CA Nîmes, ch. soc., 28 avril 1997, n° 1666-95
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Garcia
Défendeur :
Giacomini (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cuttat
Conseillers :
Mme Bowie, M. Puel
Avocats :
Mes Dragon, Blanchin
Par contrat du 6 janvier 1978 à effet au 1er janvier 1978, Garcia Alain a été engagé par la SA Giacomini en qualité de VRP Multicartes, représentant d'articles de robinetterie dans le secteur délimité qui lui était concédé en exclusivité des départements 04, 05, 06, 07, 11, 12, 13, 20, 26, 30, 34, 66, 83, 84. En rémunération de ses services était prévue une commission de 5 % sur toutes les commandes directes ou indirectes.
Licencié le 4 février 1993, par une lettre énonçant :
" Refus de la modification substantielle de votre contrat de travail (transformation du statut de VRP multicartes soit en VRP exclusif soit en Technico-commercial salarié) rendue nécessaire par la réorganisation de notre force de vente ... ", il a saisi le conseil de prud'homme d'Avignon qui, par jugement du 22 novembre 1994 a dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts, d'indemnité de clientèle et de participation à l'intéressement.
Ayant relevé appel de cette décision, il conclut aux fins de voir dire que le licenciement est abusif, condamner la SA Giacomini à lui payer 406.000 F à titre de dommages et intérêts, 806.000 F à titre d'indemnité de clientèle avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, subsidiairement à voir réduire cette indemnité à 766.080 F, déclarer nulle la clause d'exclusion des VRP figurant dans l'accord d'intéressement, et en toute hypothèse condamner la société à lui payer 27.856,68 F avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes représentant le montant de sa participation à l'intéressement et 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
La SA Giacomini conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
Sur ce,
SUR LE LICENCIEMENT :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 321-1 du Code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
Attendu qu'à condition d'être décidée dans l'intérêt de l'entreprise, une réorganisation de celle-ci peut constituer une cause économique d'une modification substantielle du contrat de travail ;
Attendu que confrontée à des difficultés de développement, la société Giacomini a fait connaître à son personnel dès janvier 1989 son intention de procéder à une réorganisation profonde de son service commercial par une réduction des secteurs d'activité attribués à chaque VRP multicartes, puis par un changement de l'action commerciale consistant à prospecter des professionnels du bâtiment qui ne sont pas nécessairement des donneurs d'ordres directs mais suggèrent l'utilisation de matériaux d'une marque déterminée ;
Attendu que c'est dans ce contexte d'un prolongement de la politique commerciale qu'ont été échangés des courriers les 15 février 1990 et 12 mars 1990, et qu'enfin le 16 novembre 1992 la société Giacomini proposait à Garcia Alain une place de VRP exclusif sur les départements 13, 26, et 84 étant précisé que sur les autres départements de son secteur allaient être placés deux autres salariés; que c'est à la suite du refus opposé par Garcia Alain de voir ainsi modifier ses conditions de travail qu'il a été procédé à son licenciement;
Attendu qu'il n'apparaît pas que cette modification qui ne relève ni d'un abus de droit et qui n'entraînait aucune discrimination, ait été inspirée par un autre souci que celui de l'intérêt de le société; qu'elle n'a pas été décidée avec l'intention de nuire ou conduite avec une légèreté blâmable ; qu'elle procède d'une politique commerciale visant, dans un souci de meilleure rentabilité et d'efficacité économique, à remplacer les VRP multicartes par des représentants exclusifs ou des techniciens salariés ordinaires devant se consacrer exclusivement au service de l'entreprise, à découper les secteurs et à procéder à d'autres regroupements correspondant à un motif économique d'ordre structurel;
Attendu que la mise en œuvre effective du projet de cette nouvelle politique commerciale est établie par le redécoupage du secteur de Garcia Alain confié à des technico-commerciaux à savoir, Monsieur Dilesse pour les Alpes de Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Var et Vaucluse, Monsieur Gamet pour l'Ardèche et la Drôme, Monsieur Velay pour les Bouches-du-Rhône, la Corse, le Gard, Monsieur Rochain pour l'Hérault, et les Pyrénées-Orientales à la suite d'embauches ou de mutations entre juin 1992 et mars 1993;
Attendu dans ces conditions, que le départ de Garcia Alain consécutif à son refus de devenir représentant exclusif ou technico-commercial salarié modifiant de façon importante des conditions de son contrat de représentation en touchant à la fois le secteur d'activité et les conditions de travail, dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise, s'analyse en un licenciement pour cause économique d'ordre structurel, peu important qu'il n'y ait pas eu compression des effectifs globaux et qu'il y ait eu au contraire embauche de salariés ;
Attendu qu'en conséquence le conseil de prud'hommes a estimé à bon droit que la proposition de modification s'inscrivait dans le cadre de la restructuration globale de la force de vente, et que dès lors, le licenciement, à la suite du refus d'acceptation de Garcia Alain, était fondé ;
SUR L'INDEMNITÉ DE CLIENTÈLE :
Attendu que l'indemnité de clientèle prévue à l'article L.715-9 du Code du travail est destinée à réparer le préjudice que cause au représentant son départ de l'entreprise en lui faisant perdre pour l'avenir le bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui au profit de son employeur ;
Attendu qu'il est établi et non contesté que Garcia Alain peut, et d'ailleurs continue, de s'adresser à la même clientèle depuis son départ maisqu'il fait valoir que les produits commercialisés, notamment pour la société Protherm, qui sont des systèmes de chauffage de planchers, ne sont pas concurrents de ceux Giacomini;
Attendu que toutefois cette allégation est contredite par l'objet de la société Protherm qui est " l'achat et la vente de second œuvre du bâtiment, particulièrement dans les domaines sanitaires et de chauffage ";
Attendu que des pièces justificatives fournies il ressort également que Garcia Alain représente pour la société Eurob, la gamme des produits Petinarolli, concurrents de ceux Giacomini;
Attendu quand bien même ses revenus auraient baissé à la suite de son départ, dès lors qu'il avait la possibilité de faire bénéficier ses nouveaux employeurs de l'ancienne clientèle créée personnellement pendant son activité mais aussi celle, soit créée avant lui, soit développée par les efforts de publicité de la société Giacomini ou le fonctionnement de groupements d'achats, et qu'il conservait ainsi la faculté de la visiter, Garcia Alain, qui n'a donc pas perdu sa clientèle, est mal fondé dans sa réclamation de ce cheftel que l'a justement apprécié le conseil de prud'hommes ;
SUR LA PARTICIPATION À L'INTÉRESSEMENT:
Attendu que de l'accord d'intéressement signé le 26 juin 1991 ayant été exclus les VRP multicartes, Garcia Alain fait valoir que le motif étant inhérent à la personne du salarié est proscrit légalement;
Attendu qu'outre qu'aucun fondement juridique n'est précisé qui conduirait à annuler cette clause, il n'apparaît pas qu'elle exclut Garcia Alain en sa qualité de salarié pour un motif inhérent à sa personne, mais une catégorie professionnelle rémunérée à la commission; qu'au surplus le conseil de prud'hommes a relevé à bon droit que la revendication de Garcia Alain, eu égard à son statut de représentant multicartes dont il refusa la modification, ne l'autorise pas à prétendre à l'intéressement au regard d'un statut auquel il n'a pas adhéré; qu'il y a lieu de confirmer également la décision des premiers juges de ce chef ;
SUR L'ARTICLE 700 DE NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
Attendu que l'équité commande d'allouer à la SA Giacomini une somme supplémentaire de 5.000 F au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme mais le dit non fondé, Confirme le jugement du conseil de prud'hommes, dans toutes ses dispositions, Condamne Garcia Alain aux dépens et à payer à la SA Giacomini 5.000 F (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes.