CA Bordeaux, ch. soc. A, 21 septembre 1999, n° 96-06490
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Viola
Défendeur :
Rigaux (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mellier
Conseillers :
M. Negre, Mme Le Proux de la Riviere
Avocats :
Mes Boyance, Civilise, Gisserot.
Monsieur Viola a fait appel d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 30 septembre 1996, qui, dans un litige l'opposant à la SARL Rigaux, a requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et de sa demande d'indemnité de clientèle, et a condamné la SARL Rigaux à lui payer :
- la somme de 7 880.22 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 788.02 F à titre de congés payés y afférents ;
- la somme de 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
LA COUR se rèfère, pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, au jugement déféré et aux conclusions déposées par:
- Monsieur Viola, le 2 novembre 1998, aux fins de réformation du jugement ; il demande à la Cour, à titre principal de dire et juger que son contrat de travail a été rompu le 23 octobre 1995 et que cette rupture incombe à l'employeur ; subsidiairement de dire et juger que la lettre de licenciement du 13 février 1996 est dépourvue de cause réelle et sérieuse ; d'ajouter au montant des condamnations prononcées par les premiers juges une somme de 1 440.61 F correspondant aux congés acquis jusqu'à la rupture ; une indemnité de clientèle de 76 364.39 F ou à défaut une indemnité conventionnelle de licenciement de 5 409 F ; une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, et enfin une indemnité de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- La SARL Rigaux, le 19 avril 1999, sollicitant la confirmation du jugement, le rejet de toutes les demandes de Monsieur Viola, et sa condamnation à la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DECISION DE LA COUR
Il convient d'adopter expressément l'exposé des faits, énoncé par les premiers juges et correspondant aux documents du dossier.
Le litige est circonscrit, aux termes des conclusions des parties, à la qualification de la rupture, au solde des congés payés et à la créance de Monsieur Viola relativement à l'indemnité de clientèle ou à l'indemnité conventionnelle de licenciement.
A - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE travail
Monsieur Viola reproche au Conseil de Prud'hommes de ne s'être prononcé que sur la lettre de licenciement, en faisant abstraction de sa demande tendant à voir prononcer la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, rupture dont il aurait pris acte par une lettre de son conseil du 23 octobre 1995 dans laquelle il reproche à la SARL Rigaux de l'avoir remplacé sur son secteur par un autre représentant.
La SARL Rigaux fait observer que le contrat de travail n'était pas rompu, que rien ne lui interdisait de licencier pour faute grave alors même que Monsieur Viola, qui continuait à percevoir ses salaires, l'avait attraite devant le Conseil de Prud'hommes.
La Cour ne peut que constater, au vu des documents produits, que Monsieur Viola n'avait pas à prendre acte de la rupture de son contrat, dès lors qu'il s'avère que la SARL Rigaux, usant de son pouvoir de direction, et dans le cadre d'une réorganisation faisant suite au rachat des parts sociales, avait engagé non pas un représentant pour doubler Monsieur Viola, qui, au demeurant, ne bénéficiait d'aucune exclusivité mais un attaché commercial dont la mission n'était pas de prospecter mais de veiller au suivi et à l'animation de la représentation dans un secteur géographique beaucoup plus important que celui de Monsieur Viola puisqu'il comportait seize départements.
Cette mesure, dont il n'est pas démontré qu'elle ait été de nature à porter atteinte à son activité et à le priver de ses commissions ne peut pas être considérée comme une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, rendant la rupture imputable à l'employeur.
La SARL Rigaux a pu valablement licencier Monsieur Viola après plusieurs mises en demeure d'avoir à fournir ses rapports d'activité, en conformité à l'obligation écrite contenue dans son contrat de travail, et demeurée sans effet.
L'employeur ayant renoncé à la qualification de faute grave, la Cour ne peut qu'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont estimé que ce manquement répété, s'ajoutant à une carence dans la prospection de la clientèle, établie par des rapports internes, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement sera sur ce point confirmé.
B - SUR L'INDEMNITE COMPENSATRICE DE PREAVIS ET LES CONGES PAYES
Monsieur Viola réclame une somme de 9 545.55 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis calculée sur le salaire de l'année 1994.
La Cour ne peut qu'entériner la décision des premiers juges, prenant pour base de calcul le salaire moyen des douze derniers mois précédant le licenciement, déduction faite des frais professionnels, et évaluant le préavis à la somme de 9 545.55 F, somme à laquelle il y a lieu d'ajouter celle de 788.02 F de congés payés y afférents.
La SARL Rigaux ayant indiqué qu'elle avait procédé au règlement de cette somme mais n'en justifiant pas, il convient de confirmer le principe de la condamnation qui s'exécutera en deniers ou quittances.
Monsieur Viola réclame également la liquidation de ses congés acquis jusqu'à la rupture, soit la somme de 1 440.61 F; selon ses bulletins de salaire, il a perçu une somme de 5 898 F au titre des congés payés pour la période 1994/1995.
Ayant été licencié en février 1996, il pouvait prétendre aux congés payés afférents à la période allant du 1er septembre 1995 au 13 février 1996.
Sur la base de ses bulletins de salaire, et par application de la règle du dixième, l'indemnité compensatrice de congé s'élève à la somme de 305.70 F.
C - SUR L'INDEMNITE DE CLIENTELE OU L'INDEMNITE SUBSIDIAIRE DE LICENCIEMENT
Le contrat précise qu'il a été remis au représentant une liste de clients.
Pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de clientèle, Monsieur Viola doit donc rapporter la preuve de ce qu'il a augmenté en nombre et en valeur cette clientèle qui lui a été fournie par l'employeur.
Il ne fournit aucune pièce établissant l'existence de clients nouveaux, pas plus qu'il ne démontre, qu'il aurait, par son action personnelle, augmenté de manière durable la productivité de son secteur.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
Se fondant sur l'alinéa 5 de l'article L. 751-9 du Code du travail, Monsieur Viola demande, à titre subsidiaire, que lui soit allouée l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par la Convention Collective de l'Ameublement, en ses dispositions applicables aux cadres.
Cette convention excluant expressément les VRP de son champ d'application, il ne peut en définitive prétendre qu'à l'indemnité légale de licenciement prévue par l'article L. 122-9 du Code du travail.
Cette indemnité égale à un dixième de mois par année de présence sur la base du salaire moyen de l'année précédant le licenciement et déduction faite des frais professionnels, s'élève à la somme de :
(2097.22 F x 9) / 10 = 1887.49 F.
D - SUR LES DEPENS ET L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU nouveau Code de procédure civile
Monsieur Viola, qui succombe dans la plus grande partie de sa demande, supportera les dépens dans la proportion des trois quarts à sa charge.
La Cour estime devoir élever à la somme de 1 000 F le montant des frais irrépétibles qui lui ont été alloués par les premiers juges.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare l'appel recevable en la forme; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf à préciser que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, s'exécutera en deniers ou quittance; Y ajoutant, Condamne la SARL Rigaux à payer à Monsieur Viola la somme de 1 887.49 F (mille huit cent quatre vingt sept francs quarante neuf centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement, la somme de 305.70 F (trois cent cinq francs soixante dix centimes) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu'une indemnité complémentaire de 1 000 F (mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Dit que les dépens d'appel seront supportés à concurrence de trois quarts par Monsieur Viola et un quart par la SARL Rigaux.