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Décisions

Cass. com., 11 juin 2002, n° 98-21.916

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Magne (Sté)

Défendeur :

Azurel Equipements (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

T. com. Valence, du 21 févr. 1996

21 février 1996

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Grenoble, 10 septembre 1998), que la société Azurel équipements (la société Azurel), agent commercial de la société Magne, fabricant de mobilier de collectivités, a assigné cette dernière afin que la résiliation du contrat les liant soit prononcée à ses torts et qu'elle soit condamnée à lui payer une indemnité compensatrice du préjudice subi ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Magne reproche à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen : 1°) que l'agent commercial qui prend l'initiative de la rupture ne peut prétendre au paiement d'une indemnité à moins que la cessation du contrat soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels son activité ne peut plus être raisonnablement exigée; que les circonstances imputables au mandant sont celles qui résultent d'une modification injustifiée ou d'une inexécution par lui de ses obligations contractuelles ; que le fait que la poursuite de l'activité de l'agent ne puisse plus être raisonnablement exigée par suite d'une diminution de sa rémunération ne suffit pas à caractériser une circonstance imputable au mandant, cette diminution serait-elle la conséquence de mesures prises par ce dernier ; qu'en décidant que la société Azurel pouvait prétendre au paiement d'une indemnité de rupture parce que les remises pratiquées par la société Magne avaient entraîné une diminution telle de ses commissions que la poursuite de l'activité de l'agent ne pouvait plus être raisonnablement exigée, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991 ; 2°) que le mandant peut prendre les dispositions nécessitées par l'évolution de la conjoncture et la situation du marché, ces dispositions auraient-elles une influence sur la rémunération du mandataire ; qu'en se bornant à constater que la remise accordée par la société Magne au client UGAP avait eu pour effet de réduire les commissions perçues par la société Azurel, pour en déduire l'existence de circonstances imputables au mandant, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société Magne, si la nécessité de conserver ce client important dans une conjoncture défavorable ne constituait pas une cause légitime excluant le droit à indemnisation de l'agent qui avait pris l'initiative de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le pourcentage des commissions, fixé à 16,89 % du prix de vente hors taxes en l'absence de remise, était dégressif en fonction des remises de 1 % à 40 %, ramenant les commissions de 16,85 % à 3,70 % ; qu'il constate qu'au lieu d'appliquer à l'UGAP un prix inférieur de 40 % à son prix habituel, ce qui aurait permis à la société Azurel de percevoir une commission de 16,85 %, la société Magne a adopté une pratique de remises générales et constantes de 40 %, de sorte que l'agent n'a plus perçu que des commissions de 3,70 % du prix des ventes, ce qui a entraîné une baisse de plus de 20 % des commissions totales perçues, tandis que la société Magne représentait 60,23 % de son chiffre d'affaires en 1993 et 40,45 % en 1994 ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que le mandant a modifié unilatéralement l'équilibre du contrat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Magne fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'indemnité de rupture n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; que la société Magne, par sa lettre du 17 novembre 1994 à la société Azurel, précisait ne pouvoir admettre les procédés qu'elle lui imputait au sujet de l'affaire de l'hôpital San Salvador, ajoutant qu'ils pourraient être qualifiés pénalement ; qu'en affirmant que la société Magne ne pouvait qualifier de faute grave les griefs relatifs à cette affaire, en raison de sa lettre du 17 novembre 1994 qui ne les qualifie pas ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 13 de la loi du 25 juin 1991 ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la société Magne n'avait reproché aucune faute grave à son agent avant le procès, démontrant ainsi sa tolérance, de sorte que seuls peuvent recevoir la qualification de faute grave des faits parvenus à sa connaissance après la rupture des relations en janvier 1995, l'arrêt retient que les faits relatifs à l'hôpital de San Salvador, visés dans la lettre du 17 novembre 1999, ne peuvent être qualifiés de fautes graves ;qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Magne reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Azurel une indemnité de rupture, alors, selon le moyen, que l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale est destinée à compenser le préjudice subi par l'agent du fait de la cessation de son mandat ; que les juges du fond doivent procéder à la recherche du préjudice entier effectivement subi, et justifier leur décision en se référant aux circonstances de la cause ; qu'en énonçant seulement que les usages du commerce chiffrent à deux années de commissions la valeur de la clientèle d'un agent commercial, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est expressément référée aux circonstances de la cause pour déterminer le préjudice effectivement subi par l'agent commercial, en a fait une évaluation souveraine; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.