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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 28 mai 1999, n° 1996-17843

PARIS

arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BJ (SARL), Bocquet

Défendeur :

Anatomia (SA), Boisset

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

Mme Riffault, M. Faucher

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Chekroun-Haddad, Gast, Gary, Ben Soussan.

T. com. Paris, 8e ch., du 29 mai 1996

29 mai 1996

La société BJ a fait appel d'un jugement contradictoire rendu le 29 mai 1996 par le Tribunal de commerce de Paris, qui :

-a rejeté l'ensemble de ses demandes,

-a débouté la société Anatomia de ses demandes de dommages intérêts pour concurrence déloyale et pour procédure abusive,

-a condamné la société La Boutique du Dos à payer à la société Anatomia 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions récapitulatives du 19 mars 1999, Pierre Bocquet , es-qualité de liquidateur de la société BJ en liquidation amiable, appelante, expose que la société BJ représentée par Madame Bocquet a exploité un fonds de commerce à l'enseigne " La boutique du dos" à compter du mois de novembre 1993, en vertu d'un contrat de concession conclu avec la société Anatomia, et que ce contrat a été rompu après une année d'exploitation en raison des multiples insuffisances de la société Anatomia.

Il soutient qu'il convient de re-qualifier le contrat litigieux intitulé " contrat de concession " en un contrat de franchise dès lors que sont réunis les éléments essentiels de ce contrat à savoir la transmission par le franchiseur d'une enseigne ou d'une marque, d'un savoir-faire et d'une assistance, et soutient que ce contrat est affecté de vices de nature à entraîner sa nullité.

Il reproche en effet à la société Anatomia :

*de ne pas avoir respecté les dispositions impératives de la loi Doubin, tant en ce qui concerne l'exigence d'un délai de réflexion d'au moins 20 jours avant signature du contrat qu'en ce qui concerne l'insuffisance des éléments d'information pré- contractuelle remis à Pierre Bocquet

*de ne pas avoir rempli son devoir d'information afin de l'induire en erreur, en mentionnant des chiffres d'affaires annuels prometteurs, très éloignés des résultats d'exploitation, effectivement réalisés et en s'abstenant de fournir des informations sur les performances réalisées par les autres franchisés,

*de ne pas lui avoir proposé un contrat valide en violation des dispositions de l'article 1108 du code civil et de lui avoir proposé au contraire la signature d'un contrat fondé sur une cause illicite, en mettant en place une activité médicale par des personnes n'ayant pas les compétences requises,

*d'avoir manqué aux obligations essentielles du contrat de franchise en n'apportant aucune aide à son franchisé lors du lancement de l'activité, en omettant de lui fournir un quelconque savoir-faire et en se réservant la possibilité de poursuivre ses activités de vente directe et par correspondance sur le territoire qu'elle déclarait pourtant concéder à son franchisé, se rendant ainsi coupable d'une concurrence anti-contractuelle à l'égard de son partenaire commercial et d'une violation de l'obligation de loyauté devant présider à la conclusion et à l'exécution du contrat,

*d'avoir imposé des prix de revente à son concessionnaire et d'avoir abusé de sa dépendance économique,

*d'avoir manqué à ses obligations de franchiseur en se révélant incapable d'assurer une livraison régulière des marchandises proposées et en n'effectuant aucune campagne de publicité permettant à ses franchisés d'accroître leur clientèle.

A titre subsidiaire, Pierre Bocquet es-qualité sollicite la résiliation de la convention litigieuse aux torts exclusifs de la société Anatomia, compte tenu des multiples carences de cette société dans l'exécution de la convention, à savoir :

*les modalités d'approvisionnement,

*la qualité des marchandises livrées,

*l'absence d'assistance pendant toute la durée d'exécution de la convention,

*l'absence d'un réel savoir-faire,

et prétend que le comportement fautif de la société Anatomia lui a causé un important préjudice chiffré à 910.000 francs.

Il ajoute, en ce qui concerne la demande reconventionnelle formée par la société Anatomia sur le fondement d'une prétendue violation de la clause d'approvisionnement exclusif pendant la période d'exécution de la convention litigieuse et de son obligation de non-concurrence, que la société Anatomia n'apporte aucune preuve à l'appui de ses griefs.

Il demande à la Cour :

-d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de re-qualifier le contrat de concession en contrat de franchise,

-à titre principal :

*de prononcer la nullité de la convention litigieuse,

*d'ordonner les restitutions consécutives à la nullité,

*de fixer sa créance au passif de la société Anatomia respectivement à 150.000 francs au titre de la restitution du droit d'entrée, à 76.817,76 francs au titre du remboursement des redevances de publicité et de 760.000 francs à titre de dommages- intérêts,

-à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne prononcerait pas la nullité,

*de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société ANATOMIA,

*de fixer sa créance au passif de la société Anatomia à 910.000 francs,

-dans tous les cas, de condamner Maître Boisset es-qualité à lui payer 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions récapitulatives du 17 mars 1999, Maître Monique Boisset es-qualité de mandataire liquidateur de la société Anatomia, intimée, réplique :

-que le redressement judiciaire de la société Anatomia prononcé le 10 avril 1997 a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 31 mars 1998, la désignant en qualité de liquidateur et qu'elle est donc bien fondée dans son intervention volontaire,

-que contrairement aux allégations de l'appelante, les dispositions de la loi Doubin ont été respectées, le document d'information pré-contractuelle ayant été remis dans les délais requis, et l'information fournie étant elle-même suffisante, l'appelante n'apportant aucun élément permettant de penser que son consentement aurait été vicié,

-que la cause du contrat de concession était licite, s'agissant de la distribution de produits spécialisés dans les problèmes du dos et non pas dans le traitement de ces maux qui relève de la médecine,

-qu'elle n'a commis aucune violation de ses obligations essentielles, ayant fourni à son concessionnaire une complète assistance lors du lancement de l'activité et transmis son savoir- faire et son expérience,

-qu'en outre la clause du contrat réservant une zone d'exclusivité à la société BJ n' était en rien affectée par les dispositions relatives à la vente à distance par correspondance, qui concernent un marché distinct de celui de la vente directe,

-qu'il n'existait pas de prix minimum de revente imposés, la fixation d'un prix ou d'une marge maximum étant elle-même licite,

-que les griefs de l'appelante concernant ses prétendues insuffisances ne sont pas démontrés, elle-même ayant toujours répondu aux attentes et aux demandes de son concessionnaire et lui ayant fourni un soutien publicitaire.

Elle soutient qu'en revanche la société BJ outre sa procédure abusive, lui a causé un préjudice considérable résultant de nombreux actes de concurrence déloyale :

-en violant d'une manière caractérisée et délibérée la clause d'exclusivité, la société BJ ayant revendu des produits commercialisés par une société concurrente,

-en ne respectant pas son obligation de non-concurrence, l'appelante ayant continué, après le retrait de l'enseigne, à vendre pêle-mêle des produits Boutique du Dos et des produits concurrents en utilisant une enseigne Confort du Dos comparable, en se maintenant dans les lieux et en utilisant des meubles et accessoires identiques, et que ces actes de concurrence déloyale lui ont causé un préjudice certain et direct qu'elle chiffre à 250.000 francs.

Elle demande à la Cour :

-de prendre acte de son intervention volontaire à la procédure,

-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BJ de ses demandes,

-de l'infirmer en ce qu' il a rejeté ses demandes reconventionnelles,

-en conséquence,

*de la dire bien fondée en ses écritures,

*de débouter Pierre Bocquet es-qualité de toutes ses demandes,

*de le condamner à lui payer 250.000 francs de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la violation de la clause d'approvisionnement exclusif et de la clause de non- concurrence,

*de le condamner à lui payer 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Considérant que par contrat de concession commerciale signé le 28 juin 1993 entre la société Anatomia concédante et Pierre Bocquet dénommé concessionnaire, ayant la qualité de commerçant indépendant, la société Anatomia a concédé à Pierre Bocquet une exclusivité de vente au détail de différents articles énumérés au contrat, pour le secteur du département de l'Indre et Loire, se réservant toutefois l'exclusivité de la vente en gros ; qu'en contrepartie de cette exclusivité, le concessionnaire versait au concédant un droit d'entrée forfaitaire de 150.000 francs HT soit 177.900 francs TTC dont 41.510 francs payables à la signature du contrat; que la société Anatomia concédait également à Pierre Bocquet le droit d'usage de l'enseigne La Boutique du Dos ainsi que des graphismes et symboles correspondants ; que cette convention dont l'article 14 énonçait le caractère " intuitu personae ", était conclue pour une durée de cinq années pouvant être reconduite une seule fois pour une même durée sauf dénonciation par l'une ou l'autre partie 6 mois avant le terme de la première période quinquennale;

Que selon l'article 2 de la convention, le concessionnaire s'engageait à acheter un "stock de base" chiffré à 179.319,87 francs HT, à contribuer aux frais de stockage imposés au concédant à concurrence d'une participation forfaitaire annuelle hors taxe de 10.000 francs par point de vente détails et à réserver au concédant l'exclusivité de ses besoins en autres produits que le concédant serait amené à commercialiser ; que l'article 3 prévoyait la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel hors taxes de 500.000 francs la première année, 750.000 francs la deuxième année et au-delà de 1.000.000 francs, la violation de cette obligation pouvant entraîner la résiliation de plein droit du contrat, les livraisons devant intervenir dans un délai de 6 jours francs pour les produits en stock et de 2 mois dans le cas contraire;

Que selon l'article 4 intitulé "prix", les produits sont vendus au concessionnaire au tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de la commande et payables comptant, leur liste étant annexée au contrat, et sont susceptibles de modification à tout moment par le concédant une augmentation de prix supérieure à 10 % pouvant donner lieu à contestation et à fixation par un expert désigné par le Tribunal de commerce ; qu' en ce qui concerne la revente des produits, le concessionnaire s'engageait "dans la mesure du possible" à appliquer les prix "conseillés" par le concédant, ce dernier établissant toutefois trimestriellement la liste des prix de revente maximum pouvant être pratiqués par son concessionnaire;

Que selon l'article 7 de la convention intitulé "assistance commerciale ", la société Anatomia s'engageait à apporter une assistance à son concessionnaire lors de l'ouverture de son fonds de commerce ou la création de son activité, à charge pour ce dernier d'appliquer les normes d'installation et de présentation des produits définies en annexe du contrat; que le concédant s'engageait en outre à organiser des campagnes promotionnelles et publicitaires au plan national portant sur l'enseigne, le concessionnaire s'engageant à contribuer à ces actions par le versement d'une somme forfaitaire annuelle de 10.000 francs HT par point de vente détail;

Que le concessionnaire s'engageait à réaliser avec l'agrément préalable du concédant des actions promotionnelles et publicitaires locales d'un montant de 5 % de son chiffre d'affaires HT annuel, à l'informer chaque mois de la situation du marché, de l'état des ventes et le cas échéant des conclusions de ses études de marché pour permettre une adaptation par le concédant de la production de ses produits, enfin à tenir un fichier des clients prospectés et régulièrement suivis;

Qu'en cas de rupture du contrat, le concessionnaire s'interdisait de participer directement ou indirectement à un réseau de distribution concurrent pendant un délai de 2 ans dans le même secteur;

Considérant que la société BJ constituée pour exercer cette activité a rapidement rencontré des difficultés dont Pierre Bocquet a fait état dans deux courriers des 13 et 21 avril 1994, se plaignant de délais excessifs de livraison et de l'inadaptation de la gamme de produits aux besoins de la clientèle ; que par lettre du 29 avril 1994 Maître Place, avocat de la société BJ, demandait à la société Anatomia d'envisager une rupture amiable et réclamait le remboursement du droit d'entrée versé par la société ; que par lettre du 7 septembre 1994, la société Anatomia notifiait à Pierre Bocquet la résiliation du contrat, lui reprochant de distribuer depuis plusieurs mois sous l'enseigne La Boutique du Dos des produits directement concurrents en violation de ses engagements contractuels;

Considérant que l'appelante soutient que le contrat signé le 28juin 1993 constitue en réalité un contrat de franchise dont elle demande l'annulation en raison des manquements qu'elle reproche à la société Anatomia, et sollicite subsidiairement que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de cette dernière, affirmant n'avoir commis aucune faute;

Sur la qualification du contrat :

Considérant que le contrat conclu le 28 juin 1993 qui fait expressément référence à la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin, concède la distribution exclusive des produits commercialisés sous la marque La Boutique du Dos dans le département de l'Indre et Loire à un commerçant indépendant; qu'il comporte certes la mise à disposition d'un nom commercial, de sigles et de symboles et prévoit une assistance commerciale du concédant lors de la création de l'activité ainsi que l'organisation par le concédant de campagnes promotionnelles ;qu'il ne comporte toutefois pas de concession de licence de marque, la marque La Boutique du Dos devant être utilisée uniquement comme enseigne, ne fait pas référence à l'existence d'un savoir faire et ne crée aucune obligation de transmission de connaissances propres caractéristiques d'une franchise, l'obligation d'assistance mise à la charge du concédant comme la détermination de quotas d'approvisionnement auprès du seul concédant relevant au contraire d'un contrat de concession exclusive;

Considérant que les courriers adressés par Pierre Bocquet et par son avocat Maître Place à la société Anatomia en avril 1994 mentionnent "la concession Boutique du Dos", à l'exclusion de toute référence à une franchise ; que les documents émanant de la société Anatomia versés aux débats mentionnent indifféremment l'existence d'un réseau de franchisés (circulaire du 30 juin 1994 à l'en-tête La Boutique du Dos, adressée "Aux Franchises Pays de Loire, Tours, Angers, La Roche sur Yon ", lettre du 2 mai 1994 adressée par la société Anatomia sous la signature de son directeur des ventes Pascal Zytomirski à ses " franchisés ") ou celle d'un réseau de concessionnaires exclusifs (communiqué du 14 avril 1994 diffusé par la société Anatomia" à toutes les boutiques du dos" concernant la réorganisation" du réseau de concessions ", lettre précitée du 2 mai 1994 mentionnant" le réseau de concessions");

Considérant que plusieurs éléments essentiels du contrat de franchise ne sont pas réunis en l'espèce ;que le contrat litigieux doit être analysé en un contrat de concession exclusive, conformément à ses stipulations;

Sur la demande d'annulation du contrat

Considérant que l'appelante reproche tout d'abord à la société Anatomia d'avoir enfreint les prescriptions impératives de la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin qui n'en fait cependant pas une cause de nullité, en ne respectant pas le délai de vingt jours entre la remise d'informations pré-contractuelles au candidat et la signature du contrat et en communiquant des informations inexactes et insuffisantes ; qu'il convient de rechercher en réalité si son consentement a été vicié;

Considérant que les parties versent aux débats copie d'une lettre pré-contractuelle datée du 4 juin 1993 ; que cette lettre porte in fine la mention manuscrite "remis en mains propres le 4 juin 1993 "suivie de la signature de Pierre Bocquet; que certes ce dernier affirme avoir reçu ultérieurement ce document et se fonde sur une seconde mention manuscrite apposée par lui à la suite de la première sur le même document, et mentionnant que "ce document a été remis le 28 juin jour de la signature du contrat ", lui-même se trouvant le 4 juin" dans le magasin de épouse pour une transformation de celui-ci";

Considérant que Pierre Bocquet ne conteste pas être l'auteur de la première de ces mentions qu'il a signée et datée du 4 juin 1993, et n'apporte aucune explication sur la contradiction résultant de la deuxième de ces mentions ; que le contrat conclu avec la société Anatomia ayant été signé le 28 juin 1993, le délai de réflexion requis par la loi a été respecté ; que la nullité ne serait pas encourue dans l'hypothèse contraire d'autant qu'il n'est justifié d'aucune incidence sur la décision finale de l'abrègement allégué du délai de réflexion;

Considérant que l'appelant critique également le contenu des informations pré-contractuelles qui lui ont été remises ; qu'il estime avoir été induit en erreur par l'annonce de chiffres d'affaires prometteurs et reproche à la société Anatomia d'avoir omis de l'informer sur le niveau réel d'activité des autres membres du réseau;

Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers Juges, les informations communiquées par lettre du 4 juin 1993 à Pierre Bocquet sont conformes aux dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 ainsi qu'à celles du décret du 4 avril 1991 pris pour son application; que ce courrier auquel était joint un exemplaire du contrat de concession, comporte en effet les renseignements généraux requis sur le concédant et son réseau d'exploitants, ainsi que l'ensemble des stipulations contractuelles proposées à la signature du concessionnaire;

Que certes les indications portées sur la présentation de l'état général et local du marché sont sommaires; que la société Anatomia explique cependant ces insuffisances par le caractère récent de son activité ; qu'il n' apparaît pas à la Cour que ces lacunes étaient de nature à tromper ce candidat sur la portée de ses engagements ; que l'indication d'un chiffre d'affaires prévisionnel qui ne figurait pas dans ce document pré-contractuel, n'est pas requise ; que le grief de l'appelante tenant à la communication de chiffres d'affaires fallacieux et démentis par la suite, fondé sur une annonce publicitaire, n'est pas davantage établi;

Considérant que l'appelante invoque également l'illicéité du contrat, soutenant que l'activité proposée est médicale et soumise à une réglementation spécifique; que ce grief ne peut être retenu, la distribution des produits La Boutique du Dos constituant seulement une activité commerciale liée à la pratique médicale; qu'il appartenait au concessionnaire de ne pas en faire une activité médicale en se cantonnant à celle concédée;

Considérant que Pierre Bocquet es-qualité soutient que la société Anatomia n'a pas respecté les obligations essentielles du contrat, en ne fournissant aucun savoir-faire ni aucune aide à la société BJ lors du lancement de l'activité, en lui imposant des restrictions de concurrence et en déterminant unilatéralement ses prix de revente et d'avoir ainsi abusé de la situation de dépendance économique où se trouvait son concessionnaire;

Considérant que la transmission d'un savoir-faire n'était pas exigée en l'espèce, les engagements pris par les parties étant ceux d'un contrat de distribution exclusive ; que la société Anatomia justifie avoir apporté à son concessionnaire une aide suffisante lors du début de ses activités, ses représentants s'étant déplacés à plusieurs reprises pour l'aider au choix et à l'aménagement de son implantation ; que les pièces versées aux débats par l'intimée concernant les notes d'informations adressées aux concessionnaires et la tenue de réunions d'information établissent que cette assistance s'est poursuivie par la suite ; que les restrictions de concurrence critiquées par l'appelante ne sont pas pertinentes, le contrat excluant expressément dans son article l'exclusivité de la vente pour certaines clientèles énumérées dans cet article, dont celles de vente par correspondance contenue dans des périodiques nationaux, et se réservant l'exclusivité de la vente en gros;

Considérant que le grief tenant à la pratique de prix imposés n'est pas davantage établi ; qu'en ce qui concerne les produits vendus au concessionnaire, la clause du contrat faisant référence au tarif en vigueur au jour des commandes d'approvisionnement à venir n'affecte pas la validité du contrat, sauf abus dont la preuve n'est pas rapportée ; qu'au demeurant le même article 4 du contrat prévoit la possibilité pour le concessionnaire de demander la fixation de ce prix par expertise en cas d'augmentation supérieure à 10% par rapport au prix antérieurement pratiqué; que les prix de revente pratiqués par le concessionnaire n'étaient pas imposés par le concédant, les prix de revente "conseillés" pouvant ne pas être appliqués par le concessionnaire sous réserve de ne pas dépasser un prix maximum défini trimestriellement;

Considérant que l'appelante ne démontre ainsi l'existence d'aucun vice du consentement susceptible d'affecter la convention conclue le 28 juin 1993 ;

Considérant que Pierre Bocquet es-qualité reproche enfin à la société Anatomia d'avoir manqué à ses obligations de "franchiseur" en réalité de concédant par ses carences dans la livraison des produits et par l'insuffisance du soutien publicitaire qu'elle s'était engagée à lui apporter;

Considérant cependant que selon l'article 3.3 du contrat, les délais des fournitures et livraisons étaient fixés à 6 jours francs pour les produits en stock et à deux mois dans le cas contraire, ce que rappelait à son concessionnaire la société Anatomia lors de ses courriers des 13 et 21 avril 1994 ; qu'il n'est pas justifié de retards anormaux;

Qu'en ce qui concerne le soutien publicitaire fourni par le concédant, l'article 7.2 du contrat dispose que le concédant assistera le concessionnaire en matière commerciale par l'organisation de campagnes promotionnelles publicitaires au plan national portant sur l'enseigne, le concessionnaire s'engageant pour sa part à contribuer à ces actions en versant une participation forfaitaire annuelle de 10.000 francs HT par point de vente détail, et à réaliser lui-même des actions publicitaires et promotionnelles locales ; que les pièces produites par la société Anatomia établissent la réalité des campagnes promotionnelles et publicitaires dont elle avait la charge;

Sur la résiliation du contrat ;

Considérant que l'appelante développe les mêmes griefs tenant à l'inexécution du contrat pour solliciter la résiliation de ce dernier aux torts exclusifs de la société Anatomia ; que ces griefs n'étant pas établis, sa demande sera rejetée;

Sur la demande reconventionnelle de la société Anatomia

Considérant que la société Anatomia reproche tout d'abord à la société BJ d'avoir violé l'exclusivité à laquelle elle s'était engagée, en se livrant à la revente de produits commercialisés par une société concurrente ; qu'elle verse aux débats la photocopie d'une brochure intitulée "La relaxation par excellence" concernant l'offre de divers modèles de fauteuils de relaxation Springtex, "valable jusqu'au 31 décembre 1994 " et portant le cachet commercial La Boutique du Dos considérant toutefois que le contrat de concession avait été résilié par le concédant le 9 septembre 1994 et qu'il n'est pas démontré que cette activité se soit exercée avant cette date ; que la violation de l'obligation d'exclusivité stipulée dans l'article 2.1 du contrat n'est pas établie;

Considérant que la société Anatomia reproche enfin à son concessionnaire d'avoir continué à vendre "pêle-mêle des produits Boutique du Dos et des produits concurrents immédiatement après le retrait de l'enseigne", et d'avoir pour cela modifié son enseigne, devenue Confort du Dos ; considérant toutefois qu'elle ne justifie pas des ventes qui seraient ainsi intervenues, versant seulement aux débats la photographie de la façade extérieure du magasin portant sa nouvelle enseigne ; qu' ainsi que l'ont justement relevé les premiers Juges, la société Anatomia ne prouve pas davantage l'affiliation de la société BJ ou de Pierre Bocquet à un autre réseau de distribution, seule interdite par les dispositions de l'article 16 du contrat ; que les demandes de l'intimée seront rejetées;

Considérant qu'il convient de confirmer la décision entreprise, dans toutes ses dispositions :

Que l'équité commande de verser à Maître BOISSET es-qualité 15.000 francs pour couvrir ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs : Confirme la décision entreprise, dans toutes ses dispositions, Donne acte à Maître Boisset es-qualité de son intervention volontaire dans la procédure, Dit que le contrat intitulé " contrat de concession commerciale" conclu le 28 juin 1993 est un contrat de concession exclusive, Déboute Pierre Bocquet es-qualité de liquidateur amiable de la société BJ de toutes ses demandes, Déboute Maître Boisset es-qualité de mandataire liquidateur de la société Anatomia de sa demande de dommages-intérêts, Condamne Pierre Bocquet es-qualité à payer à Maître Boisset es-qualité 15.000 francs pour couvrir ses frais irrépétibles d'appel, Le condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Fissellier-Chiloux-Boulay, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.