Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-12.219
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Kalfon
Défendeur :
Marpaud, de Breteuil
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Gueguen
Avocats :
Me Choucroy, SCP Thomas-Raquin, Benabent
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 1998), que par décision judiciaire du 5 avril 1994, Mme Kalfon, ancien agent commercial de la société Publiafric, a obtenu la condamnation de cette dernière à lui payer certaines sommes au titre de commissions lui restant dues et de dommages et intérêts pour rupture abusive d'un mandat d'intérêt commun ; que la société Publiafric ayant été liquidée sans que la créance de Mme Kalfon ait été provisionnée, celle-ci a assigné M. Marpaud, pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société, sur le fondement de l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966 ; que par jugement du 27 décembre 1995, rectifié le 27 juin 1996, le Tribunal de commerce de Paris a condamné M. Marpaud à payer diverses sommes à Mme Kalfon ; que celui-ci a fait appel de cette décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable : - Attendu que M. Marpaud fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Kalfon une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en retenant qu'en qualité de liquidateur amiable il n'avait pas provisionné dans les comptes de liquidation de la société la créance future de Mme Kalfon, et que ce fait aurait privé celle-ci pendant plusieurs années du paiement de sa créance et l'obligerait à engager une nouvelle procédure pour en obtenir le recouvrement, sans constater que l'actif de la société au moment de sa liquidation aurait permis d'assurer le paiement de la créance de Mme Kalfon si celle-ci avait été provisionnée, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le lien de causalité existant entre la faute reprochée au liquidateur et le préjudice subi par Mme Kalfon a violé les articles 1382 du Code civil et 400 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'aux conclusions par lesquelles Mme Kalfon demandait sur le fondement de l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenu L. 237-12 du Code de commerce, la condamnation de M. Marpaud au montant de la créance définitivement fixée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 5 avril 1994, celui-ci n'a jamais opposé une insuffisance de l'actif de la société lors de la liquidation, qui aurait été susceptible, selon lui, de faire disparaître le lien de causalité entre la faute qui lui était reprochée et le préjudice subi par Mme Kalfon ; qu'il s'ensuit que le moyen désormais invoqué est nouveau, et que mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu les articles 400 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, devenu L. 237-12 du Code de commerce, et 1382 du Code civil ;
Attendu que le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que, pour condamner M. Marpaud à payer à Mme Kalfon une certaine somme à titre de dommages-intérêts après avoir annulé" le jugement déféré, la cour d'appel a retenu que le préjudice en corrélation avec la faute imputable à M. Marpaud ne saurait correspondre au montant de la condamnation en principal, intérêts et frais mise à la charge de la société Publiafric, dès lors que Mme Kalfon disposait d'un titre, et qu'il lui appartenait de faire désigner un administrateur ad hoc de cette société pour obtenir le recouvrement de sa créance, mais que le préjudice de Mme Kalfon, directement lié à la carence fautive de M. Marpaud, devait s'apprécier en considération du fait qu'elle se trouvait privée depuis plusieurs années du paiement d'une somme non négligeable, et des divers tracas résultant de la nécessité dans laquelle elle était d'introduire une nouvelle procédure ;
Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que l'actif existant lors de la liquidation n'aurait pas permis le paiement de la créance détenue par Mme Kalfon à l'égard de la société Publiafric, de sorte que la conséquence dommageable du non-provisionnement de cette créance était le non-recouvrement des sommes dues à l'intéressée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal; Rejette le pourvoi incident formé par M. Marpaud ; casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 1998, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.