin, de RT (annexe I 86 aux mémoires en défense), fait état d'une affirmation de M. Rolin selon laquelle " les trois importateurs traditionnels hollandais ont pris l'engagement vis-à-vis de SU et centrale (CSM) de ne pas importer pour la consommation néerlandaise si ce n'est pas avec leur accord " et, d'autre part, " il (M. Rolin) à l'engagement de CSM et de SU que, s'il existe des besoins de consommation, ces firmes s'adresseront à la RT pour assurer la couverture de ces besoins et la RT prend l'engagement de traiter par nous ", c'est-à-dire par Export ;

146. Que, dans un télex du 24 septembre 1970 adressé par Jacobson à Export (annexe I 87 aux mémoires en défense), il est précisé que " de door ons af te nemen suiker is bestemd voor die afnemers waarover geen verschil van mening met de nederlandse industrie zal ontstaan " (" le sucre dont nous devons prendre livraison est destiné aux preneurs pour lesquels il n'y aura pas de divergence de vues avec l'industrie néerlandaise ") ;

147. Que, dans un télex d'Export à Jacobson du 1er octobre 1970, comportant confirmation de vente (annexe I 89 aux mémoires en défense), il est précise, sous l'intitulé " clauses particulières ", que " l'exclusivité de la RT " - à savoir l'exclusivité de la vente de ses sucres cristallises que RT à donnée à Export et à Hottlet pour la campagne 1970-1971 - " est fonction d'un engagement pris par les trois maisons de commerce traditionnelles néerlandaises que les sucres du présent contrat ou de contrats ultérieurs en cristallisés belges sur la campagne 1970-1971 seront destinés à être livrés à des preneurs-acheteurs-utilisateurs finaux pour lesquels l'industrie sucrière néerlandaise (CSM-SU) marque une approbation d'approvisionnement " ;

b b) Quant aux preuves en ce qui concerne le point de savoir si le comportement visé ci-dessus était concerté

148. Attendu que certains des textes cites ci-dessus évoquent déjà l'existence d'une concertation, à savoir le télex d'Export à RT du 2o août 1970, la note d'Export à RT du 3 septembre 1970, le télex de Jacobson à Export du 24 septembre 1970, le télex d'Export à Jacobson du 1er octobre 1970 et la confirmation d'achat faite par Export à RT le 5 octobre 1970 ;

149. Attendu qu'un compte-rendu établi par Export et reproduisant une discussion ayant eu lieu entre des représentants respectifs de RT et d'Export le 20 avril 1970 (annexe I 74 aux mémoires en défense) évoque " les obligations RT prises dans le cadre . . . de la concertation entre raffineurs européens ", obligations en vertu desquelles " sont. . . éliminées du champ d'application des rapports commerciaux RT/Export, une série d'affaires directes entre raffineurs au producteur " - les deux derniers mots signifiant probablement " ou producteurs " - " sur . . . la Hollande (d'une part fabrication de morceaux CSM avec éventuellement échange de la matière, d'autre part placement de cristallisés pour industriels à des clients de CSM/SU, à la demande et par le canal de ces dernières) " ;

150. Que, dans un procès-verbal d'Export du 16 mai 1970, relatant des entretiens qui s'étaient déroulés entre les représentants des mêmes firmes le 30 avril 1970 (annexe I 76 aux mémoires en défense), on lit : " le principe de base sur lequel M. Maisin " - de RT - " est intraitable est le suivant : Export doit suivre RT dans sa politique vis- à-vis de ses partenaires européens. Cette politique est définie par lui comme suit : pas de mouvement de marchandises de pays à pays, si ce n'est en concertation de producteur à producteur " ;

151. Qu'un télex de RT à Export du 20 août 1970 (annexe I 84 aux mémoires en défense) précise que : " pour les besoins d'importation des Pays-Bas en sucre destiné à la consommation en Hollande, vous renoncez à traiter en dehors des appels qui seraient formulés par l'industrie sucrière hollandaise qui entend garder le contrôle de ce marché. L'industrie sucrière hollandaise, comme vous nous le confirmez du reste, nous a déclaré qu'actuellement la situation en Hollande ne commandait pas la mise sur pied d'opérations d'importation. Etant donné que nous n'entendons faire quoi que ce soit à destination de la consommation en Hollande qui n'ait l'agrément de nos collègues hollandais, des opérations en sucre belge pour ces débouchés ne doivent donc pas être étudiées présentement. . . Autre chose est l'approvisionnement de la Melk industrie (industrie laitière). . . " ;

152. Que, dans une lettre du 31 août 1970 (annexe I 85 aux mémoires en défense), RT indique à Export que : " en ce qui concerne la Hollande, le principe de base est que nous souhaitons ne rien faire qui puisse heurter SU ou CSM, de même qu'eux ne désirent rien faire qui nous dérangerait " ;

153. Que, dans une lettre de confirmation de vente, du 1er octobre 1970, envoyée à Jacobson (annexe I 88 aux mémoires en défense), Export - après avoir indiqué que RT aurait confié à cette firme ainsi qu'à Hottlet, pour la campagne 1970-1971, l'exclusivité de la vente de ses sucres cristallisés à l'exportation, et en soulignant que RT n'entendrait rien faire sur le marché néerlandais " qui n'ait l'agrément de ses deux collègues néerlandais " expose que cette exclusivité " est fonction d'un engagement pris par les trois maisons de commerce traditionnelles néerlandaises que les sucres du présent contrat ou de contrats ultérieurs en cristallisés belges sur la campagne 1970-1971 seront destinés à être livrés à des preneurs-acheteurs utilisateurs finaux pour lesquels l'industrie sucrière néerlandaise (CSM-SU) marque une approbation d'approvisionnement " ;

154. Que, dans un télex expédié par Export à un négociant allemand le 14 septembre 1970 - télex faisant suite à un télex du 11 septembre dans lequel ledit négociant avait fait état de " différents clients en Hollande . . . qui ont un besoin urgent d'offres " (cf. annexes I 107, 108 aux mémoires en défense) -, il est indiqué, entre autres, que : " regarding the dutch market for which you asked us also offers and wrote to us for rather immediate selling possibilities of around 15 000 tons of belgian crystal sugar on the 1970-1971 crop, we confirm you positively that our main belgian sugar manufacturers, the RT group, working themselves in close contact (through trade intermediaries) with the dutch sugar industry groups CSM and SU, for the dutch consumption home market, are not presently sellers for such destination, outside their traditional refiners channel, and anyway waiting for dutch sugar manufacturers eventual demands " (" en ce qui concerne le marché néerlandais, pour lequel vous nous avez aussi demandé des offres et sollicité par écrit des délais de vente assez brefs pour environ 15 000 tonnes de sucre cristallisé belge de la récolte 1970-71, nous vous confirmons péremptoirement que nos principaux fabricants de sucre belge, le groupe RT, qui travaillent eux-mêmes en liaison étroite (par l'entremise d'intermédiaires de vente), en ce qui concerne le marché intérieur néerlandais, avec les groupes de l'industrie sucrière néerlandaise CSM et SU, ne vendent pas actuellement pour ce marché, en dehors de leur circuit traditionnel de raffineurs, et qu'ils attendent de toute manière les demandes éventuelles des fabricants de sucre néerlandais ") ;

155. Qu'au surplus, l'existence d'une concertation entre RT et les producteurs néerlandais est également affirmée, directement ou indirectement, dans certains autres documents (lettre du comptoir sucrier d'Anvers à un client néerlandais, du 3 septembre 1968 ; note interne d'Export du 23 avril 1970 ; télex d'Export à RT du 20 août 1970 ; note d'Export RT du 3 septembre 1970 ; télex de Jacobson à Export des 24 et 30 septembre 1970 ; télex d'Export à RT des 14 et 17 septembre 1970 ; télex d'Export à Jacobson du 1er octobre 1970 ; confirmation d'achat faite par Export à RT le 5 octobre 1970 ; lettre d'Export à Naveau du 31 juillet 1970 : annexes I 47, 75, 83, 86, 87, 90, 108, 112, 128, 129 aux mémoires en défense) ;

B) Quant à l'appréciation de ces preuves

a a) Quant à la valeur probante

156. Attendu que RT expose que, si les écrits susvisés d'Export reproduisent correctement les déclarations faites par RT à cette firme et si les documents invoqués par la Commission sont " accablants ", il ne faudrait cependant pas les prendre " au pied de la lettre " ;

157. Qu'en effet, Export ayant essayé en vain d'obtenir l'exclusivité des ventes de RT et ayant craint, à tort, d'être graduellement évincée des opérations de RT, cette dernière, pour aplanir les tensions qui seraient nées entres les deux sociétés, " n'a pas voulu expliquer franchement à Export que son propre intérêt lui commandait d'éliminer les intermédiaires de certaines transactions ", de sorte qu'il lui a paru plus opportun, commercialement parlant, de se retrancher derrière ses collègues étrangers " ;

158. Que, si les déclarations dont s'agit correspondaient à la réalité, " ce serait une naïveté bien grande, qu'on ne peut pas raisonnablement imputer à une entreprise comme (RT), de les coucher par écrit " ;

159. Attendu que SU et CSM, dans leur ensemble, font valoir qu'une correspondance intervenue entre des tiers, notamment entre RT et Export, ne saurait leur être opposée, et cela d'autant moins que les déclarations de RT quant à la nécessité de ne pas gêner les producteurs néerlandais reposeraient sur de pures spéculations de RT et qu'Export, en raison des tensions notoires ayant existe entre elle-même et RT, se serait manifestement attachée à constituer un dossier préjudiciable à cette dernière ;

160. Attendu que, si les pièces en cause ainsi que d'autres documents versés au dossier par la Commission font apparaître des divergences de vues entre RT et Export sur le champ et la liberté d'action à reconnaître à cette dernière, il est cependant difficile d'admettre que RT ait simplement inventé ce qu'elle a dit ou écrit sur ses rapports avec SU et CSM ;

161. Qu'en ce qui concerne la " naïveté " que démontrerait, selon RT, tout aveu écrit d'avoir participé à une concertation et de s'être efforcé de la mettre en œuvre, il convient de faire observer qu'il serait encore plus insolite, pour un producteur puissant, de feindre par écrit un comportement susceptible de l'exposer à des sanctions, rien que pour calmer un négociant qui dépend largement de lui sur le plan économique ;

162. Qu'en outre, l'affirmation sommaire selon laquelle les déclarations litigieuses ne doivent pas être prises " au pied de la lettre " laisse entièrement ouverte la question de savoir dans quelle mesure RT entend admettre ou bien nier la véracité de ces déclarations, et, dès lors, ne constitue même pas une tentative sérieuse de repousser ces éléments de preuve de la Commission ;

163. Qu'ensuite, il serait vain de denier la force probante aux écrits dont s'agit, au motif qu'Export les aurait établis ou conservés dans le seul but d'exposer RT à des poursuites de la part de la Commission ;

164. Que, contrairement à la pensée de SU et de CSM, rien n'interdit à la Commission et à la cour de retenir comme preuve du comportement d'une entreprise une correspondance échangée entre des tiers, pourvu que le contenu de cette correspondance soit digne de foi dans la mesure ou il fait état dudit comportement

165. Que, surtout, les affirmations figurant dans les pièces litigieuses cadrent avec le comportement effectif que les intéressés ont manifeste sur le marché ;

166. Attendu que, dans toutes ces conditions, il convient d'admettre que ces pièces constituent un ensemble d'indices concordants et que leur contenu correspond, du moins pour l'essentiel, à la réalité ;

b b) Quant à l'existence des pratiques concertées alléguées

167. 1) Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments relatés que les requérantes ont effectivement suivi sur le marché le comportement qui a été affirmé par la Commission ;

168. Qu'il y a donc lieu de tenir pour acquis que la presque totalité des exportations dans les Pays-Bas de RT et des producteurs belges contrôles par elle ont été canalisées vers les producteurs de sucre néerlandais, les industries laitière ou chimique ou la dénaturation, qu'elle n'a guère livré à la clientèle traditionnelle des producteurs néerlandais et que RT à oblige les négociants-exportateurs belges à suivre cette politique de canalisation ;

169. Que les quantités ainsi canalisées vers un nombre restreint de destinataires ou de destinations ont été considérables, ainsi qu'il résulte des chiffres mêmes fournis par RT en annexe 4 à sa réplique ;

170. Que, selon ces chiffres - lesquels, tout en s'écartant, tantôt vers le haut tantôt vers le bas, de ceux indiqués par la Commission, n'en restent pas moins dans le même ordre de grandeur -, sur l'ensemble des quatre campagnes visées par la décision, RT a fourni, respectivement à SU, à CSM et à l'industrie néerlandaise du lait, 40 741, 35 099 et 48 000 tonnes de sucre raffiné ou cristallisé, soit au total 123 840 tonnes, chiffres demeurant considérables même si l'on en déduit les 10587 tonnes de sucre cristallisé que CSM, en 1968-1969 et 1969-1970, avait confiées à RT à titre de travail à façon et que RT a ensuite réexportées dans les Pays-Bas sous forme de sucre raffiné ;

171. Que, comme il résulte d'une statistique présentée par la Commission (annexe I à la duplique 47-73, tableau VI), les livraisons " contrôlées " - c'est-à-dire les livraisons de producteur à producteur, à l'industrie du lait, aux fins de la dénaturation ou de l'exportation ultérieure vers les pays tiers - se sont élevées, respectivement pendant chacune des quatre campagnes en cause, à 70 % ; 28,4 % ; 79,3 % et 70% du total des exportations belges vers les Pays-Bas, le chiffre relativement bas de 28,4 % s'expliquant, selon la Commission, par le fait qu'en 1969-1970, les deux tiers de ces exportations auraient été effectuées par des producteurs belges indépendants de RT ;

172. 2) Attendu que SU et CSM font valoir que la notion de " pratiques concertées " supposant un plan et le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur des concurrents, on ne saurait se contenter de la conscience que les intéressés auraient pu avoir réciproquement du caractère parallèle ou complémentaire de leurs décisions respectives, sous peine de condamner toute tentative d'une entreprise de réagir aussi intelligemment que possible à l'action du concurrent ;

173. Attendu que les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun, y compris le choix des destinataires de ses offres et de ses ventes ;

174. Que, s'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché ;

175. Qu'il résulte des pièces citées qu'il y a eu des contacts entre les requérantes et que celles-ci ont précisément poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de leurs concurrents ;

176. Que, dès lors, l'argument des requérantes ne saurait être retenu ;

177. Attendu que SU et CSM exposent en outre que leur comportement sur le marché, du fait qu'il a correspondu à l'attitude normale d'un producteur place dans leur situation, ne constituerait pas une pratique concertée ;

178. Que, dans le même sens mais de manière plus concrète, RT fait valoir " qu'un . . . élément important de la notion juridique de " pratique concertée " est la causalité qui doit exister entre la prétendue concertation et les pratiques qui ont été suivies ", causalité faisant défaut " si ces pratiques découlent des éléments mêmes du marché, en manière telle qu'elles auraient été les mêmes en l'absence de tout contact entre les producteurs " ;

179. Attendu que les pièces évoquées démontrent à suffisance de droit qu'en tout état de cause, SU et CSM ont entendu écarter le risque d'une concurrence de la part de RT, concurrence dont elles ne pouvaient être nullement sûres qu'elle ne leur serait pas livrée à défaut de concertation, compte tenu des excédents considérables de la production belge, du caractère déficitaire de la production néerlandaise, du fait que les prix belges étaient inférieurs aux prix néerlandais, du fait que les négociants belges désiraient effectuer des exportations libres en grandes quantités, ainsi que la possibilité, résultant pour RT de tous ces facteurs, de procéder à des livraisons du moins dans les régions frontaliers des Pays-Bas ;

180. Que, dès lors, la concertation en cause et les pratiques l'ayant mise en œuvre étaient susceptibles d'écarter l'incertitude des producteurs néerlandais quant à leur possibilité de maintenir - au détriment de la liberté effective de circulation des produits dans le marché commun et du libre choix par les consommateurs de leurs fournisseurs - la situation qu'ils avaient acquise ;

181. 3) Attendu que les requérantes font valoir que l'article 85 du traité n'interdirait pas les livraisons de producteur à producteur ;

182. Attendu que cette affirmation est dénuée de pertinence, la Commission ne soutenant pas que de telles livraisons soient illicites en elles-mêmes, mais déduisant l'illicéité des opérations en cause du fait qu'elles ont été un élément de la concertation ;

183. Attendu, en outre, que, contrairement à ce qu'estime SU, il est indifférent que celle-ci, comme elle l'affirme, ait effectué la majorité de ses achats à RT, non pas directement, mais par la voie de négociants intermédiaires ;

184. Qu'en effet, l'élément déterminant est que RT loin d'abandonner le choix du destinataire aux intermédiaires, a entendu livrer et a effectivement livré à SU, fût-ce en associant Export et Hottlet à ces transactions ;

185. Que, par ailleurs, il résulte des documents cites que RT a contraint les négociants belges à suivre sa politique de canalisation des exportations belges vers les Pays-Bas, de sorte que la participation de ces négociants à tout ou partie des livraisons litigieuses ne saurait modifier l'appréciation de celles-ci ;

186. 4) Attendu que SU et CSM font valoir qu'aucun consentement relatif à la destination des sucres belges à Exporter vers les Pays-Bas ne leur aurait jamais été demandé ;

187. Attendu que cette argumentation méconnaît ainsi qu'il ressort des pièces citées, le fait que RT et les producteurs néerlandais se sont concertés sur, et ont mis en œuvre, les critères de base relatifs aux destinataires ou aux destinations des livraisons belges vers les Pays-Bas ;

188. 5) Attendu que ne saurait davantage être pris en considération l'argument de SU et de CSM consistant à dire que des importations non négligeables de sucre belge dans les Pays-Bas auraient eu lieu en dehors du système de livraisons critiqué, telles des livraisons négociées par une firme allemande et provenant de la fabrication de producteurs belges autres que RT ;

189. Qu'en effet, l'existence de telles livraisons, d'ailleurs non contestée par la Commission, ne fait nullement échec à la thèse selon laquelle RT, seul producteur belge incriminé par la décision, ainsi que SU et CSM, se seraient livrés à une pratique concertée concernant la destination de la production de la société belge ;

190. 6) Attendu enfin, quant à l'argument de CSM selon lequel les producteurs néerlandais n'auraient offert, ni n'auraient pu offrir, aucune contre-prestation à RT en échange de la politique de ménagement observée par cette dernière à leur égard, qu'il convient de faire observer que le moyen, dont le fondement peut d'ailleurs être contesté, ne serait de nature à affaiblir le reproche de pratiques concertées qu'a défaut d'autres indices suffisants, mais non lorsque l'existence de telles pratiques résulte à l'évidence des éléments du dossier ;

191. Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les pratiques en cause, loin d'avoir été décidées de manière autonome par les producteurs intéressés, ont été concertées entre ceux-ci, par substitution consciente d'une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence, coopération ayant abouti à une situation qui ne correspondait pas aux conditions normales du marché, même compte tenu de son caractère particulier, et ayant permis aux producteurs néerlandais de maintenir des positions acquises au détriment de la liberté effective de circulation dans le marché commun et du libre choix par les consommateurs de leurs fournisseurs ;

192. Que, dès lors, les requérantes se sont effectivement livrées à des pratiques concertées tendant à la protection du marché néerlandais ;

cc) Quant au point de savoir si les pratiques concertées étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et si elles ont eu pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun

193. Attendu que les pratiques concertées en cause ont affecté le commerce entre États membres, du fait même qu'elles ont concerné les échanges de sucre entre la Belgique et les Pays-Bas ;

194. Attendu qu'elles ont eu pour but et pour conséquence d'assurer que le sucre fabriqué par RT, ou par les producteurs belges sur lesquels cette société exerce un contrôle, ne fut exporté aux Pays-Bas que de manière à ne pas y concurrencer le sucre fabriqué par les producteurs néerlandais ;

195. Que lesdites pratiques, consistant notamment à limiter ou à contrôler les débouchés, ainsi qu'à repartir les marchés, au sens de l'article 85, lettres b) et c) du traité, avaient pour objet et pour effet d'entraver le jeu de la concurrence ;

d d) Quant au point de savoir si les pratiques concertées ont affecté le commerce entre États membres, et entravé le jeu de la concurrence, de manière sensible

196. Attendu, quant au point de savoir si les pratiques concertées en cause ont affecté le commerce entre États membres, et entravé le jeu de la concurrence, de manière sensible, qu'il convient d'abord de rechercher s'il y a lieu de présumer qu'à défaut desdites pratiques, une partie importante des quantités, elles-mêmes considérables, que RT a canalisées, ou fait canaliser par les négociants belges, vers les destinataires ou les destinations visés plus haut, auraient été livrées à d'autres clients établis aux Pays-Bas, en concurrence avec les producteurs néerlandais ;

197. Qu'une réponse affirmative découle de certaines des pièces citées, qui démontrent que, si RT n'avait pas imposé sa politique restrictive aux négociants belges, ceux-ci auraient été en mesure de, et disposés à, effectuer de telles livraisons en quantités non négligeables ;

198. Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que RT, SU et CSM se sont livrées à des pratiques concertées ayant affecté le commerce entre États membres, et entravé le jeu de la concurrence, de manière sensible et que, dès lors, elles ont commis une infraction à l'article 85 du traité ;

B - Quant aux rapports entre Pfeifer & Langen, d'une part, et SU et CSM, d'autre part

199. Attendu que, Pfeifer & Langen contestant elle aussi avoir concerté sa politique commerciale avec SU et CSM, il convient d'examiner si les faits et les pièces invoqués par la Commission sont de nature à établir une telle infraction pour la période commençant le 1er juillet 1970, seule intéressante en l'espèce ;

200. Que, selon la Commission, cette concertation résulte, d'une part, de certaines pièces versées au dossier et, d'autre part, des livraisons massives que la société aurait effectuées aux producteurs néerlandais alors que ses livraisons à d'autres clients néerlandais auraient été minimes ;

201. a) Attendu, quant auxdites pièces que celles ci-après élimination de certains documents manquant d'emblée de pertinence au regard du grief tel qu'il a été énoncé dans le dispositif de la décision attaquée - se réduisent à deux notes internes et un " procès-verbal " établis par Export les 23 avril et 6 mai 1970 et relatant des discussions intervenues entre cette firme et RT (annexes I 74 à 76 aux mémoires en défense) ;

202. Que ces écrits, invoqués dans le présent contexte pour établir des refus de livraison que Pfeifer & Langen aurait opposés à des non-producteurs néerlandais, n'ont trait de manière précise qu'aux rapports entre Export et RT ainsi qu'a ceux entre les opérateurs belges, d'une part, et d'éventuels clients français, allemands, néerlandais et italiens, d'autre part, mais nullement au comportement suivi ou à suivre sur le marché néerlandais par des producteurs allemands ;

203. Que, dans la mesure où lesdits écrits font état d'une coopération plus vaste à l'échelle de l'ensemble de la Communauté, les propos utilisés par Export - " la concertation entre raffineurs européens " et " Tirlemont a convenu avec les autres raffineurs du marché commun d'un accord d'exclusivité réciproque, d'où il ressort que la commercialisation dans le pays de destination est réservée aux raffineurs de ce pays " - sans préjudice de la portée qu'ils pourraient revêtir dans d'autres contextes, apparaissent trop vagues et trop génériques pour constituer même l'indice d'une pratique de Pfeifer & Langen concertée avec SU ou CSM, et cela d'autant plus qu'ainsi que la Commission elle-même l'a expressément déclaré, elle a abandonné sa thèse primitive d'une concertation globale entre tous les grands producteurs communautaires de sucre et n'a retenu qu'une série d'infractions localisées ;

204. b) Attendu, quant aux livraisons effectuées par Pfeifer & Langen aux Pays-Bas, que la Commission n'a pas contesté les chiffres avancés par Pfeifer & Langen et dont il résulte que cette dernière, pendant les campagnes 1970-1971 et 1971-1972, n'a livré des quantités appréciables (au total 15 000 tonnes) qu'à l'entreprise Limako, filiale de SU, alors que les quantités fournies pendant cette période à CSM (1,4 tonne) et à des tiers (1,5 tonne) ont été minimes ;

205. Qu'il n'est pas contesté que l'activité de Limako consiste essentiellement à exporter du sucre, que les 15 000 tonnes susvisées - ainsi que le prouvent d'ailleurs le type d'emballage choisi et le fait que Pfeifer & Langen les a livrées directement à un entrepôt du port de Rotterdam - étaient initialement destinées à être réexportées vers des pays tiers et qu'elles l'ont effectivement été, sauf une quantité limitée transformée en sucre liquide par SU ;

206. Que, dès lors, la livraison litigieuse ne constituant pas une livraison de producteur à producteur dans le sens retenu par la décision attaquée - c'est-à-dire une livraison effectuée à un autre opérateur en sa qualité de producteur et tendant à éviter de lui faire concurrence sur son " propre marché " -, elle ne saurait être considérée comme indice suffisant d'une concertation entre SU et Pfeifer & Langen ;

207. c) Attendu, quant à l'exiguïté des livraisons effectuées par Pfeifer & Langen à des non-producteurs néerlandais, que, d'après les indications mêmes de la Commission (cf. annexe 1 à la duplique dans l'affaire 56-73, tableau I), la production allemande était déficitaire en 1970-1971, alors qu'en 1971-1972, aussi bien la production allemande que la production néerlandaise étaient excédentaires ;

208. Qu'en outre, le niveau de prix allemand ne parait pas avoir été inférieur à celui des Pays-Bas ;

209. Que, dans ces conditions, Pfeifer & Langen peut ne pas avoir eu intérêt à prospecter le marché néerlandais pour y effectuer des ventes occasionnelles et éparpillées plutôt que de s'en tenir à sa clientèle traditionnelle qui, normalement, lui garantissait des débouchés stables ;

210. Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que, la Commission n'ayant pas prouvé à suffisance de droit l'infraction reprochée à Pfeifer & Langen aux termes de l'article premier, paragraphe premier, sous-paragraphe 2, de la décision attaquée, cette disposition doit être annulée dans la mesure ou elle affirme l'existence d'une pratique concertée entre Pfeifer & Langen, d'une part, et SU et CSM, d'autre part ;

II - Violation du règlement n° 26 du Conseil

211. Attendu que CSM et RT font valoir qu'à supposer même que les comportements incriminés constituent des pratiques concertées au sens de l'article 85 du traité, ils n'en seraient pas moins licites, du fait qu'ils bénéficieraient de la seconde exception prévue à l'article 2, paragraphe premier, première phrase, du règlement n° 26, disposition aux termes de laquelle l'article 85, paragraphe 1, du traité est inapplicable, entre autres, aux pratiques concertées " qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité " ;

212. 1. Attendu que CSM fait valoir qu'à défaut des achats qu'elle a effectués auprès de RT, son appareil de production et de distribution aurait été sous-employé, de sorte que la société n'aurait alors pas été en mesure d'offrir aux producteurs de betteraves un prix supérieur au prix minimum prévu par la réglementation communautaire ;

213. Que, dès lors, la décision attaquée aurait refusé à tort d'appliquer la disposition susvisée du règlement n° 26 ;

214. Attendu qu'il n'est pas besoin d'examiner si seul le paiement d'un prix supérieur audit prix minimum était de nature à " assurer. . . un niveau de vie équitable à la population agricole ", en l'occurrence aux producteurs de betteraves, objectif visé à l'article 39, paragraphe 1, lettre b), du traité ;

215. Qu'il suffit de constater qu'en tout état de cause, CSM n'a pas essayé de démontrer de manière tant soit peu précise que seuls ses achats à RT lui aient permis d'offrir auxdits producteurs un tel prix ;

216. Que le moyen doit donc être rejeté ;

217. 2. Attendu que RT s'élève contre l'affirmation de la décision attaquée (p. 43, col. G. ) selon laquelle l'exception susvisée du règlement n° 26 ne saurait profiter aux requérantes au motif " que les pratiques en cause . . . ne font pas partie des moyens prévus par la réglementation communautaire " pour garantir l'emploi et le niveau de vie des producteurs de betteraves ;

218. Que, bien au contraire, la politique par RT aurait été indispensable pour tenter d'obtenir, dans la vente du sucre produit à l'intérieur du quota maximum, des recettes égales au prix d'intervention, " garanti aux producteurs " et auquel ceux-ci auraient droit pour être en mesure de payer aux betteraviers le prix minimum prévu par la réglementation communautaire ;

219. Que RT se serait trouvée pratiquement dans l'impossibilité d'obtenir le prix d'intervention en vendant ses sucres à l'organisme d'intervention belge, les autorités belges lui ayant fait comprendre que de telles ventes seraient indésirables ;

220. Que, dans ces conditions, la requérante se serait vue obligée, d'une part, d'éviter que les clients auxquels elle avait vendu du sucre aux fins de la dénaturation et à un prix relativement bas ne revendent le produit sur le marché de la consommation humaine à un prix inférieur au prix d'intervention et, d'autre part, de refuser de donner suite à des offres d'achat faites à un prix trop bas, alors qu'elle aurait pu obtenir un meilleur prix en vendant directement à certains gros acheteurs ;

221. Attendu qu'aux termes de l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1009-67, les organismes d'intervention ont " l'obligation " d'acheter le sucre qui leur est offert, obligation dont le producteur intéressé peut exiger le respect ;

222. Qu'en ce qui concerne le sucre vendu, à un prix relativement bas, aux fins de la dénaturation, s'il peut être justifié qu'un producteur, agissant de manière autonome, cherche à éviter que ce sucre ne soit vendu trop bon marché sur le marché de la consommation humaine, les objectifs de l'article 39 du traité n'exigent cependant nullement qu'il poursuive ce but par des pratiques concertées,

223. Que, pour ce qui est de la préférence donnée aux " gros acheteurs ", l'argumentation même de RT revient à dire que la vente directe à des consommateurs néerlandais, en concurrence avec les producteurs néerlandais, aurait pu permettre à ceux-là d'obtenir des prix plus avantageux, de sorte que la politique de RT n'était pas, pour le moins, de nature à promouvoir - et certainement pas " nécessaire " pour réaliser - l'objectif énoncé à l'article 39, paragraphe 1, lettre e), du traité, à savoir " d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ", objectif ayant le même poids que celui d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;

224. Que, quant à ce dernier objectif, RT n'a avancé aucun argument spécifique, et notamment aucun chiffre susceptible d'apporter au moins un commencement de preuve à l'affirmation selon laquelle, à défaut d'application de l'article 2 du règlement n° 26, il n'aurait plus été possible de payer aux betteraviers le prix minimum prévu par la réglementation communautaire ;

225. Que le moyen ne saurait donc être retenu ;

226. Attendu qu'il résulte de ces considérations que les recours de SU, de CSM et de RT doivent être rejetés pour autant qu'ils concernent les pratiques concertées entre ces trois requérantes, alors que l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 2, de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il constate l'existence d'une pratique concertée entre Pfeifer & Langen, SU et CSM ;

3e Chapitre - Quant au grief de pratiques concertées tendant à la protection du marché de la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne

227. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 3, de la décision attaquée, telle qu'elle a été reproduite au journal officiel, il est reproché à Pfeifer & Langen, d'une part, et à RT, d'autre part, d'avoir commis, " à partir de la campagne 1968-1969, des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en se livrant à une pratique concertée ayant pour objet et pour effet de contrôler les livraisons de sucre belge, sur le marché de la partie occidentale de l'Allemagne, et de protéger en conséquence ce marché " ;

228. Attendu qu'aux termes de sa réponse écrite aux questions posées par la Cour, la Commission a admis que, " dans la version française de la décision attaquée envoyée à la RT ", elle a indique que l'infraction en cause n'aurait commencé qu'en 1969-1970 ;

229. Que la Commission affirme qu'il s'agirait la d'une erreur, alors que RT expose qu'elle s'en tient au texte de la décision qui lui a été notifié ;

230. Attendu, d'une part, que la communication des griefs a indiqué avec suffisamment de clarté que la Commission entendait retenir, à l'égard de la requérante, une pratique concertée tendant à la protection du marché de la partie occidentale de l'Allemagne et qui aurait commencé pendant la campagne 1968-1969 ;

231. Que, d'autre part, il résulte des mémoires présentés par la requérante au cours de la procédure écrite, et notamment des pages 4 et 12 ainsi que de l'annexe 5 de la réplique, que c'est en ce sens également qu'elle a compris la décision attaquée ;

232. Que, dans ces conditions, il y a lieu d'admettre que la décision a constaté une pratique concertée tendant à la protection du marché de la partie occidentale de l'Allemagne et ayant été commise à partir de la campagne 1968- 1969 ;

Première section : Moyens de procédure et de forme ; moyen de fond tiré de la violation du règlement n° 26 du Conseil

I - Moyens déjà traités au deuxième chapitre

233. Attendu que les moyens tires par RT du défaut de clarté du dispositif de la décision attaquée et de la violation du règlement n° 26, soulevés également à propos du deuxième grief, doivent être rejetés pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen de celui-ci ;

234. Que, de même, il peut être renvoyé aux développements précédents, quant aux moyens que Pfeifer & Langen tire de la violation du principe du procès équitable et de la brièveté des délais fixes pour la présentation d'observations ;

II - Violation des droits de la défense

235. Attendu que Pfeifer & Langen fait valoir que certaines affirmations figurant dans la communication des griefs seraient, soit dépourvues de motivation, soit inexactes ;

236. Attendu que l'examen du point de savoir si la Commission a, ou n'a pas, apporté la preuve de l'infraction alléguée, relève du fond ;

III - Violation de principes reconnus de l'administration des preuves

237. Attendu que Pfeifer & Langen se plaint de ce que la Commission aurait appuyé le grief soulevé à son égard sur des faits ne permettant pas de conclure à l'existence d'une pratique concertée, mais s'expliquant par des raisons étrangères à toute concertation ;

238. Qu'en outre, il serait inadmissible que la Commission, pour démontrer une infraction, ait recours à des déclarations émanant de personnes étrangères au litige et n'étant pas à même de témoigner des faits qu'elles affirment, mais tout au plus d'émettre une opinion sur des événements auxquels elles n'ont pas assisté ;

239. Attendu que ces arguments, tendant à faire admettre que la Commission n'aurait pas prouvé l'infraction reprochée à la requérante, relèvent du fond ;

Deuxième section : Moyen de fond tiré de la violation de l'article 85 du traité

240. Attendu que RT et Pfeifer & Langen font valoir en substance que, faute de concertation, les comportements reprochés aux requérantes, pour autant qu'ils auraient effectivement eu lieu, ne constitueraient pas des pratiques concertées, de sorte que la Commission, en appliquant l'article 85 du traité à ces comportements, aurait violé cette disposition ;

I - Résumé de l'exposé de la décision

241. Attendu que l'ensemble des pratiques reprochées aux requérantes comporte quatre complexes d'actions ou d'omissions ;

242. Qu'il leur est d'abord fait grief d'avoir canalisé la majorité des exportations de sucre blanc provenant du groupe RT dans la région occidentale de l'Allemagne vers des destinataires précis, à savoir Pfeifer & Langen, ou vers des destinations déterminées, à savoir la dénaturation ou l'exportation ultérieure dans les pays tiers ;

243. Qu'en ce qui concerne les exportations belges dans la région susvisée qui n'ont pas fait l'objet d'une telle canalisation, exportations relativement faibles, il est reproché au groupe RT d'avoir obligé les négociants belges, et notamment Export, à n'effectuer de telles exportations qu'avec le consentement de Pfeifer & Langen ou en appliquant un prix adapté à celui de la société allemande ;

244. Qu'en outre, RT aurait enjoint à Export d'opposer des refus ouverts ou voilés à des non-producteurs allemands désirant importer du sucre belge ;

245. Qu'enfin, la société belge aurait effectué des livraisons massives de sucre brut à Pfeifer & Langen, au lieu de raffiner elle-même ce produit et d'Exporter le sucre blanc ainsi obtenu dans la zone de vente de la firme allemande ;

II - Examen du moyen

1) Quant au sucre blanc

a - Quant aux preuves

a) Quant aux preuves concernant le comportement effectif des requérantes

a a) Quant à la canalisation des exportations belges vers des destinataires ou des destinations déterminés

246. 1. Attendu qu'il résulte d'une série de confirmations d'achat faites par Export ou Hottlet, soit à RT, soit à d'autres producteurs belges (annexes II 28, 35 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73), que ces négociants se sont engagés à ne revendre qu'aux fins de la dénaturation le sucre faisant l'objet de ces transactions ;

247. Que, dans une lettre à Export du 24 juillet 1969 (annexe I 43 aux mémoires en défense), RT - après avoir constaté que des sucres belges seraient actuellement exportés en Allemagne aux fins de la consommation humaine, alors qu'ils auraient été vendus à l'origine en vue de la dénaturation - expose que " ces mises en consommation. . . ne sont possibles qu'à la faveur de prix inférieurs à ceux demandés par les producteurs allemands ; ceux-ci déplorent en conséquence vivement la pression ainsi exercée sur leur marché par les sucres belges ", et poursuit en ces termes : " vous ayant informé antérieurement de notre politique à l'égard de nos collègues étrangers et ayant reçu de votre part l'assurance d'une sincère collaboration je me permets d'insister pour que soit mis au plus tôt un terme aux opérations actuellement en cours sur l'Allemagne et que ne soient en tout cas plus initiées de nouvelles affaires de l'espèce. . . " ;

248. Que, Hottlet ayant acheté à RT et vendu à un client deux lots de sucre et le client ayant ultérieurement prié Hottlet de le libérer de l'obligation de n'utiliser ce sucre qu'aux fins de la dénaturation, RT a refusé son consentement et a exigé de Hottlet une indemnité du fait que celle-ci, à la suite de ces événements, n'aurait pas enlevé chez RT le restant desdits lots (voir notamment lettre de RT à Hottlet du 16 décembre 1969, annexe I 42 aux mémoires en défense) ;

249. Que, dans un compte-rendu du 20 avril 1970, reproduisant les termes d'un entretien entre RT et Export (annexe I 74 aux mémoires en défense), cette dernière, après avoir fait état des " obligations de RT prises dans le cadre de la rationalisation de l'industrie sucrière européenne " et de la " concertation entre raffineurs européens ", constate que " sont ainsi éliminées du champ d'application des rapports commerciaux RT/Export, une série d'affaires directes entre raffineurs au producteur " - les deux derniers mots signifiant probablement : ou producteurs - " sur. . . l'Allemagne (échanges avec Pfeifer & Langen) " ;

250. Qu'une note interne d'Export du 23 avril 1970 (annexe I 75 aux mémoires en défense) expose : " Tirlemont a convenu avec les autres raffineurs du marché commun d'un accord d'exclusivité réciproque, d'où il ressort que la commercialisation dans le pays de destination est réservée aux raffineurs de ce pays. Par conséquent, aucune place n'est réservée à Export. . . en Allemagne, les importations sont négligeables depuis la réévaluation du DM. Néanmoins, il existe des possibilités d'échanges dans les régions frontières. . . de l'Allemagne . . . la politique des raffineurs fait échec à cette régionalisation. . . Il est douteux que nous puissions obtenir un contingent, car RT ne voudra pas cautionner une politique allant à l'encontre des conventions qu'elle a prises avec les autres raffineurs " ;

251. Que de nombreux écrits se situant entre les 19 décembre 1968 et 15 août 1970, et notamment une série de contrats d'achats passes par les négociants belges (annexe I 28 à 32, 34, 35, 41, 43, 129 aux mémoires en défense), montrent en leur ensemble que ceux-ci, conformément aux voeux de RT et des autres producteurs agissant à la demande ou sur le conseil de cette dernière, s'étaient engagés, ou avaient été prêts à s'engager, à ne pas exporter le sucre faisant l'objet de cette correspondance, aux fins de la consommation humaine, dans d'autres pays du marché commun, y compris l'Allemagne ;

252. Que, dans un de ces écrits (lettre à Naveau du 31 juillet 1970, annexe I 129 aux mémoires en défense), Export expose que RT aurait " couramment " vendu en Allemagne, mais " à notre connaissance, par le canal des rapports particuliers entre collègues grands fabricants-raffineurs, soit directement, soit via leurs sociétés affiliées ",

253. Que, dans un télex à un négociant allemand, du 25 septembre 1970 (annexe I 143 aux mémoires en défense), Export se plaint de ce qu'une autre firme allemande, ayant acheté du sucre à RT via Hottlet, n'ait pas respecté son engagement de ne pas revendre ce sucre en Rhenanie-du-Nord-Westphalie ;

254. 2) Attendu que d'après les statistiques fournies par la Commission dans l'annexe 1 à la duplique 47-73, la structure des exportations belges de sucre blanc vers l'Allemagne effectuées pendant la période litigieuse et exprimées en tonnes, se présente comme suit :

Campagne 1968-1969 :

total des exportations : 23 800

- livraisons à Pfeifer et Langen ou à WZV (exportations contrôlées) : 800

- livraisons pour la dénaturation ou l'exportation vers les pays tiers (exportations contrôlées) : 19 400

- total des exportations contrôlées : 20 200.

Campagne 1969-1970 :

total des exportations : 23 800

- livraisons à Pfeifer et Langen ou à WZV (exportations contrôlées) : 900

- livraisons effectuées avec l'accord de Pfeifer et Langen (exportations contrôlées) : 700

- livraisons pour la dénaturation ou l'exportation vers les pays tiers (exportations contrôlées) : 11 700

- total des exportations " contrôlées " : 13 300.

Campagne 1970-1971 :

total des exportations : 16 700

- livraisons à Pfeifer et Langen ou à WZV (exportations " contrôlées ") : 200

- livraisons pour la dénaturation ou l'exportation vers les pays tiers (exportations " contrôlées ") : 2 500

- livraisons à prix adapté (exportations " contrôlées ") : 13 300

- total des exportations " contrôlées " : 16 000.

Campagne 1971-1972 :

total des exportations : 24 500

- livraisons à Pfeifer et Langen ou à WZV (exportations " contrôlées ") : 2 600

- livraisons pour la dénaturation ou l'exportation vers les pays tiers (exportations " contrôlées ") : 1 600

- livraisons à prix adapté (exportations " contrôlées ") : 14 400

- total des exportations " contrôlées " : 18 600.

Total des exportations des campagnes 1968-1969 à 1971-1972 : 88 800

- total des livraisons à Pfeifer et Langen ou à WZV (exportations " contrôlées ") : 4 500

- total des livraisons effectuées avec l'accord de Pfeifer et Langen (exportations " contrôlées ") : 700

- total des livraisons pour la dénaturation ou l'exportation vers les pays tiers (exportations " contrôlées ") : 35 200

- total des livraisons à prix adapté (exportations " contrôlées ") : 27 700

- total des exportations " contrôlées " : 68 100.

255. Que, toujours selon ces statistiques, sur les 20 700 tonnes (88 800 moins 68 100) librement exportées en Allemagne, 11 300 provenaient de petits producteurs belges, de sorte que, tout au long des campagnes dont s'agit, RT ou le groupe RT pourraient tout au plus avoir éxporté librement 20 700 moins 11 300 = 9 400 tonnes, dont il ne serait d'ailleurs pas certain qu'elles aient été écoulées dans la zone de vente de Pfeifer & Langen ;

256. Que, si ces chiffres ne concordent pas toujours exactement avec les chiffres fournis ailleurs, soit par les requérantes, soit par la Commission, leur ordre de grandeur n'est cependant pas sérieusement contesté ;

257. Qu'il convient d'ailleurs de faire observer que, dans le présent contexte, il n'importe pas tellement de connaître le volume des exportations effectuées par les producteurs belges indépendants de RT, mais la structure des exportations effectuées par RT ou les producteurs contrôlés par elle, que ce soit directement ou via les négociants Export et Hottlet ;

bb) Quant à l'obligation, imposée aux intermédiaires, de n'effectuer des exportations libres qu'avec le consentement de Pfeifer & Langen ou en appliquant un prix adapté à celui de la société allemande

258. Attendu que, dans une lettre à Moerbeke-Waas, du 15 septembre 1969, confirmant un achat de 5 000 tonnes de sucre (annexe I 54 aux mémoires en défense), Export indique sous la rubrique " destination " : " les ventes à destination de l'Allemagne fédérale, pour la consommation humaine, devront l'être avec l'accord de la firme Pfeifer & Langen " ;

259. Que, dans un procès-verbal du 30 avril 1970, relatant des entretiens qui avaient eu lieu entre M. Maisin, de RT, et un représentant d'Export (annexe I 76 aux mémoires en défense), cette dernière écrit : " le principe de base sur lequel M. Maisin est intraitable est le suivant : Export doit suivre RT dans sa politique vis-à-vis de ses partenaires européens. Cette politique est définie par lui comme suit : pas de mouvements de marchandises de pays à pays, si ce n'est en concertation de producteur à producteur " ;

260. Qu'un négociant allemand ayant demandé à Export, pour le compte d'un client établi à Aix-la-Chapelle et par télex du 11 septembre 1970 (annexe I 106 aux mémoires en défense), de lui soumettre une offre de 15 000 tonnes au prix de 1 095,93 FB, Export, par télex de réponse du 14 septembre 1970 (annexe I 107 aux mémoires en défense) - après avoir affirmé que, " after having taken close contacts with the german Pfeifer & Langen refiners of Koeln, Tirlemont told us that they would not, properly speaking, decline any bid or refuse any offer for the german market. Their target being by no way to disturb the Pfeifer & Langen home market, they asked the Koeln refiners to inform them about their internal prices, delivered points of destination in the Ruhr area, as well as close the belgian border (Aachen for instance) " (" après avoir pris longuement contact avec les raffineurs allemands Pfeifer & Langen de Cologne, Tirlemont nous a déclaré qu'à proprement parler, elle ne déclinerait ni ne refuserait aucune offre pour le marché allemand et que, son but étant de ne perturber aucunement le marché intérieur de Pfeifer & Langen, elle a demandé aux raffineurs de Cologne de lui communiquer leurs prix intérieurs, points de livraison ou de destination dans la région de la Ruhr, ainsi qu'à proximité de la frontière belge (Aix-la-Chapelle par exemple)") - présente des calculs de prix effectués en fonction des prix allemands et ajoute que " the Tirlemont group says. . . that they might be possibly sellers of belgian. . . sugar for the german consumption market. . . If they could get such price, even if it is in line (and specially for that reason) with the german internal price, Pfeifer & Langen german clients will have practically no interest at all to change of suppliers " (" le groupe Tirlemont déclare. . . qu'il se pourrait qu'il vende du sucre belge. . . à destination du marché de consommation allemand. . . s'il pouvait obtenir. . . ce prix, (mais que), même si celui-ci correspondait au prix intérieur allemand (et spécialement pour cette raison), les clients allemands de Pfeifer & Langen n'auraient en pratique pas le moindre intérêt à changer de fournisseurs ") ;

261. Qu'une série de télex faisant suite à cette correspondance et s'échelonnant entre les 14 et 21 septembre 1970 - à savoir cinq d'Export à RT, un d'Export audit négociant allemand et un de RT à Export (annexes I 108 à 112, 114, 115 aux mémoires en défense) - font apparaître, dans leur ensemble, que :

- Export a essayé d'obtenir que RT satisfit par son intermédiaire la demande du négociant allemand ;

- M. Rolin (de RT) a manifesté à M. Lemaire (d'Export) son désir de " ne rien faire perturber structure marché sucrier allemand dans cadre clientèle Pfeifer & Langen (Rhénanie et région frontière Belgique) " ; a considéré que " prix allemand. . . correspond à 1 180 FB/100kg (selon renseignement lui fourni par Pfeifer & Langen) " ; a ramené " ce prix en départ sucreries belges de façon suivante " (suivent des calculs qui aboutissent à offrir le sucre à 1 120 FB départ sucreries belges) ;

- après une longue discussion, un accord entre Export et RT a été obtenu sur la base de 1 100 FB, mais de manière tardive, de sorte que l'opération a échoué ;

- Export a fait état, vis-à-vis de RT, de " refus successifs " de cette dernière " basés sur principes de vente RT pour sucres intracommunautaires ", ainsi que de la volonté " déjà exprimée par M. Rolin à baron Kronacker (d'Export) (note entretien . . . 31 août 1970 sur accord fabricants allemands - Pfeifer & Langen Koeln - de ne pas prendre betteraves à sucrerie belge de Liers) et à M. Lemaire de rien faire pouvant perturber structure marché sucrier allemand " ;

- Export s'est plaint de ce que, suivant des informations qui lui seraient parvenues d'Allemagne, RT aurait entre temps vendu à Pfeifer & Langen à un prix inférieur à celui offert par Export ;

262. Qu'aux termes d'une série de confirmations ou d'offres d'achat s'échelonnant entre le 17 septembre 1969 et le 7 octobre 1970, et adressées, soit par Export ou Hottlet à des producteurs belges (RT, Couplet, Oreye), soit par Oreye à Export (annexes I 55, 91, 92, 113, 119 aux mémoires en défense), ces producteurs ont exigé, pour des ventes à destination de l'Allemagne, un prix départ usine plus élevé que celui qu'ils étaient prêts à concéder pour le sucre destiné à être écoulé ailleurs (1 100 FB les 100 kg au lieu de 1 092,50, selon une lettre d'Oreye à Export, du 7 octobre 1970) ;

c) Quant aux refus de livraison

263. Attendu que, dans une lettre à Export du 12 août 1970 (annexe I 130 aux mémoires en défense), la sucrerie et raffinerie de Donstiennes expose que RT lui " a conseill2 de ne pas réaliser de contrats d'exportation actuellement " ;

264. Que, dans un télex du 10 septembre 1970 adressé à un négociant allemand (annexe I 105 aux mémoires en défense), Export écrit : " regarding the german market, for which you asked us an offer, we would like to ask you to wait a bit before getting offers from us, due to the fact that our principal sugar manufacturer, the RT group, is not on the market at the moment for such destination " (" en ce qui concerne le marché allemand, pour lequel vous nous avez demandé une offre, nous voudrions vous prier de patienter un peu avant de recevoir des offres de notre part, et cela, parce que notre principal fabricant de sucre, le groupe RT, n'est pas vendeur pour le moment pour ce marché ") ;

265. Que certaines pièces citées - à savoir le télex d'Export à un négociant allemand, du 14 septembre 1970, ainsi que la série de télex échangés, pendant la période allant du 14 au 21 septembre 1970, entre RT et Export, et entre celle-ci et le négociant allemand - font apparaître que RT, soit a refusé, fut-ce de manière voilée, de livrer à des non-producteurs établis dans la zone de vente de Pfeifer & Langen, soit a offert ou fait offrir à de tels opérateurs, qui s'étaient portés candidats-acheteurs, un prix risquant d'être dissuasif, tout cela malgré l'existence d'une demande allemande considérable et en dépit du désir d'Export de satisfaire celle-ci ;

266. Que cette situation est encore confirmée par un télex qu'un négociant allemand a adressé à Export le 2 novembre 1970 (annexe I 116 aux mémoires en défense) et dans lequel, après avoir fait état de nombreux télex qu'il avait envoyés à Export, il écrit : " we would. . . as we told you many times in the above telexes and on many phone conversations we had together. . . very much like to conclude business with your company in belgian crystal sugar for the west german market for the new 1970-1971 crop. We are prepared to try at the maximum to reach the level where business could be concluded. We would like from your side to get orders and bids to enable us to be in a position to materialize such business. We await your comments, orders and bids with the keenest interest " (" ainsi que nous vous l'avons signalé à de nombreuses reprises dans les télex susmentionnés et au cours de nombreuses conversations téléphoniques que nous avons eues. . . , nous souhaiterions beaucoup conclure avec votre société des contrats portant sur du sucre cristallisé belge destiné au marché de l'Allemagne occidentale au cours de la nouvelle campagne 1970-1971. Nous sommes disposés à faire tout notre possible pour atteindre le niveau qui nous permettrait de passer contrat. Pour nous permettre de réaliser concrètement de telles opérations, nous souhaiterions recevoir de votre part des commandes et des offres. Nous attendons vos observations, commandes et offres avec le plus grand intérêt ") ;

267. Que, dans le même sens, aux termes d'une lettre à Export du 11 novembre 1970 (annexe I 118 aux mémoires en défense), une firme allemande, après avoir exposé qu'elle aurait conclu plusieurs accords importants - selon toute probabilité, avec des maisons allemandes, affirme qu'à l'occasion de chacune des négociations ayant précédé ces accords, " nous vous avons consultés, mais malheureusement - nous devons le répéter - nous n'avons pas reçu de votre part des offres arrivant suffisamment en temps utile, et portant sur un prix suffisamment intéressant, pour nous permettre de concurrencer. Maintenant, il ne peut plus s'agir que de couvrir des besoins supplémentaires éventuels, ce qui arrivera de temps en temps " ;

268. Qu'enfin, dans une lettre adressée à la société Gemas de Bruxelles, du 10 mars 1972 (annexe II 9 aux mémoires en défense dans les affaires 54 à 56-73), la Gedelfi de Cologne, acheteur en gros de produits alimentaires, constate : " in den letzten 4 jahren ist von der gedelfi kein zucker aus ewg-laendern importiert worden. Unsere vergeblichen versuche vor einigen jahren sind ihnen aus unseren gespraechen bekannt. Damals haben wir auf unsere anfragen keine offerten erhalten. Gegenwaertig werden auf anfragen offerten genannt, die sich aber aus frachtgruenden und deshalb preisgruenden nicht realisieren lassen " (" au cours des quatre dernières années, la Gedelfi n'a pas importé de sucre en provenance des pays de la CEE. Nos entretiens vous ont révélé les tentatives que nous avons vainement faites il y a quelques années. A l'époque, nos demandes n'ont été suivies d'aucune offre. Actuellement, nous recevons, en réponse à nos demandes, certaines offres, mais pour des raisons tenant au transport et, partant, au prix, elles ne sont pas réalisables ") ;

B) Quant aux preuves en ce qui concerne le point de savoir si le comportement visé ci-dessus était concerteé

269. Attendu que, selon la Commission, certains des textes cites ci-dessus évoquent déjà l'existence d'une concertation, à savoir la lettre de RT du 24 juillet 1969, le compte-rendu d'Export du 20 avril 1970, la note d'Export du 23 avril 1970, la lettre d'Export à Moerbeke - Waas du 15 septembre 1969, le télex du 14 septembre 1970 adressé par Export à un négociant allemand, ainsi que la série de télex échangés pendant la période allant du 14 au 21 septembre 1970 entre Export et RT ou un négociant allemand ;

270. Qu'en outre, la Commission fait valoir que l'attitude réticente de RT vis-à-vis de candidats-acheteurs allemands autres que Pfeifer & Langen ne saurait procéder d'une décision prise en toute autonomie par la société belge, conformément à ses intérêts objectifs, étant donné que les excédents considérables de la production belge (174 000, 251 000, 193 000 et 277 000 tonnes respectivement pendant chacune des quatre campagnes en cause ; cf. Annexe 1 à la duplique 47-73, tableau I), rapprochés de la demande non négligeable émanant de la région occidentale de la République fédérale d'Allemagne, auraient normalement dû inciter RT à concurrencer Pfeifer & Langen sur le marché de ladite région ;

b - Quant à l'appréciation de ces preuves

271. A) Attendu, quant à la valeur probante des pièces citées, que RT et Pfeifer & Langen font valoir des arguments semblables à ceux avancés respectivement par RT, d'une part, et SU et CSM, d'autre part, à propos des mêmes ou d'autres pièces établies par Export ou adressées à celle-ci par RT, dans le cadre du deuxième grief, arguments ayant été reproduits au deuxième chapitre et qui doivent être rejetés pour les motifs qui y ont été exposés ;

272. Que, plus particulièrement, ne saurait être retenu l'argument de Pfeifer & Langen selon lequel les dires d'Export ne seraient pas dignes de foi, les intérêts de cette firme ayant été opposes à ceux de RT ;

273. Que, s'il est exact que la politique de vente de RT a conduit à ce que de nombreuses opérations dans lesquelles Export souhaitait intervenir n'ont pas été réalisées ou l'ont été sans le concours d'Export, ce conflit d'intérêts ne change rien au fait que, selon les affirmations même de RT, Export a relaté correctement les déclarations qui lui avaient été faites par cette dernière et que, pour les raisons développées à propos du deuxième grief, ces déclarations doivent être considérées comme véridiques ;

274. Que, dans ces conditions, les pièces établies par Export constituent des moyens de preuve valables et peuvent être opposées également à Pfeifer & Langen ;

275. b) Attendu qu'il résulte des éléments relatés que les requérantes ont effectivement suivi sur le marché le comportement qui a été affirmé par la Commission ;

276. Qu'il y a donc lieu de tenir pour acquis que la plus grande partie des quantités de sucre blanc exportées par RT et par les producteurs belges contrôlés par elle dans la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne ont été livrées de manière à ne pas y concurrencer de façon efficace les produits de Pfeifer & Langen, soit qu'elles aient été canalisées vers Pfeifer & Langen, WZV, la dénaturation ou l'exportation ultérieure vers les pays tiers, soit qu'elles aient été écoulées avec le consentement de Pfeifer & Langen ou à un prix adapté à celui de celle-ci ;

277. Que les quantités exportées dans ces conditions se sont élevées, sur l'ensemble des quatre campagnes en cause, à environ 68 000 tonnes et ont donc été considérables ;

278. Qu'au surplus, il est constant que RT a enjoint à Export d'opposer des refus ouverts ou voilés à des non- producteurs allemands désirant importer du sucre belge ;

279. C) 1. Attendu que Pfeifer & Langen fait valoir que l'affirmation figurant dans la lettre de RT du 24 juillet 1969 et selon laquelle " les producteurs allemands . . . déplorent vivement la pression ainsi exercée sur leur marché par les sucres belges " ne la désigne pas nommément ;

280. Attendu, toutefois, qu'il apparaît certain que cette firme, expressément mentionnée dans d'autres documents cités, était l'un des producteurs ayant émis de telles doléances, et cela d'autant plus que, compte tenu des distances géographiques relativement modestes, la zone de vente de Pfeifer & Langen était, parmi les différentes régions allemandes, la plus indiquée pour des exportations de sucre belge ;

281. Que Pfeifer & Langen cherche à minimiser la portée de l'affirmation de RT en faisant observer, d'une part, que si " les producteurs allemands ne se félicitaient pas des importations étrangères ", cela " n'était pas une réaction surprenante " (requête 56-73, p. 30) et, d'autre part, qu'elle n'aurait " jamais tenté d'influencer la formation de la volonté de RT " (loc. cit. , p. 31) ;

282. Que, cependant, il résulte clairement de la lettre susmentionnée que les producteurs allemands y visés - au nombre desquels il faut compter Pfeifer & Langen pour les raisons qui viennent d'être indiquées -, loin de garder leur mécontentement pour eux, en ont fait part à RT ;

283. Que, lorsqu'un opérateur économique fait siennes les plaintes que lui adresse un autre opérateur au sujet de la concurrence que font à ce dernier les produits écoulés par le premier opérateur, le comportement des intéressés constitue une pratique concertée ;

284. 2. Attendu que Pfeifer & Langen affirme que, " à supposer qu'un entretien relatif aux prix ait eu lieu entre RT et la requérante, cet entretien . . . n'a eu nullement pour résultat le refus de RT d'approvisionner le marché allemand, mais l'offre de réserver du sucre pour les exportations à destination de l'Allemagne " et que " le fait qu'à cette occasion RT ait tenté d'obtenir le même prix que la requérante procède du simple bon sens commercial " (requête 56-73, p. 36) ;

285. Attendu que, si le fait pour un vendeur d'aligner son prix sur le prix plus élevé d'un concurrent ne constitue pas nécessairement l'indice d'une pratique concertée, mais peut s'expliquer par la tentative d'obtenir un bénéfice aussi élevé que possible, il en va autrement en l'espèce ;

286. Qu'en effet, les pièces citées font apparaître dans leur ensemble que le motif prépondérant de RT pour l'alignement en cause - motif d'ailleurs admis par les parties - a été d'éviter de mécontenter Pfeifer & Langen, client important de RT pour le sucre brut, par une politique commerciale de nature à enlever à la société allemande une partie de sa clientèle ;

287. Qu'enfin, les propos de Pfeifer & Langen, envisagés à la lumière des pièces citées, sont susceptibles de confirmer la thèse selon laquelle l'alignement en cause réalisait une pratique concertée ;

288. Qu'en effet, il ressort de ces éléments, d'une part, que Pfeifer & Langen ne conteste pas sérieusement avoir communiqué ses prix à RT et, d'autre part, que cette information a été demandée et fournie aux fins d'un objectif anticoncurrentiel commun, ce qui constitue un exemple classique d'une coopération pratique que les intéressés ont sciemment substituée aux risques de la concurrence ;

289. 3. Attendu que l'argument de RT selon lequel les pratiques incriminées " (découlaient) des éléments mêmes du marché, en manière telle qu'elles auraient été les mêmes en l'absence de tout contact entre les producteurs ", a déjà été écarté au deuxième chapitre ;

290. 4. Attendu que RT fait état de certaines livraisons qu'elle aurait effectuées à des non-producteurs établis en Rhénanie, pour démontrer qu'elle n'aurait nullement suivi une politique anticoncurrentielle systématique ;

291. Attendu, cependant, que, pour qu'il y ait pratiques concertées au sens de l'article 85 du traité, il suffit que la concurrence ait été restreinte, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été empêchée ;

292. Qu'au surplus, RT n'a pas sérieusement contesté que le volume de ces livraisons libres était modeste ;

293. Attendu qu'il résulte de ces éléments que les pratiques en cause, loin d'avoir été décidées de manière autonome par les producteurs intéressés, ont été concertées entre eux, ceux-ci ayant substitué sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence, coopération ayant abouti à une situation qui ne correspondait pas aux conditions normales du marché et ayant permis à Pfeifer & Langen le maintien d'une position acquise au détriment de la liberté effective de circulation des produits dans le marché commun et du libre choix par les consommateurs de leurs fournisseurs ;

294. Que, dès lors, les requérantes se sont effectivement livrées à des pratiques concertées tendant à la protection du marché de la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne ;

2) Quant au sucre brut

295. Attendu que la Commission soutient que Pfeifer & Langen aurait acheté à RT des quantités de sucre brut, s'élevant respectivement à 8 361, 24 853 et 23 419 tonnes pour les trois campagnes allant de 1969 à 1972, et que ces achats constitueraient, eux aussi, un élément de la pratique concertée interdite ;

296. Qu'elle fait essentiellement valoir que RT aurait été en mesure de raffiner elle-même ces quantités et aurait eu intérêt à le faire pour livrer sur le marché allemand les quantités de sucre blanc ainsi produits ;

297. Que, par ailleurs, il ressortirait des chiffres fournis par Pfeifer & Langen que la production propre de celle-ci en sucre brut, augmentée des achats complémentaires effectués à des producteurs de l'Allemagne du nord, aurait suffi pour utiliser à plein la capacité de raffinage de la société, capacité qui, correctement évaluée, serait de 180 000 à 200 000 tonnes par an ;

298. Que, d'après le tableau même fourni par Pfeifer & Langen, les quantités importantes qu'elle aurait achetées en Allemagne du nord n'auraient subi que de faibles fluctuations, de sorte que l'on ne saurait admettre que les achats effectués à RT étaient destinés à combler une lacune ;

299. Qu'en réalité, Pfeifer & Langen aurait acheté le sucre brut de RT à un prix tellement élevé qu'elle n'aurait même pas pu bénéficier d'une marge de transformation normale ;

300. Qu'ainsi, selon la Commission, le comportement de ces requérantes ne saurait être considéré comme un comportement normal d'opérateurs économiques en situation de concurrence et ne saurait s'expliquer que par leur désir commun de faire absorber par Pfeifer & Langen les quantités litigieuses de sucre brut pour éviter que, transformées en sucre blanc, elles ne viennent faire concurrence, dans la zone de vente de Pfeifer & Langen, au sucre blanc produit par cette firme ;

301. Attendu que les documents dont il a été fait état précédemment concernent uniquement les sucres blancs, de telle sorte qu'en ce qui concerne les transactions en sucre brut, il est nécessaire d'examiner si le comportement allégué, que la Commission considère comme élément de la pratique concertée, ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'existence d'une concertation ;

302. Attendu que, si, dans le cadre d'une politique concertée, visant à la protection des parts respectives de marché, telle qu'elle ressort à l'évidence des pratiques relatives au sucre blanc, il apparaît possible que les livraisons de sucre brut à un prix particulièrement avantageux pour RT constituent un élément complémentaire de la concertation, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas contesté qu'en raison de l'insuffisance de sa capacité de raffinage, RT a régulièrement livré du sucre brut à différents producteurs ;

303. Que, d'autre part, il est également établi que Pfeifer & Langen a acheté régulièrement des quantités importantes de sucre brut à des producteurs autres que RT, pour les raffiner dans ses propres établissements ;

304. Que, dans ces conditions, il n'est pas exclu que cette partie des transactions litigieuses puisse s'expliquer autrement que comme élément d'une pratique concertée ;

3) Quant au point de savoir si les pratiques concertées relatives au sucre blanc ont affecté le commerce entre États membres et entravé le jeu de la concurrence, et si elles l'ont fait de manière sensible

305. Attendu que les pratiques concertées en cause ont affecté le commerce entre États membres, du fait même qu'elles ont concerné les échanges de sucre entre la Belgique et la République fédérale d'Allemagne ;

306. Attendu qu'elles ont eu pour but et pour conséquence d'assurer que le sucre fabriqué par RT, ou par les producteurs belges sur lesquels cette société exerce un contrôle, ne fut exporté en Allemagne, dans la plupart des cas, que de manière à ne pas y concurrencer le sucre fabriqué par Pfeifer & Langen ;

307. Que lesdites pratiques, consistant notamment à limiter ou à contrôler les débouchés, ainsi qu'à repartir les marchés, au sens de l'article 85, lettres b) et c) du traité, avaient pour objet et pour effet d'entraver le jeu de la concurrence ;

308. Attendu que, pour des raisons analogues, mutatis mutandis, à celles exposées à l'occasion du deuxième grief, il convient d'admettre que les pratiques concertées en cause ont affecté le commerce entre États membres, et entravé le jeu de la concurrence, de manière sensible ;

309. Attendu qu'il résulte de ces considérations que, la Commission ayant démontré l'existence d'une infraction commise par RT et Pfeifer & Langen, le présent moyen doit être rejeté ;

310. Que, l'article 1, paragraphe 1, sous - paragraphe 3, de la décision ne distinguant pas entre les livraisons de sucre blanc et celles de sucre brut, le fait que l'infraction n'a pas été établie en ce qui concerne les livraisons ayant eu pour objet ce dernier produit, conduit à ne pas retenir l'infraction qui concerne le sucre brut ;

4e Chapitre - Quant au grief de pratique concertée tendant à la protection du marché de la partie méridionale de la République fédérale d'Allemagne

311. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 4 de la décision attaquée, il est reproche à Szag et Franken, d'une part, et à Beghin et Sucre-Union, d'autre part, d'avoir commis " à partir de la campagne 1970-1971. . . des infractions à l'article 85, paragraphe 1 en se livrant à une pratique concertée ayant pour objet et pour effet de contrôler les livraisons de sucre français sur le marché de la partie méridionale de l'Allemagne, et de protéger, en conséquence, ce marché " ;

312. Attendu que la décision reproche aux requérantes, en résumé, d'avoir canalise la plus grande partie des exportations dans la partie méridionale de l'Allemagne vers des destinataires déterminés, à savoir les producteurs allemands ;

313. Attendu que la Commission a confirmé que le présent grief viserait également SZV, en ajoutant, à l'audience, que ce ne serait que par erreur que la société n'a pas été mentionnée dans la disposition susvisée ;

314. Que, selon la Commission, son intention de soulever le grief également à l'égard de SZV ressortirait, d'une part, de l'exposé de motifs et, d'autre part, de la partie introductive du deuxième paragraphe de l'article 1 de la décision ;

315. Attendu qu'en vue de définir les personnes faisant l'objet d'une décision constatant une infraction, il convient de s'en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui-ci ne prête pas au doute ;

316. Que l'article 1, paragraphe 1, sous - paragraphe 4, de la décision cite de manière précise les entreprises auxquelles l'infraction en cause est reprochée, à savoir Beghin, Sucre-Union, Szag et Franken ;

317. Que, dès lors, il y a lieu de constater que cette disposition ne vise pas SZV ;

I - Quant au comportement effectif des requérantes

318. 1. Attendu qu'en ce qui concerne les livraisons de producteur à producteur, il n'est pas contesté qu'exprimées en tonnes, elles se sont élevées - abstraction faite des 4 600 tonnes de sucre blanc livrées par Sucre- Union à la " Grundstuecks-Verwaltungsgesellschaft " d'Oberursel et qui ne sauraient être prises en considération comme n'ayant pas été incluses dans les chiffres énoncés par la décision - aux chiffres suivants :

1970-71 : Beghin à Szag : sucre blanc : 286, sucre brut 11 200.

1971-72 : Beghin à Szag : sucre brut : 13 900 - Beghin à Franken : sucre brut : 9 200 - Sucre-Union à Szag : sucre blanc : 4 500 - Sucre-Union à Franken : sucre blanc : 4 000.

319. 2. Attendu qu'en ce qui concerne les livraisons effectuées par les producteurs français intéressés à d'autres opérateurs établis en Allemagne du sud - ci-après dénommées " autres livraisons " -, il convient de distinguer entre le comportement de Beghin et celui de Sucre-Union ;

320. A - Attendu, quant à Beghin, qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pas procédé à de telles livraisons ;

321. B - Attendu, quant à Sucre-Union, que, si les parties sont d'accord pour admettre que cette société a effectué de telles livraisons, les chiffres figurant au dossier ne permettent cependant pas d'en établir le volume avec précision, et cela d'autant moins que les indications de la Commission sont contradictoires ;

322. Qu'en effet, d'une part, la Commission affirme (mémoire en défense dans l'affaire 44-73, n° 43) que Sucre- Union aurait fourni " en 1970-1971 de plus grandes quantités " - c'est-à-dire des quantités plus élevées que dans les campagnes précédentes -, " à des intermédiaires indépendants, mais beaucoup moins en 1971-1972 ", en d'autres termes qu'elle a procédé à d'autres livraisons pendant chacune des deux campagnes en cause ;

323. Que, d'autre part, les statistiques des importations françaises en Allemagne, figurant à l'annexe 4 de la duplique dans l'affaire 44-73, ne font expressément état, en ce qui concerne les autres livraisons de Sucre-Union, que de 4 000 tonnes fournies, en 1970-1971, " à un négociant allemand ", ce qui suggère que cette société n'aurait pas opéré d'autres livraisons en 1971-1972 ;

324. Qu'en outre, dans la note 14 du tableau V de l'annexe 1 de la duplique dans l'affaire 54-73, la Commission prétend que, dans les campagnes 1970-1971 et 1971-1972, " les autres exportations en Allemagne du Sud " - c'est- à-dire les livraisons autres que celles effectuées par Beghin ou Sucre-Union à Szag ou à Franken - " ont été effectuées par des producteurs français qui n'ont pas participé aux livraisons producteur - producteur ", ce qui revient à dire que Sucre-Union n'aurait procédé à aucune autre livraison, ni en 1970-1971, ni en 1971-1972 ;

325. Qu'enfin, la décision attaquée (p. 45, avant-dernier considérant du point IV 2) expose qu'il n'y aurait pas lieu d'infliger une amende à Sucre-Union, celle-ci ayant " toujours, dans la mesure du possible, joué un rôle " d'outsider " et ayant " également procédé, en plus des ventes directes à des concurrents étrangers, à des ventes assez importantes à des négociants et à des entreprises de transformation du marché de destination " ;

326. Attendu que, dans ces conditions, il convient d'admettre, en faveur des requérantes, que, sur le total des quantités Exportées par Sucre-Union en Allemagne du Sud pendant les deux campagnes en cause, la part des autres livraisons a été du même ordre de grandeur que celle des livraisons aux producteurs allemands ;

II - Quant au point de savoir si le comportement visé ci-dessus était concerté

1) Quant aux preuves

327. A - a) Attendu qu'à l'appui du présent grief, la Commission invoque une série de documents dont cependant certains doivent être écartés d'emblée comme manquant de pertinence, de sorte que ne peuvent être pris en considération que les documents évoqués ci-après ;

328. Attendu qu'un négociant allemand a adressé à Sucre-Union, le 23 août 1971, un télex (annexe I 156 aux mémoires en défense) dans lequel il expose que : " nach heutiger telefonischer ruecksprache mit obiger firma " - c'est-à-dire avec une firme allemande, qui avait acheté, ou envisagé d'acheter, à SZV - " stellte ich fest, dass die von mir unterbreiteten preise fuer mainz und kempten/hegge von anderer seite billiger offeriert wurden. Die preise sollen in jedem falle unter den basispreisen liegen, die die suedzucker-verkaufs-gmbh aufgegeben hat. Ich konnte noch nicht in erfahrung bringen, ob die aufgegebenen preise tatsaechlich von der suedzucker - verkaufs-gmbh sind oder von einem anderen anbiétér. Vielleicht erfahre ich in den nachsten tagen weitere einzelheiten, bevor die obengenannte firma fuer ihren bedarf vom 1. Oktober bis 31. dezember 1971 eindeckungen vornimmt. In jedem falle soll ich unterrichtet werden. Dies zur kenntnisnahme und erwarte ihre stellungnahme hierzu. " (" après l'entretien téléphonique que j'ai eu ce jour avec l'entreprise précitée " - c'est-à-dire avec une firme allemande qui avait acheté ou envisagé d'acheter à SZV -, " j'ai constaté qu'un autre avait offert des prix inférieurs à ceux que j'avais soumis pour Mayence et Kempten/Hegge. Ces prix seraient en toute hypothèse inférieurs aux prix de base communiqués par la " Südzucker-Verkaufs-GmbH ". Je n'ai pas encore pu déterminer si les prix cités proviennent effectivement de la " Südzucker-Verkaufs-GmbH " ou d'un autre soumissionnaire. J'obtiendrai peut-être des informations complémentaires au cours des prochains jours, avant que la firme précitée ne commence à couvrir ses besoins pour la période du 1er octobre au 31 décembre 1971. J'ai en toute hypothèse demandé à être informé. Cela pour information ; j'attends votre point de vue à ce sujet ") ;

329. Qu'ensuite, selon la Commission, " un négociant allemand " - dont les parties ont révélé le nom en cours de procédure, qui était à l'époque représentant de Sucre-Union en Allemagne du sud et qui sera désigné ci-après comme " x " -, aurait écrit à Sucre-Union, le 29 septembre 1971 (voir annexe I 157 aux mémoires en défense) que : " comme vous le voyez, la communication à SZV des noms de firmes qui jusqu'à présent ont acheté chez nous présente des inconvénients considérables. SZV obtient ainsi connaissance des opérateurs qui ont déjà acheté du sucre en France ou qui ont l'intention de le faire . . . Je n'estime plus opportun de transmettre à SZV les adresses (de nos) clients. Elle les apprendrait de toute façon si les clients lui achètent moins qu'auparavant ou s'ils ne lui achètent plus rien du tout " ;

330. Que la Commission déduit de cette lettre que Sucre-Union, sur la demande de Szag ou de SZV, aurait exigé de son représentant allemand de communiquer la liste de ses clients à l'une ou l'autre de ces sociétés ;

331. Qu'enfin, dans une lettre du 10 mars 1972, la firme allemande Gedelfi fait savoir à la firme belge Gemas (annexe II 9 aux mémoires en défense dans les affaires 54 à 56-73) que : " in den letzten 4 jahren ist von der Gedelfi kein zucker aus ewg-laendern importiert worden. Unsere vergeblichen versuche vor einigen jahren sind ihnen aus unseren gespraechen bekannt. Damals haben wir auf unsere anfragen keine offerten erhalten. Gegenwaertig werden auf anfragen offerten genannt, die sich aber aus frachtgruenden und deshalb preisgruenden nicht realisieren lassen. " (" au cours des quatre dernières années, la Gedelfi n'a pas importé de sucre en provenance des pays de la CEE. Nos entretiens vous ont révélé les tentatives que nous avons vainement faites il y a quelques années. A l'époque, nos demandes n'ont été suivies d'aucune offre. Actuellement, nous recevons, en réponse à nos demandes, certaines offres, mais pour des raisons tenant au transport et, partant, au prix, elles ne sont pas réalisables. ") ;

332. b) Attendu que, d'une manière générale, les requérantes estiment qu'aucun des documents allégués ne serait concluant ;

333. Qu'en ce qui concerne plus particulièrement la lettre du 29 septembre 1971, Beghin affirme que les faits qu'elle évoque ne la concerneraient pas ;

334. Que Szag conteste de manière formelle que x ait jamais transmis à elle-même ou à SZV une liste de clients, ou indiqué à l'une ou l'autre de ces sociétés les noms de clients de Sucre-Union ;

335. Qu'elle présente, en annexe 1 à sa réplique une lettre du 20 juin 1973, adressée à elle par Sucre-Union en réponse à une demande de renseignement concernant la lettre du 29 septembre 1971 et dans laquelle la société française s'exprime comme suit : " beiliegend senden wir ihnen die kopie eines von (x) in bruessel vorgelegten schreibens, das wir angeblich erhalten haben sollen, wieder zurueck. In unseren akten konnte nicht die geringste spur eines solchen schreibens an uns entdeckt werden. Darueber hinaus ist uns dessen wortlaut absolut unbekannt. Es muss natuerlich beruecksichtigt werden, dass das datum des schreibens weit zurueck liegt. Es macht jedoch den anschein, als sei dieser brief in einer gewissen absicht geschrieben worden . . . Wir mussten unser vertragsverhaeltnis mit x loesen, da er uns einen sehr bedeutenden betrag schuldété und seine finanzielle lage uns noch ein groesseres defizit befuerchten liess. Seine schuld hat er uebrigens nicht beglichen in puncto kundenliste glauben wir nicht, dass wir persoenlich eine aufgestellt haben. Wir koennen auch keine kopie finden. Wir bedauern jedoch, es nicht getan zu haben. Bei uns sind damals sehr unangenehme beschwerden eingegangen, da (x), der keine exklusivitaet fuer deutschland hatte, offerten an kunden abgegeben hatte, die bereits ueber drei andere verkaufskanaele zucker von uns bezogen :

1. Sucre Union als direkter verkaeufer,

2. Firma Schlueter & Maack,

3. Unser vertreter g. Baus, Hamburg (als haendler), Hamburg/Saar

Es waere deshalb verstaendlich gewesen, wenn wir eine gewisse einteilung des arbeitsbereiches der einzelnen verkaeufer vorgenommen haetten " (ci-joint, nous vous renvoyons la copie d'une lettre que (x) a présentée à Bruxelles et qui nous aurait été adressée. Dans nos documents, nous n'avons pas pu trouver la moindre trace d'une telle lettre. De plus, sa teneur nous est tout à fait inconnue. Il faut évidemment tenir compte du fait que la date de cette lettre est déjà assez ancienne. Celle-ci semble toutefois avoir été rédigée dans un certain but. . . Nous avons dû rompre nos relations contractuelles avec (x) parce qu'il nous devait une somme très élevée et que sa situation financière nous faisait craindre un déficit encore plus important. Il n'a d'ailleurs pas apuré ses dettes. En ce qui concerne la liste des clients, nous ne pensons pas en avoir, Quant à nous, établi une. Nous ne pouvons pas non plus trouver de copie. Nous regrettons toutefois ne pas l'avoir fait. Nous avons reçu à l'époque des réclamations très désagréables, (x), qui n'avait pas d'exclusivité pour l'Allemagne, ayant fait des offres à des clients qui achetaient déjà du sucre chez nous par trois autres canaux de vente :

1. Sucre-Union, en tant que vendeur direct,

2. L'entreprise Schlueter & Maack, Hamburg (en tant que négociant),

3. Notre représentant G. Baus Hombourg/Sarre.

Il eut donc été concevable que nous procédions à une certaine répartition du champ d'action des différents vendeurs. ") ;

336. Qu'à l'audience, Szag a affirmé l'existence d'autres faits susceptibles, selon elle, d'établir que x n'est pas digne de foi et même de faire soupçonner qu'il a remis à la Commission la " copie " d'un original inexistant, à savoir de sa prétendue lettre à Sucre-Union du 29 septembre 1971 ;

337. B - Attendu que la Commission expose qu'il serait frappant que Beghin et Sucre-Union aient procédé à des livraisons importantes aux producteurs allemands, d'ailleurs à des prix particulièrement avantageux pour ces derniers, alors que Beghin n'a effectué aucune autre livraison et que les autres livraisons opérées par Sucre- Union auraient été modestes ;

338. Qu'étant donné (a) que le prix de marché en Allemagne du sud se serait situé à environ 5% au-dessus du prix d'intervention français, (b) qu'en 1970-1971, les producteurs allemands n'auraient pu couvrir la totalité des besoins de cette région et (c) que de nombreux opérateurs établis dans celle-ci auraient fait connaître leur intérêt à importer du sucre français, on aurait du s'attendre à ce que Sucre-Union et Beghin - et notamment cette dernière qui aurait disposé de quantités excédentaires considérables - aient vendu, sur une vaste échelle, à de tels opérateurs ;

339. Qu'en livrant du sucre brut à un concurrent, Beghin aurait renoncé à raffiner elle-même les quantités en cause et à écouler le sucre blanc issu de cette transformation sur le marché de l'Allemagne du Sud, comportement qui ne saurait s'expliquer que par le désir des intéressés de ne pas se faire concurrence sur ce marché ;

340. Que les ventes de sucre brut ne pourraient être justifiées par un défaut de capacité de raffinage, Beghin ayant eu la possibilité de raffiner dans ses usines de Thumeries, situées au Nord de la France, la totalité du sucre brut produit dans ses usines de Sillery, près de Reims, ainsi qu'elle l'aurait d'ailleurs fait avant les deux campagnes en cause ;

341. Que l'argument de Beghin selon lequel les frais de transport auraient rendu un tel procédé peu économique, se heurterait au fait, d'une part, que Sillery serait géographiquement plus éloigné des raffineries de Szag que de Thumeries et, d'autre part, que, pour vendre du sucre blanc en Allemagne du Sud, la société aurait pu trouver une solution autre que celle consistant à transporter le sucre brut à Thumeries avant de l'exporter ;

2) Quant à l'appréciation de ces preuves

A - Quant aux livraisons de Beghin

342. Attendu qu'il échet de constater d'abord que la lettre du 29 septembre 1971 concerne des circonstances auxquelles Beghin était étrangère ;

343. a) Attendu, quant aux livraisons de sucre blanc aux producteurs allemands, qu'elles se sont limitées, en ce qui concerne Beghin, à 286 tonnes fournies à Szag, opération à tel point insignifiante qu'elle ne saurait constituer l'indice d'une concertation tendant à la protection du marché de l'Allemagne du Sud ;

344. b) Attendu que la Commission n'a pu faire état d'aucun refus de livraison que Beghin aurait opposé à un non- producteur établi en Allemagne du sud, reproche qui d'ailleurs n'a pas été formulé dans la décision, d'une part, et, d'autre part, ne saurait être retenu, la Commission n'ayant pas contredit l'allégation de la société selon laquelle celle-ci n'a jamais reçu d'offre d'achat de la part de négociants ou d'utilisateurs allemands ;

345. Que, la Commission ayant exposé elle-même (décision, p. 20 premier considérant sous 9) " que l'Allemagne présente au total un bilan sucrier en équilibre " et les besoins d'importation de l'Allemagne du Sud - limités, ainsi qu'il résulte de cette situation d'équilibre - semblant avoir été couverts par d'autres producteurs étrangers, il n'est pas nécessairement frappant que tel ou tel producteur français se soit abstenu sur le marché sud-allemand ;

346. c) Attendu, quant aux livraisons de sucre brut effectuées par Beghin à Szag et à Franken, que la Commission n'a pas été en mesure de réfuter l'argument de Beghin selon lequel il aurait été antiéconomique de faire raffiner à Thumeries le sucre brut fabriqué aux usines de Sillery, qui ne disposent pas d'installations de raffinage, pour transporter ensuite en Allemagne du sud le sucre blanc issu du raffinage ;

347. Attendu, ensuite, qu'il n'est pas contesté que, pendant les deux campagnes en question, Beghin a livré respectivement 75% et 74% de la production de son usine de Sillery à des raffineurs français, italiens ou établis dans des pays tiers, sans qu'il ait été allégué que ces livraisons aient également résulté d'une concertation tendant à la protection du marché des acheteurs, abstraction faite des 4% de la production de 1971-1972 écoulés en Italie ;

348. Attendu, d'autre part, qu'en ce qui concerne les intérêts de Szag, qu'il n'est pas contesté que les achats litigieux correspondaient à un usage établi, les achats effectués antérieurement à d'autres producteurs ayant même été plus importants que ceux faits aux producteurs français ;

349. Qu'il n'est pas davantage contesté que le prix payé à Beghin par Szag a été avantageux pour cette dernière, alors que l'on aurait du s'attendre au contraire si les livraisons litigieuses avaient visé à protéger le marché de l'Allemagne du Sud ;

350. Que, d'ailleurs, en l'espèce, l'affirmation de la décision selon laquelle, " normalement ", un producteur n'aurait pas intérêt à vendre à un concurrent puisqu'il pourrait obtenir un prix plus avantageux en livrant directement aux négociants ou aux utilisateurs, se retourne en partie contre son auteur puisqu'elle suggère, ou du moins ne conteste pas, que le producteur-acheteur, pour sa part, peut fort bien avoir un intérêt naturel à procéder à des achats complémentaires ;

351. Qu'en effet le marché du sucre est caractérisé par la fluctuation considérable des récoltes qui peut obliger éventuellement un producteur à recourir à la production de l'un de ses homologues afin de pouvoir honorer des contrats d'approvisionnement à long terme passés avec ses clients ;

352. d) Attendu, par ailleurs, que la Commission fait encore valoir qu'en contreprestation du comportement de Beghin, Szag et Franken se seraient abstenues de livrer dans la Sarre qui aurait traditionnellement fait partie de la zone d'opération des producteurs français ;

353. Attendu, cependant, qu'il convient de faire remarquer que Beghin, sans être contredit par la Commission, a affirmé n'avoir jamais procédé à des livraisons dans cette région pendant la période en cause ;

354. Attendu que, dans toutes ces conditions, il n'est pas exclu que les livraisons de Beghin à Szag et à Franken et le défaut, par Beghin, d'avoir procédé à d'autres livraisons vers l'Allemagne du Sud puissent s'expliquer autrement que par une concertation ;

B - Quant aux livraisons de Sucre-Union

355. a) Attendu que, Sucre-Union n'ayant pas fourni de sucre brut à Szag et à Franken, la question revient à savoir si la structure des livraisons de sucre blanc effectuées par elle en Allemagne du Sud constitue un indice suffisamment sérieux pour permettre de conclure à l'existence de la pratique concertée alléguée, en ce qui concerne les trois entreprises susindiquées ;

356. Attendu, qu'ainsi qu'il a été exposé plus haut, il y a lieu de presumer que les quantités fournies par la société française à des non-producteurs allemands étaient du même ordre de grandeur que celles livrées à Szag et à Franken ;

357. Que cette circonstance est de nature à faire douter de l'existence d'une concertation entre les intéressés, et en tout cas d'une concertation qui aurait été effectivement pratiquée ;

358. Qu'en outre, certaines considérations exposées à propos des livraisons de Beghin s'appliquent également dans le présent contexte, à savoir, notamment, le fait que la Commission n'a pu faire état d'aucun refus de livraison opposé par Sucre-Union à un non-producteur allemand, le fait que Szag et Franken, même agissant de manière autonome, pouvaient avoir intérêt à procéder à des achats complémentaires, enfin les conclusions à tirer du caractère en principe équilibré du marché de l'Allemagne du Sud ;

359. b) Attendu qu'il y a lieu d'examiner encore si, nonobstant ces éléments, la lettre du 29 septembre 1971 qui aurait été envoyée à Sucre-Union par son représentant allemand x, rapprochée de la structure des exportations de Sucre-Union en Allemagne du Sud, n'est pas de nature à établir l'existence de l'infraction en question ;

360. Attendu, quant à l'existence et, le cas échéant, à la véracité de cette lettre, que les affirmations de x s'opposent à celles de Sucre-Union et de Szag ;

361. Que, même s'il fallait admettre que Sucre-Union et Szag aient été animées du désir de coopérer d'une manière incompatible avec l'article 85 du traité, il ne serait guère vraisemblable que cette coopération se fut concrétisée par une action aussi insolite que celle affirmée dans ladite lettre, action qui, dans le contexte de l'espèce, aurait pu signifier qu'un producteur, portant ainsi préjudice à ses propres efforts antérieurs et risquant de perdre la confiance de ses clients, offrit à un concurrent actuel ou potentiel la chance de lui enlever lesdits clients ou de les sanctionner par la suppression d'une remise de fidélité ;

362. Attendu, enfin, que dans le présent contexte également, on ne saurait faire abstraction de ce que la Commission, contrairement à la position qu'elle a adoptée à l'égard de Beghin et de Szag, a reconnu à Sucre- Union le rôle d'un " outsider " et ne l'a pas frappée d'amende, attitude qui serait difficilement soutenable s'il fallait admettre que Sucre-Union ait été l'auteur d'une démarche telle que celle affirmée dans la lettre en question ;

363. Attendu que, dans toutes ces conditions, il n'est pas exclu que les livraisons de Sucre-Union à Szag et à Franken et le volume restreint des autres livraisons effectuées par Sucre-Union vers l'Allemagne du Sud puissent s'expliquer autrement que par une concertation ;

364. Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 4, de la décision attaquée doit être annulé ;

5e Chapitre - Quant au grief de pressions économiques exercées, par RT, sur les exportations belges

365. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 1, de la décision attaquée, il est reproché à RT d'avoir, " à partir de la campagne 1968-1969, commis une infraction à l'article 86 en exerçant des pressions économiques sur les exportateurs belges pour les obliger à limiter leurs exportations " ;

I - Résumé de l'exposé de la décision

366. Attendu que, selon la Commission, RT aurait exercé des pressions économiques sur les négociants belges Export et Hottlet, ci-après dénommés " les négociants ", afin de les obliger à ne revendre qu'à des clients ou pour des destinations déterminés le sucre qu'elle leur livre, et à imposer ces limitations à leur clientèle ;

367. Que ces pressions auraient consisté " à refuser de vendre du sucre à ces deux négociants, notamment pour l'exportation vers les pays tiers - activité qui représente une part importante du chiffre d'affaires de ces négociants -, dans le cas ou ce sucre serait revendu pour des destinations non admises par elle " ;

368. Que RT détiendrait une position dominante sur le marché belgo-luxembourgeois du sucre, qui constituerait une partie substantielle du marché commun ;

II - Examen du moyen

369. Attendu que RT fait valoir en substance que le marché belgo-luxembourgeois ne serait pas une partie substantielle du marché commun, que la société ne détiendrait pas une position dominante sur ce marché et qu'elle n'aurait pas commis d'abus, de sorte que la Commission, en appliquant l'article 86 du traité au comportement de la société, aurait violé cette disposition ;

1) Quant à la question de savoir si le marché belgo-luxembourgeois constitue une partie substantielle du marché commun

370. Attendu que RT estime que cette question doit recevoir une réponse négative, compte tenu des dimensions relativement modestes de la production belge et du nombre des consommateurs de la Belgique et du Luxembourg ;

371. Attendu qu'en vue d'établir si un territoire déterminé revêt une importance suffisante pour constituer " une partie substantielle du marché commun " au sens de l'article 86 du traité, il faut prendre en considération, notamment, la structure et le volume de la production et de la consommation dudit produit, ainsi que les habitudes et les possibilités économiques des vendeurs et des acheteurs ;

372. Qu'en ce qui concerne plus spécialement le sucre, il y a lieu de prendre en considération, outre l'incidence des frais de transport par rapport au prix du produit et les habitudes des utilisateurs et des consommateurs, le fait que la réglementation communautaire a consolidé la plupart des particularités des anciens marchés nationaux ;

373. Attendu que, de 1968-1969 à 1971-1972, la production belge et la production totale de la Communauté sont passées respectivement de 530 000 à 770 000 tonnes, et de 6 800 000 à 8 100 000 tonnes (cf. décision attaquée, p. 18, n° 3 et 5) ;

374. Que, pendant ces campagnes, la consommation belge s'est située en moyenne autour de 350 000 tonnes, alors que celle de la Communauté est passée de 5 900 000 à 6 500 000 tonnes (cf. loc. cit. ) ;

375. Que, compte tenu également des autres critères exposés plus haut, ces proportions sont suffisamment importantes pour que le territoire belgo-luxembourgeois doive être considéré, au regard du sucre, comme une partie substantielle du marché commun de ce produit ;

2) Quant à la question de savoir si RT occupe une position dominante sur le marché sucrier belgo-luxembourgeois

376. Attendu que, selon ses propres déclarations, RT détient 65% de la production belge ;

377. Que la Commission fait valoir qu'en réalité, le chiffre à retenir serait 85%, puisqu'il y aurait lieu d'imputer à RT également la production des firmes Suikerfabrieken van Vlaanderen, à Moerbeke-Waas, et raffinerie Notre-dame, à Oreye - ci-après dénommées respectivement " Moerbeke-Waas " et " Oreye " -, compte tenu des liens personnels ou financiers existant entre RT et chacune des deux autres firmes, ainsi que du fait que celles-ci auraient suivi la politique de vente fixée par RT ;

378. Attendu que RT détient au moins 50% du capital de Moerbeke-Waas et d'Oreye, que cinq dirigeants de RT font partie du conseil d'administration de Moerbeke-Waas, qu'un administrateur de celle-ci siège au conseil d'administration de RT et, enfin et surtout, qu'il résulte de nombreux documents verses au dossier que ces deux firmes, sinon régulièrement du moins fréquemment, ont suivi la politique de vente restrictive pratiquée par RT sur les marchés néerlandais et ouest-allemand;

379. Que,dès lors, il y a lieu d'imputer à RT également la production de Moerbeke-Waas et d'Oreye, de sorte qu'il convient d'admettre, dans le présent contexte, que RT détenait pratiquement 85% de la production belge;

380. Que ce chiffre, déjà éloquent en lui-même, doit être apprécié à la lumière de l'insignifiance des importations de sucre en Belgique ;

381. Que, dans ces conditions, RT a eu la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur le marché en cause ;

382. Qu'en conséquence elle détenait, à l'époque à prendre en considération, une position dominante sur le marché;

3) Quant à l'existence de l'abus

A - Quant aux preuves

383. a) Attendu que, pour démontrer que RT a effectivement commis l'infraction qui lui est reprochée, la Commission s'appuie d'abord sur une série de documents qu'elle a invoqués en même temps pour démontrer l'existence des pratiques concertées tendant à la protection des marchés néerlandais ou ouest-allemand, et qui ont été cités plus haut (deuxième et troisième chapitre) ;

384. Qu'en outre, la Commission fait état de quinze contrats d'achat passés entre RT et Hottlet entre le 8 octobre 1968 et le 7 janvier 1972, d'une lettre de RT à Hottlet du 19 mars 1969 et plusieurs notes internes d'Export établies entre février et mai 1970 (annexes I 41, 78,131 aux mémoires en défense ; annexes II 17, 18 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73 ; annexe 3 à la duplique dans la même affaire) ;

385. Attendu qu'ainsi qu'il a été constaté aux deuxième et troisième chapitres, il est établi que RT a réussi à imposer aux négociants le respect de sa politique de vente consistant à canaliser, vers des destinataires ou des destinations déterminés, les exportations de sucre blanc dans les Pays-Bas et la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne ;

386. Que, selon la Commission, RT aurait également exercé les pressions économiques visées dans la décision pour obtenir que les négociants se conforment aux pratiques, prétendument concertées entre la société belge et certains producteurs français, relatives aux adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers et faisant l'objet du grief traité au neuvième chapitre ;

387. b) Attendu qu'il résulte d'une correspondance entre RT et Hottlet, s'échelonnant entre le 20 octobre 1968 et le 16 décembre 1969 (annexe 3 à la duplique dans l'affaire 47-73), que :

- Hottlet avait acheté à RT et revendu à un client allemand une certaine quantité de sucre, les contrats respectifs d'achat et de revente ayant stipule, à la demande de RT, que le sucre ne devrait être utilise qu'aux fins de la dénaturation ;

- ultérieurement, Hottlet a demandé à RT de libérer ledit client et elle-même, Hottlet, du respect de cette clause, celui-ci étant devenu impossible à cause de l'abrogation, par un règlement communautaire, de la prime de dénaturation ;

- RT a néanmoins insisté sur le respect intégral de la clause dont s'agit, et a finalement exigé de Hottlet une indemnité de 1 250 000 FB en raison du fait que Hottlet, à la suite des événements qui viennent d'être décrits, n'ait pas enlevé en temps utile à RT un reliquat de 2 500 tonnes sur la quantité faisant l'objet des contrats susvisés ;

388. Qu'une note interne d'Export " sur les possibilités de collaboration avec la RT ", du 23 avril 1970 (annexe I 75 aux mémoires en défense), après des plaintes relatives au fait que " la politique des raffineurs " ne permette pas à Export de livrer dans les régions frontalières des Pays-Bas, de la France et de l'Allemagne, se termine ainsi : " il est douteux que nous puissions obtenir un contingent, car RT ne voudra pas cautionner une politique allant à l'encontre des conventions qu'elle a prises avec les autres raffineurs " ;

389. Qu'une autre note interne d'Export, relatant un entretien que ses préposés avaient eu, le 17 février 1970, avec M. Maisin, de RT (annexe I 78 aux mémoires en défense) s'exprime comme suit :

" Raffinerie tirlemontoise compte exporter environ 9 000 tonnes de bruts qui seront livrées à Tate. RT propose à Export d'intervenir dans cette opération en qualité de broker. Dans ce cas, Export devrait respecter la politique commune définie à l'égard des adjudications.

Invité à préciser ce dernier point, M. Maisin reconnaît que cet engagement porte également sur les adjudications à l'exportation de sucre blanc. Nous lui répondons alors que notre position à cet égard n'a pas évolué depuis la semaine dernière, mais qu'elle n'est pas pour autant rigide, ni immuable.

Monsieur Maisin fait alors allusion à l'échange de correspondance entre le baron Kronacker et monsieur Rolin et nous fait remarquer que si un nouveau " climat " doit être créé, il ne peut l'être que pierre par pierre. . . ". . . . .

Conclusion

Raffinerie tirlemontoise nous propose d'intervenir comme courtier dans la vente de 9 000 tonnes de bruts qu'il compte faire (ou qu'il a faite) à Tate & Lyle.

En contrepartie, il nous demande de renoncer à notre liberté d'aller tant aux adjudications d'exportation de sucre brut qu'à celles de sucre blanc.

Il est implicite que Raffinerie tirlemontoise refuse de nous offrir des bruts que nous serions libres de vendre où bon nous semble " ;

390 Qu'à la même date, le comité de direction d'Export a pris une décision concernant le même objet (annexe II 17 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73) et ou il est dit notamment : " accord de notre part, dans un esprit de conciliation et comme geste de bonne volonté, de ne pas soumissionner pour une restitution de brut aux adjudications permanentes de la CEE qui auront lieu, hebdomadairement à partir du mercredi 18 février, ceci pour que de telles demandes de restitution ne concurrencent pas les demandes des raffineurs franco-belges, et de Raffinerie tirlemontoise en particulier. (À remarquer que ce geste était purement formel, car sans être assuré de l'aliment matière première de Tirlemont en brut, seul fournisseur belge possible, Export n'aurait pu raisonnablement soumissionner à l'adjudication des bruts : risque, pour le cas où il aurait été adjudicataire, de ne pouvoir se couvrir en effectif) " ;

391. Que, dans une note du 26 mars 1970 (annexe II 18 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73), le baron Kronacker, président d'Export, s'est exprimé comme suit : " je souhaite qu'on marche d'accord avec Tirlemont. Dans ce cas, nous faisons le sacrifice de nos mandants, nous acceptons de réduire les quantités pour lesquelles nous nous rendions à l'adjudication pour Export, et nous acceptons, bien que nous n'ayons pas voix au chapitre, de nous rallier aux prix du consortium de Paris. Cela implique nécessairement que Tirlemont n'aille pas aux adjudications par un autre canal que nous . . . En compensation des sacrifices que nous faisons, la commission de 0,75% doit nous être maintenue sur la totalité des opérations " ;

392. Que, dans une note d'Export " sur la réponse verbale formulée le 21 mai 1970 par M. Rolin à la proposition écrite faite par le baron Kronacker en date du 20 mai, relative aux relations Export/RT pour la campagne 1970-1971 " (annexe I 131 aux mémoires en défense), il est dit que : " en outre, M. Rolin restreint encore notre liberté et nos possibilités d'activité en ce qui concerne la demande des restitutions. Ces demandes, en tonnage et en niveau, devraient, selon lui, s'opérer en coordination avec M. Bernard, PDG de say, dans le cadre de la concertation de Paris (Say, Beghin, Varsano, Sucre-Union, etc. . . . ) " ;

393. Que, dans deux télex du 19 août 1970, envoyés respectivement par Export à RT et inversement (annexes I 81, 82 aux mémoires en défense), on lit :

Télex d'Export :

" 1. Hollande : sur base des besoins d'importation des Pays-Bas en sucres CEE, sommes d'accord sur principe évoqué déjeuner d'avant-hier : travailler selon votre schéma, savoir échanges entre fabricants de sucre via commerce traditionnel belgo-hollandais, sur base satisfaisante pour Export. Pour donner suite votre proposition, contactons maisons hollandaises sur ces questions et problèmes techniques " ;

Télex de réponse de RT :

" Suite votre télex 16. 06 h dont j'ai pu donner connaissance par téléphone à monsieur Rolin, celui-ci me prie vous faire part qu'il prend note avec grand plaisir de votre accord formule sous point 1.

Nous mettons par conséquent sucre à votre disposition pour industrie hollandaise lait condensé pour opération via commerce traditionnel. . . .

D'autre part, si nous étions sollicités par industrie sucrière hollandaise pour ses besoins propres, une exportation éventuelle de sucre belge se traiterait également avec le concours de nos maisons de commerce.

Des dispositions ci-dessus, il découle que vous vous abstiendrez de toute autre démarche sur le marché hollandais, en sorte de ne pas en perturber la structure " ;

394. Que deux télex du 20 août 1970, échanges dans les mêmes conditions (annexes I 83, 84 aux mémoires en défense), ont la teneur que voici :

Télex d'Export :

" Export marque son accord de suivre la Raffinerie tirlemontoise comme fabricant de sucre belge dans son élaboration d'une entente avec la Suiker-Unie et la centrale Suiker Maatschappij comme fabricants de sucre néerlandais pour la campagne sucrière 1970-1971 sur les bases suivantes :

1) Export renonce de traiter des sucres belges avec les acheteurs-utilisateurs néerlandais pour ce que nous dénommons les besoins propres néerlandais et qui consistent en la consommation de bouche humaine, d'une part en l'état, tel quel, d'autre part pour l'industrie des produits sucres pour consommation de ces produits sucres aux Pays-Bas, dans les autres pays de la CEE et sur pays tiers. Cette industrie des produits sucrés ne comprend pas l'industrie du lait.

Est également exclu du renoncement d'Export, le trafic de dénaturation du sucre et l'industrie chimique.

2) Cet abandon d'Export est lié et conditionné à ce que, en ce qui concerne les besoins d'importation des Pays- Bas en sucre CEE . . . , les échanges à prendre cours pour approvisionner ce marché néerlandais, entre les fabricants de sucres belges et les fabricants de sucre néerlandais, seront effectués via les commerces traditionnels belge et hollandais, sur une base satisfaisante pour Export. Ces derniers mots signifient que l'intéressement d'Export à ces opérations doit lui donner satisfaction, d'une part, sur sa rémunération à l'unité de sucre sous forme de Commission ou participation commerciale sous forme d'une marge, et, d'autre part, sur l'importance du tonnage des sucres des fabricants de sucre belges qui seront échangées avec les fabricants de sucre néerlandais, sur base des besoins d'importation des Pays-Bas en sucre CEE " ;

Réponse de RT

" Il se dégage de votre télex. . . que nous sommes bien d'accord sur la façon d'opérer en sucre belge sur la Hollande ". . . . . . " nous n'entendons faire quoi que ce soit à destination de la consommation en Hollande qui n'ait l'agrément de nos collègues hollandais " ;

395. Que, dans une confirmation de vente du 1er octobre 1970, adressée au négociant néerlandais Jacobson (annexe I 88 aux mémoires en défense), Export, après avoir exposé que RT " a donné, pour la campagne 1970-1971, l'exclusivité de la vente de ses sucres cristallisés à l'exportation de Belgique aux deux commerçants sucriers belges traditionnels " - à savoir à Export et à Hottlet -, et après avoir souligné les " impératifs de politique commerciale générale de la RT qui nous ont été formulés, à savoir qu'elle n'entend faire quoi que ce soit à destination des Pays-Bas qui n'ait l'agrément de. . . SU et CSM ", s'est exprimée ainsi : " nous considérons. . . devoir attirer votre attention de façon nette sur cette politique commerciale de nos principaux fournisseurs, le groupe de Tirlemont, toutes opérations en sucre belge en dehors de cette ligne de conduite ne pouvant être agrées par lui, et nous faisant perdre en conséquence l'exclusivité dont il est question. . . ci-dessus " ;

B - Quant à l'appréciation des preuves

396. Attendu que les pièces citées, appréciées conjointement aux éléments exposés aux deuxième et troisième chapitres, font apparaître sans équivoque que RT a soit déclaré explicitement ou implicitement aux négociants, soit créé sciemment l'impression dans l'esprit de ceux-ci, qu'elle ne leur fournirait du sucre, ou ne leur fournirait toutes les quantités qu'à condition qu'ils se plient à sa politique d'exportation restrictive, que celle-ci ait concerné les marchés néerlandais et ouest-allemand ou les livraisons vers les pays tiers ;

397. Que la teneur de certaines de ces déclarations est même à tel point catégorique qu'elle fait penser plutôt à des instructions adressées à un représentant de commerce qu'à des négociations menées, sur un pied d'égalité, entre un producteur et un négociant indépendant ;

398. Attendu que, du fait qu'elle a obligé les négociants à canaliser leurs exportations vers des destinataires ou des destinations déterminés, et à imposer ces restrictions à leur clientèle, RT a limité les débouchés des négociants et, indirectement, de leurs acheteurs, pratique expressément visée par l'article 86, lettre b) ;

399. Que, si l'insertion d'une clause de dénaturation dans un contrat de vente de sucre ne constitue pas nécessairement un abus, la rigueur extrême avec laquelle RT a refusé de tenir compte des difficultés imprévisibles auxquelles Hottlet et le client allemand de celle-ci s'étaient heurtés ultérieurement quant au respect de la destination imposée par RT, s'analyse cependant, dans le contexte de l'espèce, comme élément intégrant de la politique de pression menée par RT vis-à-vis des négociants ;

400. Qu'il y a donc lieu de constater que RT a exploité de façon abusive la position dominante qu'elle détient sur le marché belgo-luxembourgeois ;

401. Attendu que cette exploitation était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, dans la mesure où elle concernait la structure des livraisons que RT permettait ou bien interdisait aux négociants d'effectuer aux Pays-Bas et dans la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne ;

402. Attendu que, dans ces conditions, le recours de RT doit être rejeté dans la mesure où il tend à l'annulation de l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 1, de la décision attaquée ;

6e Chapitre - Quant au grief de pressions économiques exercées, par SU et CSM, sur les importateurs néerlandais

403. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 2, de la décision attaquée, il est reproche à SU et CMS d'avoir, pendant la campagne 1969-1970, commis des infractions à l'article 86 en exerçant des pressions économiques sur les importateurs néerlandais pour les obliger à limiter leurs importations " ;

404. Que SU et CSM auraient conjointement menacé les négociants néerlandais Jacobson, Dudok de Wit et Internatio de les empêcher de continuer leurs importations destinées à l'approvisionnement de l'industrie néerlandaise du lait, à moins que les négociants ne prennent le triple engagement de :

- ne pas pratiquer un prix trop compétitif lors de la revente du sucre français à des tiers néerlandais ;

- revendre, dans des conditions déterminées, une certaine partie de ce sucre aux deux producteurs néerlandais ;

- ne plus effectuer " de telles importations " - expression qu'il faut comprendre dans le sens d'importations destinées à l'approvisionnement de clients néerlandais traditionnels de SU et de CSM - sans le consentement de celles-ci ;

405. Attendu qu'il convient d'examiner d'abord si la Commission a prouvé l'affirmation énoncée dans la décision et selon laquelle SU et CSM ont menacé les négociants " de rendre impossible leurs opérations d'importation traditionnelles en admission temporaire pour des sucres destinés à l'industrie du lait, en approvisionnant eux- mêmes cette industrie aux conditions du marché mondial " ;

406. Qu'en effet, à défaut de cette preuve, le présent grief serait privé de substance, de sorte qu'il n'y aurait plus lieu de rechercher si les producteurs néerlandais ont effectivement obtenu, par des moyens ne relevant pas de l'article 86, que les négociants adoptent le comportement allégué par la Commission ;

407. Que la Commission a appuyé cette affirmation essentiellement sur une note interne du 8 juin 1970, rédigée par M. Lemaire, directeur d'Export, et relatant une conversation que celui-ci avait tenue avec M. Dudok de Wit, à l'époque directeur de la firme portant le même nom (annexe I 133 aux mémoires en défense), note comportant notamment les passages suivants : " l'industrie sucrière néerlandaise (Suiker Unie +CSM) a approché, par l'intermédiaire de M. Lindeboom, directeur commercial de Suiker Unie, le commerce néerlandais traditionnel en sucre (Dudok de Wit + Internatio + Jacobson) pour lui formuler des représentations au sujet des opérations d'importation conclues par ces maisons de commerce en sucre cristallisé français avec Sucre-Union Paris (société commerciale des coopératives betteravières françaises) pour la campagne 1969-1970 . . . Devant l'importance de ces opérations, un accord particulier fut conclu entre le commerce néerlandais et les fabricants de sucre de ce pays, aux termes duquel. . . cet accord prévoit également que. . . lors de l'entretien que M. Lindeboom de Suiker Unie a eu avec le commerce néerlandais d'importation, il a demandé à l'avenir, pour la campagne 1970-1971, de s'abstenir de pareilles opérations d'importation ; faute de quoi il rendrait impossibles les opérations d'importation traditionnelles, en admission temporaire, pour l'industrie de transformation néerlandaise (lait, etc. ) en pourvoyant eux-mêmes les besoins de ces transformateurs aux conditions du marché mondial " ;

408. Qu'en vue de vérifier, entre autres, si cette menace a été effectivement proférée, la Cour a entendu comme témoins MM. Lemaire, Dudok de Wit, Sanders (à l'époque fondé de pouvoir et actuellement directeur-adjoint de Jacobson) et Lindeboom ;

409. Attendu que le témoin Lemaire a affirmé que la note refléterait de manière exacte et complèté le contenu de ses entretiens avec M. Dudok de Wit ;

410. Qu'interrogé sur le point de savoir si le " contrat " passé entre les producteurs néerlandais et les négociants " a été conclu sous une certaine pression ou. . . tout à fait librement ", le témoin a cependant répondu " qu'il s'agissait de rapports qui avaient lieu en dehors des contacts directs que nous avions " et qu'il lui serait " impossible de donner une réponse précise " ;

411. Attendu, quant aux antécédents de la revente d'une partie du sucre français aux producteurs néerlandais, que les témoins Dudok de Wit et SANDERS ont exposé que les négociants se seraient engagés, vis-à-vis de leurs fournisseurs français, à acheter une quantité considérable de sucre et qu'au début, en raison de la baisse du franc français, cette opération se serait présentée sous un jour avantageux pour les négociants ;

412. Que, cependant, dès la dévaluation officielle du franc français, les négociants auraient du payer un prélèvement à l'importation, qui aurait pesé sur le prix de revient d'un lot important du sucre concerné et aurait rendu difficile l'écoulement de ce lot aux Pays-Bas sans perte ;

413. Que le temps ayant presse, les négociants se seraient adresses aux producteurs néerlandais, seuls en mesure d'acheter des quantités relativement importantes à bref délai, et - selon les paroles du témoin SANDERS - y auraient " réussi ", ce dont les négociants auraient été " particulièrement heureux " ;

414. Que cette opération de revente n'aurait pas été financièrement avantageuse, ni pour les producteurs, ni pour les négociants ;

415. Attendu, quant au point de savoir si SU et CSM ont proféré, à l'égard des négociants, la menace affirmée dans la décision, que le témoin Dudok de Wit a répondu :

- que " la manière dont monsieur Lemaire présente les choses est inexacte. L'intention, prétendument manifestée par l'industrie sucrière néerlandaise, d'importer elle aussi n'était pas nouvelle et a, surtout en l'espèce, été mise à exécution progressivement. . . cela constituait en soi une menace, mais n'a pas été dit seulement à l'époque. Cette menace existait déjà antérieurement. . . le fondement du raisonnement de M. Lemaire et de mon raisonnement sont à peu près les mêmes ; la seule différence est que la note de M. Lemaire expose les faits tels qu'il les a vus et tels qu'il les a interprétés. C'est essentiellement son interprétation qui n'est pas exacte. . . Il a effectivement été question d'un accroissement des importations par l'industrie. . . C'est le mot 'menace' que je récuse. Il s'agit en soi d'une menace pour le commerce, mais M. Lindeboom n'a pas présenté concrètement les choses sous la forme d'une menace, en disant par exemple : si vous continuez à importer, je vous rendrai l'importation impossible " ;

- que, si M. Lemaire a eu l'impression erronée qu'il y aurait eu contrainte de la part des producteurs, il serait " parfaitement possible " que ce malentendu fut dû à ce que lui, le témoin Dudok de Wit, pour ne pas désobliger M. Lemaire en lui déclarant ouvertement que les négociants n'avaient pas intérêt à acheter du sucre belge, se soit intentionnellement exprime d'une manière un peu vague ;

416. Que, sur le même point, le témoin Sanders a exposé que :

- " nous ne nous sentons pas aussi vite menacés " ;

- il trouverait l'affirmation contenue dans la note de M. Lemaire " très étonnante ", car " si M. Lindeboom avait fait une telle remarque, il aurait manifestement eu l'intention de mettre le sucre provenant de pays tiers en concurrence avec le sucre qu'il produit lui-même. Cela me parait assez difficilement acceptable à propos d'une coopérative dans laquelle les agriculteurs sont propriétaires des fabriques de sucre. En second lieu, je crois qu'une telle déclaration est peu vraisemblable. Si l'industrie sucrière commençait à importer en provenance de pays tiers, elle commencerait à faire concurrence aux négociants néerlandais et nous avons la prétention d'être mieux introduits que les industriels néerlandais pour négocier sur les marchés mondiaux et nous croyons donc que si l'on nous faisait de la concurrence de cette manière, nous réussirions mieux que nos concurrents à vendre moins cher. Et je crois que monsieur Lindeboom le sait aussi " ;

- " dans le feu d'une conversation ou il s'agissait de conclure une convention qui nous permettrait d'écouler une partie de notre sucre français,. . Il se peut qu'il ait été dit : 'si vous ne cessez pas de faire ces importations, en ce cas, nous ferons ceci ou cela quant à savoir si une telle attitude peut en imposer, c'est une autre affaire. Nous pouvons dire à un moment donné : si vous ne cessez pas cette pratique, nous ferons telle chose, mais il faut évidemment avoir la possibilité de le faire. L'année suivante, nous avons importé du sucre belge. Il est assez difficile de dire " nous importerons du sucre en provenance de pays tiers ", alors que l'année suivante de nouveaux règlements sont adoptés qui rendent l'importation de sucre en provenance de pays tiers impossible " ;

- " il y a peut-être eu une telle déclaration. Je dois vous dire que je n'en suis pas sûr. En tout cas, une telle déclaration en impose peu, parce que lorsque l'on dit que l'on pourvoira aux besoins de l'industrie transformatrice aux conditions du marché mondial, cela signifie que les deux parties réaliseront des achats sur les marchés mondiaux et, comme les négociants peuvent acheter sur ces marchés, ceux-ci ont en tout état de cause la prétention, peut-être à tort, qu'ils peuvent mieux le faire que l'industrie qui est plus orientée vers la commercialisation de son sucre sur le marché intérieur " ;

417. Que, toujours sur le même point, le témoin Lindeboom a exposé que :

- pendant une période ayant debuté avant 1961 et s'étant terminée en 1967, il aurait été au service d'Internatio et, à cette occasion, aurait noué amitié avec M. Kopmels, attaché à la firme Jacobson et décédé il y a quelques années ;

- qu'à la suite de l'importation litigieuse de sucre français, il aurait eu un seul entretien, d'ailleurs amical, avec M. Kopmels au sujet de l'incidence que de telles importations pourraient avoir sur la situation du marché néerlandais, mais qu'il n'aurait jamais eu d'entretien avec MM. Dudok de Wit et Sanders ;

- qu'au cours dudit entretien, il aurait dit à M. Kopmels que, notamment à cause de la situation monétaire qui aurait conduit à une distorsion de la concurrence, " la situation dans le secteur du sucre devient si difficile que cela pourrait parfaitement entraîner un jour une catastrophe pour les prix intérieurs ", ce qui imposerait une " autodiscipline " aussi bien aux producteurs qu'aux négociants des Pays-Bas ;

- que ces préoccupations n'auraient pas été de nature commerciale, mais auraient tenu au fait que SU, en tant que coopérative des betteraviers, se serait considérée comme responsable de ce que le prix minimum à payer à ceux-ci, prévu par la réglementation communautaire, ne fut pas mis en danger ;

- que le commerce belge et une entreprise allemande auraient exposé les opérateurs néerlandais à une concurrence très dure, en vendant à des prix très bas à de grandes entreprises néerlandaises ;

- " que nous n'avons pas contrecarré le commerce ", ce que le témoin pourrait prouver à l'aide de contrats qui auraient été conclus après 1970 ;

418. Attendu que, s'il ne peut être exclu que la menace alléguée par la Commission a été effectivement proférée, elle n'apparaît cependant pas, à la suite des dépositions des témoins, établie à suffisance de droit ;

419. Que l'exposé fait à l'audience par la Commission n'a pas fourni d'éléments de nature à modifier cette appréciation ;

420. Attendu, dès lors, que, les allégations de fait sur lesquelles la Commission a basé le présent grief n'ayant pas été suffisamment établies, l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 2, de la décision attaquée doit être annulé ;

7e Chapitre - Quant au grief, adressé à SZV, d'avoir empêché ses intermédiaires de revendre du sucre d'autres provenances et d'avoir lié ses clients par l'octroi de remises de fidélité

421. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 3, de la décision attaquée, il est reproché à SZV d'avoir, " à partir de la campagne 1968-1969, commis des infractions à l'article 86 en empêchant ses intermédiaires de revendre du sucre d'autres provenances et en liant ses clients par l'octroi de remise de fidélité " ;

Première section : Moyens de procédure et de forme

I - Moyens déjà traités au deuxième chapitre

422. Attendu que les moyens tirés par SZV de la violation du principe du procès équitable pour causes de publication prématurées et de brièveté excessive des délais fixés pour la présentation d'observations sur la communication des griefs sont en substance identiques aux moyens correspondants soulevés par SU, CSM et Pfeifer & Langen à propos du deuxième grief et doivent être rejetés pour les motifs exposés à propos de celui-ci ;

II - Moyens tirés d'irrégularités de la communication des griefs

423. 1. Attendu que, selon SZV, la communication des griefs, adressée en des termes identiques à quarante-huit entreprises alors que chacune de celles-ci n'aurait été concernée que par une partie des faits allégués, n'aurait pas énoncé avec suffisamment de précision les griefs retenus spécialement contre la requérante, ni les moyens de preuve retenus contre celle-ci ;

424. Qu'aucune des pièces invoquées dans la communication pour justifier le grief, soulevé également à l'égard de la requérante, d'avoir participé à une concertation globale sur le principe " chacun chez soi " n'émanerait de SZV ni ne lui aurait été adressée ;

425. Qu'ayant ainsi craint que les réponses fournies par d'autres entreprises ne fussent interprétées en sa défaveur, SZV aurait demandé à la Commission de lui en envoyer des copies, ce que la Commission aurait refusé de faire au motif qu'elle serait tenue de respecter le secret des affaires ;

426. Attendu que le présent grief, le seul retenu contre la requérante par la décision attaquée, ne concerne pas la participation à une pratique concertée, mais l'exploitation abusive d'une position dominante ;

427. Que ce grief a été formulé de manière claire et distincte aux pages 91 à 93, 107 à 108 et 121 à 123 de la communication, et appuyé sur des pièces émanant de SZV ou la mentionnant de manière explicite ;

428. Que le moyen doit donc être rejeté ;

429. 2. Attendu que SZV fait valoir que, contrairement à l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, le texte de la communication des griefs qui lui a été adressé n'aurait pas été rédigé entièrement en langue allemande, mais aurait reproduit un nombre considérable de documents rédigés en d'autres langues sans que la Commission ait en même temps produit une traduction en langue allemande ;

430. Attendu que le moyen ne saurait être retenu, et cela déjà du seul fait que les seules pièces intéressant le présent grief, à savoir celles visées aux pages 91 à 93 de la version allemande de la communication, y ont été reproduites en langue allemande ;

431. 3. Attendu, enfin, que SZV reproche à la Commission d'avoir reproduit dans la communication, à titre de preuve de l'infraction alléguée, des extraits de lettres dont elle n'aurait indiqué ni l'expéditeur ni le destinataire ;

432. Que les originaux de ces lettres, que le mandataire de SZV aurait pu consulter, auraient été rendus tout aussi anonymes ;

433. Attendu que ce moyen, concernant l'appréciation des preuves, relève du fond ;

III - Moyen tiré de la violation de l'article 4 du règlement n° 99-63

434. Attendu que SZV fait valoir que, la communication des griefs n'ayant attribué une position dominante qu'à Szag, la décision, du fait qu'elle a retenu l'existence d'une telle position dans le chef de SZV, serait entachée de violation de l'article 4 du règlement n° 99-63, aux termes duquel la Commission, dans ses décisions " ne retient contre les entreprises et associations d'entreprises destinataires que des griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue " ;

435. Attendu qu'il résulte des pages 122 et 123 de la communication des griefs que la Commission y a reproché à SZV d'avoir abusé de la position dominante de Szag, alors qu'aux termes de la décision, SZV a abusé de sa propre position dominante ;

436. Que, cependant, SZV n'a pas contesté qu'elle a pris position, au cours de la procédure administrative, sur le grief qui lui a été adressé au titre de l'article 86 ;

437. Que la Commission, sans être contredite par la requérante, a exposé qu'elle a changé d'avis précisément au motif que les observations des intéressés lui auraient appris que Szag ne dispose au sein de SZV que d'un droit de vote limite ;

438. Que, la requérante ayant ainsi eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur la question de savoir si elle détient une position dominante, et ayant pu s'attendre à ce que ses propres explications ainsi que celles de Szag conduisent la Commission à modifier son opinion, le moyen n'est pas fondé ;

IV - Moyen tiré de vices de l'administration des preuves par la Commission et de l'insuffisance de la motivation de la décision

439. Attendu que SZV fait valoir que certaines affirmations figurant dans la décision seraient dénuées de preuve, ou seraient dépourvues d'une motivation permettant d'en vérifier l'exactitude ;

440. Attendu que l'examen du point de savoir si la Commission a, ou n'a pas, apporté la preuve de l'infraction alléguée, relève du fond ;

Deuxième section : moyen de fond tiré de la violation de l'article 86 du traité

I - Quant à la question de savoir si la " partie méridionale de l'Allemagne " constitue une partie substantielle du marché commun

441. 1. Attendu qu'il résulte de l'exposé des motifs de la décision (p. 20 à 21 sous 9, p. 28 sous 16) que, par " partie méridionale de l'Allemagne ", la Commission a entendu designer le territoire qu'elle qualifie de zone de vente de SZV, par opposition, d'une part, aux zones de vente qu'elle attribue à NZV et à WZV, sociétés groupant respectivement les producteurs de sucre des régions septentrionale et occidentale de la République fédérale d'Allemagne et, d'autre part, aux laender de Berlin et de la Sarre dont elle expose qu'ils seraient essentiellement approvisionnés par du sucre provenant respectivement de la République démocratique allemande et de la France ;

442. Que la Commission a versé au dossier une carte (annexe II 10 aux mémoires en défense dans les affaires 54 à 56-73), établie " sur la base " de cartes annexées aux contrats des commissionnaires de WZV, délimitant la zone de vente de cette dernière et portant les mentions " NZV " (au nord) et " SZV " (au sud), sans toutefois indiquer avec précision la limite entre les zones de vente respectives de ces deux comptoirs ;

443. Qu'examinée à la lumière de l'exposé des parties, pour autant qu'il soit concordant, cette carte permet cependant de constater que la zone à l'intérieur de laquelle SZV exerce son activité, donc la " partie méridionale de l'Allemagne " au sens de la décision, comprend la totalité de la Bavière et du Bade- wurtemberg, une partie du land de Hesse contiguë à ces deux länder et englobant plus de la moitié de la Hesse, ainsi que certaines parties limitrophes de la Rhénanie-Palatinat, de la Sarre, de la Rhénanie du Nord-Westphalie et de la Basse-Saxe, régions dont l'étendue apparaît négligeable par rapport à celle des autres secteurs de la zone de vente de SZV ;

444. 2. Attendu qu'il est renvoyé au cinquième chapitre quant aux critères servant à établir si un territoire détermine constitue " une partie substantielle du marché commun " ;

445. Que la production totale annuelle des sociétés membres de SZV était, à l'époque, d'environ 800 000 tonnes en moyenne, chiffre qu'il convient d'apprécier à la lumière du fait, d'une part, que Szag, membre principal de SZV et établie au Bade-Wurtemberg, fournissait à elle seule environ 70% de cette production et, d'autre part, que Franken, établie en Bavière, est le plus grand producteur membre de SZV après Szag (voir décision, p. 20 sous 9) ;

446. Que, d'après les statistiques de la Commission (voir annexe 1 à la duplique dans l'affaire 55-73, tableau V, 29e colonne), la consommation " dans le territoire de vente de Szag sans la Sarre " s'est élevée, respectivement pendant chacune des quatre campagnes sous examen, à 790 000, 792 000, 872 000 et 826 000 tonnes, chiffres qui pourraient même augmenter dans la mesure ou il faudrait admettre que la zone de vente de SZV dépasse celle de Szag ;

447. Que, d'après les statistiques disponibles, le nombre des consommateurs de la région en cause peut être évalué, pour la moyenne des années entrant en ligne de compte, à 22 millions au moins ;

448. Qu'en rapprochant ces éléments des chiffres correspondants relatifs à l'ensemble de la Communauté et reproduits au cinquième chapitre, on constate que la " partie méridionale de l'Allemagne ", dans le sens attribue à cette expression par la décision, révèle des proportions suffisamment importantes pour qu'elle doive être considérée, au regard du sucre et compte tenu également des autres critères exposés au cinquième chapitre, comme une partie substantielle du marché commun de ce produit ;

449. 3. Attendu que SZV fait valoir qu'en vue d'apprécier si la région en cause est une partie substantielle du marché commun, les données statistiques relatives à cette région devraient être mises en rapport avec les données correspondantes non seulement du marché commun tel qu'il se présentait à l'époque des faits litigieux, mais encore de la Communauté des " neuf " telle qu'elle existe à l'heure actuelle ;

450. Attendu que l'article 86 du traité CEE vise de toute évidence, pour chaque cas d'espèce, la position détenue, sur le marché commun, par l'entreprise concernée au moment ou celle-ci a commis l'action prétendument abusive ;

451. Que, déjà de ce fait, l'argument de SZV ne saurait être retenu ;

II - Quant à la question de savoir si SZV occupe une position dominante sur le marché sucrier de la partie méridionale de l'Allemagne

452. Attendu que SZV ne conteste pas que, dans les deux parties principales de la région en cause, à savoir les laender de Bavière et de Bade-Wurtemberg, elle détient une part de marché voisine des 90 à 95% indiqués par la décision attaquée (p. 39 sous 3) pour l'ensemble de sa zone de vente ;

453. Que, de même, elle admet que, dans le land de Hesse, sa part de marché dépasse 50%, allégation qui doit être comprise à la lumière du fait qu'une partie du territoire de ce land n'appartient pas à la zone de vente de la requérante, ce qui conduit à présumer que, pour autant que le land de Hesse coïncide avec cette zone, la part de marché de SZV est sensiblement supérieure à 50% ;

454. Que ces données sont confirmées par les statistiques de la Commission (annexe I à la duplique dans l'affaire 55-73, tableau v, colonnes 28 à 30) selon lesquelles les importations, autres que les livraisons de producteur à producteur, effectuées pendant les quatre campagnes en cause, dans le territoire de vente de Szag, membre principal de SZV, ne sont élevées respectivement qu'à 0,19%, 0,73%, 1,62% et 2,93% de la consommation totale du territoire de vente de Szag ;

455. Qu'en ce qui concerne les livraisons effectuées dans la zone de vente de SZV ou de ses membres par NZV et WZV ou par les membres de ces comptoirs, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer qu'elles aient atteint des proportions de quelque importance ;

456. Que, dès lors, SZV a eu, seule ou conjointement avec ses membres, la possibilité de faire obstacle à une concurrence effective sur le marché en cause ;

457. Qu'en conséquence, elle détenait, à l'époque à prendre en considération, une position dominante sur ce marché ;

III - Quant à l'existence de l'abus

458. Attendu que le grief formulé par la Commission à l'égard de SZV comporte deux branches distinctes, dont la première concerne l'organisation de vente de la requérante, et notamment l'obligation, imposée aux intermédiaires, de ne pas revendre du sucre d'autres provenances sans son consentement, et dont la seconde vise le fait, par la requérante, d'avoir lié ses clients par des remises de fidélité ;

1) Quant à l'obligation imposée aux intermédiaires

A - Quant à la position de la Commission

459. a) Attendu que, dans sa décision, la Commission expose que, pour la distribution à l'intérieur de son territoire de vente du sucre produit par ses membres, SZV aurait recours essentiellement à dix-sept représentants régionaux qui, en dehors de leur activité dans le secteur du sucre, vendraient d'autres produits pour leur propre compte ;

460. Que les contrats de représentation de commerce passes par SZV avec ces représentants obligeraient ceux-ci entre autres, à vendre uniquement au nom et pour le compte de SZV et, sauf autorisation préalable de celle-ci, à ne pas accepter la représentation d'autres producteurs ou négociants de sucre ou de produits concurrents ni à se livrer au commerce du sucre pour leur propre compte ;

461. Que, toutefois, ladite autorisation serait réputée accordée pour le cas ou les membres de SZV désireraient commercialiser directement le sucre de leur propre production en recourant aux représentants de la requérante ;

462. Que, dans la mesure ou les représentants ont désiré vendre du sucre d'autre provenance, allemande ou étrangère, l'autorisation leur aurait été accordée lorsqu'il s'agissait de sucre destiné à la transformation ou de sucres spéciaux pour d'autres entreprises ;

463. Que, par ces mesures, SZV aurait pratiquement exclu la possibilité pour les producteurs étrangers de vendre du sucre par l'intermédiaire des négociants s'approvisionnant auprès d'elle ;

464. Que, s'il existe en Allemagne du Sud d'autres négociants pouvant importer librement et si une série d'entreprises de transformation s'approvisionnent également à l'étranger, il n'en resterait pas moins que les mesures litigieuses auraient sensiblement limité les possibilités de vente des producteurs étrangers, alors que le niveau élevé des prix en Allemagne du Sud rendrait intéressantes les importations dans ce territoire ;

465. Que le fait, pour une entreprise détenant une position dominante, d'imposer aux intermédiaires une obligation telle que celle en cause constituerait une exploitation abusive de cette position, au sens de l'article 86 du traité ;

466. b) Attendu qu'en cours de procédure, la Commission a exposé comme suit ce grief ;

467. Que, d'après elle, le système incriminé implique que les 1 270 négociants en gros établis sur le territoire de vente de SZV - négociants qui, de leur côté livreraient aux petits consommateurs industriels et aux détaillants - n'ont pas la possibilité de se procurer du sucre directement auprès de la requérante, mais doivent s'adresser à l'un des dix-sept représentants régionaux de celle-ci ;

468. Qu'un tel système ne garantirait pas le développement de la concurrence au niveau commercial, de sorte que SZV serait tenue soit de remplacer ses représentants régionaux par des négociants en gros indépendants, soit du moins d'ouvrir l'accès direct à la production par elle écoulée, non seulement auxdits représentants, mais encore à des négociants indépendants ;

469. Attendu qu'en outre, la Commission reproche à SZV de vendre elle-même, par l'intermédiaire de ses représentants régionaux, à environ 730 gros consommateurs industriels, éliminant ainsi les 1 270 négociants en gros susvisés de l'approvisionnement d'un secteur absorbant environ 55% des ventes de sucre dans le territoire en cause ;

470. Que, dès lors, ces négociants, n'étant pas en relation d'affaires avec la grande industrie de transformation de l'Allemagne du Sud, ne disposeraient que de faibles possibilités de vendre du sucre étranger à cette industrie qui, dans la mesure ou elle achèterait du sucre français, s'adresserait directement aux producteurs français ;

471. Que cette situation, jointe aux conséquences de l'interdiction de concurrence imposée aux représentants régionaux et de l'élimination des négociants en gros de l'accès direct à SZV, entraverait considérablement les possibilités d'écouler, en Allemagne du sud, du sucre en provenance d'autres États membres ;

472. Qu'il ne serait pas permis à une entreprise occupant une position dominante d'organiser la vente de sa production de manière à éliminer la concurrence ;

B - Quant à l'appréciation de la position de la Commission

473. Attendu que SZV fait valoir que, les intermédiaires avec lesquels elle a passé les contrats litigieux se trouvant vis-à-vis d'elle dans la situation de représentants de commerce, l'article 86 ne serait pas applicable à ces contrats ;

474. a) 1) Attendu, quant à l'interdiction de concurrence stipulée dans ces contrats, que, pour assurer la distribution des marchandises fabriquées par elle ou par ses membres, une entreprise ou association a le choix de recourir soit à des employés de commerce - donc à des personnes qui lui sont liées par un contrat de travail -, soit à des commerçants avec lesquels elle passe des contrats d'un caractère différent ;

475. Qu'en ce qui concerne le statut de ces commerçants et le contenu de ces contrats, les législations des États membres et la réalité économique ont développé les formes les plus diverses, se distinguant entre elles notamment selon que le commerçant intermédiaire mène les négociations avec les clients ou conclut des affaires avec eux en son propre nom et pour son propre compte, ou bien en son propre nom mais pour le compte du commettant, ou bien encore au nom et pour le compte de ce dernier ;

476. Attendu qu'il résulte du dossier que les contrats litigieux s'analysent, sur le plan juridique, comme des contrats de commerce, notamment du fait qu'ils confèrent expressément aux intermédiaires le statut de représentant de commerce au sens du droit allemand, qu'ils leur imposent de négocier ou de conclure des ventes de sucre au nom et pour le compte du commettant, de suivre les directives de celui-ci et de veiller à ses intérêts et enfin, qu'ils leur assignent des zones de représentation déterminées ;

477. Qu'il est constant que, sans préjudice de certaines nuances, le droit allemand, qui régit les contrats litigieux, part du principe selon lequel de tels représentants de commerce se voient interdire, même en l'absence de stipulation contractuelle expresse, de faire concurrence au commettant sans l'autorisation de ce dernier, interdiction dont la violation peut même exposer le représentant à une action en dommages-intérêts ;

478. Que, toutefois, aux fins de l'application des articles 85 et 86 du traité, les rapports entre un opérateur économique et ses intermédiaires doivent être appréciés à la lumière du seul droit communautaire, de sorte que le fait qu'un contrat de représentation, imposant une interdiction de concurrence, soit conforme au droit national régissant ce contrat, ou que ce droit impose même pareille interdiction, n'est pas déterminant quant au point de savoir si un tel contrat échappe à l'emprise de l'article 86 ;

479. Que, cependant, il convient d'admettre, indépendamment du contenu des législations des États membres, qu'en règle générale, le fait, pour un producteur ou une association de producteurs, d'interdire aux intermédiaires vendant en son nom et pour son compte, sauf autorisation, de travailler en même temps pour des producteurs concurrents, est conforme à la nature et à l'esprit d'un rapport juridique et économique du type en cause ;

480. Qu'en effet, si un tel intermédiaire exerce une activité au profit de son commettant, il peut en principe être considéré comme organe auxiliaire intégré dans l'entreprise de celui-ci, tenu de suivre les instructions du commettant et formant ainsi avec cette entreprise, à l'instar de l'employé de commerce, une unité économique ;

481. Que, dans ces conditions, l'abus ne résulte pas du seul fait que le commettant impose à un tel organe auxiliaire l'interdiction de se livrer, sauf autorisation, au commerce de produits susceptibles de concurrencer les siens ;

482. Qu'il en est autrement si les conditions passées entre le commettant et ses intermédiaires, qualifiés par les contractants de " représentants de commerce ", confèrent ou laissent à ceux-ci des fonctions se rapprochant économiquement de celles d'un négociant indépendant, du fait qu'elles prévoient la prise en charge, par lesdits intermédiaires, des risques financiers liés à la vente ou à l'exécution des contrats conclus avec les tiers ;

483. Qu'en effet, en pareil cas, les intermédiaires ne peuvent être considérés comme organes auxiliaires intégrés dans l'entreprise du commettant, de sorte qu'une clause d'interdiction de concurrence convenue entre eux, si elle est le fait d'une entreprise détenant une position dominante, peut être constitutive d'abus au sens de l'article 86, comme étant susceptible de renforcer encore cette position ;

484. Attendu, cependant, que la Commission n'a pas allégué, et que les contrats versés au dossier ne font pas apparaître, que les rapports entre SZV et ses intermédiaires comporteraient des éléments qui viennent d'être indiqués, donc des éléments qui permettraient de conclure que les intermédiaires ont, vis-à-vis de la requérante, une position voisine de celle d'un négociant indépendant ;

485. Que, notamment, la Commission n'a pas contesté que les représentants de commerce en cause se sont consacrés essentiellement aux activités de distribution exercées pour le compte de la requérante, sans agir parallèlement comme négociants indépendants dans une mesure de quelque importance ;

486. 2) Attendu, toutefois, que des clauses d'interdiction de concurrence, imposées par une entreprise détenant une position dominante même à des représentants de commerce, peuvent être constitutives d'abus lorsque, à défaut d'opérateurs indépendants à même de commercialiser sur une échelle suffisamment vaste le produit dont s'agit, les concurrents étrangers sont pratiquement réduits à s'adresser aux représentants de commerce de ladite entreprise s'ils désirent écouler ce produit dans le territoire de vente de celle-ci, ou lorsque ladite entreprise étend la portée de l'interdiction de concurrence au-delà de ce qui correspond à la nature du rapport juridique et économique en cause;

487. Attendu, quant à la première de ces exceptions, que la Commission n'a pas contesté qu'il existe, en Allemagne du Sud, deux groupes d'opérateurs économiques pratiquant le commerce du sucre et qui, n'étant pas liés à SZV, ne sont pas soumis à l'interdiction de concurrence imposée par celle-ci à ses représentants de commerce, à savoir, d'une part, les 1 270 négociants en gros visés plus haut et, d'autre part et surtout, un nombre non négligeable de négociants consacrant une partie essentielle ou importante de leur activité à l'importation et à l'exportation de sucre;

488. Que, quant à la seconde exception, il n'apparaît pas davantage qu'elle soit réalisée en l'espèce ;

489. Attendu qu'il résulte de ces considérations que les clauses d'interdiction de concurrence contenues dans les contrats litigieux ne constituent pas en elles - mêmes un abus au sens de l'article 86;

490. b) Attendu que la Commission a reproché ensuite à SZV, d'une part, d'avoir obligé les négociants en gros établis sur son territoire de vente à s'adresser à ses représentants de commerce et non à elle-même, et, d'autre part, d'avoir directement livré à environ 730 gros consommateurs industriels de ce territoire au lieu de faire intervenir lesdits négociants dans ces livraisons ;

491. Attendu que ces éléments de l'organisation de vente de SZV ne concernent pas des obligations imposées aux représentants de commerce, mais découlent de décisions unilatérales de SZV, à savoir de faire intervenir ces représentants dans des livraisons au négoce et d'écarter les négociants des livraisons effectuées aux gros consommateurs ;

492. Attendu que, dans le cas où le producteur fait appel à un intermédiaire qui constitue un organe auxiliaire intégré à son entreprise, les achats effectués " au représentant " constituent en réalité des achats effectués directement au commettant lui-même ;

493. Que, dès lors, un tel comportement ne saurait constituer ni une action abusive, ni l'indice d'une telle action;

494. Attendu, quant au fait, pour SZV, d'avoir livré directement, par l'intermédiaire de ses représentants de commerce mais sans l'intervention des négociants, à certains gros consommateurs industriels, que rien n'empêchait ces consommateurs d'acheter aux négociants indépendants au lieu de s'adresser aux représentants de la requérante, ni ces négociants de vendre auxdits consommateurs industriels;

495. Qu'on peut donc estimer que, si de telles livraisons n'ont pas eu lieu, ce ne fut pas à la suite de pressions exercées par SZV en ce sens, mais en raison de décisions prises en toute liberté par les consommateurs en question qui ont pu voir un avantage dans ce système d'approvisionnement direct ;

496. Que, d'ailleurs, la Commission n'a pas reproché à SZV d'avoir agi de manière discriminatoire en procédant au choix des grands consommateurs industriels à approvisionner directement ;

497. Attendu qu'il résulte de toutes ces considérations que l'existence d'un abus au sens de l'article 86 du traité n'a pas été établie ;

498. Que, dès lors, l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 3, de la décision doit être annulé dans la mesure ou il reproche à SZV d'avoir empêché ses intermédiaires de vendre du sucre d'autres provenances ;

2) Quant à la remise de fidélité

A - Quant à la position de la Commission

499. a) Attendu qu'aux termes de la décision SZV, depuis sa fondation, aurait appliqué un système de remises annuelles dites " de quantité " qui cependant seraient en réalité des remises de fidélité et auraient été accordées, en raison de 0,30 dm par 100 kg, aux clients ayant couvert leurs besoins annuels exclusivement auprès des associes de SZV ;

500. Que, pour une partie de la clientèle, la remise aurait été déduite immédiatement sur la facture ;

501. Que, tout au moins dans certains cas, la remise aurait été supprimée ou sa suppression annoncée lorsque l'acheteur continuait à importer du sucre, mesures qui auraient amené les acheteurs en question à cesser d'importer, et cela bien que les offres étrangères aient été de 10 à 20 dm par tonne inférieures à celles de SZV ;

502. Que l'octroi d'une telle remise comporterait un préjudice injustifié pour les clients qui achètent également du sucre d'autres provenances et permettrait à SZV de " contrôler " le volume des livraisons effectuées à ses clients par des producteurs étrangers;

503. Que, les acheteurs de SZV dépendant du moins en partie des livraisons effectuées par celle-ci, du fait qu'ils disposeraient de capacités de stockage insuffisantes et auraient besoin d'approvisionnements réguliers, le désavantage résultant de la perte de la remise, bien que cette dernière paraisse relativement peu élevée, dépasserait très rapidement l'avantage découlant de l'achat de sucre à des tiers, même dans l'hypothèse ou ceux- ci feraient des offres à des prix plus avantageux ;

504. Que le fait que, dans quelques cas, la remise ait été accordée nonobstant les achats effectués à des producteurs étrangers, ne changerait rien à la circonstance que la seule annonce ou le seul risque de la suppression de la remise ait empêché les clients d'effectuer des importations en quantités importantes et de façon systématique ;

505. Que,si une telle remise est appliquée par une entreprise détenant une position dominante, en vue de limiter davantage encore les possibilités d'importation et de renforcer cette position, elle constituerait une exploitation abusive de cette position, au sens de l'article 86 du traité;

506. b) Attendu qu'en cours de procédure, la Commission a produit huit contrats de vente passés par SZV (annexe I 145 à 148, 150, 151, 153, 154 aux mémoires en défense) dont quatre contiennent la clause litigieuse, alors qu'un cinquième subordonne l'octroi de la remise à la condition que les achats annuels effectués pendant la dernière année atteignent environ le volume de ceux de l'année précédente, et alors qu'enfin, dans les trois contrats restants, la remise a déjà été déduite du prix de vente sans avoir été liée expressément à une clause d'approvisionnement exclusif ;

507. Que les parties sont en désaccord sur la portée à attribuer aux quatre contrats mentionnés en dernier lieu, la Commission estimant que, dans ces cas également, la remise litigieuse aurait été pratiquée, alors que la requérante affirme le contraire en ajoutant, d'une part, que lesdits contrats démontreraient que la clause, faisant dépendre l'octroi de la remise de l'approvisionnement exclusif auprès de SZV, n'aurait pas été insérée systématiquement dans tous les contrats de vente passés par la société et, d'autre part, qu'elle aurait procédé à la déduction immédiate de la remise chaque fois qu'un client le souhaitait ;

508. Attendu, en outre, que la Commission a versé au dossier certaines pièces tendant à démontrer que, pour le moins dans certains cas, la remise litigieuse aurait été supprimée, ou sa suppression annoncée, pour le cas ou l'acheteur en question continuerait à importer du sucre (annexe I 155 à 158 aux mémoires en défense) ;

509. Que la requérante, sans contester sérieusement la véracité des affirmations figurant dans ces pièces, s'oppose cependant à leur utilisation, au motif qu'elles ont été en partie rendues anonymes, et prétend qu'elles ne se prêteraient pas à une généralisation, le nombre des clients de la société s'élevant à environ 2 000 ;

B - Quant à l'appréciation des faits

510. a) Attendu qu'il est constant que la clause litigieuse, telle qu'elle a été décrite dans la décision attaquée, a été insérée dans une série de contrats de vente passés par SZV, sans toutefois avoir été prévue de manière systématique ;

511. Qu'il n'est pas besoin de vérifier quelle a été la part respective des contrats comportant cette clause et des contrats ou elle ne figurait pas ;

512. Qu'en effet, il résulte du dossier qu'en tout état de cause, la portée pratique de la clause n'a pas été négligeable, celle-ci ayant été insérée dans des contrats portant sur des quantités importantes (voir le contrat du 9 décembre 1970, constituant l'annexe I 146 aux mémoires en défense et ayant eu pour objet la vente de 30 000 tonnes) ;

513. Que, d'ailleurs, ainsi que la Commission l'a fait valoir, il convient d'inclure dans l'examen du présent grief également les cas ou la remise a été immédiatement déduite du prix facture, puisque cette manière de procéder pouvait, elle aussi, dissuader les clients concernes de s'approvisionner auprès d'autres producteurs, ces clients ayant du craindre que, dans cette hypothèse, ils se verraient soit réclamer le montant primitivement déduit, soit supprimer la remise pour l'avenir ;

514. b) Attendu que le système applique par SZV était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, l'effet dissuasif sus-indiqué ayant concerné non seulement les achats que les clients de la société auraient pu effectuer à d'autres producteurs allemands, mais également les importations en provenance d'autres États membres auxquelles ces clients auraient pu être disposés à procéder ;

515. Qu'à ce dernier égard, ledit effet était même particulièrement sensible, étant donné que le sucre étranger importé en Allemagne du Sud, même s'il est offert à un prix franco usine inférieur à celui du sucre allemand, se voit grevé de frais de transport considérables ;

516. Que, dès lors, la perte de la remise était de nature soit à rendre l'importation plus chère que l'approvisionnement auprès de SZV, soit du moins à faire disparaître l'avantage financier que l'importation aurait pu offrir par rapport à ce mode d'approvisionnement ;

517. c) 1) Attendu, quant au point de savoir si le système litigieux constituait, dans le chef de SZV, une exploitation abusive de sa position dominante, que la requérante fait valoir qu'une remise du type de celle dont s'agit constituerait une réduction normale de prix, réduction licite compte tenu de l'importance que revêtirait la rationalisation de la vente dans une économie concurrentielle ;

518. Attendu que cette conception méconnaît que la remise litigieuse ne s'analyse pas comme un rabais de quantité, lie exclusivement au volume des achats effectués auprès du producteur intéressé, mais que la Commission l'a qualifiée à juste titre de remise " de fidélité ", tendant à empêcher, par la voie de l'octroi d'un avantage financier, l'approvisionnement des clients auprès de producteurs concurrents;

519. 2) Attendu que les parties sont en désaccord sur l'exactitude de l'affirmation de la Commission selon laquelle le système incriminé aurait permis à SZV de " contrôler " le volume des livraisons effectuées à ses clients par des producteurs étrangers ;

520. Que SZV conteste notamment qu'elle ait eu la possibilité de connaître la totalité des besoins de tous ses clients ;

521. Attendu que cette discussion est dénuée d'importance, puisqu'il n'importe pas de savoir dans quelle mesure l'application dudit système était apte à fournir à SZV des informations complétés sur le volume des importations dans sa zone de vente, mais ce système était de nature à dissuader les clients de la société de s'approvisionner également auprès de producteurs établis dans d'autres États membres, question qui a déjà reçu une réponse affirmative ;

522. 3) Attendu que le système incriminé, ainsi que la Commission l'a relevé, conduisait à voir appliquer des prix nets différents à deux opérateurs économiques, ayant acheté la même quantité de sucre à SZV, mais dont l'un avait acheté en outre à un autre producteur;

523. Qu'en agissant de la sorte, SZV a " appliqué à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ", selon les termes de l'article 86, lettre c), du traité ;

524. Attendu, cependant, que SZV relève que la Commission n'aurait pas prouvé que, du fait de l'application du système incriminé, les divers acheteurs de la société aient subit " désavantage dans la concurrence " ;

525. Attendu que des acheteurs de SZV, et notamment de gros consommateurs industriels, sont en concurrence avec d'autres acheteurs de la société ;

526. Attendu, en outre, que le système incriminé était de nature à limiter les débouches au préjudice des consommateurs, au sens de l'article 86, lettre b), du fait qu'il empêchait ou restreignait les possibilités d'autres producteurs, et notamment de ceux établis dans d'autres États membres, de concurrencer le sucre écoulé par SZV ;

527. Que la remise de fidélité en cause, qui est susceptible de renforcer encore la position dominante de SZV, est incompatible avec cette disposition ;

528. Attendu que, dans toutes ces conditions, le présent moyen doit être rejeté pour autant qu'il tend à l'annulation de la constatation selon laquelle SZV a exploité de façon abusive sa position dominante en liant ses clients par l'octroi de remises de fidélité;

8e Chapitre - Quant au grief, adressé à Pfeifer & Langen, d'avoir conclu avec ses intermédiaires des accords restreignant leurs possibilités d'importation et d'exportation à l'intérieur de la Communauté

529. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 2, sous-paragraphe 4, de la décision attaquée, il est reproché à Pfeifer & Langen d'avoir, " à partir de la campagne 1968-1969, commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en concluant des accords avec ses intermédiaires qui restreignent leurs possibilités d'importation et d'exportation à l'intérieur de la Communauté " ;

I - Résumé de l'exposé de la décision et de certains renseignements complémentaires fournis par la requérante

530. Attendu que, selon la Commission, le territoire de vente de WZV, dont Pfeifer & Langen serait le membre principal, serait subdivisé en plusieurs zones et que, dans certaines de celles-ci, WZV ne vendrait que par l'intermédiaire de commissionnaires régionaux avec lesquels Pfeifer & Langen, de son côté aurait conclu des " contrats de représentation de commerce " prévoyant, d'une part, l'interdiction de vendre du sucre d'autres provenances sans le consentement de Pfeifer & Langen, qui ne serait accordé que pour la vente de qualités particulières ou de sucre destiné à la dénaturation, et, d'autre part, l'obligation de ne revendre le sucre livré par Pfeifer & Langen que dans un territoire et à des clients déterminés ;

531. Que Pfeifer & Langen n'aurait directement approvisionné d'autres négociants que lorsque ceux-ci auraient signé de tels contrats ou se seraient déclarés d'accord sur les principes qui les régissent ;

532. Que ce système de vente aurait pour effet de rendre considérablement plus difficile la vente de sucre en provenance d'autres États membres dans la partie occidentale de la République fédérale d'Allemagne, d'y empêcher l'extension du nombre des fournisseurs de sucre, de permettre à Pfeifer & Langen le contrôle des opérations consenties et de faire obstacle à ce que les intermédiaires de la société Exportent dans d'autres États membres le sucre produit par cette dernière ;

533. Attendu qu'à la demande de la Cour, Pfeifer & Langen a versé au dossier copie de deux contrats-type qui auraient successivement régi les rapports avec ses intermédiaires, à savoir le premier - ci-après dénommé " contrat de 1948 " - de 1948 au 30 juin 1970 et le second - ci-après dénommé " contrat de 1970 " - du 1er juillet au 31 décembre 1972 ;

534. Que tant le contrat de 1948 que celui de 1970 :

- stipulent que l'intermédiaire vendra " au nom et pour le compte de Pfeifer & Langen ", le contrat de 1970 précisant en outre que l'intermédiaire a le statut d'un représentant de commerce au sens du droit allemand et " est tenu de veiller à tous égards et d'une manière optimale aux intérêts de Pfeifer & Langen " ainsi que " de se consacrer entièrement à la vente du sucre, selon les directives de Pfeifer & Langen " ;

- assignent à tout intermédiaire une zone de représentation déterminée et lui accordent, ainsi qu'il est dit de manière explicite dans le contrat de 1970, " un droit de vente exclusif dans la zone concédée et, partant, une protection territoriale pour l'ensemble de son assortiment de sucre de consommation ", clauses dont il n'est pas contesté qu'elles impliquent l'interdiction de vendre en dehors de cette zone ;

535. Que ces contrats contiennent des clauses interdisant, sauf autorisation, de négocier du sucre d'autres provenances, ces clauses étant formulées dans les termes suivants, respectivement dans le contrat de 1948 et dans celui de 1970 :

Contrat de 1948

" le représentant n'est pas autorisé à représenter d'autres fabriques de sucre, sauf accord écrit explicite de Pfeifer & Langen, ni à réaliser des affaires, avec du sucre provenant de l'entreprise Pfeifer & Langen ou d'ailleurs, pour son compte personnel. " ;

Contrat de 1970

" le représentant s'engage. . . à ne pas vendre, dans la zone particulière d'intérêts de Pfeifer & Langen. . . un autre sucre de consommation de provenance indigène ou étrangère. Toute dérogation doit être limitée dans le temps et confirmée par écrit par Pfeifer & Langen. Cet accord d'exclusivité ne vise pas, jusqu'à révocation, les activités exercées par le représentant au profit de la 'Nordwestdeutsche Markenzucker-Vertriebs GmbH et co. KG), à Bielefeld/Cologne et de la (WZV) à Cologne" ; et de la WZV, à Cologne. " ;

536. Qu'en réponse à une question posée par la cour, la requérante a exposé qu'elle a collaboré, sur la base de conventions passées verbalement et correspondant pour l'essentiel aux contrats susvisés, avec d'autres intermédiaires ;

II - Quant au fond

537. Attendu que Pfeifer & Langen fait valoir que, les intermédiaires avec lesquels elle a passé les accords litigieux se trouvant vis-à-vis d'elle dans la situation de représentants de commerce, l'article 85 ne serait pas applicable à ces accords ;

538. Attendu qu'il résulte du dossier que les accords litigieux s'analysent, sur un plan juridique, comme des contrats de représentants de commerce, notamment du fait qu'ils confèrent expressément aux intermédiaires le statut d'un représentant de commerce au sens du droit allemand, qu'ils leur imposent de conclure des ventes de sucre au nom et pour le compte du commettant, de suivre les directives de celui-ci et de veiller à ses intérêts et, enfin, qu'ils leur assignent des zones de représentation déterminées;

539. Que, si un tel intermédiaire exerce une activité au profit de son commettant, il peut en principe être considéré comme organe auxiliaire intégré dans l'entreprise de celui-ci, tenu de suivre les instructions du commettant et formant ainsi avec cette entreprise, à l'instar de l'employé de commerce, une unité économique;

540. Que, dans ces conditions, l'incompatibilité avec l'article 85 ne résulte pas du seul fait que le commettant impose à un tel auxiliaire l'interdiction de se livrer, sauf autorisation, au commerce de produits susceptibles de concurrencer les siens;

541. Qu'il en est autrement si les conventions passées entre le commettant et ses intermédiaires, qualifiés par les contractants de " représentants de commerce ", confèrent ou laissent à ceux-ci des fonctions se rapprochant économiquement de celles d'un négociant indépendant, du fait qu'elles prévoient la prise en charge, par lesdits intermédiaires, des risques financiers liés à la vente ou à l'exécution des contrats conclus avec les tiers;

542. Qu'en effet, en pareil cas, les intermédiaires ne peuvent être considérés comme organes auxiliaires intégrés dans l'entreprise du commettant, de sorte qu'une clause d'interdiction de concurrence convenue entre eux peut constituer un accord entre entreprises interdit en vertu de l'article 85;

543. Attendu que la Commission fait valoir qu'en l'espèce l'hypothèses du simple auxiliaire intégré à l'entreprise ne serait pas réalisée ;

544. Attendu qu'en effet il n'a pas été contesté que les intermédiaires en cause sont des maisons de commerce importantes qui, parallèlement aux activités de distribution pour le compte de la requérante, la WZV et d'autres, se livrent à des transactions d'une ampleur considérable sur le marché du sucre, notamment dans le domaine de l'exportation vers les pays tiers ou dans celui des livraisons destinées à la dénaturation;

545. Qu'ainsi, ces représentants sont autorisés à agir en qualité de négociants indépendants dans les cas où il n'y a pas de risque de concurrence dans le marché commun, mais qu'en revanche ils sont véritablement enchaînés par leurs contrats de représentation dans les cas où une telle concurrence pourrait, au niveau commercial, être suscitée;

546. Que le caractère de ces entreprises commerciales, tantôt intégrées dans l'entreprise de la requérante et tantôt opérant comme des commerçants indépendants, est d'ailleurs confirmé par l'observation même de la requérante (réplique, p. 44) selon laquelle l'intégration des représentants dans son organisation de vente " n'exclut pas que les agents peuvent également entrer en concurrence avec les négociants indépendants, et notamment lorsqu'ils vendent pour leur propre compte " et que " dans cette hypothèse, précisément, ils n'agissent pas comme membres de l'organisation de vente de la requérante ";

547. Qu'en effet, la création d'une relation aussi ambivalente qui, à l'égard d'une même marchandise, ne laisse à un commerçant la possibilité de continuer d'opérer à titre indépendant que dans les limites de l'intérêt de son fournisseur ne saurait être à l'abri des interdictions de l'article 85 quelles que soient les qualifications que lui donne de droit national;

548. Attendu qu'en frappant les accords, décisions ou pratiques en raison non seulement de leur objet, mais aussi de leurs effets au regard de la concurrence, l'article 85, paragraphe 1, implique la nécessité d'observer ces effets dans le cadre où ils se produisent, c'est-à-dire dans le contexte économique et juridique au sein duquel ils se situent et ou ils peuvent concourir avec d'autres éléments à un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence ;

549. Que pour apprécier s'il est frappé par l'article 85, paragraphe 1, un accord ne peut donc être isolé de ce contexte et que, notamment, l'existence de contrats similaires peut être prise en considération dans la mesure où l'ensemble de contrats de ce genre est de nature à restreindre la liberté du commerce ;

550. Qu'en adoptant la politique visant à n'écouler le sucre par elle produit et destiné à la consommation humaine dans un secteur déterminé du marché commun que par l'intermédiaire d'entreprises telles que celles de l'espèce, qui s'étaient engagées par des contrats de représentation, leur accordant un droit de vente exclusif dans une zone de représentation en contrepartie de l'obligation de ne pas vendre dans cette zone un autre sucre de consommation de provenance indigène ou étrangère, la requérante a en effet limité la concurrence, surtout dans le domaine des prix ;

551. Qu'en créant ce réseau d'écoulement d'ailleurs partiellement imbriqué à celui de certains autres producteurs, à l'égard desquels l'interdiction faite au représentant de vendre du sucre d'autre provenance ne jouait pas, elle a en effet, en ce qui concerne le sucre par elle produit en vertu du quota que lui attribuait l'organisation commune du marché du sucre, restreint la liberté du commerce ;

552. Qu'ainsi faisant, elle a contribué à rendre plus difficile encore l'interpénétration des marchés ;

553. Qu'à cet égard son objection selon laquelle ce type d'écoulement réalisé exclusivement par représentants était déjà en usage depuis 1948 et ne saurait donc être considéré comme destiné à maintenir un cloisonnement des marchés, seulement libérés en 1968, manque de pertinence, un instrument juridique adopté sous le régime national fortement réglementé qui était en vigueur avant 1968 se prêtant parfaitement à maintenir après cette date l'encadrement des marchés de sucre ;

554. Que dès lors le moyen doit être rejeté ;

555. Attendu, en ce qui concerne l'amende, que la requérante allègue encore que l'infraction à l'article 85 ne saurait justifier l'imposition d'une amende, la communication de la Commission de 1962 l'ayant induite en erreur en laissant suggérer que les contrats de représentation de commerce seraient en tout cas compatibles avec les dispositions de cet article ;

556. Attendu que, si la requérante doit avoir été consciente de ce que l'organisation d'un réseau d'écoulement par la conclusion de contrats de représentation avec des entreprises commerciales qui en fait étaient autre chose que de simples auxiliaires, était de nature à restreindre la concurrence, on ne saurait néanmoins exclure que le texte de ladite communication a pu faire croire qu'une telle pratique était toutefois acceptée comme compatible avec le traité;

557. Que, dès lors, la présente infraction ne saurait être prise en considération aux fins de la fixation du montant de l'amende;

9e Chapitre - Quant au grief de concertation lors des adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers

558. Attendu qu'aux termes de l'article 1, paragraphe 3, de la décision attaquée, il est reproché à RT, Say, Beghin, Générale sucrière et Sucres et denrées - ainsi qu'à Lebaudy-SUC et Sucre-Union, qui cependant n'ont pas saisi la cour - d'avoir " commis en 1970 des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en se concertant, lors des adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers, sur le montant des restitutions demandées ainsi que sur les quantités offertes " ;

559. Attendu que la Commission fait notamment valoir qu'un système d'adjudications serait le lieu par excellence où la concurrence doit pouvoir jouer et que le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun serait entravé si les offres faites par les participants à une adjudication résultaient de la connaissance des offres des autres participants et d'une concertation avec eux ;

Première section : moyen de forme tiré de la violation de l'article 190 du traité

560. Attendu que Sucres et denrées considère comme insuffisante la motivation donnée par la Commission à son affirmation selon laquelle, " bien que ces adjudications concernent l'exportation de sucre vers les pays tiers, il y a lieu de considérer qu'elles permettent l'exportation de sucre produit à l'intérieur de la Communauté " ;

561. Qu'ensuite Générale sucrière et Sucres et denrées estiment dépourvue de clarté l'allégation selon laquelle " cette concertation a également été un complément aux autres mesures prises par les intéressés pour parvenir à une protection de certains marchés nationaux " ;

562. Attendu que la décision (p. 30, premier considérant sous II) comporte un aperçu général des pratiques que la Commission reproche aux entreprises concernées, aperçu mentionnant également les pratiques retenues dans le cadre du présent grief et affirmant que, dans l'ensemble, ces entreprises auraient poursuivi " le but d'assurer la protection de leurs marchés respectifs " ;

563. Qu'ensuite, la décision (p. 42, troisième considérant sous f) expose " que, selon les résultats des adjudications, certains producteurs plutôt que d'autres seront obligés d'écouler des quantités excédentaires dans les autres États membres de la Communauté " et " qu'ainsi la concertation était susceptible de provoquer une modification des quantités commercialisées à l'intérieur de la Communauté par les principaux producteurs de France et de Belgique " ;

564. Qu'il résulte de ces éléments que, pour la Commission, d'une part, toutes les mesures incriminées convergeaient vers le but commun de protéger les marchés respectifs des producteurs intéressés et, d'autre part, la concertation relative aux adjudications en cause s'est répercutée sur les échanges - et, par là, sur le jeu de la concurrence - à l'intérieur du marché commun ;

565. Que la décision ayant ainsi été suffisamment motivée, le moyen n'est pas fondé ;

Deuxième section : Moyens concernant le fond

I - Violation de l'article 85 du traité

566. Attendu que les requérantes estiment que la Commission aurait violé l'article 85 du traité, soit pour avoir base sa décision sur des allégations de fait inexactes, soit surtout pour avoir considéré à tort que le comportement des requérantes était susceptible d'affecter le commerce entre États membres et avait pour objet et pour effet d'entraver le jeu de la concurrence non seulement dans les exportations vers les pays tiers, mais également à l'intérieur du marché commun ;

1) Quant à la réalité des faits allégués

567. a - Attendu que, dans une note établie par des préposés d'Export à l'intention du baron Kronacker, président de cette société, et relatant les termes d'un entretien téléphonique avec M. Maisin (de RT) du 17 février 1970 (annexe I 78 aux mémoires en défense), il est dit :

" Monsieur Maisin nous a appelés parce que nous lui avions demandé la semaine dernière de nous fournir des bruts en vue de l'adjudication de restitutions à l'exportation de sucre brut du 18 février.

Il nous a confirmé que le 16 février, il était à Paris, à une réunion entre raffineurs, à laquelle était représenté Tate à Lyle.

Au cours de cette réunion, les montants de restitutions qui seront soumissionnés ont fait l'objet d'un accord. Tate sera le principal acheteur final de ces cuites.

Raffinerie tirlemontoise compte exporter environ 9 000 tonnes de bruts qui seront livrées à Tate. RT propose à Export d'intervenir dans cette opération en qualité de broker. Dans ce cas, Export devrait respecter la politique commune définie à l'égard des adjudications.

Invité à préciser ce dernier point, M. Maisin reconnaît que cet engagement porte également sur les adjudications à l'exportation de sucre blanc. . .

Au cours de l'échange de vues qui a suivi, nous avons demandé à Monsieur Maisin quel était le fonctionnement pratique de cette concertation. Nous avons appris :

- participants : Say, Beghin, Lebaudy, Commerciale sucrière (Bouchon-St-Louis) (expression visant Générale sucrière), Sucre-Union, Raffinerie tirlemontoise et Sucres et denrées.

A noter que Sucres et denrées assiste aux réunions. En raison de l'éloignement, Raffinerie tirlemontoise y assiste rarement, mais se tient en contact téléphonique. . . . Ces réunions ont lieu le mardi soir, vers 17 heures. Il y est discuté :

1) du niveau général des restitutions

2) du tonnage pour lequel chacun des membres soumissionnera, la conciliation éventuelle se faisant au cours de discussions multilatérales.

Conclusion

Raffinerie tirlemontoise nous propose d'intervenir comme courtier dans la vente de 9 000 tonnes de bruts qu'il compte faire (ou qu'il a faite) à Tate à Lyle.

En contrepartie, il nous demande de renoncer à notre liberté d'aller tant aux adjudications d'exportation de sucre brut qu'à celles de sucre blanc.

Il est implicite que Raffinerie tirlemontoise refuse de nous offrir des bruts que nous serions libres de vendre où bon nous semble. " ;

568. Qu'il résulte d'une autre note interne d'Export (annexe II 17 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73) que le comité de direction de cette firme a pris, le 17 février 1970, les décisions reproduites ci-après, " après examen de la proposition (de M. Maisin, de RT), au sujet de l'intéressement d'Export aux ventes de brut de Tirlemont, (proposition) conditionnée à la communication, par Export, de ses soumissions aux adjudications CEE de blanc " ;

" A - accord de notre part. . . de ne pas soumissionner pour une restitution de brut aux adjudications permanentes de la CEE qui auront lieu, hebdomadairement à partir du mercredi 18 février, ceci pour que de telles demandes de restitution ne concurrencent pas les demandes des raffineurs franco-belges, et de Raffinerie tirlemontoise en particulier. (À remarquer que ce geste était purement formel, car sans être assuré de l'aliment matière première de Tirlemont en brut, seul fournisseur belge possible, Export n'aurait pu raisonnablement soumissionner à l'adjudication des bruts : risque, pour le cas ou il aurait été adjudicataire, de ne pouvoir se couvrir en effectif).

B -. . . . . .

C - en ce qui concerne les soumissions pour restitution aux adjudications de blanc, les idées cadres d'une proposition d'ensemble Export Raffinerie tirlemontoise sont les suivantes. Elles ont été soumises. . . par Monsieur Kronacker à Monsieur Rolin, puis à Monsieur Maisin :

1. . . . . . .

2. Export demande d'assister aux caucus de Paris du mardi soir, même de représenter Tirlemont (puisque ce dernier ne peut s'y rendre) lors des prises de décisions au sujet des restitutions à demander pour les adjudications du lendemain, mercredi matin. Ces caucus. . . comprennent les raffineurs franco-belges, Sucre-Union, (Sucre et denrées) et Bauche

3. Export communiquera les quantités pour lesquelles il se rend aux adjudications de blanc pour lui-même et pour le compte de tiers (mandants) et une indication sur le niveau de ses soumissions : non leur montant, mais si elles sont supérieures ou inférieures à celles décidées aux caucus de Paris, ou par RT. . . . . .

4. . . . . . .

5. Parallèlement aux réunions de concertation de paris ou les français s'entretiennent de leurs demandes de restitution, M. Kronacker demande la création d'un petit comité mixte RT-Export, pour arrêter la proposition belge. . . . . . . " ;

569. Que, dans une note interne " au sujet des négociations RT le 26 mars 1970 " (annexe II 18 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73), le baron Kronacker expose :

" je souhaite qu'on marche d'accord avec Tirlemont. Dans ce cas nous faisons le sacrifice de nos mandants, nous acceptons de réduire les quantités pour lesquelles nous nous rendions à l'adjudication pour Export, et nous acceptons, bien que nous n'ayons pas voix au chapitre, de nous rallier au prix du consortium de Paris. Cela implique nécessairement que Tirlemont n'aille pas aux adjudications par un autre canal que nous. Cela devrait impliquer également que nous serions présents aux réunions du lundi à Paris. . . . " ;

570. Que, dans une note interne intitulée " Considérations sur la réponse verbale formulée le 21 mai 1970 par M. Rolin à la proposition écrite faite par le baron Kronacker en date du 20 mai, relative aux relations Export/RT pour la campagne 1970-1971 " (annexe I 131 aux mémoires en défense), Export déclare : " en outre M. Rolin (de RT) restreint encore notre liberté d'action et nos possibilités d'activité en ce qui concerne la demande des restitutions. Ces demandes, en tonnage et en niveau devraient selon lui s'opérer en coordination avec M. Bernard, PDG de Say, dans le cadre de la concertation de Paris (Say, Beghin, Varsano (de Sucres et denrées), Sucre-Union, etc. . . . ) " ;

571. Que, dans le compte rendu d'une réunion tenue le 17 juillet 1970 par le conseil d'administration de RT (annexe II 19 au mémoire en défense dans l'affaire 47-73), on lit : " pour l'an prochain, nous voudrions essayer d'éviter le bradage des restitutions. Dans ce but, l'administrateur-délégué a présenté un avant-projet de pool des exportations. Celui-ci aurait en outre en France l'avantage de réduire aussi la tendance au bradage des prix intérieurs. Enfin, il permettrait de réaliser d'importantes économies en frais de transport " ;

572. Que, dans un télex à Export du 23 juillet 1970 (annexe I 77 aux mémoires en défense), RT s'exprime comme suit :

" 1. Je n'ai pas rejeté sur Export un échec éventuel des négociations pour la création d'un pool franco-belge. J'ai explique nos efforts et les raisons de ces efforts que je résumerai en quelques mots :

A) suppression de la concurrence aux restitutions de manière à ce que tout producteur soit assure au minimum du prix d'intervention.

B) en conséquence, suppression de la lutte pour placer des quantités sur le marché intérieur ou l'on est sur du prix plutôt que de devoir Exporter (ceci s'applique essentiellement à la France).

. . . . . .

2. Pour en venir au fond du problème, je souhaite vendre par Export, mais je voudrais régler l'harmonisation des demandes de restitutions. Étant donné l'importance de nos intérêts français, il me parait nécessaire d'éviter que Tirlemont apparaisse comme soutien d'une union entre les français lorsqu'il travaille rue Veneau et de miner ce même accord lorsqu'il fournit à Export.

C'est ce désir de trouver la formule de concertation pour les demandes de restitutions qui est à la base des remarques que j'ai faites concernant votre note du 20 mai. Dès qu'une solution aura été trouvée, nous pourrons concrétiser l'option dont je vous ai parlé . . . . . . " ;

573. Qu'aux termes d'un télex à RT du 19 août 1970 (annexe I 81 aux mémoires en défense), Export, après avoir marqué son accord sur le " schéma " proposé par RT quant à l'agencement des livraisons aux Pays-Bas et suggère l'élaboration d'un " schéma comparable " pour les livraisons en Italie, aborde comme suit le sujet des restitutions :

" compte tenu de notre participation aux points ci-dessus, et en principe, quelle que soit la formule retenue à Paris, préconisons travail en collaboration réelle d'Export avec RT sur pays tiers, dont la conséquence doit normalement aboutir à concertation niveau restitutions, tenant compte de la politique des fabricants. "

574. b - Attendu, Quant à la valeur probante de ces pièces, pour autant qu'elles émanent d'Export ou ont été adressées à cette firme par RT, qu'il a déjà été exposé qu'elle ne saurait être mise en doute et que ces pièces peuvent être opposées également à des requérantes autres que RT ;

575. Attendu que, dans leur ensemble, ces pièces établissent que les requérantes ont effectivement mis en œuvre une concertation relative aux quantités à offrir et aux montants à demander lors des adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers ;

576. Que, d'ailleurs, si certaines requérantes affirment que les entreprises concernées se seraient bornées à échanger des informations, aucune requérante ne conteste cependant sérieusement les faits allégués, Générale sucrière et Sucres et denrées admettant même l'existence de la concertation, en ajoutant toutefois que les requérantes ne se seraient pas concertées une fois pour toutes, mais seulement lors de chaque adjudication ;

577. Attendu qu'il résulte de ces éléments que les requérantes, ainsi que Lebaudy-SUC et Sucre-Union, ont sciemment substitué une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence, coopération ayant abouti à des conditions de concurrence qui ne correspondaient pas aux conditions normales du marché, en l'occurrence aux résultats que les adjudications en question auraient pu avoir si chacune des entreprises concernées avait déterminé de manière autonome les quantités à offrir et les montants à demander ;

578. Que, dès lors, il échet de constater que les requérantes et les autres entreprises concernées se sont effectivement livrées aux pratiques concertées dénoncées par la décision ;

2) Quant au point de savoir si ces pratiques concertées remplissent les conditions énoncées à l'article 85 du traité

A - Quant au point de savoir si ces pratiques étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et avaient pour objet ou pour effet d'entraver le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun

579. a) Attendu que le télex cité de RT du 23 juillet aux termes duquel la " suppression de la concurrence aux restitutions " pouvait et devait avoir pour " conséquence " la " suppression de la lutte pour placer des quantités sur le marché intérieur ", démontre que les entreprises intéressées ont elles-mêmes établi un lien entre les pratiques en cause, d'une part, et la situation concurrentielle de ces entreprises sur le marché commun, d'autre part ;

580. Qu'en outre, les entreprises concernées étant établies en France et en Belgique, pays disposant d'excédents de sucre considérables, il ne fait pas de doute qu'à défaut de la concertation litigieuse, certaines de ces entreprises au moins se seraient vu adjuger des quantités inférieures à celles qui leur ont effectivement été adjugées, et auraient ainsi été incitées à écouler davantage de sucre dans d'autres États membres, ce qui aurait pu non seulement modifier la structure des échanges intracommunautaires, mais encore intensifier la concurrence à l'intérieur du marché commun, conséquence que les intéressés ont précisément voulu éviter, ainsi qu'il ressort du télex cité ;

581. b) Attendu que les requérantes font valoir que les règlements communautaires relatifs aux adjudications pour les restitutions à l'exportation vers les pays tiers auraient conféré à la Commission des pouvoirs à tel point étendus qu'elle aurait été en mesure d'empêcher que le comportement incriminé n'entraîne les effets visés à l'article 85 ;

582. Attendu qu'il est exact que ces règlements conféraient à la Commission des pouvoirs importants, et notamment celui de décider de la fréquence des adjudications de déterminer la quantité maximum de sucre à exporter dans le cadre de chaque adjudication, de fixer le montant maximum de la restitution et de ne pas donner suite à une adjudication déterminée ;

583. Que, toutefois, ces pouvoirs étaient limités du fait que tout soumissionnaire dont l'offre ne dépassait pas le montant maximum pouvait exiger, en principe, que l'adjudication lui fut attribuée et qu'un certificat d'exportation lui fut délivré ;

584. Qu'en ce qui concerne la possibilité de ne pas donner suite à une adjudication il y a lieu de faire remarquer qu'un moyen aussi radical eut bloqué le courant des exportations s'il avait été mis en œuvre systématiquement ;

585. Qu'au surplus, les requérantes méconnaissent que pour pouvoir détecter une concertation telle que celle dont s'agit, la Commission devrait préalablement étudier et confronter les résultats d'un nombre relativement important d'adjudications, de sorte que, sous cet angle encore, elle n'était pas en mesure de prévenir toute concertation ;

586. Que l'argument des requérantes ne saurait être retenu ;

587. c) Attendu que RT fait valoir, au titre de l'article 184 du traité, que les règlements communautaires ayant établi le système des adjudications seraient inapplicables comme étant contraires à un objectif fondamental du règlement n° 1009-67 à savoir de garantir aux producteurs de sucre que, dans leurs ventes, ils obtiennent au moins le prix d'intervention ;

588. Qu'en effet, ce système aurait eu pour effet de contraindre les producteurs à se contenter d'une recette inférieure audit prix ;

589. Attendu que, si l'article 9 du règlement n° 1009-67 oblige les organismes d'intervention des États membres à acheter, au prix d'intervention, le sucre qui leur est offert, rien dans ce règlement ne permet cependant d'affirmer que ce prix soit " garanti " aux producteurs également pour les livraisons de sucre qu'ils effectueraient à d'autres acheteurs ;

590. Qu'en ce qui concerne plus particulièrement les exportations vers les pays tiers, l'article 17, paragraphe 1, du règlement dispose que la différence entre les cours ou prix du marché mondial et les prix dans la Communauté " peut " être couverte par une restitution, " dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation " ;

591. Qu'il résulte de ce libellé que les institutions communautaires n'étaient pas tenues de mettre en place un système de restitutions, et moins encore d'en fixer le montant de manière telle que l'exportation rapportât aux producteurs de sucre le prix d'intervention ;

592. Que le moyen soulevé par RT ne saurait donc être retenu ;

593. d) Attendu que, selon RT, l'article 85 serait inapplicable aux pratiques incriminées, celles-ci n'ayant pas concerné le marché d'un produit, mais le " marché " des licences d'exportation ;

594. Attendu que cet argument manque de pertinence, puisqu'il s'agit uniquement de savoir si lesdites pratiques, quel qu'ait été leur objet immédiat, ont visé et conduit à entraver la concurrence à l'intérieur du marché commun, question qui doit recevoir une réponse affirmative ;

595. Attendu qu'il résulte de ces considérations que les pratiques litigieuses avaient pour objet et pour effet, entre autres, d'entraver la concurrence à l'intérieur du marché commun et, de ce fait même, étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ;

B - Quant au point de savoir si les pratiques concertées ne pouvaient avoir d'effets sensibles sur le commerce intracommunautaire et le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun

596. Attendu qu'en réponse aux questions posées par la Cour, les requérantes ont chiffré les quantités exportées par elles vers les pays tiers, en 1970 et à la suite d'adjudications, à 89 821 tonnes de sucre brut et 248 833 tonnes de sucre blanc au total, alors que la Commission a évalué ces quantités respectivement à 60 627 et 207 239 tonnes, en ajoutant que Sucre-Union et Lebaudy-SUC auraient exporté respectivement 28 332 et 17 125 tonnes de sucre blanc ;

597. Que, selon les statistiques de la Commission (tableaux III et IV de l'annexe I à la duplique dans l'affaire 47-73), pour autant qu'elles se fondent sur les données fournies par la France et la Belgique, les tonnages exportés par ces deux États membres à l'intérieur de la Communauté étaient les suivants :

France 1969-1970 : sucre brut : 1 800, sucre blanc : 298 600.

France 1970-1971 : sucre brut 74 700, sucre blanc : 524 300.

Belgique 1969-1970 : sucre brut : 13 900, sucre blanc : 87 100.

Belgique 1970-1971 : sucre brut : 21 100, sucre blanc : 91 100.

Total France Belgique 1969-1970 : sucre brut : 15 700, sucre blanc : 385 700.

Total France Belgique 1970-1971 : sucre brut : 95 800, sucre blanc : 615 400.

598. Qu'il résulte de ces indications que les quantités que les entreprises concernées ont pu exporter vers les pays tiers à la suite de la concertation incriminée étaient considérables non seulement en valeurs absolues, mais également par rapport aux exportations françaises et belges effectuées à l'intérieur du marché commun ;

599. Qu'il faut en conclure qu'à défaut de la concertation, certaines des entreprises concernées auraient été contraintes d'écouler davantage de sucre à l'intérieur du marché commun et que, dès lors, la structure des échanges intracommunautaires et l'intensité de la concurrence à l'intérieur du marché commun auraient été modifiées ;

600. Attendu, au surplus, que l'importance économique des entreprises intéressées était considérable, les producteurs français concernés par le présent grief ayant réalisé à l'époque 75% de la production française, passée de 2 620 000 tonnes en 1968-1969 à 3 230 000 tonnes en 1971-1972, alors que RT a réalisé 65% de la production belge, passée de 530 000 tonnes en 1968-1969 à 770 000 tonnes en 1971-1972 ;

601. Que, dans ces conditions, il convient de constater que les pratiques concertées en cause étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, et d'entraver le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, d'une manière non négligeable ;

602. Attendu qu'il résulte de ces considérations que le moyen tiré de la violation de l'article 85 du traité doit être rejeté ;

II - Violation du règlement n° 26

603. Attendu que, pour le cas où la Cour admettrait que les pratiques litigieuses aient " contribué à protéger, entre autres, le marché italien ", Générale sucrière et Say font valoir qu'elles devraient bénéficier des exceptions prévues à l'article 2 du règlement n° 26 ;

604. Attendu que ce moyen est sans objet, la Cour ne considérant pas que ces pratiques aient eu directement pour effet de protéger le marché italien ;

605. Attendu que le moyen tiré par RT de ce que la Commission aurait nié à tort l'applicabilité, en faveur de la requérante, de la seconde exception prévue à l'article 2 du règlement n° 26, moyen soulevé également à propos du deuxième grief, doit être rejeté pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen de celui-ci ;

10e Chapitre - Quant à l'obligation imposée aux requérantes de mettre fin immédiatement aux infractions constatées (article 2 de la décision) et quant aux amendes (article 3)

I - Quant à l'article 2 de la décision

606. Attendu qu'en vertu de l'article 2 de la décision attaquée, les entreprises visées par cette décision " sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées " par l'article 1 de la décision ;

607. Que l'article 2 doit être annulé dans la mesure où il vise des infractions ou éléments d'infraction qui n'ont pas été retenus par la Cour ;

II - Quant aux amendes infligées par l'article 3 de la décision

608. Attendu que l'article 3 de la décision doit être annulé pour autant qu'il inflige des amendes à Volano, Emiliana, Sadam, SZG, Cavarzere, Industria degli zuccheri et Eridania (affaires 45-73, 46-73, 50-73, 54-73, 111-73, 113-73 et 114-73), la Cour n'ayant retenu aucune infraction à l'égard de ces requérants ;

609. Attendu, quant aux amendes infligées à SU, Générale sucrière, CSM, Say, Beghin, RT, Sucres et denrées, SZV et Pfeifer & Langen (affaires 40 à 44-73, 47-73, 48-73, 55-73 et 56-73), requérantes dans le chef desquelles la cour n'a retenu qu'une partie des infractions affirmées par la Commission, qu'il y a lieu de faire observer d'abord que la Commission affirme ne pas avoir frappé directement d'amendes les infractions énoncées à l'article 1, paragraphe 2 et 3, de la décision, mais les avoir appréciées, pour la fixation des amendes infligées, en liaison avec les infractions constatées au paragraphe 1 dudit article ;

610. Que cette manière de procéder conduit à admettre que, le cas échéant, les amendes doivent être considérées comme ayant été infligées également en raison des infractions constatées aux paragraphes 2 et 3 de l'article 1 de la décision ;

611. Attendu qu'il apparaît des considérations exposées aux chapitres précédents que toutes les infractions retenues par la Cour ont été commises de propos délibéré ou tout au moins par négligence, de sorte qu'elles sont passibles d'amendes, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à l'exception de celle visée au huitième chapitre ;

612. Attendu, quant à l'évaluation des montants à fixer, qu'il faut prendre en considération, en vertu du paragraphe 2 du même article, la gravité et la durée de l'infraction, ce qui oblige la Cour à tenir compte, notamment, du contexte réglementaire et économique du comportement incriminé, de la nature des restrictions apportées à la concurrence ainsi que du nombre et de l'importance des entreprises concernées ;

613. Attendu, en ce qui concerne plus particulièrement le contexte réglementaire et économique du comportement incriminé, qu'on ne saurait statuer sur le montant des amendes sans tenir compte de ce que le marché du sucre est aménagé sur la base non de l'unité territoriale de la Communauté, mais selon un système qui tend à consacrer un cloisonnement des marchés nationaux, notamment par le moyen de quotas nationaux à l'intérieur desquels les industriels producteurs de sucre se trouvent généralement garantis en même temps que les agriculteurs producteurs de betteraves ;

614. Que la Commission a insuffisamment tenu compte de la mesure dans laquelle ce système était susceptible d'affecter les conditions du marché du sucre ;

615. Qu'en effet, la circonstance que, d'une part, la production communautaire de sucre pouvant être écoulé sur le marché interne a été limitée à une quantité fixée et, d'autre part, les principaux producteurs connaissent les quantités auxquelles la production de chacun de leurs concurrents est limitée, a donné au marché en cause un caractère anormalement transparent et stable ;

616. Que, dans ces conditions, chacun des producteurs était presque nécessairement porté à chercher son profit non pas dans l'accroissement de sa production et, dès lors, de sa part de marché, mais dans l'écoulement de sa production aux prix les plus élevés possibles ;

617. Que, cependant, les prix que les producteurs pouvaient espérer réaliser étaient limités vers le haut par le caractère excédentaire de la production communautaire et, dans certains États membres, par des prix maxima à la consommation fixes, ou du moins fortement conseillés, par les autorités nationales ;

618. Que les producteurs avaient donc intérêt à ne pas perturber les niveaux de prix existant dans les États membres respectifs et devaient être conscients que toute intervention sur les marchés traditionnels de leurs concurrents risquerait de faire baisser le niveau des prix sur ces marchés et partant de reduire leur bénéfice sur leur propre production ;

619. Que l'organisation commune du marché du sucre, qui tend d'ailleurs à perdre son caractère transitoire initial et qui, pour les raisons qui viennent d'être exposées, n'a laissé au jeu de la concurrence qu'un domaine résiduel, a donc contribué à maintenir chez les producteurs de sucre un comportement non concurrentiel ;

620. Que, si cette situation ne peut conduire à admettre des pratiques susceptibles d'aggraver encore les inconvénients d'un tel système au regard du traité, elle n'en a pas moins pour conséquence que le comportement des intéressés ne saurait être apprécié avec la sévérité habituelle ;

621. Attendu, au surplus, que le préjudice que le comportement incriminé a pu causer aux utilisateurs ou aux consommateurs était limité, la Commission elle-même n'ayant pas reproché aux intéressés une hausse concertée ou abusive des prix pratiques, et des entraves apportées au libre choix du fournisseur grâce à la répartition des marchés, tout en méritant la censure, pesant moins lourd lorsqu'il s'agit d'un produit largement homogène tel que le sucre ;

622. Attendu, enfin, qu'il échet de comparer, pour chacune des requérantes en question, le poids de l'infraction ou des infractions admises par la cour et celui qu'aurait eu l'ensemble des infractions qui lui ont été reprochées par la Commission ;

623. Qu'en outre, pour autant qu'une infraction retenue par la Cour a été commise par plusieurs requérantes, il y a lieu d'examiner la gravité relative de la participation de chacune d'entre elles ;

624. Attendu que, dans toutes ces conditions, les amendes infligées à SU, Générale sucrière, CSM, Say, Beghin, RT, Sucres et denrées, SZV et Pfeifer & Langen (affaire 40 à 44-73, 47-73, 48-73, 55-73 et 56-73) doivent être réduites comme il sera dit dans le dispositif ;

625. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens, alors que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens ;

626. Qu'en vertu du paragraphe 3 du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels ;

A) Quant aux dépens de la procédure au principal

627. Attendu qu'en l'espèce, la Commission ayant succombé dans les affaires 45 - 73, 46-73, 50-73, 54-73, 111-73, 113-73 et 114-73 (Volano, Emiliana, Sadam, Szag, Cavarzere, Industria degli zuccheri et Eridania), il convient de la condamner, dans ces affaires, à l'ensemble des dépens, compte tenu de ce que ces requérantes ont, soit explicitement, soit implicitement, conclu en ce sens ;

628. Que les requérantes et la Commission ayant succombé respectivement sur un ou plusieurs chefs dans les affaires 40 à 44-73, 47-73, 48-73, 55-73 et 56-73 (SU, Générale sucrière, CSM, Say, Beghin, RT, Sucres et denrées, SZV et Pfeifer & Langen), les dépens dans ces affaires seront compensés en ce sens que chaque partie supportera ses propres dépens ;

B) Quant aux dépens causés par l'intervention

629. Attendu que la partie intervenante a succombé en son intervention dans les affaires 41-73, 43 à 48-73, 50-73, 111-73, 113-73 et 114-73 (Générale sucrière, Say, Beghin, Volano, Emiliana, RT, Sucres et denrées, Sadam, Cavarzere, Industria degli zuccheri et Eridania), cette intervention ne tendant qu'à l'appui des conclusions de la Commission relatives au grief concernant la protection du marché italien (article 1, paragraphe 1, sous-paragraphe 1, de la décision) et que la Cour n'a pas retenues ;

630. Que, toutefois, il parait équitable de compenser les dépens causés par l'intervention en ce sens que les requérantes susvisées, la Commission et la partie intervenante supporteront chacune ses propres dépens, étant donné, d'une part, que la partie intervenante est une association destinée à protéger les intérêts des consommateurs et, d'autre part, que l'intervention n'a pu causer des frais considérables ni aux requérantes, ni à la Commission ;

C) Quant aux dépens causés par l'audition des témoins

631. Attendu que les témoins entendus par la cour l'ont été dans les affaires 40-73 (SU) et 42-73 (CSM) ainsi que dans le cadre du grief de pressions économiques exercées sur les importateurs néerlandais (article 1, paragraphe 2, sous - paragraphe 2, de la décision) ;

632. Que la Commission, ayant succombé sur ce chef, doit être condamnée aux dépens causes par l'audition de ces témoins ;

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête :

1) L'article 1 de la décision de la Commission n° COM (72) 1600, du 2 janvier 1973, est annulé :

- en son paragraphe 1, sous-paragraphes 1 et 4 ;

- en son paragraphe 1, sous-paragraphe 2, dans la mesure où celui-ci constate l'existence d'une pratique concertée entre Pfeifer & Langen, SU et CSM ;

- en son paragraphe 2, sous-paragraphe 2,

- en son paragraphe 2, sous-paragraphe 3, dans la mesure où celui-ci constate une infraction que SZV aurait commise en empêchant ses intermédiaires de revendre du sucre d'autres provenances ;

2) L'article 2 de la décision est annulé dans la mesure où il vise des infractions ou éléments d'infraction qui n'ont pas été retenus par la Cour ;

3) a) L'article 3 de la décision est annulé dans la mesure où il inflige des amendes à Emiliana, Volano, Sadam, Süddeutsche Zucker AG, Cavarzere, Industria degli zuccheri et Eridania (affaires 45-73, 46-73, 50-73, 54-73, 111- 73, 113-73 et 114-73) ;

B) Les amendes infligées par l'article 3 aux autres requérantes sont réduites :

- pour Suiker Unie (affaire 40-73) à 200 000 unités de compte (724 000 florins néerlandais) ;

- pour Générale sucrière (affaire 41-73) à 80 000 unités de compte (444 335,20 francs français) ;

- pour Centrale Suiker Maatschappij (affaire 42-73) à 150 000 unités de compte (543 000 florins néerlandais) ;

- pour Say (affaire 43-73) à 80 000 unités de compte (444 335,20 francs français) ;

- pour Beghin (affaire 44-73) à 100 000 unités de compte (555 419 francs français) ;

- pour la Raffinerie tirlemontoise (affaire 47-73) à 600 000 unités de compte (30 000 000 francs belges) ;

- pour Sucres et denrées (affaire 48-73) à 100 000 unités de compte (555 419 francs français) ;

- pour Südzucker-Verkauf GmbH (affaire 55-73) à 40 000 unités de compte (146 400 deutsche mark) ;

- pour Pfeifer & Langen (affaire 56-73) à 240 000 unités de compte (878 400 deutsche mark) ;

4) Le surplus des conclusions des requérantes est rejeté ;

5) a) Dans les affaires 45-73, 46-73, 50-73, 54-73, 111-73, 113-73 et 114-73 (Volano, Emiliana, Sadam, Süddeutsche Zucker AG, Cavarzere, Industria degli zuccheri et Eridania), la Commission est condamnée à l'ensemble des dépens de la procédure au principal ;

B) Dans les affaires 40 a 44-73, 47-73, 48-73, 55-73 et 56-73 (Suiker Unie, Générale sucrière, Centrale Suiker Maatschappij, Beghin, Say, Raffinerie tirlemontoise, Sucres et denrées, Südzucker Verkauf GmbH et Pfeifer & Langen) respectivement, chacune des parties supportera les dépens que lui a causés la procédure au principal ;

C) Les dépens causés par l'intervention sont compensés en ce sens que les requérantes concernées, la Commission et la partie intervenante supporteront chacune ses propres dépens ;

D) La Commission est condamnée aux dépens de l'audition des témoins.