CA Paris, 16e ch. A, 3 juillet 2002, n° 1999-03448
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
FBH Champigny
Défendeur :
Atlas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mmes Cobert, Imbaud-Content
Avoués :
Me Blin, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Mary, Andrez.
La Cour a déjà été saisie de l'appel interjeté par la SCI FBH Champigny d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Créteil du 14 décembre 1998 qui a :
Dit que la Société Atlas bénéficie du statut des baux commerciaux quant à la location des locaux sis 85/87 Avenue du Général de Gaulle à Champigny sur Marne,
Débouté la SCI FBH Champigny de l'intégralité de ses demandes principales tendant à la déchéance de la Société Atlas du bénéfice du statut des baux commerciaux et à son expulsion,
Débouté la SCI FBH Champigny de sa demande subsidiaire d'expertise aux fins de déplafonnement du loyer de ces locaux commerciaux,
Dit que le bail commercial des locaux du 85/87 Avenue du Général de Gaulle à Champigny sur Marne est renouvelé à compter du 30 Juin 1995 aux clauses et conditions du bail du 20 mars 1986,
Dit que le loyer est fixé au montant résultant de l'application au loyer plafonné de la variation de l'indice du coût de la construction,
Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
Condamné la SCI FBH Champigny à payer dix mille francs (10.000 francs) à la Société Atlas au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de la procédure.
Par arrêt du 4 octobre 2000, avant dire droit au fond, elle a ordonné la réouverture des débats aux fins de voir :
1°) la Société Atlas produire la copie in extenso du contrat de concession la liant à la Société Avis.
2°) les parties conclure au vu de cet élément.
Pour l'exposé des faits et de la procédure, il convient de se reporter à celui développé dans l'arrêt du 4 Octobre 2000.
La SCI FBH Champigny, appelante, demande à la Cour de :
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau,
Dire et juger que la Société Atlas ne peut prétendre au bénéfice des dispositions du décret du 30 Septembre 1953 et, par voie de conséquence, au droit au renouvellement du bail du 20 mars 1986,
Dire et juger que la Société Atlas se trouve être sans droit ni titre sur les lieux loués,
Ordonner l'expulsion de la Société Atlas et celle de tous occupants de son chef des lieux qu'elle occupe à Champigny sur Marne (94) - 85/87 Avenue du Général de Gaulle, avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu,
Ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux au moment de l'expulsion dans tel garde-meuble au choix du propriétaire et aux frais, risques et périls de la Société Atlas,
Condamner la Société Atlas à payer à la SCI FBH Champigny une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 15.000Fcharges en sus, à compter de la date d'effet du congé, soit le 30 Juin 1995,
Subsidiairement,
Dire qu'il n'y a pas lieu à application de la règle du plafonnement,
Fixer à la somme de 168.000F par an le loyer en principal dû par la Société Atlas pour un bail en renouvellement du 30 juin 1995,
Le cas échéant,
Désigner un expert avec mission de donner son avis sur l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commerciabilité et sur la valeur locative du local considéré,
Condamner la Société Atlas à payer à la SCI FBH Champigny une somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens d'instance et d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Michel Blin, Avoué à la Cour, dans les conditions de l'article dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
La société Atlas, intimée, prie la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Débouter la SCI FBH Champigny de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
Ajoutant au jugement,
Condamner la SCI FBH Champigny à payer à la Société Atlas la somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamner la SCI FBH Champigny aux entiers dépens dont le montant pour ceux la concernant pourra être recouvré par la SCP Varin & Petit, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Ceci étant exposé, LA COUR,
Considérant qu'il convient de rappeler les termes du principe posé par l'arrêt du 4 octobre 2000 : le fonds de commerce est un ensemble d'éléments de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation afférente en vue de l'enrichissement de celui qui assume le risque d'une telle entreprise, c'est à dire celui de la perte des investissements qu'il a faits pour l'acquérir, le maintenir et le développer; dans le cas d'une exploitation de fonds après signature d'un accord de franchise, il faut observer que la sanction d'une éventuelle perte de clientèle voire d'un insuccès total au point, le cas échéant, de mettre en péril l'existence de son fonds ; dans ce cas de figure, le franchiseur n'est atteint que de manière différée, et, de manière limitée dans le temps s'il est avisé, dans le cas d'une franchise afférente à la commercialisation de produits finis, et de manière plus atténuée encore dans le cas d'une franchise portant sur des prestations de santé, sauf quel que soit l'objet du contrat de franchise, dépôt de bilan du franchisé dont celui-ci est quand même la première victime, il faut voir là la preuve que la clientèle attachée au fonds est celle de celui-ci, laquelle est donc autonome par rapport à celle du franchiseur ; cette constatation n'est pas en contradiction avec le fait qu'il y a interdépendance entre franchiseur et franchisé, laquelle se traduit ainsi schématiquement :
- sans fonds du franchisé, pas de création de clientèle pour le franchiseur, et, sans franchiseur, pas de clientèle pour le franchisé ;
Considérant que si la Cour a réouvert les débats, c'est en raison du fait qu'elle n'avait pas été mise à même de déterminer si comme la SCI FBH Champigny, bailleresse, le soutenait, la Société Atlas n'avait aucune indépendance vis à vis de la Société Avis, de sorte que la première aurait consenti à voir son sort remis entre les mains de la seconde ;
- les risques de l'exploitation échappant en fait à sa maîtrise, conséquence du fait que la clientèle est en réalité celle du franchiseur Avis ;
Considérant, ceci étant, qu'après production du contrat de licence liant la Société Atlas à la Société Avis, la SCI FBH Champigny y trouve que la Société Avis a des moyens de convaincre le licencié de se conformer à ses exigences en ce qui concerne les prix; que d'une part, selon les articles 2 et 3, le contrat est conclu pour une durée indéterminée résiliable à tout moment par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de six mois, et ce, sans paiement d'aucune indemnité de rupture; que d'autre part, il est stipulé que la Société Avis remettra périodiquement au licencié copie des tarifs qu'elle pratique dans ses stations en exploitation directe, et ce, à titre de référence et dans un souci d'homogénéité du réseau; que la Société Atlas doit adresser sans délai à la Société Avis une copie de ses tarifs en vigueur et des modificatifs ;
Que la SCI bailleresse fait observer que la Société Avis est autorisée à exercer un contrôle constant sur l'activité du licencié, lequel est tenu de fournir à date fixe chaque mois ses données commerciales et financières prévues dans les " normes " Avis, et le compte-rendu des revenus nets du mois précédent, chaque trimestre ses résultats d'exploitation et chaque année son bilan ;
Qu'en outre, la Société Avis a le droit d'agréer ou non un cessionnaire ;
Mais considérant qu'aucune des stipulations du contrat de licence invoquées par la SCI FBH Champigny n'a pour effet de faire perdre à la Société Atlas ni la maîtrise ni le poids des risques qu'elle encourt en tant que société commerciale ; que lesdites clauses ne sont que l'expression normale de l'interdépendance entre franchiseur et franchisé ;
Que si la société Avis doit se voir adresser des pièces comptables de la société Atlas à intervalles réguliers, c'est non parce qu'elle assume les risques pris par sa franchise, mais au contraire pour en prévenir les effets à son égard en cas de baisse anormale du chiffre d'affaires soumis à redevances en résiliant si nécessaire le contrat ;
Que quant à la fixation des prix, il est de l'intérêt même du franchisé de ne pas trop s'écarter des prix généralement pratiqués par la société Avis dans ses propres stations et de ceux des autres licenciés, - étant observé qu'il est stipulé " qu'aucune disposition du présent contrat ne saurait être interprétée comme imposant au licencié des tarifs ou des prix de location déterminée " ; que d'ailleurs si les prix préférentiels dits de groupe conclus sur la base d'accords nationaux ou internationaux, tels que pratiqués par la société Atlas, ne sont pas acceptés par les dits groupes, la société Avis ne forcera pas la société Atlas à l'exécuter aux tarifs résultant desdits accords mais fournira elle-même les prestations ;
Que de surcroît, le sondage fait auprès d'une centaine de ses clients par la société Atlas confirme si besoin était la réalité de la clientèle personnelle de la société Atlas en faisant ressortir que pour celle-ci, l'entrepreneur de louage de véhicules prime le concessionnaire Avis ;
Considérant que la société Atlas supporte " juridiquement " aussi les risques de son exploitation puisque le contrat de licence stipule que celle-ci et la société Avis " agissant en qualité de prestataire indépendant, chacune sous sa propre responsabilité et à ses propres risques " ;que partant, il y a là reconnaissance par la société Avis que la société Atlas a une clientèle attachée en son fonds par son savoir-faire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Atlas exploite un fonds qui lui appartient ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la société Atlas bénéficie du statut des baux commerciaux quant à la location des lieux dont il s'agit ;
Considérant que la SCI FBH Champigny, dans son assignation introductive d'instance du 18 juin 1997 n'a demandé qu'à titre subsidiaire la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative ; qu'à aucun moment, tant avant l'assignation introductive d'instance qu'après, la dite SCI n'a notifié à la société Atlas un mémoire ; que la Commission départementale de conciliation en matière de locaux à usage commercial dans son avis du 16 septembre 1996 avait déjà constaté l'absence de mémoire du bailleur ;
Considérant que, peu important que la Cour évoque ou non la fixation du loyer dont il s'agit, la question se pose de savoir si une assignation délivrée sans mémoire préalable n'est pas irrecevable par application de l'article 29-2 alinéa 1er, voire nulle pour inobservation d'une règle de fond (voir par exemple, Civ.3, 24 juin 1998, SCP G 1998, IV, n° 2836 ; CA Paris, 4 novembre 1980 Gaz. Palais 1981, 1, sommaire p. 21 ; en sens contraire : CA Paris, 16ème Chambre B, 21 novembre 1997, loyers et copopriété 1998, comm.43) ;
Considérant que les parties n'ayant pas conclu sur les effets de l'absence de mémoire tant avant qu'après l'assignation, la Cour se voit dans l'obligation d'ordonner la réouverture des débats pour les inviter à développer leurs moyens à cet égard ;
Considérant qu'il sera statué sur les demandes non tranchées par la présente décision par l'arrêt à intervenir ;
Par ces motifs, Réserve les dépens. Vu l'arrêt de cette chambre du 4 octobre 2000, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Atlas le statut des baux commerciaux s'applique aux rapports locatifs nés du bail liant la SCI FBH Champigny et la société Atlas, Avant dire droit sur la fixation du loyer du bail renouvelé en cause, - Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 25 mars 2003 à 14 heures, aux fins de voir les parties conclure sur les effets de l'absence de tout mémoire de la bailleresse, tant avant qu'après l'assignation, sur la régularité de la procédure de fixation dudit loyer, Dit que l'ordonnance de clôture interviendra le 22 janvier 2003. Dit qu'il sera statué sur les demandes non tranchées par la présente décision par l'arrêt à intervenir.