CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 14 mai 1999, n° 98-3430
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Doutaves Bernard (SA)
Défendeur :
Heuby
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lecomte
Conseillers :
MM. Giacomino, Blanc, Fohlen, Mme Acquaviva
Avocats :
Mes Derobert, Bonzy-Etienne.
Monsieur Alain Heuby a été engagé le 1er juin 1986 en qualité de VRP par la société Doutaves, sise en Avignon, ayant pour objet le commerce de gros des pièces détachées automobiles. Dans son contrat figurait une clause lui interdisant, essentiellement, en cas de rupture, pendant deux ans et dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, d'entrer au service d'une entreprise concurrente en qualité d'employé, de représentant ou à toutes fins.
Le 1er août 1989, par avenant au contrat de travail, Monsieur Heuby devait désormais exercer l'emploi de magasinier vendeur.
Monsieur Heuby a démissionné le 11 février 1991 et est entré au service d'une société concurrente, la société Peyronnet-Fabre dont le siège social était également situé en Avignon.
Saisi par la société Doutaves d'une demande tendant à voir ordonner sous astreinte l'arrêt de l'activité de Monsieur Heuby dans la société Peyronnet-Fabre et à voir condamner ce salarié à la somme de 300 000 F de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, le Conseil de Prud'hommes d'Avignon présidé par le juge départiteur, a, suivant jugement du 15 mars 1993, déclaré nulle la clause de non-concurrence et débouté la société Doutaves de ses prétentions.
Statuant sur l'appel interjeté par cette société, la Cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement entrepris dans un arrêt prononcé le 24 mai 1995.
Par arrêt du 18 décembre 1997, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt susvisé et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
La société Doutaves a saisi la cour de renvoi par lettre recommandée avec avis de réception du 18 février 1998, l'arrêt de la Cour de cassation lui ayant été notifié le 15 janvier 1998.
La Cour de cassation a estimé que la cour d'appel avait violé les articles 1134 du Code civil, 7 de la loi des 2-17 mars 1791 et le principe constitutionnel de la liberté du travail en déclarant nulle la clause de non-concurrence qui interdisait au salarié toute activité, alors que seule la représentation constituait l'exercice d'une activité concurrente et donc un risque pour l'employeur ; elle énonce en effet qu'une clause de non-concurrence peut valablement interdire toute activité dans une entreprise concurrente, dès l'instant qu'elle est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et qu'elle n'empêche pas le salarié de retrouver un autre emploi, compte-tenu de sa formation et de son expérience professionnelles.
SUR CE,
Attendu que, par conclusions uniques déposées le 9 octobre 1998, la société Doutaves fait valoir qu'au regard de la motivation retenue par la Cour de cassation, la Cour de renvoi ne pourra que condamner Monsieur Heuby à lui payer les somme de 300 000 F au titre des dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Monsieur Heuby avance qu'est nulle la clause de non-concurrence qui le liait à son ancien employeur dès lors d'une part que le secteur géographique concerné était plus vaste que le secteur visité contractuellement défini, d'autre part que cette clause empêchait le salarié d'exercer une quelconque activité en dehors de celle de VRP ce qui lui interdisait d'exercer une profession en rapport avec sa formation et son expérience professionnelles ;
Qu'il ajoute que la société Doutaves n'a jamais justifié avoir subi un préjudice et ne rapporte pas la preuve de ce que les fonctions de Monsieur Heuby au sein de la société Peyronnet-Fabre ont entraîné des conséquences graves ;
Attendu qu'une clause de non-concurrence peut valablement interdire toute activité dans une entreprise concurrente dès lors qu'elle est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et qu'elle n'empêche pas le salarié de retrouver un autre emploi compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelles;
Attendu qu'il appartient à l'employeur de justifier de cette nécessité de protection des intérêts légitimes de l'entreprise;
Attendu en l'espèce que la société Doutaves ne produit aucun document justifiant d'une nécessité de protection de ses intérêts légitimes;
Attendu qu'en ne permettant pas à la cour de procéder à la vérification de l'une des conditions de validité de la clause de non-concurrence la liant à Monsieur Heuby, son ancien salarié, la société Doutaves ne peut que succomber en sa prétention de réformation du jugement entrepris dont sera confirmé le dispositif ;
Attendu que la société Doutaves sera condamnée à payer à Monsieur Heuby la somme de 10.000 F en indemnisation des débours engagés par ce dernier en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en prud'homale, sur renvoi après cassation, Vu l'arrêt rendu le 18 décembre 1997 par la cassation, Chambre Sociale, Déclare régulière la saisine ; Déclare recevable en la forme l'appel interjeté par la société Doutaves. Au fond, l'en déboute, Substituant les motifs du présent arrêt à ceux du jugement entrepris, Confirme le dispositif de cette décision, Y ajoutant, Condamne la société Doutaves à payer à Monsieur Heuby la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La condamne encore aux dépens d'appel.