CA Nîmes, ch. soc., 10 novembre 1999, n° 97-5749
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bringuier (ès. qual), AMREC (Sté), AGS, CCGEA de Marseille
Défendeur :
Randado
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cuttat
Conseillers :
MM. Magne, Bertrand
Avocats :
Mes Billet, Bessières, SCP Lobier-Mimran.
Embauché par la SA Société Nouvelle des Ateliers Modernes de Rectification (la société AMREC) en qualité de représentant à compter du 1er mars 1993, selon un contrat de travail à durée indéterminée qui comportait une clause de non-concurrence lui interdisant pendant deux ans après la rupture de s'intéresser directement ou indirectement à toute affaire susceptible de concurrencer la société AMREC dans le secteur concédé sous peine de devoir lui verser une somme correspondant à sa rémunération brute des 24 derniers mois, sans pouvoir être inférieure à 12 mois, Monsieur Jean-Paul Randado ayant, le 2 octobre 1995, donné sa démission, acceptée le 6 octobre 1995, a, le 2 juillet 1996, saisi le Conseil de Prud'hommes de Nîmes qui, par jugement du 31 octobre 1997, a condamné la société AMREC à lui payer les sommes de :
- indemnité compensatrice de non-concurrence : 101.208 F
- article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : 3.500 F.
Ce jugement lui ayant été notifié le 17 novembre 1997, la société AMREC en a régulièrement interjeté appel par déclaration faite au greffe du Conseil de Prud'hommes le 1er décembre 1997.
La société AMREC et Maître Bringuier, ès qualités de liquidateur judiciaire de ladite société concluent à la réformation du jugement, et demandent que Monsieur Randado soit condamné à leur payer les sommes de :
- rémunération brute des 24 derniers mois : 285.140,28 F,
- article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : 15.000 F
Ils soutiennent que le non-respect de la clause de non-concurrence emporte la perte du droit à l'indemnité compensatrice alors que Monsieur Randado a été réembauché par la société Longeon Castelnau Rectification le 9 octobre 1995, et qu'il était sur le point de l'être en septembre 1996 par les Etablissements Sautecoeur, cependant qu'il a prospecté deux anciens clients, soit le garage Séverine ainsi que la SARL Les Forestiers du Sud, comme le prouvent deux factures, dans le secteur concédé.
Monsieur Randado conclut à la confirmation du jugement, et demande des intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 1996, une somme complémentaire de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la constatation de la mise en cause des institutions visées à l'article L. 143-11-4 du code du travail ainsi que de Maître Bringuier, tenu de mentionner les sommes qui lui sont dues sur l'état des créances.
II fait valoir qu'il n'a pas été dispensé de la clause de non-concurrence de sorte qu'il peut prétendre à la contrepartie pécuniaire prévue par l'article 17 de la convention collective nationale des VRP et subsidiairement, en toute hypothèse, à la somme de 33.736 F jusqu'au 31 mai 1996, date de la facture produite, cependant qu'aucune des deux sociétés qui l'ont embauché du 9 octobre 1995 au 27 juin 1996 n'a la même activité que la société AMREC et qu'il n'a jamais prospecté dans le secteur de cette dernière, ayant été employé comme chef de magasin et licencié dès le 6 septembre 1996 par la société Sautecoeur, si bien que la preuve d'une violation de la clause de non-concurrence n'est pas rapportée, ni celle d'un préjudice, alors enfin, très subsidiairement, que la clause pénale peut être réduite par application de l'article 1152, alinéa 2, du code civil.
Le centre de gestion et d'études AGS de Marseille (CGEA) s'en rapporte aux écritures du liquidateur et demande l'application de la législation relative au régime d'assurance des créances des salariés.
L'Association pour la gestion du Régime de garantie des créances des salariés (AGS) intervient volontairement à titre accessoire aux côtés du CGEA et demande qu'il lui en soit donné acte.
Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
Sur ce
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE ET LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Attendu d'abord, que l'article 17 de la convention collective nationale interprofessionnelle des VRP, applicable au contrat de travail de Monsieur Randado, qui devait exercer son activité dans les conditions fixées par les articles 751-1 et suivants du code du travail, stipule le versement, pendant l'exécution de l'interdiction, par l'employeur au représentant d'une contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale égale à 2/3 de mois si sa durée est supérieure à un an, réduite de moitié en cas de démission ;
Attendu, ensuite qu'aux termes de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, la contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale cesse d'être due en cas de violation par le représentant de la clause de non-concurrence, sans préjudice des dommages-intérêts pouvant lui être réclamés ;
Attendu, enfin, que lorsque l'employeur n'a pas versé l'indemnité mensuelle à laquelle il était tenu, le salarié s'est trouvé lui-même libéré de l'obligation de non-concurrence ;
Attendu qu'il ressort des productions que par lettre du 6 octobre 1995, la société AMREC a dispensé Monsieur Randado de l'exécution du préavis en lui précisant qu'il était tenu de respecter la clause de non-concurrenceet par lettre du 18 juin 1996, en réponse à une réclamation de Monsieur Randado relative à la contrepartie pécuniaire, lui a indiqué que ladite clause était maintenue mais qu'elle-même était en redressement judiciaire; que, le 5 septembre 1996, elle a informé la SARL Etablissements Sautecoeur que cette dernière ne pouvait pas continuer à employer Monsieur Randado en raison de la clause de non- concurrence ;
Attendu qu'il ressort encore des productions que Monsieur Randado a été réembauché à compter du 9 octobre 1995 par la SARL Longeon Rectification ainsi que par l'EURL Longeon Castelnau, dont les sièges sociaux se trouvent à Saint-Jean de Vedas et Castelnau-le-Lez, en qualité d'attaché commercial chargé de visiter la clientèle selon des contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel du 10 octobre 1995 et licencié pour motif économique le 27 juin 1996 ; que le 2 septembre 1996, il a été embauché par la SARL Etablissements Sautecoeur dont le siège social se trouve à Arles, en qualité de chef de magasin, jusqu'au 6 septembre 1996 ;
Attendu que la société AMREC et Maître Bringuier produisent deux factures établies les 31 mai et 5 juin 1996 par la société Longeon Castelnau Rectification, respectivement au nom du Garage Severine à Nîmes et des Forestiers du Sud ainsi que deux relevés de compte au nom de ces sociétés ;
Attendu qu'il importe de constater que les activités des sociétés AMREC, Longeon Rectification, Longeon Castelnau Rectification et de la SARL Sautecoeur étaient les mêmes, soit la rectification ainsi que la vente de pièces et les emplois de Monsieur Randado au service de ces différents employeurs identiques dès tors qu'il était chargé des ventes et des relations avec la clientèle; que, compte tenu de l'implantation de la société AMREC, en Arles, et malgré l'absence de précision du secteur géographique dans le contrat de travail du 1er mars 1993, la ville de Nîmes et, à plus forte raison celle d'Arles, faisaient partie, en raison de la proximité, du secteur protégé; que dès lors que la clause de non-concurrence interdisait à Monsieur Randado de s'intéresser "directement ou indirectement à quelque titre ou de quelque manière que ce soit à toute affaire créée ou en voie de création susceptible de concurrencer la société " dans l'ensemble du secteur concédé, le manquement du salarié résultait de la seule embauche, sans qu'il soit nécessaire que des actes de concurrence concrets aient été consommés par lui personnellement;
Attendu qu'il en résulte d'une part que la société AMREC, qui n'avait pas renoncé à la clause de non-concurrence, n'a pas versé à Monsieur Randado l'indemnité mensuelle à laquelle elle était tenue, de sorte que le salarié s'est trouvé lui-même libéré et, d'autre part, que Monsieur Randado, n'ayant pas respecté ladite clause, ne peut pas prétendre au paiement de la contrepartie pécuniaire;
Attendu que le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a accueilli la demande de Monsieur Randado et les parties déboutées de leurs prétentions respectives;
SUR LES DÉPENS :
Attendu que le jugement sera encore réformé, tant pour les dépens que pour la condamnation prononcée sur la base de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties ; que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant en matière Prud'homale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la SA AMREC en son appel, Au fond, Réforme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nîmes du 31 octobre 1997 et déboute la SA AMREC ainsi que Monsieur Randado de leurs demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre la SA AMREC et Monsieur Randado.