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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 25 juin 1999, n° 1997-06732

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Soury

Défendeur :

Ar Due (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

Mme Radenne, Collot

Avoués :

SCP Fanet, SCP Varin-Petit

Avocat :

Me Peron.

TGI Melun, du 3 déc. 1996

3 décembre 1996

Le litige a pour objet la réclamation de Jean-Michel Soury tendant à obtenir, suite à la brusque rupture, le 24 juin 1994, du contrat d'agent commercial le liant à la société de droit italien Ar Due, paiement des sommes de 47 556 F à titre d' indemnité de préavis, de 375 000 F à titre d'indemnité de rupture, de 1 F, sauf à parfaire, en règlement des commissions sur les ventes conclues en 1994, et de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Ar Due, qui s'était bornée à soulever l'incompétence du tribunal de grande instance de Melun, n'a pas conclu à la suite du jugement ayant rejeté l'exception d'incompétence et l'ayant invitée à conclure au fond.

Vu le jugement contradictoire, rendu le 3 décembre 1996, par le tribunal de grande instance de Melun, qui a débouté Jean-Michel Soury de l'intégralité de ses demandes, motifs pris, essentiellement, de ce que Jean-Michel Soury, qui ne versait aux débats aucun élément de nature à établir le montant des commissions par lui perçues, ne démontrait pas le bien fondé de ses réclamations,

Vu l'appel interjeté à l'encontre de cette décision, par Jean-Michel Soury,

Vu les conclusions, en date du 25 mars 1999, par lesquelles Jean-Michel Soury, appelant, prie la Cour, par voie d'infirmation, de condamner la société Ar Due à lui payer les sommes de 47 556 F à titre d'indemnité de préavis, de 375 000 F à titre d'indemnité de rupture, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 25 novembre 1994 et capitalisation des intérêts, outre un montant de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et conclusions tardives, ainsi qu'une indemnité de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

aux motifs essentiels que la société Ar Due n'établirait pas les fautes graves par elle alléguées et que la réalité des commissions par lui perçues serait justifiée par les pièces produites,

Vu les conclusions, en date du 1er février 1999, par lesquelles la société Ar Due, intimée et appelante incidente, demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, et, y ajoutant, de condamner Jean-Michel Soury à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

aux motifs essentiels,

à titre principal, que Jean-Michel Soury ne saurait prétendre à aucune indemnité, dès lors que le contrat d'agent commercial aurait été rompu pour fautes graves en raison de la non régularisation par ce dernier de sa situation au regard de la législation sur les agents commerciaux et des contacts par lui entretenus avec une société concurrente,

à titre subsidiaire, que les pièces produites ne justifieraient pas du montant des commissions perçues au titre des deux dernières années,

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties étaient liées depuis le 2 janvier 1989 par un contrat d'agent commercial, d'une durée d'un an, renouvelable d'année en année, par lequel la société Ar Due a confié à Jean-Michel Soury la vente de ses produits dans les départements de la région parisienne, moyennant une commission de 6 % et s'est engagée à lui adresser, chaque mois, un décompte des commissions dues;

Que par lettre du 24 juin 1994, la société Ar Due faisant reproche à Jean-Michel Soury d'avoir commis de multiples manquements à ses obligations contractuelles et légales, dénonçait le contrat avec effet immédiat pour fautes graves;

Considérant, toutefois, que la société Ar Due, qui se borne à produire trois autres correspondances qu'elle a adressées à l'appelant les 13 avril, 30 mai 1994, 8 juin 1994, n'établit pas les fautes par elle invoquées dans sa lettre de rupture;

Que les seuls griefs qu'elle maintient devant la Cour, à savoir la non-inscription de Jean-Michel Soury au registre spécial des agents commerciaux et les relations que celui-ci aurait entretenues avec un concurrent, sans aucune précision sur l'identité de celui-ci, sont en partie reconnus par Jean-Michel Soury;

Qu'en effet celui-ci admet dans ses écritures avoir représenté la société Comprex, spécialisée dans les cuisines traditionnelles alors que la société Ar Due était spécialisée dans les cuisines de grande distribution;

Que cependant cette situation n'était pas ignorée de la société Ar Due, qui lors de la signature du contrat en 1989, avait expressément supprimé la clause de non concurrence, autorisant ainsi Jean-Michel Soury à représenter des concurrents;

Quel'argument tiré de la non inscription de l'appelant au registre des agents commerciaux ne saurait prospérer, dès lors qu'à la suite de la lettre de la société Ar Due, en date du 13 avril 1994, celui-ci s'est inscrit au greffe du tribunal de commerce, dès le 2 mai 1994;

Qu'il en résulte que la société Ar Due qui n'établit pas la réalité des fautes graves par elle invoquées, est tenue, tant en application des clauses contractuelles, que des articles 11 et 12 de la loi du 25 juin 1991, d'une indemnité de préavis de trois mois ainsi que d'une indemnité compensatrice de rupture;

Considérant que Jean-Michel Soury justifie avoir perçu des commissions à hauteur de 184 931, 60 F en 1992 et de 190 224, 72 F en 1993, soit au total 375 156, 32 F;

Que compte tenu des pièces produites, de la durée des relations ayant existé entre les parties et du préjudice subi par Jean-Michel Soury du fait de la rupture du contrat d'agent, ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis calculée sur la moyenne de trois mois de commissions et d'indemnité compensatrice de rupture évaluée sur deux années de commissions, sont justifiées ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et que la société Ar Due sera condamnée à payer à l'appelant les sommes de 47 556 F à titre d'indemnité de préavis et de 375 000 F à titre d'indemnité de rupture, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Que la Cour fera, en application de l'article 1154 du code civil, droit à la demande de capitalisation des intérêts, à compter de la demande formée, pour la première fois par Jean-Michel Soury, le 24 mars 1999 ;

Considérant que Jean-Michel Soury qui n'a pas justifié devant les premiers juges du montant de ses commissions, ne démontre pas que la société Ar Due ait résisté abusivement à ses prétentions, ni même qu'elle ait tardé à conclure ;

Qu'il sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant qu'il résulte du sens de cet arrêt que l'intégralité des demandes formées par la société Ar Due doit être rejetée ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Jean-Michel Soury les frais non recouvrables de procédure par lui exposés en cause d'appel ; qu'il convient de lui allouer, à ce titre, la somme de 7 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne la société Ar Due à payer à Jean-Michel Soury les sommes de 47 556 F à titre d' indemnité de préavis, de 375 000 F à titre d'indemnité de rupture, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1994, Dit que les intérêts dûs pour une année entière se capitaliseront et porteront eux mêmes intérêts à compter du 24 mars 1999, Condamne la société Ar Due à payer à Jean-Michel Soury la somme de 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties, Condamne la société Ar Due aux dépens de première instance et d'appel, admet la SCP J. & J.J. Fanet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.