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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch., 14 décembre 1999, n° 96-16132

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maldonado

Défendeur :

Fina France (SA), Fourty (consorts), Vella

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Grand, Mme Montelimard

Avocats :

Mes Filippi, Fleury, Vialatte.

Cons. prud'h. Grasse, du 8 juill. 1996

8 juillet 1996

Monsieur Henri Maldonado a relevé appel le 24 juillet 1996 des jugements prononcés le 8 juillet 1996 par le conseil des prud'hommes de Grasse qui l'a condamné à payer diverses sommes à Monsieur Mohamed Fourty (procédure n° 96-00016132) et à Madame Fourty (procédure n° 96-00016133) à la suite de leur licenciement. Il expose qu'il a été locataire-gérant d'une station service appartenant à la société Fina du 1er avril 1991 au 31 mars 1994 et qu'il a procédé au licenciement de Monsieur et de Madame Fourty à la fin de sa location-gérance, à la demande verbale de la société Fina France qui lui a versé une subvention d'exploitation de 132.613,77 francs correspondant au coût du licenciement de chacun des deux salariés hormis les indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Il conteste les sommes qui ont été allouées aux époux Fourty et il demande qu'il soit jugé que leurs contrats de travail se poursuivent avec le nouveau locataire-gérant, Monsieur Vella, leur licenciement devant être dépourvu d'effet ; il soutient, à titre subsidiaire que leur licenciement a été prononcé en qualité de mandataire de la société Fina France qui doit en supporter les conséquences financières avec Monsieur Vella à l'encontre desquels il sollicite condamnation conjointe et solidaire à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre. Il sollicite enfin la condamnation de la société Fina et tous contestants à lui payer 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Fourty ont relevé appel incident des jugements déférés pour obtenir la condamnation solidaire de Messieurs Maldonado et Vella ainsi que de la société Fina France. Madame Fourty sollicite 100.000 francs pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 10.878 francs pour non-respect de la procédure de licenciement, 918,84 francs au titre de l'indemnité de licenciement et 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Monsieur Fourty sollicite 150.000 francs pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 9.565 francs pour non-respect de la procédure de licenciement, 1.480,18 francs d'indemnité de licenciement et 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Fina soulève l'incompétence du conseil des prud'hommes pour connaître de l'appel en garantie formé à son encontre et invoque la clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris qui figure au contrat de location-gérance. Subsidiairement, elle conclut au débouté et sollicite la condamnation de Monsieur Maldonado à lui payer 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Serge Vella convoqué par lettre recommandée dont l'avis de réception du 23 juillet 1999, porte sa signature, n'a pas comparu.

Sur ce, LA COUR :

Monsieur Fourty a été embauché en janvier 1981 par la station service Fina en qualité de pompiste et Madame Fourty en février 1982 en qualité d'employée de station. Ils ont été convoqués le 28 février 1994 pour le 7 mars à l'entretien préalable au licenciement et ont été licenciés le 15 mars 1994 pour le motif économique suivant : " suppression de poste " avec dispense d'exécution du préavis au delà du 31 mars 1994, date à laquelle Monsieur Vella, nouveau locataire-gérant de la station, a adressé à Monsieur et Madame Fourty une lettre par laquelle il les informait de la prochaine embauche de deux caissiers à des conditions financières nettement moins intéressantes que celles dont ils jouissaient précédemment et les invitait à lui faire savoir s'ils étaient intéressés par ces postes.

La preuve de la convocation à l'entretien préalable n'est pas apportée par la production des attestations d'envoi ou la mention de la remise en main propre.

Il n'est pas contesté que les postes des époux Fourty n'ont pas été supprimés même lorsqu'en 1993 la station a été transformée en libre service par la société Fina ainsi que l'indique le comptable de Monsieur Maldonado dans sa lettre au conseil de celui-ci du 22 mars 1996, mais qu'ils sont devenus trop onéreux compte tenu des conditions d'exploitation de la station. Le licenciement des époux Fourty apparaît ainsi sans cause réelle ni sérieuse, le motif invoqué dans la lettre de licenciement étant faux.

Le non-respect de la procédure de licenciement constitue une violation des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller sanctionnée par application des dispositions de l'article L. 122-14-5 combiné avec l'article L. 122-14-4 par l'allocation de 6 mois de salaire au moins en réparation du préjudice résultant du licenciement. L'évaluation faite par les premiers juges du préjudice subi par chacun des deux époux Fourty (45.942,48 francs et 68.316,48 francs) qui représente six mois du salaire brut de chacun est conforme au principe. Compte tenu de l'âge de chacun, de leur ancienneté dans l'entreprise, des indemnités perçues et des difficultés rencontrées dans la recherche d'un nouvel emploi, cette indemnité doit être portée à 60 et 100.000 francs. Il n'y a par contre pas lieu de leur allouer une indemnité complémentaire pour le vice affectant la procédure de licenciement.

Il n'y a pas non plus lieu de leur allouer une somme complémentaire au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement dont les bases de calcul ne sont même pas indiquées par les appelants.

Monsieur Maldonado ayant pris l'initiative du licenciement alors qu'il pouvait laisser son successeur assumer les difficultés financières nées de la présence de salariés anciens dans l'entreprise, sera condamné au payement des sommes indiquées ci-dessus. Il ne saurait se prévaloir de la cession de l'unité économique qu'il exploitait pour conclure que les licenciements ne sauraient produire effet car il est acquis qu'ils ont été notifiés avant la cession. Cette condamnation peut elle être étendue à Monsieur Vella et à la société Fina France ? Tous deux n'ont aucun rapport de droit avec les époux Fourty qui n'ont été les salariés que de Monsieur Maldonado et de ses prédécesseurs. Monsieur Vella a certes bénéficié de leur licenciement sans cause réelle ni sérieuse, mais il n'a commis aucun acte positif susceptible de caractériser une faute à leur encontre ; la société Fina France s'entend reprocher d'avoir été l'instigatrice de leur licenciement et pour en justifier, Monsieur Maldonado produit une attestation de son comptable ainsi qu'une facture qui correspondrait au prix du licenciement des époux Fourty et deux fiches de calcul du coût de ces licenciements. Force est de constater que l'attestation du comptable n'est même pas signée, que les motifs qu'il donne au licenciement (reprise par Mobil des installations du sud est) ne correspondent pas à l'affirmation de Monsieur Maldonado qui ignorerait les raisons qui ont poussé la société Fina à lui suggérer de procéder au licenciement, que les chiffres censés représenter le coût du licenciement des époux Fourty ne correspondent pas à ceux qui sont portés sur l'attestation destinée à l'ASSEDIC et qu'enfin, le pétrolier donne une explication sur les raisons pour lesquelles il a versé une subvention d'exploitation à Monsieur Maldonado qui est au moins aussi convaincante que celle que celui-ci avance. Rien ne vient donc confirmer l'allégation de faute portée par les époux Fourty à l'encontre de la société Fina France.

Monsieur Maldonado sera débouté de même de son appel en garantie, l'exception d'incompétence au profit de la cour d'appel de Paris soulevée in limine litis par la société Fina France sur le fondement de l'article 38 de la convention de location-gérance ne concernant que les litiges " qui pourraient s'élever entre les parties au sujet des présentes " (la convention de location-gérance).

Il est manifestement inéquitable de laisser les époux Fourty supporter leurs frais non taxables de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 10.000 francs pour les deux. Il n'en va pas de même pour la société Fina France qui peut supporter les frais de procédure inhérents à la location-gérance de stations service.

Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud'homale, Joint les procédures n° 96-00016132 et 96-00016133 pour être suivies sous le numéro 96-00016132, Condamne Monsieur Maldonado à payer à Monsieur Fourty la somme de 100.000 francs et à Madame Fourty celle de 60.000 francs en réparation du préjudice résultant de leur licenciement, Confirme les jugements déférés pour le reste, Condamne Monsieur Maldonado aux dépens et au payement aux époux Fourty de la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.