CA Versailles, 5e ch. soc. a, 23 mars 1999, n° 97-20275
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pépin
Défendeur :
DFI (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Raphanel
Conseillers :
M. Costes, Mme Dalloz
Avocats :
Mes Larousse, Frenot.
Par acte du 29 août 1996 Monsieur Pépin a régulièrement interjeté appel d'une décision du Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt rendue le 13 juin 1996 qui a déclaré que la rupture du contrat de travail résultait d'une démission à la date du 21 mars 1995, et a désigné un conseiller rapporteur avec pour mission de calculer le montant des commissions éventuellement dues au titre du contrat "Total" et "Thilia" et par voie de conséquence de déterminer le montant éventuel de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Monsieur Pépin a été engagé en qualité d'ingénieur commercial par la société DFI selon un contrat écrit à durée indéterminée du 31 août 1988 à effet du 1er septembre 1988.
La Convention Collective applicable est celle de la papeterie de détail des machines de bureau.
Sa rémunération se composait d'une partie fixe et d'une partie variable, commission fixée chaque année et calculée en fonction des marges brutes réalisées et définies par un plan de commissionnement révisable du fait du partage dans le calcul des commissions entre la société et son salarié de la marge brute réalisée sur le chiffre d'affaire. Ce plan était révisé chaque année de 1990 à 1994.
Début 1995 la société DFI connaissant pour l'ensemble du personnel de mauvais résultats commerciaux et une baisse notoire du marché, adresse à l'ensemble de ses cadres commerciaux un plan de commissionnement à deux options, les congés payés étant toujours inclus dans les commissions avec commissionnement sur des nouvelles activités.
Par lettre du 30 janvier 1995, Monsieur Pépin refusait le plan de commissionnement 1995 ce dont la société DFI prenait acte appliquant d'office l'option 1.
Par lettre du 17 février 1995 Monsieur Pépin sollicitait une mesure de licenciement économique, à laquelle la société DFI opposait le 23 février 1995 une fin de non recevoir.
Le 28 février 1995 Monsieur Pépin écrivait à DFI : "je vous précise que cette rupture du contrat de travail est prise à mon initiative mais vous est totalement imputable et réclame le paiement de mon reçu pour solde de tout compte".
Monsieur Pépin travaillait jusqu'au 21 mars 1995 date à laquelle lui était remis son reçu pour solde de tout compte.
Estimant que la rupture de son contrat de travail résultait d'un licenciement et non d'une démission, Monsieur Pépin assignait la société DFI devant le Conseil de Prud'hommes aux fins de la faire condamner au paiement des sommes suivantes :
- 2 560 F de commission sur l'affaire Total,
- 2 455,45 F de solde de commission,
- 65 403,10 F de rappel de congés payés,
- 113 955,75 F d'indemnité compensatrice de préavis,
- 5 400 F d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 33 236,90 F d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 202 000 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 302 515 F d'indemnité de clientèle,
- 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande il faisait valoir que la rupture des relations contractuelles était intervenue non en raison d'une démission mais à la suite de son refus d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail et devait en conséquence s'analyser en un licenciement. Il affirmait par ailleurs que les congés payés n'ont jamais été, depuis 1989, inclus dans les commissions et que les contrats "Total" et "Thilia" ont été conclus par lui. Il soutient enfin avoir la qualité de VRP ce qui lui donne droit à une indemnité de clientèle.
Pour se déterminer le Conseil de Prud'hommes, après avoir rappelé que la société DFI était en droit de modifier le plan de commissionnement chaque année, a retenu que la modification affectant la rémunération de Monsieur Pépin ne revêtait pas un caractère substantiel et que partant sa lettre du 28 février 1995, s'analysait en une démission. Analysant le contrat de travail ainsi que les bulletins de paie, il a estimé qu'il en résultait que les indemnités de congés payés étaient incluses dans les commissions et que Monsieur Pépin n'avait pas apporté la clientèle Elf, Total, COFCI, les territoires de prospection étant par ailleurs partagés entre commerciaux. Il a enfin estimé que l'affaire n'était pas en état d'être jugée quant aux demandes de compléments de commissions "Total" et "Thilia".
A l'appui de son appel Monsieur Pépin fait valoir qu'en statuant ainsi les premiers juges ont fait une mauvaise analyse du droit applicable dans la mesure où d'une part le refus d'accepter une modification des conditions de travail ne peut être assimilée à une démission et où d'autre part l'employeur ne saurait modifier le mode de rémunération d'un salarié sans son accord, fut-ce au bénéfice d'un mode de rémunération plus favorable. Il soutient en outre que jamais la Convention liant les parties n'a prévu l'inclusion des indemnités de congés payés dans les commissions. Se référant au contrat de travail ainsi qu'au plan de commissionnement il rappelle qu'il bénéficiait des commissions assises sur la marge générée des contrats passés par son intermédiaire et qu'ainsi le contrat Total ayant pris effet le 1er juin 1994 et ayant généré une marge supplémentaire de 80 000 F il devait percevoir une commission complémentaire de 25 600 F, que de même le plan 1993 s'étant poursuivi en 1994 il lui reste dû 237 357,96 F pour la période du 1er février 1994 au 31 janvier 1995 outre 3 433,47 F représentant 3 % du chiffre d'affaires généré et facturé par les sociétés Bertrand Faure et Semarelp.
En cours d'appel ses demandes sont ainsi fixées :
- 25 600 F commissions Total,
- 3 433, 47 F commissions Thilia,
- 2 465,40 F commissions sur l'année 1994,
- 65 403,10 F indemnité de congés payés depuis 1989,
- 113 955,75 F indemnité compensatrice de préavis,
- 5 400 F congés payés incidents,
- 302 515 F indemnité de clientèle,
- 262 000 F indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 113 955,75 F indemnité pour non respect de la procédure,
- 38 459,84 F indemnité de licenciement,
- 12 000 F indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société DFI pour solliciter la confirmation de la décision déférée reprend la motivation des premiers juges. Elle ajoute que l'argument de l'appelant selon lequel toute modification de la rémunération, fût-elle plus favorable, doit faire l'objet d'un accord n'est pas applicable à l'espèce le contrat prévoyant un salaire par nature variable et fluctuant car établi en fonction des variations du marché. Elle considère que les premiers juges ont fait une exacte application de l'article L. 751-1-1 du Code du travail. Monsieur Pépin n'ayant fait que développer une clientèle déjà existante. En ce qui concerne les demandes au titre des commissions, la société DFI soutient que le seul document le liant à Total était daté du 22 juin 1995, qu'en 1994 un nouveau plan de commissionnement avait été signé entre les parties et enfin que Monsieur Pépin ne démontre nullement qu'il ait traité les affaires Semarelp et Bertrand Faure. Elle s'oppose à la demande présentée au titre des congés payés en relevant que d'une part la prescription est acquise pour tout fait antérieur au 5 mai 1990 et que d'autre part l'intégralité des bulletins de salaire, remis depuis 1991 mentionnent que les commissions perçues le sont congés payés inclus.
Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que Monsieur Pépin soutient que la société DFI n'était pas en droit de lui imposer une nouvelle grille de salaire laquelle constituait une modification de son contrat de travail et qu'en conséquence face à son refus, l'employeur devait le licencier ;
Considérant qu'il est constant que le contrat de travail de Monsieur Pépin prévoyait d'une part une partie fixe, d'autre part des commissions variables calculées en fonction des marges brutes réalisées, définies par un plan de commissionnement annuel réalisable en fonction des fluctuations du marché ; qu'ainsi sont énumérés au § III du plan 8889 (p. 10) les éléments susceptibles d'être révisés périodiquement ; qu'il apparaît que Monsieur Pépin a signé les divers avenants qui lui ont été proposés de 1990 à 1994, lesquels comportaient d'importantes variations quant au calcul des commissions ainsi que l'indication de possibilité de révision en cours d'année ; qu'il a ainsi perçu.
Considérant que Monsieur Pépin invoque le principe selon lequel toute modification du mode de rémunération fût-il plus favorable, constituerait une modification du contrat de travail et que la rupture intervenant à la suite du refus d'un salarié d'accepter cette modification devait entraîner le licenciement de ce dernier.
Mais considérant qu'en l'espèce il a été dans un premier temps proposé aux salariés de choisir entre deux options dont la seconde constituait à l'évidence en raison de la baisse affectant la partie fixe du salaire une modification du contrat de travail ; que tirant les conséquences de cette situation la société face au refus du salarié d'accepter l'une et l'autre des options proposées a choisi de faire application de l'option n° 1 laquelle ne comporte aucune modification de la partie fixe, le système de commissionnement restant identique à celui prévu au contrat y inclus dans les références le faisant fluctuer ; qu'au surplus il ressort des évaluations chiffrées de Monsieur Pépin lui-même que l'option n° 1 lui assurait une rémunération (partie variable) identique voire supérieure à celle découlant du plan 1994 ; que Monsieur Pépin qui a refusé clairement l'option n° 1 laquelle ne modifiait nullement son contrat de travail ne peut imputer la rupture à la société DFI laquelle s'analyse en un licenciement lequel est causé par le refus du salarié de poursuivre l'exécution de son contrat de travail ;
Que Monsieur Pépin sera en conséquence débouté de l'intégralité des demandes découlant de la rupture des relations contractuelles, fixée au 21 mars 1995 ;
Que Monsieur Pépin ne devrait davantage prétendre au paiement d'une indemnité de préavis puisqu'il a cessé de lui même sa collaboration à la date du 21 mars 1995.
Sur l'indemnité de clientèle
Considérant que Monsieur Pépin sollicite une indemnité de clientèle en application des dispositions de l'article L. 751-1-1 du Code du travail qui détermine le statut des VRP ;
Considérant que l'existence d'un secteur fixe de prospection est un des éléments essentiels du contrat de VRP; que ne figure au contrat de Monsieur Pépin aucune clause limitant les activités du représentant à un territoire ou à une catégorie exclusive de clientèle chaque territoire étant partagé entre tous les ingénieurs (page 3 clause 1) ce qui lui interdit de bénéficier du statut légal de l'article L. 751-1 du Code du travail;
Que c'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de ce chef de demande.
Sur le rappel de congés payés depuis 1989
Considérant que seul le plan de commissionnement 1991 stipule expressément que les congés payés sont incorporés dans le taux de commissionnement ;
Mais considérant que l'ensemble des bulletins de paye versés au dossier font apparaître que depuis cette date les commissions étaient versées congés payés inclus ce qui a été justement relevé par les premiers juges ;
Qu'au surplus les primes afférentes aux années 1989 et 1990 sont prescrites la saisine du Conseil de Prud'hommes remontant à 1995 ;
Sur la demande de rappel de commission 1994
Considérant que Monsieur Pépin soutient qu'aucun plan de commissionnement n'a été signé pour l'année 1994 et que dès lors les calculs doivent être effectués sur la base du plan 1994 ainsi que l'a admis la formation de référé du Conseil de Prud'hommes ; qu'il aurait en conséquence dû lui être versé au titre de cette année 239 823,36 F alors qu'il a perçu seulement 237 357,96 F.
Mais considérant que figure au dossier le plan de commissionnement 1993 portant les modifications pour 1994 (marge de 720 000 F portée à 750 000 F et de 1 220 000 F à 1 250 000 F) modification portant en marge les signatures de l'employeur et de Monsieur Pépin ; que Monsieur Pépin ne saurait voir prospérer sa demande au titre du plan 1994 ;
Sur les commissions Thilia et Total
Considérant que le conseiller rapporteur désigné par le Conseil de Prud'hommes a déposé son rapport le 17 décembre 1996 ;
Considérant qu'au vu de ce rapport Monsieur Pépin maintient sa demande de commission concernant le client Total au motif qu'un avenant prolongeant ce contrat jusqu'au 31 novembre 1995 aurait été signé générant une marge de 80 000 F ouvrant droit à une commission représentant un pourcentage de 32 %.
Considérant que pour s'opposer à cette demande la société DFI fait valoir d'une part que la durée totale du contrat n'a pas été modifiée et d'autre part que le document produit par Monsieur Pépin porte une signature non valable pour Total.
Considérant que si DFI ne rapporte pas la preuve de cette dernière allégation il reste que le défaut de lisibilité du contrat initial en tête de l'avenant ne permet pas d'établir qu'il s'agisse de la prorogation du contrat "Maintenance IBM 36" lequel a été signé en 1995 alors que l'avenant porte la date de 1994 ; qu'il échet en conséquence de débouter Monsieur Pépin de ce chef de demande en application de l'article 1315 du Code civil ;
Considérant qu'en ce qui concerne le contrat "Thilia" qui correspond à un service mis en place par note du 15 novembre 1994, il est constant que Monsieur Pépin n'apporte aucune pièce permettant de vérifier qu'il ait été à l'origine de l'opération Semarelp, alors que DFI le conteste ; que de même si le contrat avec Bertrand Faure a bien donné lieu à l'établissement de deux factures antérieures au départ de Monsieur Pépin il reste que la lettre du 13 septembre 1996 émanant de IQ Technologie ne fait aucune référence au contrat Thilia et si elle établit un lien entre Monsieur Pépin et le compte Bertrand Faure France ne démontre pas qu'il ait "travaillé étroitement avec Thilia" alors même qu'une facture de mars 1995 porte expressément le nom de Monsieur Jardin que Monsieur Pépin sera débouté de ce dernier chef de demande.
Sur la demande reconventionnelle de la société DFI
Considérant que la société DFI sollicite la condamnation de Monsieur Pépin à lui payer la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts, en raison de la perturbation apportée par la brutalité de son départ ;
Mais considérant que la société ne peut qu'être déboutée de ce chef de demande faute par elle de démontrer l'existence d'un préjudice découlant d'une faute de Monsieur Pépin ;
Par ces motifs, propres et adoptés, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme la décision déférée, en ce qu'elle a débouté Monsieur Pépin de ses demandes découlant de la rupture des relations contractuelles, de celles en complément de congés payés 1989 ainsi qu'au titre de l'indemnité de clientèle, Déboute Monsieur Pépin de ses demandes nouvelles au titre des commissions Total et Thilia, Condamne Monsieur Pépin à payer à la SA DFI la somme de sept mille francs (7 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Pépin aux entiers dépens d'instance et d'appel.