CA Rennes, 8e ch. A, 16 janvier 1997, n° 95-7428
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nutri Metics International (SARL)
Défendeur :
Dongeon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Burdeau
Conseillers :
Mmes Boivin, L'Hénoret
Avocats :
Mes Guyot, Gac.
Gwénaëlle Dongeon a été embauchée par contrat du 28 août 1994 par la société Nutri Metics International en qualité de représentant VRP statutaire à temps choisi.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 novembre 1994, présentée le 28 novembre 1994, Gwénaëlle Dongeon prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Madame Dongeon a saisi le 22 décembre 1994 la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de Quimper, qui a renvoyé le dossier devant le bureau du jugement ; par jugement en date du 14 septembre 1995 le Conseil de Prud'hommes a condamné la société Nutri Metics International à verser à Madame Dongeon :
- 1.067,62 F à titre de préavis et congés payés sur préavis,
- 13.459,27 F au titre du minimum conventionnel et 1.386,84 F à titre de congés payés,
- 1.000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, aux motifs que le contrat de travail avait pris effet le 28 août, non au 9 novembre 1994 avait été conclu à temps plein, que si la salariée a pris l'initiative de la rupture, la rupture est imputable à l'employeur compte tenu de ses manquements aux règles élémentaires de droit du travail et droit social, rupture intervenue hors période d'essai.
La SARL Nutri Metics International qui a régulièrement interjeté appel sollicite l'infirmation du jugement, la condamnation de Madame Dongeon à lui rembourser la somme de 13.474,09 F versée au titre de l'exécution provisoire outre 25.000 F à titre de dommages-intérêts pour agissements dolosifs et 4.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient qu'elle n'a jamais licencié Madame Dongeon, qu'elle lui a laissé exécuter normalement ses fonctions en lui livrant les produits commandés le 9 novembre 1994, et en lui réglant les commissions, qu'il y a eu démission de la salariée, dès le 18 octobre, à l'insu de l'employeur, et ce en période d'essai.
Elle conteste également l'application faite par les Premiers Juges du minimum garanti conventionnel qui ne s'applique qu'aux représentants à temps plein, que d'ailleurs le montant de sa rémunération établit qu'elle ne travaillait qu'à temps réduit, que pour la vente à domicile, le minimum garanti n'est que de 80 fois le SMIC horaire, que l'activité de Madame Dongeon n 'a été que d'un mois.
Madame Dongeon conclut à la confirmation du jugement à l'exclusion des dommages-intérêts pour lesquels elle forme un appel incident à hauteur de 10.000 F, outre 10.000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle réplique qu'elle n'a pas démissionné, mais pris acte de la rupture de son contrat de travail l'imputant au comportement fautif de l'employeur, souligne que son embauche a été effective dès le 23 août 1994, le contrat étant définitif avant la rupture. Elle demande l'application de la Convention Collective du VRP et le salaire minimum garanti, pour un temps complet, les règles du temps partiel n'ayant pas été respectées.
DISCUSSION
- Sur le rappel de salaires
Considérant que Madame Dongeon a été embauchée en qualité de représentant VRP statutaire exerçant une activité réduite à temps choisi, chargée de la vente et distribution de produits cosmétiques en réunions à domicile à temps choisi; que l'attestation Assedic remplie par l'employeur, le 20 décembre 1994, mentionne un horaire libre, travail à temps partiel, VRP à temps choisi ;
Considérant que la notion juridique de travail à temps choisi fait référence dans le code du travail à la fois aux horaires individualisés et au travail à temps partiel ;
Considérant que si le contrat de travail à temps partiel réglementé par l'article L. 212-4-3 du Code du Travail, doit être rédigé par écrit et contenir des mentions obligatoires tenant notamment à la durée du travail et à la répartition de cette durée du travail, l'absence d'écrit ou de prévisions relatives à la durée et la répartition du travail fait présumer que le contrat a été conclu pour un horaire normal et autorise l'employeur à rapporter la preuve du contrat à temps partiel ;
Considérant que la notion d'horaire de travail est inadaptée à la profession de représentant de commerce et à fortiori lorsqu'il s'agit de ventes, en réunion à domicile, à temps choisi, le vendeur à domicile étant entièrement libre d'organiser son activité, sans être soumis à un horaire de travail déterminé, tel qu'il est précisé à l'article 4 du contrat de travail ; que d'une part la rédaction du récapitulatif de commandes une fois par mois, d'autre part l'absence d'objectifs, de rapports périodiques hebdomadaires (les rapports devant être fournis à la demande de la société) sont contraires à l'exercice d'une activité à temps plein, et le montant du chiffre d'affaires réalisé confirment qu'il s'agissait d'un travail d'appoint, de telle sorte que Madame Dongeon ne peut prétendre à la rémunération minimum garantie prévue par l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP faute d'avoir exercé une activité à temps plein;
- Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que le contrat de travail a été signé le 23 août 1994 avec une période d'essai de 3 mois ;
Considérant que toutefois l'article 1 du contrat dispose que l'engagement ne prendra effet qu'à compter de la réception du premier récapitulatif de commandes, transmis en l'espèce le 9 novembre 1994 ; qu'il est par ailleurs constant que Madame Dongeon a commencé son activité dès la signature du contrat, des bons de commandes et factures ont été établis dès le début du mois de septembre et courant octobre ; que l'article 1 alinéa 2 précité était de nature à permettre à l'employeur de différer, selon son bon vouloir compte tenu de son organisation interne, le point de départ du lien de subordination, faisant ainsi échec aux dispositions d'ordre public social liées à l'embauche des salariés; qu'à bon droit les Premiers Juges ont dit que cette disposition était réputée non écrite, et fixé au 23 août le point de départ du contrat de travail ;
Considérant que par courrier du 19 novembre 1994, réceptionné le 28 novembre par la société Nutri Metics International, Madame Dongeon a pris l'initiative de la rupture du contrat de travail lui reprochant des manquements à ses obligations d'employeur ;
Considérant qu'il ressort des éléments de la cause qu'outre la remise tardive du contrat de travail, contenant notamment une clause modifiant la date d'embauche (article 4), que la date d'embauche a été falsifiée sur l'attestation d'assurances PFA, de telle sorte qu'elle n'était pas garantie professionnellement pendant la période du 23 août au 23 septembre, que le bordereau de commandes a été adressé en ses lieux et place par Madame Clouin, bordereau qui ne correspondait pas aux commandes passées par Madame Dongeon, commandes qui n'ont pu être honorées auprès de la clientèle ; que les méthodes utilisées par l'employeur ont créé d'une part une situation d'insécurité juridique, d'autre part étaient de nature à placer la salariée en situation difficile vis-à-vis de la clientèle, et constitue un manquement grave aux obligations de l'employeur, lui rendant imputable la rupture du contrat de travail;
Considérant que cette rupture intervenue le 28 novembre 1994 se situe hors la période d'essai;
Considérant qu'il convient d'allouer à Madame Dongeon à titre de préavis et de congés payés afférents la somme de 400 F et à titre de dommages-intérêts une indemnité de 5.000 F;
Considérant que Madame Dongeon ne rapporte pas la preuve du caractère abusif et dilatoire de l'appel interjeté par l'employeur ; quelle sera déboutée de sa demande ;
Considérant que Madame Dongeon bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs, Reçoit la SA Nutri Metics International en son appel principal et Madame Dongeon en son appel incident, Au fond, Confirme le jugement du 14 septembre 1995 en ce qu'il a dit la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, Condamne la société Nutri Metics International à verser à Madame Dongeon : à titre d'indemnité de préavis et congés payés : 400 F ; à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive la somme de : 5.000 F ; Infirme sur le rappel de salaires, Déboute Madame Dongeon de cette demande et de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, Ordonne la rectification de l'attestation Assedic, du certificat de travail, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société Nutri Metics International aux dépens.