CA Paris, 5e ch. B, 2 mai 2002, n° 1999-22919
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Glaxo Smith Kline (SA)
Défendeur :
Interpharm (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.Nain
Président de chambre :
Mme Pezard
Conseiller :
M. Faucher
Avoués :
Me Huygue, SCP Hardouin
Avocats :
Mes Kross Ribeil, Zeitoun Kernevez
La Cour est saisie d'un appel formé par la société Laboratoire Glaxo Wellcome, société anonyme simplifiée, contre un jugement contradictoirement rendu le 8 octobre 1999, par le tribunal de commerce de Paris, qui a dit que le contrat du 1er octobre 1992 la liant à la société Interpharm, société à responsabilité limitée, n'est pas un contrat d'agent commercial et a condamné la société Laboratoire Glaxo Wellcome à payer à la société Interpharm la somme de 150.000 F, à titre de dommages intérêts, celle de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.
Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 1992, la société Interpharm et la société Laboratoire Glaxo Wellcome ont conclu un contrat, intitulé "contrat de promotion", confiant à la société Interpharm la représentation pharmaceutique des spécialités visées en annexe pour la Martinique et la Guadeloupe, moyennant une rémunération calculée sur le chiffre d'affaires réalisé par la société Laboratoire Glaxo Wellcome dans ladite zone.
Ce contrat était conclu pour une période probatoire se terminant le 31 décembre 1993 et pouvait ensuite se poursuivre par tacite reconduction pour des périodes d'un an sauf résiliation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception avec préavis de 3 mois.
La société Laboratoire Glaxo Wellcome a résilié ledit contrat par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 septembre 1996, en application des dispositions de l'article 4.1 du contrat. La société Interpharm, contestant les modalités financières de cette résiliation a assigné le 15 septembre 1997, sa cocontractante en paiement d'indemnité, demandant au tribunal de dire que la convention rompue était un contrat d'agence commerciale.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 janvier 2002, la société Glaxo Smith Kline, venant aux droits de la société Laboratoire Glaxo Wellcome par suite de fusion absorption du 1er mai 2001, appelante, demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat liant les parties, n'est pas un contrat d'agent commercial, de le réformer pour le surplus, en déboutant la société Interpharm de ses demandes et en la condamnant à lui verser la somme de 16.000 euros (soit 104.953,12 F) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 11.000 euros (soit 72.155,27 F) au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 13 décembre 2001, la société Interpharm, intimée, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris sauf à dire que la convention la liant à la société Laboratoire Glaxo Wellcome était un contrat d'agent commercial, résilié avec effet au 31 décembre 1996, et condamner cette société à lui payer, à titre d'indemnité de clientèle, une somme de 47.795,10 euros (313.515,30 F) correspondant à deux années de commission, avec intérêts légaux à compter du 15 septembre 1997, à titre de dommages intérêts pour procédure abusive la somme de 7622,45 euros (50.000 F), et au titre des frais irrépétibles d'appel 7622,45 euros (50.000 F) outre les entiers dépens.
Sur la nature du contrat conclu par les parties le 1er octobre 1992
Considérant qu'à l'appui de ses prétentions, la société Interpharm fait valoir que tous les visiteurs pharmaceutiques qu'elle emploie sont inscrits sur le registre spécial des agents commerciaux, que d'ailleurs lorsque les pharmaciens souhaitaient procéder à des commandes entre deux passages réguliers des visiteurs d'Interpharm, c'est bien à ceux-ci qu'ils faisaient appel et non pas directement aux Laboratoires Glaxo Wellcome;
Qu'en outre, ils bénéficiaient ainsi des promotions offertes par le Laboratoire, sous forme de remises de produits gratuits et identiques à ceux commandés et en proportion des commandes.
Que ces produits lui étaient fournis gratuitement et directement par les Laboratoires Glaxo Wellcome en vue de favoriser et développer la fidélisation de la clientèle ; que, s'agissant par exemple d'un médicament comme l'Actifed, les visiteurs remettaient aux pharmaciens 20 boites gratuites pour 60 achetées, permettant ainsi à l'officine d'augmenter sa marge bénéficiaire sur ces produits, qu'il ne s'agissait pas d'échantillons promotionnels sans valeur marchande mais d'unités gratuites susceptibles d'être vendues au public en fonction des commandes obtenues directement par les visiteurs de la société Interpharm, qui agissaient en exécution des instructions du laboratoire et étaient soumis à une clause de non-concurrence;
Que lorsque les pharmaciens commandaient des produits directement par un grossiste-répartiteur, Interpharm percevait une commission de la part de la société Laboratoire Glaxo Wellcome, calculée sur l'intégralité des ventes y compris celles réalisées lors du réassortiment par les pharmaciens, sans promotion,
Que les visiteurs pharmaceutiques remettaient les bons de commandes pris en pharmacie aux grossistes répartiteurs chargés exclusivement de la logistique d'acheminement des produits entre les laboratoires et les pharmaciens d'officine ;
Considérant que la société Laboratoire Glaxo Wellcome fait valoir que l'inscription au registre spécial des agents commerciaux de Monsieur Cremades, gérant de la société Interpharm, est inopérante, le contrat liant les parties ayant été conclu avec la société Interpharm et non avec Monsieur Cremades à titre personnel ;
Qu'elle oppose, pour exclure la requalification du contrat "de promotion" en contrat d'agent commercial, à l'instar des juges de première instance, les dispositions de l'article 1er du contrat litigieux stipulant : " le fait que Interpharm réalise une telle action ne lui confère aucun droit de se présenter comme agissant pour le compte des laboratoires Wellcome SA ou comme ayant le pouvoir d'engager les laboratoires Wellcome SA, de quelque façon que ce soit " ;
Que l'existence dans le contrat de certaines clauses pouvant s'apparenter à celles d'un contrat d'agent commercial s 'explique par la spécificité du contrat de promotion,
Qu'une clause de non concurrence se justifie autant dans un contrat de promotion que dans un contrat d'agent commercial, que le mode de rémunération, sous forme de commissions, calculé à partir des ventes totales sur le territoire, y incluses les ventes réalisées sans promotion et par voie de conséquence sans intervention de la société intimée, n'impliquait pour la société Interpharm aucune obligation de communiquer à la société Laboratoire Glaxo Wellcome le nombre de ventes exactes qu'elle aurait réalisées, ce qui révèle qu'elle n'exerçait pas comme un agent ;
Considérant qu'au vu des pièces produites par la société Interpharm, la Cour constate que, si la société Interpharm ne rapporte pas la preuve qu'elle-même ou ses visiteurs pharmaceutiques étaient inscrits au registre spécial des agents commerciaux, les différentes attestations des pharmaciens d'officine et de grossistes répartiteurs (CERP Martinique, Société Pharmaceutique Antillaise) démontrent qu'elle était chargée de vendre aux mêmes pharmaciens d'officines toutes les spécialités de la société Laboratoire Glaxo Wellcome mais aussi celles d'autres laboratoires que détenaient les grossistes répartiteurs;
Que le contrat spécifiait clairement - ce que ne conteste pas l'appelante - que la société Interpharm était le mandataire permanent de la société Glaxo, que la distribution des unités gratuites était partie intégrante des opérations de vente promotionnelles dont était chargée la société Interpharm ; que le mode de rémunération choisi, à la commission, était celui des agents commerciaux ;
Que dès lors, nonobstant l'intitulé du contrat et l'affirmation, énoncée à son article 1er, que la société Interpharm n'a aucun droit de se présenter comme agissant pour le compte de la société Glaxo Wellcome ou ayant le pouvoir de l'engager, stipulation en contradiction avec les autres clauses du contrat et les conditions dans lesquelles il s'est exécuté et n'ayant manifestement d'autre objet que d'écarter artificiellement les dispositions d'ordre public de la loi du 25 janvier 1991, la convention du 1er octobre 1992 doit être regardée comme un contrat d'agent commercial, soumis aux dispositions susvisées;
Sur la demande d'indemnité de la société Interpharm
Considérant que la société Interpharm demande, à titre d'indemnité de clientèle, la valeur de deux années de commissions brutes perçues comme agent commercial ;
Qu'elle établit cette valeur par les nombreuses notes de commissions adressées par la suite à la société Laboratoire Glaxo Wellcome, preuves fournies, à la somme de 13.515,30 F ; qu'elle demande des intérêts légaux à compter de la date de l'assignation ;
Considérant que, pour s'opposer à cette demande, l'appelante rétorque qu'elle a mis fin au contrat dans les conditions prévues par celui-ci, sans commettre de faute, ce qui est d'ailleurs pas contesté ;
Considérant que la Cour constate la résiliation du contrat liant les parties à la date du 26 septembre 1996, par la société Laboratoire Glaxo Wellcome, conformément aux dispositions de l'article 4.1 dudit contrat, avec effet au 31 décembre 1996 à l'issue du préavis légal de trois mois ;
Considérant qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, en application de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, devenu l'article L. 134-12 du Code de commerce, alors même que la résiliation par le mandant n'est pas fautive, pourvu seulement que cette résiliation n'ait pas été provoquée par la faute grave de l'agent, telle que visée par l'article 13 de la loi susvisée, devenue l'article L. 121-13 du code de commerce ;
Que la société Interpharm a exercé, après une période probatoire jusqu'à la fin de décembre 1996 ses activités d'agent commercial ;
Qu'elle produit les justificatifs des commissions perçues de décembre 1993 à décembre 1996, que la moyenne annuelle s'élève à 24.563,54 euros (soit 161.112,30 F);
Que compte tenu de la durée d 'exécution du contrat - trois ans à l'issue de la période probatoire - le préjudice subi du fait de la résiliation peut être évalué à une somme correspondant à une année de commissions, soit 24.564 euros après arrondi ;
Que la société Laboratoire Glaxo Wellcome sera condamnée à payer à la société Interpharm ladite somme au titre de l'indemnité de clientèle augmentée des intérêts légaux à compter du 15 septembre 1997 date de l'assignation devant le Tribunal ;
Que, la société Interpharm ne justifiant d'aucun autre préjudice consécutif à la résiliation du contrat, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité forfaitaire de 150.000 F ; que sa demande tendant à la confirmation, de cette condamnation sera rejetée;
Sur la demande en dommages intérêts pour procédure abusive et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que l'appelante réclame à la société Interpharm 16.000 euros (soit 104.953,12 F) de dommages intérêts pour procédure abusive, outre 11.000 euros (soit 72.155,27 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code ;
- Déboute les parties de toutes autres demandes, de procédure civile ; que, partie perdante, elle ne peut qu'être déboutée de ces demandes;
Considérant que la société Interpharm allègue un préjudice commercial et financier important pour brusque rupture, l'appelante ayant fait preuve, selon elle, mauvaise foi, qu'elle réclame une somme de 7.622,45 euros (soit 50.000 F) pour résistance abusive et une somme de 7.622,45 euros (soit 50.000 F) au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que la société Interpharm ne démontre pas que l'appelante aurait fait dégénérer en abus son droit de défendre en justice et d'exercer un recours ouvert par la loi ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande en dommages intérêts de ce chef ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Interpharm une somme complémentaire de 4000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que, partie perdante, la société Laboratoire Glaxo Wellcome ne peut obtenir le remboursement de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens ;
Par ces motifs : Donne acte à la société Glaxo Smith Kline de ce qu'elle vient aux droits de la société Laboratoire Glaxo Well Come, infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a statué sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et statuant à nouveau, Dit que le contrat conclu entre les parties le 1er octobre 1992 était un contrat d agent commercial, Condamne la société Glaxo Smith Kline à payer à la société Interpharm la somme de 24.564 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 1997, Condamne la société Glaxo Smith Kline à payer à la société Interpharm la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Glaxo Smith Kline aux dépens d'appel et admet la SCP Hardouin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.