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Décisions

CA Reims, ch. soc., 12 mai 1999, n° 96-00255

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fédération Nationale des Groupements de Retraite et de Prévoyance

Défendeur :

Fessart

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marzi

Conseillers :

M. Mahieux, Mme Bourguet

Avocats :

Mes Gagnepain, Creusat.

Cons. prud'h. Reims, du 15 déc. 1995

15 décembre 1995

Didier Fessart a été engagé sans détermination de durée le 1er février 1990 par la Fédération Nationale des Groupements de Retraite et de Prévoyance (FNGRP) en qualité d'animateur chargé de mission, aux conditions générales de la Convention Collective des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d'assurances avec pour mission, étant détaché dans le département de la Marne et domicilié à Reims, de vulgariser les formules de retraite et de prévoyance de mutuelles adhérentes à la FNGRP selon les instructions qui lui seraient données par celle-ci.

Sa rémunération mensuelle se décomposait de la façon suivante :

- un traitement de base d'un montant de 6.000 F toutes primes et allocations comprises ;

- une avance mensuelle de 1.500 F sur prime de productivité ;

De plus le contrat de travail de Didier Fessart contenait une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans.

Par lettre du 22 mars 1991, le Directeur du réseau de la FNGRP a fait savoir à Monsieur Fessart qu'il n'avait pas atteint ses objectifs et qu'il devait être mis fin à son contrat de travail mais qu'à titre exceptionnel, la fédération décidait de différer cette décision, tout en l'invitant à réaliser son objectif de 1991.

Cependant à l'expiration de la deuxième année de prospection, Monsieur Fessart fut convoqué par lettre recommandée du 12 février 1992 en vue de l'entretien préalable à son licenciement ; il a été licencié par lettre en date du 13 mars 1992, le dispensant d'exécuter le délai-congé.

Contestant la légitimité de son renvoi Didier Fessart a saisi la juridiction prud'homale pour faire condamner son ex-employeur à lui verser des dommages et intérêts ainsi que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence équivalente à 24 mois de salaire.

Par jugement de départage du 15 décembre 1995, le Conseil de Prud'Homme de Reims, section commerce a :

- débouté Didier Fessart de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constaté que Didier Fessart réunissait les conditions d'application du statut de voyageur représentant placier,

- condamné la FNGRP à verser à Didier Fessart :

* la somme de 108.528 F en contrepartie de l'interdiction de concurrence exécutée par lui du 15 mai 1992 au 15 mai 1994,

* la somme de 1.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Condamné la FNGRP aux dépens.

La Fédération a régulièrement interjeté appel de cette décision le 12 janvier 1996.

Par conclusions déposées le 17 mars 1999 à l'audience de la Chambre Sociale, l'appelante demande à la Cour de :

Dire que Monsieur Fessart ne peut pas relever du statut des VRP puisqu'il ne s'adresse pas à une clientèle au sens de l'article L. 751-1, puisqu'il ne propose pas de prestations de services ou de marchandises à la vente ou à l'achat au sens de l'article L. 751-1, puisqu'il n'a pas le droit de prendre de commandes, puisqu'il n'a pas de secteur ou de clientèle attribués ;

Par voie de conséquence, infirmant le jugement entrepris, dans la limite de l'applicabilité du statut des VRP et de sa conséquence financière, et statuant à nouveau ;

Débouter Monsieur Fessart de sa demande de bénéficier du statut des VRP ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Fessart de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en cas de condamnation à quelque titre que ce soit, opérer la compensation avec les 18.000 F versés à titre amiable à la fin du contrat de travail ;

Le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions en réplique déposées les 11 et 17 mars 1999, l'intimé qui forme appel incident prie la Cour de :

Confirmer le jugement dont appel en qu'il a :

- constaté que Monsieur Fessart réunissait les conditions d'application du statut des VRP,

- condamné la FNGRP à payer à Monsieur Fessart la somme de 108.528 F en contrepartie de l'interdiction de concurrence exécutée par lui du 15 mai 1992 au 15 mai 1994.

Pour le surplus,

Réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dire que le licenciement de Monsieur Fessart ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Condamner la FNGRP à payer à Monsieur Fessart la somme de 36.000 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Condamner la FNGRP à payer à Monsieur Fessart la somme de 10.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce, LA COUR :

Attendu que la lettre de licenciement du 13 mars 1992 retient pour motif les résultats insuffisants du salarié.

Attendu que Didier Fessart conteste ce motif en soutenant essentiellement que le quota fixé contractuellement n'était pas réalisable.

Attendu cependant que la Convention Collective des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d'assurance rappelle que l'employeur peut exiger de ses producteurs un minimum de production ;

Que le contrat de travail qui prévoit l'allocation en sus de la partie fixe de la rémunération, d'une prime de productivité, en détermine les modalités de calcul par référence à un quota annuel de cotisations rectifiées correspondant à l'activité de base d'un collaborateur possédant des qualités professionnelles moyennes, ce quota étant déterminé par la formule suivante : q = (R+CS+FP) x 2,5, soit :

- quota : (rémunération R annuelle de base + charges sociales CS + frais professionnels FP dont utilisation du véhicule d'entreprise) x 2,5 ;

que rien ne démontre contrairement à ce qu'affirme le salarié, que cette formule et ses paramètres, communs à tous les producteurs de l'entreprise aboutissent à la fixation de quotas excessifs ou irréalisables ;

qu'en outre le contrat de travail stipule que la non-réalisation d'au moins 75 % de ce quota entraîne la rupture du contrat.

Attendu que dès le début de l'exécution de son contrat de travail Didier Fessart a reçu très régulièrement ses résultats statistiques (6 entre le mois de février 1996 et le mois de février 1991) comportant le résultat de son activité : entretiens, adhésions comparé à l'objectif qui lui était fixé ; que l'examen de ces courriers révèle que Didier Fessart a toujours été en deçà de cet objectif, si bien que l'employeur lui a adressé le 22 mars 1991 un courrier constatant qu'il n'avait réalisé depuis son embauche que 15,17 % du quota, ce qui l'amenait d'une part à cesser de lui verser les avances sur prime de productivité d'autre part à l'inviter à tout mettre en œuvre pour réaliser son quota de 1991, sous peine de congédiement, lequel fut fixé sur la base de la formule précitée à 357.210,50 F ;

qu'il résulte des fiches statistiques d'activité du salarié pour cette année 1991, ainsi que du rapport déposé par les deux Conseillers-Rapporteurs désignés par le Conseil de Prud'Hommes le 16 septembre 1993 que ce nouveau quota ne fut pas plus atteint, n'étant réalisé qu'à un peu plus de 50 %.

qu'il est par ailleurs souligné par l'employeur que sur le même secteur, tant le prédécesseur de Didier Fessart, que la productrice qui lui succéda réalisèrent voire dépassèrent leurs objectifs calculés sur des bases identiques ;

qu'il y a lieu en conséquence de tenir pour établie l'insuffisance de résultats alléguée par la Fédération employeuse et de débouter Monsieur Fessart de son appel incident.

Attendu que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence interdisant au salarié à la cessation de ses fonctions, d'effectuer des opérations de représentation ou de courtage d'assurance pendant deux ans dans les cantons où il a exercé son activité;

que se prévalant du statut de VRP non évoqué par le contrat de travail, Didier Fessart réclame la contrepartie financière de cette clause telle que prévue par l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 dont l'employeur lui refuse formellement le bénéfice.

Attendu que le statut ne s'applique qu'aux personnes qui ont une activité de prospection consistant dans la visite de la clientèle à l'extérieur de l'entreprise dans le but de prendre ou de provoquer des ordres.

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Didier Fessart, s'il disposait bien d'un secteur géographique déterminé, en l'occurrence le département de la Marne, peu important que d'autres animateurs aient également la possibilité de le visiter, démarchait essentiellement une clientèle déterminée par la FNGRP qui fournissait les listings de ses sociétaires et ceux des autres compagnies du Groupe;

- qu'en outre à partir d'opérations de publicité et de publipostages, elle constituait un mailing de prospection dont bénéficiaient ses animateurs chargés de relancer les prospects qui avaient réagi à la publicité ;

- que la mission de Didier Fessart était alors de présenter le contrat : assurance, retraite ou prévoyance, d'en recueillir éventuellement la souscription et de transmettre les formulaires à l'employeur qui après examen, déciderait ou non d'accepter de conclure le contrat et d'intégrer le nouveau sociétaire, en effectuant au besoin des contre-propositions : surprime, majoration de cotisation, exclusion de certaines garanties que le souscripteur acceptait ou refusait ;

- que ce n'est qu'à l'issue de cette discussion ou négociation entre la Fédération et le sociétaire ou futur sociétaire que le contrat était définitivement conclu ou refusé ;

Attendu en définitiveque les fonctions de Didier Fessart, démarchant essentiellement une clientèle identifiée par l'employeur à laquelle il proposait des contrats qu'il ne concluait pas lui-même, ne sauraient être assimilées à l'activité essentielle du représentant statutaire qui prend et transmet des ordres;

que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, l'intéressé ne peut bénéficier du statut de VRP qu'il revendique;

qu'il doit être débouté de sa demande d'indemnité pour clause de non-concurrence fondée sur l'application d'un statut qui ne lui est pas applicable, étant observé que la clause contenue dans son contrat, conforme aux dispositions de la Convention Collective des producteurs salariés ne comportait pas de contrepartie financière.

Attendu que Didier Fessart qui succombe supportera les éventuels dépens des deux degrés de juridiction sans pouvoir prétendre à la moindre allocation au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare en la forme recevable l'appel principal de la FNGRP et l'appel incident de Didier Fessart ; Au fond, Confirme le jugement du Conseil de Prud'Hommes de Reims du 15 Décembre 1995, en ce qu'il a débouté Didier Fessart de sa demande de dommages et intérêts ; l'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, dit que Didier Fessart ne relevait pas du statut des VRP, le déboute de sa demande en paiement de la somme de 108.528 F ; le condamne aux dépens éventuels des deux degrés de juridiction.