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Décisions

CA Colmar, ch. civ., 19 octobre 1999, n° 9900520

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Union Tank Eckstein Gmbh & Co KG UTA (SC)

Défendeur :

Maréchal

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gueudet

Conseiller :

Mme Bertrand

Avocats :

Mes Harnist, Lux, Sengel.

TGI Saverne, du 11 janv. 1999

11 janvier 1999

En date du 17 septembre 1998, M. Christian Maréchal, se qualifiant d'agent commercial, déposait au greffe du tribunal de grande instance de Saverne une "requête en liquidation judiciaire" tendant à voir constater son état de cessation des paiements et à l'ouverture d'une procédure en liquidation judiciaire.

Il précisait que sa requête était présentée dans le délai d'un an suivant la cessation de son activité, visait l'article 17 de la loi du 25 janvier 1985, et indiquait être domicilié à Monswiller 67.

Il exposait qu'il ne pouvait faire face à une condamnation du tribunal de grande instance de Strasbourg portant sur un montant de 175.837,85 F, augmenté des intérêts à compter du 27 juillet 1996, à une condamnation au paiement de 10.500 F au titre de l'article 700 du NCPC, et à une dette de 38.000 F à l'égard du Crédit Mutuel de Neuviller-les-Saverne.

La société en commandite Union Tank Eckstein Gmbh & Co est intervenue volontairement à la procédure, demandant que M. Maréchal soit déclaré irrecevable, et en tout cas mal fondé en sa requête.

Elle soutenait que M. Maréchal agissait en qualité d'agent commercial mais n'était pas domicilié dans l'un des départements lui permettant de bénéficier de la faillite civile de droit local.

Le 17 novembre 1998, M. Maréchal répliquait qu'il entendait saisir la chambre commerciale ainsi que les développements de sa requête le laissaient apparaître et que la mention chambre civile apportée sur son acte introductif d'instance n'émanait pas de lui.

Il demandait subsidiairement le renvoi devant la chambre commerciale dudit tribunal.

Par jugement prononcé le 11 janvier 1999, la chambre civile du tribunal de grande instance de Saverne, statuant "par décision susceptible de contredit" a constaté son incompétence et renvoyé l'affaire devant la formation commerciale de la même juridiction, en disant que les frais et dépens suivraient le sort de la procédure ultérieure.

La société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co UTA, a formé contredit le 21 janvier 1999, concluant à l'infirmation du jugement prononcé par la chambre civile du tribunal de grande instance de Saverne et en tant que de besoin "évoquant, déclarer M. Christian Maréchal irrecevable, respectivement non fondé en l'ensemble des fins et moyens de sa requête, l'en débouter et le condamner aux entiers dépens de la procédure, ainsi qu'à lui payer une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC".

Cette société fait valoir :

- que le requérant faisant état dans sa requête de sa qualité d'agent commercial ne pouvait bénéficier de la législation locale, parce qu'il était domicilié hors la circonscription judiciaire constituant le ressort des Cour d'appel de Colmar et de Metz,

- qu'il ne pouvait pas davantage bénéficier d'une procédure collective de liquidation judiciaire dans les termes de la loi du 25 janvier 1985, exclusivement prévue pour les commerçants, car il n'avait jamais exercé d'activité commerciale,

- que M. Maréchal, requérant, ne pouvait exciper de l'incompétence de la juridiction qu'il avait lui-même saisie, alors qu'une exception de procédure tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte et doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou avant toute fin de non recevoir,

- que l'incompétence ne peut, par ailleurs, être prononcée d'office, excepté lorsqu'elle résulte d'une règle de compétence d'attribution et que cette règle est elle-même d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par conclusions récapitulatives reçues au greffe le 29 avril 1999, la société de droit allemand demanderesse au contredit, demande à la cour d'évoquer et de :

- déclarer nulle la requête en liquidation judiciaire de M. Christian Maréchal et rejeter ses prétentions,

- subsidiairement, dire que M. Maréchal n'était pas recevable à faire valoir l'incompétence matérielle de la juridiction qu'il avait saisie et infirmer le jugement en tant qu'il a ordonné le renvoi de la procédure devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne,

- déclarer le requérant Christian Maréchal irrecevable, et en tout cas mal fondé en ses demandes et l'en débouter,

- et le condamner à supporter les entiers dépens de la procédure ainsi qu' à lui payer une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Elle réitérait les trois moyens suivants

- nullité de la demande initiale dite requête en liquidation judiciaire enrôlée au greffe le 17 septembre 1998,

- irrecevabilité de M. Maréchal sur son exception d'incompétence matérielle et sa demande de renvoi,

- à titre subsidiaire et par révocation, constater le défaut de toute qualification commerciale de M. Christian Maréchal.

Par mémoires reçus au greffe les 29 mars et 30 avril 1999, M. Christian Maréchal conclut à voir déclarer la société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co irrecevable, en tout cas mal fondée en son contredit,

- à l'en débouter, ainsi que de ses fins et conclusions,

- dire n'y avoir lieu à évocation,

- à titre subsidiaire en cas d'évocation,

- réserver à M. Maréchal de conclure sur le fond,

- en tout cas, condamner la société de droit allemand, Union Tank Eckstein Gmbh & Co, auteur du contredit, lui payer une indemnité de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Il réplique :

- qu'il était commerçant du 15 décembre 1994 au 29 septembre 1997, date de sa radiation du Registre du Commerce et des Sociétés, et que son activité s'exerçait sous le nom commercial "Agence Commerciale",

- qu'à la suite de la cessation de son activité et de sa radiation du Registre du Commerce et des Sociétés, il a retrouvé un statut de salarié, mais que sa demande de mise en liquidation judiciaire a été faite dans le délai d'un an suivant la cessation de son activité commerciale antérieure,

- que la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne est donc parfaitement compétente et cette compétence d'attribution est une compétence exclusive d'ordre public, de sorte que le premier juge devait soulever d'office son incompétence et qu'il pouvait le faire sans inviter les parties à débattre préalablement de cette question.

En date du 17 mars 1999, le Procureur Général conclut à :

- voir déclarer le contredit recevable,

- dire que la juridiction civile est compétente pour statuer,

- évoquer,

- et rejeter la requête de M. Christian Maréchal en le condamnant aux frais et dépens de la procédure.

Il se fonde sur la qualité d'agent commercial de M. Christian Maréchal pour constater qu'il n'a pas la qualité de commerçant.

Sur ce,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens,

Attendu que M. Christian Maréchal s'est fait immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés le 27 janvier 1995, déclarant exercer une activité de "achat, vente, distribution de tout moyen, tout produit, non périssable" ainsi que "conseil en gestion d'entreprise", depuis le 15 décembre 1994 ;

qu'il a fait l'objet d'une radiation du Registre du Commerce et des Sociétés le 17 octobre 1997 à compter du 29 septembre précédent pour "cessation d'activité dans le ressort".

Attendu que par requête présentée le 16 septembre 1998, il a saisi le tribunal de grande instance de Saverne d'une requête aux fins de voir constater son état de cessation des paiements et d'ouvrir à son encontre une procédure de liquidation judiciaire, visant l'article 17 de la loi du 25 janvier 1985.

Attendu cependant que cette procédure a été enregistrée par la chambre civile du tribunal de grande instance de Saverne alors que, selon l'article 17 de la loi du 25 janvier 1985, expressément visée par M. Maréchal Christian dans sa requête, la procédure de redressement judiciaire d'un commerçant radié du Registre du Commerce et des Sociétés peut être ouverte, dans le délai d'un an suivant la radiation, sur assignation d'un créancier ou sur saisine du tribunal, soit d'office, soit à l'initiative du Procureur de la République ;

si sa requête a été enregistrée à la chambre civile eu égard à sa qualification d'agent commercial, le premier juge a justement relevé que M. Maréchal n'a jamais été inscrit au registre spécial propre aux agents commerciaux, mais bien au Registre du Commerce et des Sociétés pour la période allant du 27 janvier 1995 au 17 octobre suivant;

qu'il en a déduit par une bonne application du droit que la situation de M. Maréchal relevait non pas de la faillite civile de droit local mais de la loi applicable aux commerçants ;

Attendu par ailleurs que dans ses conclusions de première instance du 16 novembre 1998, M. Christian Maréchal exposait clairement qu'il était commerçant, et que c'était "à la suite d'une erreur" que le dossier avait été "dirigé vers la chambre civile" ;

Attendu en conséquence qu'une procédure de liquidation judiciaire d'un commerçant radié du Registre du Commerce et des Sociétés pouvant être ouverte dans le délai d'un an suivant la radiation sur assignation d'un créancier ou sur saisine du tribunal, soit d'office, soit à l'initiative du Procureur de la République, c'est à bon droit que la chambre civile s' est déclarée incompétente en raison de la matière, et qu'elle a renvoyé l'affaire devant la formation commerciale de la même juridiction qui aura à examiner la recevabilité de la demande (Cass. comm. 10.10.1995);

qu'il convient en conséquence de déclarer le contredit formé par la société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co UTA, partie intervenante, recevable en la forme, mais mal fondé et de confirmer le jugement entrepris par lequel la chambre civile du tribunal de grande instance de Saverne s'est déclarée incompétente en raison de la matière et a renvoyé l'affaire devant la formation commerciale de la même juridiction ;

Attendu qu'il y a lieu, en application de l'article 88 du NCPC, de condamner la société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co UTA, qui succombe sur la question de la compétence, à supporter les frais afférents au contredit.

Par ces motifs, La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, Déclare le contredit formé par la société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co UTA, régulier et recevable en la forme. Le dit mal fondé et le rejette. Confirme le jugement du 11 janvier 1999 aux termes duquel la chambre civile du tribunal de grande instance de Saverne s'est déclarée incompétente en raison de la matière et a renvoyé l'affaire devant la formation commerciale de la même juridiction. Condamne la société de droit allemand Union Tank Eckstein Gmbh & Co UTA, à supporter les entiers frais afférents au contredit.