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Décisions

CA Pau, ch. soc., 14 juin 1999, n° 98-00197

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garrigou

Défendeur :

OK Service SBAD (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. d'Uhalt

Conseillers :

MM. Parant, Poque

Avocat :

Me Viala.

Cons. prud'h. Pau, du 17 déc. 1997

17 décembre 1997

Monsieur Garrigou a été embauché par la SARL SBAD OK Service en qualité d'agent technico-commercial par contrat à durée indéterminée du 18 octobre 1996 ; selon la convention des parties, il devait exercer dans la zone des Pyrénées-Atlantiques les activités d'intervention technique de dépannage en plomberie, électricité, serrurerie, vitrerie, menuiserie, chauffage, électroménager ; en outre il devait procéder à la vente de services sous la forme de contrats d'abonnement, de travaux d'installation et de rénovation de l'habitat, et celle de biens d'équipement ou de marchandises.

Qualifié de VRP par le contrat, il s'engageait à exercer son activité à titre exclusif, à effectuer le compte rendu de ses visites et, tout en bénéficiant d'un horaire de travail librement déterminé, à accomplir ses prestations pendant les heures d'ouverture de la société de 8 h à 20 h tous les jours sauf le dimanche et les jours fériés.

Sa rémunération était calculée en fonction de points attribués pour les actions commerciales réalisées, les prestations facturées et encaissées, le représentant s'engageant à atteindre 10.000 points par semaine sur les 13 dernières semaines échues ;

S'estimant en désaccord avec la rémunération qui lui était servie, Monsieur Garrigou a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pau le 24 mars 1997 en sollicitant la condamnation de son employeur au paiement d'un rappel de salaire d'un montant de 12.185 F, de 10.000 F de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel, à la remise de bulletins de paye rectifiés pour les mois d'octobre 1996 à mars 1997 et à l'allocation de 3.000 F de frais non taxables.

Après mise à pied à titre conservatoire à partir du 3 avril 1997, Monsieur Garrigou a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 avril 1997 pour les motifs suivants :

- non-respect des indications, instructions et méthodes de travail fixées par la société par refus d'établir des comptes rendus de visite aux clients,

- non-respect du quota de production,

- non-remise des espèces suite à des interventions effectuées chez des clients,

- encaissement à son profit de chèques remis par le client Joan,

- interventions défectueuses auprès de certains clients,

- non-respect de l'obligation contractuelle de maintenir en bon état le véhicule mis à sa disposition.

A l'audience du Conseil de Prud'hommes, la SARL SBAD OK Service s'est portée reconventionnellement demanderesse en sollicitant la condamnation de son salarié au paiement de 5.414,92 F au titre des sommes détournées, 1.200 F pour les frais de remise en état du véhicule avec intérêts au taux légal outre 5.000 F de frais non taxables.

Par jugement du 17 décembre 1997 Monsieur Garrigou a été débouté de ses demandes et condamné à payer à son ex-employeur la somme de 1.000 F de frais non taxables ; estimant ne pouvoir apurer les comptes entre les parties, le Conseil de Prud'hommes a rejeté la demande de la SARL.

Le 12 janvier 1998 Monsieur Garrigou a relevé appel.

Conclusions de Monsieur Garrigou :

- dire que le licenciement est intervenu pour non-paiement de ses salaires,

- condamner la SARL SBAD OK Service à lui payer :

* 36.054,54 F au titre des salaires de décembre 1996 et du 1er février 1997 au 23 juin 1997,

* 3.605,24 F de congés payés,

* 6.406,79 F de préavis,

* 640,67 F de congés payés sur préavis,

* 60.000 F de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 4.000 F de frais non taxables.

Une décision du Conseil de Prud'hommes prise par son Président établit de manière définitive qu'il est bien salarié et non VRP ; depuis le mois de décembre, il ne percevait pas son salaire de manière régulière ; aucun travail ne lui était donné par son employeur et c'est la raison pour laquelle il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pau ; il était dû depuis l'origine le paiement du SMIC sur la base de 169 heures ; au vu du bulletin de salaire de décembre qui lui accorde 891,28 F il lui reste à percevoir 5.515,51 F ; ayant été contraint d'écrire une lettre de rupture le 23 juin 1997, les salaires lui seront dus jusqu'à cette date soit 36.054 F ;

D'autre part la plainte déposée par son employeur pour ses agissements qualifiés de frauduleux a été classée sans suite par le Parquet ; il n'a donc commis aucune faute ; son licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et il lui sera alloué 60.000 F de dommages et intérêts ;

Au surplus il n'a jamais été informé de la lettre de licenciement du 17 avril 1997 et son employeur n'en a pas fait état lors de l'audience de conciliation du 24 avril 1997; celui-ci connaissait d'ailleurs sa véritable adresse, 7 place d'Espagne à Pau.

Conclusions de la SARL SBAD OK Service :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pau,

- rejeter l'ensemble des prétentions de l'appelant,

- le condamner à payer 5.000 F de frais non taxables et les dépens.

L'ordonnance rendue le 22 mai 1997 par le Président du Conseil de Prud'hommes de Pau est une simple mesure d'administration judiciaire en ce qu'elle répartit l'affaire à la section commerce mais n'a aucune incidence sur son statut réel.

Monsieur Garrigou a signé le contrat de travail qui mentionnait son statut de VRP ; telles étaient ses fonctions car il devait prospecter la clientèle à l'extérieur des locaux de l'entreprise.

Le 24 mars 1997, il a d'ailleurs saisi le Conseil de Prud'hommes en vue d'une demande de rappel de salaire assis sur le SMIC VRP ; il se considérait bien Technico-commercial VRP.

Il a reçu un avertissement le 6 février 1997 car il ne procédait plus à aucun encaissement depuis le mois de janvier 1997, ne respectait plus les horaires d'intervention, n'assurait plus la facturation et ne pouvait être joint à la radio ; par la suite il a reçu de certains clients des chèques qu'il n'a pas restitués à son employeur et a commis d'autres infractions graves; la lettre de licenciement lui a été envoyée à l'adresse qu'il avait indiquée au moment de saisir le Conseil de Prud'hommes, 1, chemin de Noguer à Mourenx; ce courrier est revenu avec la mention qu'il n'habitait plus à cette adresse et la lettre a été signifiée par huissier ; il a donc eu connaissance du licenciement.

Le caractère frauduleux des détournements a déjà été constaté par la Chambre Sociale dans son arrêt du 22 mars 1998 ; Monsieur Garregou ne nie pas qu'il a reçu des chèques de Madame Joan et qu'il ne les a pas remis à son employeur ; il a commis d'autres détournements (voir clients Villaroya, Cerezal et Guillet).

Enfin il ne peut prétendre au SMIC VRP car il ne consacrait pas tout son temps de travail à son employeur depuis le mois de janvier 1997 ; il ne rendait pas compte de son activité et il ne peut prétendre au salaire minimum forfaitaire prévu par la convention collective des VRP.

A supposer qu'il ne soit pas VRP, il ne peut prétendre au SMIC puisque son horaire de travail ne peut être connu de manière précise.

DECISION DE LA COUR

Attendu que s'il n'a pas apposé sa signature en dernière page du contrat de travail, Monsieur Garrigou a inscrit son paraphe "PG" sur chacun des seize feuillets de ce document et ne peut donc contester qu'il en a eu connaissance ;

Attendu que la convention des parties spécifiait bien qu'il était un VRP affecté au secteur des Pyrénées-Atlantiques et rémunéré à la commission dont le montant était calculé en fonction des points attribués pour les actions commerciales réalisées : par exemple 1000 points pour un devis inférieur à 6.000 F, 2000 points s'il est compris entre 6.000 F et 9.000 F, 2000 pour la validation d'un abonnement "Tout Confort", un nombre de points égal au montant des travaux de petit dépannage, etc ;

Attendu que les réparations chez les particuliers étant facturées si l'intervention était supérieure à deux heures seulement, Monsieur Garrigou devait utiliser sa présence pour proposer l'achat d'appareils électroménager, la souscription d'abonnements de dépannage ou la commande de travaux destinés à l'installation, la réfection ou l'amélioration de l'habitat, en profitant des bonnes dispositions du client séduit par l'éventuelle gratuité de sa prestation ;

Attendu que les bulletins de paie d'octobre, novembre et décembre 1996 mentionnant un montant total de commissions de 7.109,46 F, 6.496,22 F et 5.447,16 F, il apparaît donc que le système mis en place par l'employeur était viable et permettait au salarié de percevoir un revenu supérieur au SMIC ;

Attendu que tout en s'obligeant à remettre à son employeur un compte rendu de son activité, il n'en était pas moins maître de son horaire qu'en fait et en droit il déterminait librement à l'intérieur de son secteur d'activité, les Pyrénées-Atlantiques dans le cadre du créneau horaire de 8 h à 20 h fixé par la société au profit de laquelle il s'était engagé à exercer son activité à titre exclusif ;

Attendu que l'ensemble de ces critères caractérise un contrat de représentation commerciale par un VRP, qualité qu'il a lui-même revendiquée lors de la saisine du Conseil de Prud'hommes le 24 mars 1997; attendu que bien évidemment l'ordonnance de répartition rendue par le Président du Conseil de Prud'hommes pour renvoyer l'affaire à la section commerce ne possède aucune autorité de chose jugée au fond surtout si comme en l'espèce elle néglige la qualification de VRP pourtant inscrite sur les bulletins de paye ;

Attendu que Monsieur Garrigou avait normalement droit au SMIC tel qu'il est défini par l'accord national interprofessionnel de 1975; mais attendu que s'étant engagé à réaliser un quota de 10.000 points chaque mois, Monsieur Garrigou n'a pas atteint cet objectif à compter du mois de décembre 1996 et le 6 février 1997 a fait l'objet d'un avertissement en raison de son laisser-aller ; attendu que s'il conteste l'avoir jamais reçu, ce document est toutefois revêtu de son paraphe ;

Attendu que durant les mois de décembre 1996, février et mars 1997 ainsi que pour 24 jours de travail pendant le mois d'avril 1997, il a reçu un salaire brut de 891 F, 2.226 F, 557 F et 2.271 F qui témoigne d'un travail dérisoire;

Attendu que l'article 11 du contrat de travail obligeait le salarié à reporter sur un journal de production hebdomadaire ses interventions avec les encaissements correspondants : "ce document rend compte de l'activité du TC pour la semaine concernée" ; mais attendu que le 6 février 1997 Monsieur Garrigou a apposé son paraphe sur une lettre d'avertissement ainsi libellée : les horaires d'interventions ne sont pas respectés, le suivi des clients ou la facturation ne se fait pas ou mal, il est souvent impossible de vous joindre à la radio, des interventions sont ainsi annulées et les remises d'espèces ne sont pas données le jour du passage au compte ; attendu qu'il était donc clairement reproché à ce salarié de ne point rendre compte de son travail, car il omettait délibérément d'indiquer la date des encaissements;

Attendu que se refusant, malgré un avertissement, à remettre le rapport prévu par le contrat de travail et plaçant donc son employeur dans l'impossibilité de connaître son activité effective, Monsieur Garrigou ne travaillait plus à temps plein et ne peut donc prétendre au SMIC ni à la rémunération minimale forfaitaire prévue par la convention collective des VRP(voir Lamy Social n° 2902) ;

Attendu que la rupture du contrat de travail n'est donc pas imputable au non paiement du salaire comme le présente l'appelant dans ses écritures ;

Attendu que l'employeur prouve par les déclarations de Madame Joan à l'huissier venu l'interroger que Monsieur Garrigou n'a pas remis trois chèques de 460 F, 2.800 F et 1.250 F qu'elle avait libellés en blanc en février, mars 1997, mais dans son esprit à l'ordre de la SARL SBAD OK Service ;

Attendu qu'il s'agit là d'un détournement caractérisé commis par ce salarié qui ne le conteste d'ailleurs pas ;

Idem de la non-remise d'espèces versées par trois clients Villaroya, Cerezal et Guillet d'un montant de 1.382 F, 353 F et 168 F ;

Attendu que ces faits constituent une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail en dépit du classement sans suite de la plainte déposée par la Société, car cette décision n'est investie d'aucune autorité juridictionnelle ;

Qu'enfin, ayant donné lors de la convocation en conciliation devant le Conseil de Prud'hommes son adresse à Mourenx, 1 chemin de Noguères, Monsieur Garrigou doit s'en prendre à lui-même si ce document est revenu à son expéditeur avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée" ; qu'en tout état de cause la première présentation de ce document a fixé la date de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que la décision du premier juge doit être confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de toutes ses prétentions et l'a condamné à payer à son adversaire 1.000 F de frais non taxables ;

Attendu qu'en cause d'appel l'intimé devra recevoir 1.500 F de frais non taxables ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement contradictoirement en matière prud'homale et en dernier ressort, Reçoit Monsieur Garrigou en son appel ; Au fond l'en déboute ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pau ; Condamne l'appelant à payer 1.500 F de frais non taxables à l'intimée. Le condamne aux dépens de l'instance d'appel.