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Décisions

CA Lyon, 1re ch., 8 avril 1999, n° 97-00720

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bernard

Défendeur :

Bernard (consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dublin

Conseillers :

M. Durand, Mme Biot

Avoués :

Me De Fourcroy, SCP Brondel-Tudela

Avocats :

Mes Le Nestour, Reffay.

TGI Bourg-en-Bresse, du 13 janv. 1997

13 janvier 1997

FAITS - PROCÉDURE ET PRÉTENTIQNS DES PARTIES

M. Jean-Patrice Bernard, Mlle Isabelle Bernard et Mme Marie-Pierre Bernard sont les héritiers de Mme Jacqueline Bolle décédée le 27 mai 1961, et de M. Pierre Bernard décédé le 10 août 1991 qui était lui-même l'héritier de M. Alfred Bernard décédé le 19 juin 1991.

Ils ont, le 14 février 1993 signé un protocole d'accord qui organisait le règlement amiable des trois successions et qui prévoyait en son chapitre V intitulé "liquidation de la succession Pierre Bernard" la mise en vente des parcelles de terrain situées à Ceyzeriat (Ain) et cadastrées AH 174, 176 et 298.

Mmes Isabelle et Marie-Pierre Bernard ont, le 8 juillet 1993, donné différents mandats à M. Jean-Patrice Bernard et notamment celui de vendre lesdites parcelles.

Dans un courrier en date du 25 avril 1994, Mme Marie-Pierre Bernard a fait connaître à son frère "qu'elle annulait tous les pouvoirs délégués le 8 juillet 1993".

Les 15 et 20 mars 1996, M. Jean-Patrice Bernard, agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de mandataire de ses soeurs a conclu avec la Société Bresse Revermont Immobilier un compromis de vente portant sur les parcelles de terrain situées à Ceyzeriat (Ain) et cadastrées AH 174, 176 et 298.

M. Bernard et Mlle Isabelle Bernard ont fait assigner Mme Marie-Pierre Bernard devant le Tribunal de Grande Instance de Bourg-en-Bresse aux fins de voir dire que M. Bernard peut librement procéder à la vente des parcelles et aux fins de condamnation de la défenderesse à leur payer les sommes de 60.000 F à titre de dommages-intérêts et de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Bernard a demandé au Tribunal de constater :

- que la vente projetée n'a fait l'objet d'aucune opposition de sa part,

- lui donner acte de ce qu'elle consent à régulariser l'acte de vente,

- dire qu'elle procédera personnellement à cette régularisation.

M. Bernard a répliqué qu'il était prêt à accepter l'intervention personnelle de Mme Marie-Pierre Bernard pour la régularisation de la vente à la condition que soient admises par la défenderesse la validité et l'absence de révocation du mandat du 8 juillet 1993.

Par jugement du 13 janvier 1997 le Tribunal a dit que M. Jean-Patrice Bernard peut procéder seul à la vente décrite dans le compromis des 15 et 20 mars 1996, ordonné l'exécution provisoire, condamné Mme Marie-Pierre Bernard à payer à M. Jean-Patrice Bernard la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme Marie-Pierre Bernard a relevé appel de cette décision.

Elle souligne qu'elle avait accepté d'intervenir personnellement à la régularisation des actes mais que les intimés ont convaincu les premiers juges d'aller au-delà de la proposition conventionnelle ; qu'en conséquence le jugement pose le problème de la révocation du mandataire.

Après avoir analysé les mandats d'intérêts communs confiés à son frère le 8 juillet 1983, l'appelante rappelle le précédent litige connexe ayant donné lieu à un arrêt rendu par cette Cour le 14 septembre 1996 confirmant un jugement du 11 mars 1996 validant le mandat aux fins de vente d'un immeuble à la commune d'Oyonnax et demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'arrêt à intervenir sur le pourvoi qu'elle a formé.

Elle rappelle les litiges entre les parties relatifs à la dévolution successorale et au contrôle des Sociétés du "Groupe Bernard".

Mme Marie-Pierre Bernard soutient que son opposition du 21 octobre 1995 ne concernait pas la cession des terrains de Ceyzeriat mais l'immeuble d'Oyonnax ; que les intimés ne démontrent pas qu'elle a reçu l'offre d'intervenir personnellement à la régularisation de la cession de terrains indivis à Ceyzeriat qui lui aurait été faite par LRAR ; que dès qu'elle a eu connaissance de l'offre elle a demandé au notaire de procéder à la vente ; qu'ainsi l'engagement qui était d'abord unilatéral est devenu synallagmatique et cette convention n'était soumise à aucune condition.

L'appelante demande à la Cour de

avant dire droit :

surseoir à statuer jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir en pourvoi d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Lyon le 14 septembre 1996,

en tout état de cause,

Si la cour devait par improbable rejeter la demande de sursis à statuer

statuant à nouveau,

Réformer le Jugement rendu le 13 janvier 1997 par le Tribunal de Bourg en Bresse dans toutes ses dispositions,

Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions et les en déclarer infondés,

Constater qu'aux termes de son offre faite par lettre RAR, M. Jean-Patrice Bernard proposait à sa soeur d'intervenir personnellement à la régularisation de la cession de terrains indivis sis à Ceyzeriat sans condition de renonciation à tous droits ou prétentions,

Constater que Mme Marie-Pierre Bernard a accepté l'offre conventionnelle, et en conséquence, vu les articles 1102, 1103, 1134 et 1135 du Code civil,

Dire et juger que Mme Marie-Pierre Bernard peut/pouvait régulariser personnellement la cession de terrains indivis sis à Ceyzeriat,

Dire et juger que Mme Isabelle Bernard et M. Jean-Patrice Bernard ont fait preuve de mauvaise foi,

et de ce chef, les condamner au paiement de la somme de un franc symbolique chacun au profit de leur soeur,

condamner in solidum Mme Isabelle Bernard et M. Jean-Patrice Bernard au paiement, au profit de l'appelante, de la somme de 12.060 F TTC sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par l'appelante lors de l'instance de premier ressort et indépendamment de toutes autres procédures en cours devant la Cour et de la somme de 30.000 F pour les frais exposés en appel.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement et sollicitent la somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils soulignent que l'appelante prétend utiliser la proposition qui lui a été faite le 7 mars 1996 d' intervenir personnellement pour la régularisation de la vente des terrains comme l'aveu d'un renoncement au mandat qui lui avait été donné.

Ils font valoir que le mandat d'intérêt commun du 8 juillet 1993 est irrévocable ; qu'ainsi les premiers juges ont justement décidé qu'en possession d'un mandat d'intérêt commun qui n'avait pas été valablement révoqué M. Bernard a régulièrement engagé ses co-indivisaires à l'égard de la Société Revermont Immobilier et conserve qualité pour réitérer seul cet engagement.

L'appelante réplique qu'ayant accepté l'offre d'intervenir en personne à la signature des actes de licitation dès qu'elle en a été informée, fusse en cours d'Instance, la demande était sans objet dès la première instance et est toujours sans objet en appel puisque les intimés demandaient qu'un mandataire soit substitué à la concluante en raison de son prétendu refus d'intervenir aux actes en personne.

Elle soutient que sa révocation le 25 avril 1994, des mandats concédés à son frère, dont celui portant sur la cession des terrains de Ceyzeriat, est acquise de plein droit puisque l'article 2004 du Code civil dispose que le mandant peut révoquer sa procuration, quand bon lui semble, le mandat fût-il par conséquent d'intérêt commun.

MOTIFS ET DECISION :

Attendu qu'une décision de sursis à statuer ne s'impose pas ;

Attendu que le litige porte sur la question de savoir si M. Bernard Jean-Patrice peut seul procéder à la vente des parcelles de terrains situés à Ceyzeriat en sa qualité de mandataire de Mme Marie-Pierre Bernard alors que celle-ci a révoqué le mandat d'intérêt commun donné le 8 juillet 1993;

Attendu que le fait que l'appelante accepte la proposition qui lui a été faite le 7 mars 1996 par son mandataire d'intervenir personnellement à la vente avant le 15 mars 1996 n'est plus d'actualité et est sans portée quant à l'objet du litige;

Attendu que Mme Marie-Pierre Bernard qui admet avoir donné à son frère un mandat d'intérêt commun a exclu avoir été autorisée à le révoquer quant bon lui semblerait; que non seulement elle ne justifie pas d'une cause légitime de révocation mais elle approuve le compromis de vente des 15 et 20 mars 1996 conclu par son mandataire ; que dès lors le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés ;

Par ces motifs : LA COUR, rejette la demande de sursis à statuer, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne Mme Marie-Pierre Bernard à payer à M. Jean-Patrice Bernard et Isabelle Bernard la somme de 8.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Brondel-Tudela, société d'avoués.