CA Versailles, 5e ch. sect. 2, 29 mai 1986, n° 5592-85
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Jooris
Défendeur :
Établissement Kis Paris (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lallemant (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Poirier, Lere
Avocats :
Mes Atlan, Stabusch.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat écrit du 10 octobre 1983, la SARL Kis Paris a engagé M. Jooris Michel en qualité de représentant pour placer du matériel photographique moyennant des commissions dans un secteur comprenant initialement le Pas-de-Calais et la Somme, puis le Val d'Oise et la Seine-Saint-Denis. Il était prévu une période d'essai de trois mois et l'article 20 du contrat contenait une clause de non-concurrence pendant trois ans ;
Par lettre du 29 décembre 1983, M. Jooris demandait à l'employeur de prolonger sa période d'essai jusqu'à la mi-février 1984 ;
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 8 février 1984, la société Kis a fait savoir à M. Jooris qu'elle ne donnait pas suite à la période d'essai et qu'il sera libre de tout engagement dès réception de cette missive. Selon le certificat de travail, l'intéressé a quitté la société le 2 mars 1984 ;
Le 12 juillet 1984, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt de diverses demandes en dommages intérêts pour licenciement abusif, complément d'indemnité de préavis, contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, dont il a été débouté par jugement du 7 mars 1985 ;
M. Jooris en a régulièrement relevé appel le 13 mars 1985 ; cet appel portait sur la totalité du jugement ;
Actuellement l'intéressé limite son appel à la partie du jugement relative à l'indemnité compensatoire de la clause de non-concurrence. A cet égard, il invoque l'article 17 de l'Accord National Interprofessionnel des VRP et soutient que, pour rendre inopérante la clause de non-concurrence, la société Kis aurait dû, soit le licencier pendant les trois mois de sa présence dans l'entreprise, soit le dispenser de la clause de non-concurrence dans les quinze jours suivant la rupture, c'est-à-dire au plus tard le 23 février 1984, alors qu'elle n'y a renoncé que par lettre du 9 mai 1984 ;
Il fait valoir qu'il ne peut être fait d'amalgame entre la durée de trois mois prévue par l'article 17 précité et la période d'essai qui a été plus longue ;
Par voie de conséquence, l'appelant conclut à la réformation sur ce point du jugement déféré, à la condamnation de la SARL Kis au paiement d'une somme de 137 247,99 F au titre de contrepartie pécuniaire, avec les intérêts à compter de l'introduction de l'instance, et celle de 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
La société intimée fait valoir que la clause de non-concurrence ne joue pas lorsque la rupture intervient en cours de période d'essai. En conséquence, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris.
DISCUSSION
Considérant que l'Accord National des VRP prévoit notamment en son article 17 que "L'interdiction de concurrence ne pourra avoir d'effet si le représentant est licencié durant ses trois premiers mois d'emploi..." et que l'employeur pourra dispenser l'intéressé de l'exécution de la clause de non-concurrence sous condition de le prévenir par lettre recommandée avec avis de réception dans les 15 jours suivant la notification de la rupture ;
Considérant que c'est à la demande expresse de M. Jooris, invoquant des motifs explicités dans se lettre du 29 décembre 1983, que la période d'essai a été prorogée valablement;
Considérant sans douteque la rupture des relations contractuelles est intervenue postérieurement à l'expiration des trois premiers mois visés dans l'article 17 de l'Accord National sus rappelé, mais néanmoins en cours de période d'essai;
Considérant qu'il n'existe pas d'éléments faisant apparaître l'intention des parties de rendre la clause de non-concurrence applicable au cours de cette période;
Considérant de plus que le salarié qui a passé dans l'entreprise, non pas six mois, mais quatre mois et vingt jours, n'a pas été en mesure d'acquérir sur son matériel et ses méthodes des informations lui permettant de contribuer à une action concurrentielle, d'où il s'infère que la clause de non-concurrence en l'espèce ne répondait pas à une nécessité réelle et ne s'imposait pas;
Considérant dès lors qu'à défaut d'application de ladite clause, M. Jooris s'avère mal fondé en sa demande en paiement de sa contrepartie pécuniaire;
Considérant que succombant en son appel, le salarié doit en supporter les dépens et se trouve irrecevable en sa demande en paiements de frais non répétibles ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, limite son pécuniaire, le jugement de Boulogne en paiement ; Donne acte à M. Jooris Michel de ce qu'il appel à la demande relative à la contrepartie de la clause de non-concurrence ; Confirme sur le point déféré et sur les dépens ; rendu le 7 mars 1985 par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt ; Déclare M. Jooris irrecevable en sa demande de frais non répétibles ; le condamne aux dépens d'appel.