CA Bordeaux, 2e ch., 4 octobre 1999, n° 97-02358
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Somarco International (SA)
Défendeur :
Maritime Union Sud Ouest (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frizon de Lamotte
Conseillers :
Melle Courbin, M. Ors
Avoués :
Mes Le Barazer, Fournier
Avocats :
Mes Simon, Olhagaray
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par arrêt du 4 mai 1998 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties,
la présente Cour a :
" Confirmé le jugement rendu le 14 mars 1997 en ce que la rupture du mandat donné par la SA Somarco International à la société MUSO est imputable à la première,
dit que la demande reconventionnelle de Somarco est recevable,
avant de statuer pour le surplus, invité les parties à fournir des explications complémentaires ".
La société DSR-Senator Line (DSR), anciennement dénommée Somarco International par dernières conclusions du 10 juin 1999 qu'il convient de viser, a formé les demandes suivantes :
" Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et :
Débouter MUSO en toutes ses demandes.
Condamner MUSO au paiement de la somme ramenée à 1.366.382 F.
Condamner MUSO aux dépens et au paiement de la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et accorder en ce qui concerne les dépens d'appel, la distraction au profit de Maître Le Barazer, avoué à la Cour qui en fait la demande conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile. "
Subsidiairement,
Juger que l'"indemnité de résiliation à laquelle MUSO pourrait avoir droit ne peut excéder 95.586,46 F."
La société MUSO par dernières conclusions du 8 juin 1999 qu'il convient de viser, a formé les demandes suivantes :
" Allouer de plus fort à la société MUSO le bénéfice de ses précédentes écritures.
Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 14 mars 1997 en ce qu'il a condamné la société Somarco à payer à la société MUSO des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de résiliation.
Faisant droit à l'appel incident de la société MUSO, condamner la société Somarco à payer à la société:
* une indemnité de résiliation à hauteur de 376.430 F.
* à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.123.570 F, soit au total une somme de 1.500.000 F.
Condamner la société Somarco à payer à la société MUSO une somme de 20.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Accorder à Maître Fournier, Avoué le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. "
DISCUSSION :
Sur les écritures de la société MUSO :
Par application de l'article 954 du Nouveau Code de Procédure en sa rédaction issue du décret du 28 février 1998 il n'y a lieu de tenir compte que des dernières conclusions du 8 juin 1999.
Sur la responsabilité de la rupture du mandat :
Il en a été jugé par le précédent arrêt.
Sur l'indemnité de rupture :
Les deux parties invoquent directement comme droit applicable l'article 17 de la directive CEE relative à la coordination des droits des états membres concernant les agents commerciaux indépendants n° 63-653 du 18 décembre 1986 (quoique cette directive ait été transposée en droit français par la loi du 25 juin 1991) et plus spécialement les dispositions suivantes :
-"2. a) l'agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où :
- il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients
et
- le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l'agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. Les États membres peuvent prévoir que ces circonstances comprennent aussi l'application ou non d 'une clause de non-concurrence au sens de l'article 20.
- b) Le montant de l'indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l'agent commercial au cours des cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l'indemnité est calculée sur la moyenne de la période.
- c) L'octroi de cette indemnité ne prive pas l'agent commercial de faire valoir des dommages et intérêts.
3. L'agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la cessation de ses relations avec le commettant.
Ce préjudice découle notamment de l'intervention de la cessation dans des conditions :
- qui privent l'agent commercial des commissions dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l'activité de l'agent commercial,
- et/ou qui n'ont pas permis à l'agent commercial d'amortir les frais et dépenses qu'il a engagés pour l'exécution du contrat sur la recommandation du commettant."
Il est établi par l'augmentation du chiffre d'affaire réalisé entre 1990 et 1995, attestée par le commissaire au compte, que MUSO a ajouté de nouveaux clients et développé en tout cas sensiblement les opérations existantes.
Il est établi par la lettre de mission du 20 juin 1990 que la rémunération de MUSO était calculée " sur la base d'un partage 50/50 des commissions de bookings allouées par l'armateur. Vous nous débitez ces 50 % mensuellement en adressant vos factures.... ", (1 % à l'import, 1,5 % à l'export).
MUSO a en outre perçu selon les documents versés au dossier et sans qu'aucune contestation n'ait été élevée alors des "produits annexes".
DSR prétend que ces produits sont indus et en sollicite la restitution, MUSO prétend au contraire que ces produits étaient exigibles et doivent être inclus dans l'assiette du préjudice consécutif à la rupture.
Selon les documents produits ces "produits annexes" ont été perçus à l'occasion des transports par voie terrestre ou des opérations de logistique dont MUSO était chargée par Somarco en complément et dans le cadre de l'opération globale de transport dont elle a répercuté le coût sur cette dernière;
Il résulte des attestations du Syndicat des Armateurs et Consignataires de Navires du Port de Bordeaux, de la Fédération Maritime du Port de Bordeaux, de M. Blanchy, courtier maritime, de la société Saga terminaux portuaires, que l'usage est au cas de pourcentage réduit tel que pratiqué par la lettre de mission du 20 juin 1990 que les agents conservent ces produits annexes ; ces attestations ne sont pas contredites par les attestations des directions juridiques des Compagnies Delmas et CGM;
Au demeurant cet usage a été consacré pendant toute la vie du mandat par Somarco sans réserve aucune de cette dernière qui ne sollicite d'ailleurs sur ce point aucune expertise, et qui n'a déposé aucune plainte.
DSR prétend que le pré-acheminement terrestre ou le post-acheminement terrestre de la marchandise, la manutention ou même la consignation sont des opérations ponctuelles distinctes, des mandats classiques et comme tels révocables "ad nutum", qui ne sont pas touchées par la théorie du mandat d'intérêt commun, et ne peuvent donc entrer dans l'assiette de l'indemnité de rupture;
Cependant il apparaît que ces opérations effectuées à la demande de Somarco participant du mandat servent de base à des commissions convenues et donc doivent aussi constituer l'assiette de l'indemnité.
Au vu des documents comptables produits par application de l'article 17-2 a) et b) de la directive doit être allouée la somme réclamée de 376.430 F.
Par ailleurs par application de l'article 17-3 de la même directive la société MUSO établit, alors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, et qu'elle a développé la clientèle, qu'elle a été privée des commissions dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant de ce fait à Somarco-DSR des avantages substantiels liés à son activité ;
A ce titre il convient d'allouer une somme équivalente.
A titre surabondant il convient de constater que le cumul des deux indemnités répare exactement le préjudice subi au sens de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991.
Sur les frais irrépétibles :
Il est équitable de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans les conditions qui suivent.
DECISION :
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Vu l'arrêt du 4 mai 1998, Réforme le jugement quant à l'évaluation de l'indemnité de résiliation et des dommages et intérêts, des frais irrépétibles, Condamne la société DSR Senator Line à payer à la SA Maritime Union Sud Ouest Bordeaux Fret les sommes de 376.430 F et 376.430 F outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 20.000 F au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel, Condamne la société DSR Senator Line aux entiers dépens de première instance et d'appel, application étant faite de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.