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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 28 juin 2002, n° 1999-21003

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

De Neuville (SA)

Défendeur :

Seznec (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thevenot

Conseillers :

MM. Monin-Hersant, Pimoulle

Avoués :

Me Huyghe, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Séguin, Bellet

T. com. Paris, 22e ch., du 7 juill. 1999

7 juillet 1999

La Cour,

Vu l'appel interjeté par la société De Neuville du jugement du Tribunal de commerce de PARIS (audience supplémentaire de la 22e chambre, n° de RG 98038432), rendu le 7 juillet 1999, qui a prononcé la résiliation à ses torts du contrat de franchise conclu avec la SARL Seznec le 14 septembre 1992, cette résiliation prenant effet à la date du jugement, qui l'a condamnée à payer à la SARL Seznec 754.094 F pour les pertes subies et 400.000 F pour les dommages subis par la résiliation anticipée du contrat de franchise, qui a condamné la SARL Seznec à lui payer 532.300 F, montant du solde débiteur du compte de la SARL Seznec ouvert dans ses livres, qui a ordonné la compensation entre ces sommes et dit qu'elle devait ainsi verser à la SARL Seznec 621.794 F avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1998 et capitalisation de ceux-ci selon les modalités de l'article 1154 C. civ. et qui l'a condamnée à payer à la SARL Seznec 30.000 F par application de l'article 700 NCPC,

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 avril 2001 par l'appelante qui demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qui a condamné la SARL Seznec à lui payer 532.400 F au titre du solde débiteur de son compte, de le réformer pour le surplus, de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SARL Seznec, de condamner celle-ci à lui payer 500.000 F à titre de dommages et intérêts, de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal majoré de 6 points à compter des mises en demeure des 29juin 1994, 7 avril 1995, 30 novembre 1995, 4 juin 1996, 15 mai 1997 et 4 février 1999, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 C. civ. et, enfin, de condamner la SARL Seznec à lui payer 50.000 F par application des dispositions de l'article 700 NCPC,

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 niai 2001 par la SARL Seznec, intimée et appelante incidemment, qui demande à la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il concerne le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société De Neuville, de condamner celle-ci, déboutée de toutes ses demandes, à lui payer les sommes de : 1.005.459 F pour pertes subies, 1.573.473 F pour marges brutes perdues et déduction faite des pertes dont l'indemnité est demandée et 4.810.000 F pour marges brutes qu'elle avait vocation à réaliser jusqu'au terme du contrat, de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et seront capitalisées selon les modalités de l'article 1154 C. civ., à titre subsidiaire, de ramener la créance de la société De Neuville à la somme de 427.422,75 F et, en toute hypothèse, de condamner l'appelante à lui payer 50.000 F par application de l'article 700 NCPC,

SUR QUOI,

Considérant que la société Seznec a, par exploit du 27 avril 1998, assigné la société De Neuville afin que le contrat de franchise qu'elles avaient signé le 14 septembre 1992 pour une durée de dix ans soit résilié aux torts exclusifs du franchiseur chocolatier et que De Neuville soit condamnée à réparer le préjudice qu'elle invoquait ;

Considérant que les premiers juges, qui ont prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de De Neuville à effet au jour du jugement, ont estimé en substance que le budget provisionnel, " élément capital dans la décision du candidat à la franchise ", était grossièrement erroné puisque le chiffre d'affaires réalisé avait été inférieur de près de 50 % aux prévisions ;

Considérant toutefois que Seznec, qui demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de De Neuville à effet du 7 juillet 1999 et qui admet ainsi la poursuite dudit contrat pendant plusieurs années, ne pouvait, au soutien de sa demande devant le tribunal, et ne peut davantage devant la Cour invoquer la violation par De Neuville de l'obligation précontractuelle de la " loi Dubin ", plus précisément en l'espèce l'étude prévisionnelle erronée qui lui a été fournie par De Neuville avant qu'elle ne s'engage ;

Considérant en effet que cette violation de la loi précitée qui assure une protection autonome du consentement, à la supposer établie, ne pourrait tendre, ce qui n'est pas demandé, qu'à l'annulation du contrat litigieux ou à sa résolution qui remettrait les parties dans la même situation que si elles n'avaient pas contracté ;

Considérant, dès lors, que les écritures de De Neuville et de Seznec relatives aux circonstances antérieures à la signature du contrat sont sans intérêt ; que celles relatives à la violation de la " loi Doubin " sont sans portée ;

Considérant qu'il s'ensuit que Seznec ne peut qu'être admise à démontrer les manquements de De Neuville à ses obligations pendant l'exécution du contrat ;

Considérant que l'intimée, à ce sujet, soutient que l'appelante a manqué à son devoir de conseil et d'assistance puisqu'elle ne lui a proposé ni plan d'action ni solution lui permettant de redresser la situation ;

Considérant que Seznec fait valoir qu'elle n'a eu de cesse, dès 1994, d'attirer l'attention de De Neuville sur les difficultés financières rencontrées, le chiffre d'affaires réalisé n'étant nullement celui annoncé ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces régulièrement versées aux débats que Seznec ne s'est plainte de sa propre situation que le 1er octobre 1997 ; que les précédents courriers adressés au franchiseur ont été des courriers collectifs de franchisés, relatifs apparemment, eu égard à leur teneur, au réseau de distribution ; que ces courriers ont toujours fait l'objet de réponses, voire de réunions franchiseur-franchisés ;

Considérant que l'obligation de conseil et d'assistance du franchiseur n'est qu'une obligation de moyens ;qu'elle n'est pas, comme le sous-entend en définitive l'intimée, dans l'obligation de gérer le point de vente à sa place ;

Considérant que Seznec fait encore valoir que De Neuville n'a rien mis en œuvre pour empêcher M. Bermond, ancien franchisé de la ville de Toulouse, de continuer à se prévaloir de l'enseigne " De Neuville " et que l'appelante n'a pas davantage réagi lorsqu'elle a été informée que M. Chicheportiche, nouveau franchisé, distribuait des tracts dans sa zone d'exclusivité ;

Considérant toutefois que les agissements de M. Bermond ont cessé après avoir été portés immédiatement pal' De Neuville à la connaissance de son conseil, un procès-verbal de constat ayant alors été dressé ; que les prétendus agissements fautifs de M. Chicheportiche ne sont pas prouvés ;

Considérant enfin que le pré-emballage erroné de ballotins, qui s'est traduit pal' un avoir, ne saurait sérieusement être la preuve d'un manquement de De Neuville à son savoir-faire, susceptible d'entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ;

Considérant que le jugement déféré sera ainsi réformé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de De Neuville ; que Seznec sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes ;

Considérant que la demande de De Neuville tendant à voir prononcer la résiliation du même contrat aux torts exclusifs de Seznec ne saurait davantage prospérer et, par voie de conséquence, celle relative à des dommages et intérêts pour résiliation anticipée du contrat et atteinte à son image de marque ;

Considérant en effet que l'appelante ne peut se prévaloir du fait (lue l'intimée ne lui a adressé ses documents comptables que le 3 décembre 1997 et qu'elle n'a pas proposé à ses clients la carte de fidélité ; que ces manquements de Seznec à ses obligations contractuelles, au demeurant invoqués tardivement, sont en effet insuffisants pour que soit prononcée la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'intimée ;

Considérant que force est de constater que De Neuville n'a jamais mis en demeure Seznec de poursuivre le contrat ; que l'appelante, en première instance, n'a fait que s'opposer à la demande de Seznec sans pour autant prétendre que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts exclusifs de la demanderesse avec l'octroi de dommages et intérêts ; qu'il ressort en réalité suffisamment des pièces versées aux débats que les relations entre les parties se sont dégradées au point d'aboutir au présent contentieux lorsque Seznec s'est rendue compte qu'elle ne pouvait espérer de De Neuville le rachat de son fonds de commerce qu'elle ne pouvait céder au prix souhaité ;

Considérant que la seule demande qui reste dès lors à examiner concerne le solde débiteur du compte de Seznec ;

Considérant que De Neuville réclame à ce sujet 532.000 F ;

Considérant que l'intimée fait valoir à juste titre que l'appelante se contente de verser un décompte difficilement contrôlable ; qu'elle admet toutefois le principe d'une créance de De Neuville puisqu'elle donne son propre décompte, parvenant à la somme de 427.422,75 F ;

Considérant que c'est cette dernière somme que retiendra la Cour ; que De Neuville ne critique nullement en effet les déductions opérées par Seznec ;

Considérant, de tout ce qui précède, que le jugement sera réformé ; que Seznec sera condamnée à payer à De Neuville 65.160,18 euros (427.422,75 ) avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci à compter du 2 avril 1999, date de la demande en justice, les courriers de De Neuville ne pouvant être considérés comme des mise en demeure ; que les parties seront déboutées de toutes leurs autres demandes, comprise celle relative à une indemnité de procédure, l'équité ne commandant pas de faire application de l'article 700 NCPC ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré seulement sur le principe de la résiliation du contrat de franchise du 14 septembre 1992 ; Le Reforme pour le surplus ; Condamne la société Seznec à payer à la société De Neuville 65.160,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1999 et capitalisation de ceux-ci selon les modalités de l'article 1154 C. civ. ; La Condamne aux dépens de première instance et d'appel et Admet, pour ceux d'appel, Me Huygues, avoué, au bénéfice de l'article 699 NCPC ; Déboute les parties de leurs demandes contraires à la motivation.