Livv
Décisions

CA Toulouse, 4e ch. soc., 23 octobre 1998, n° 97-02767

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maynard

Défendeur :

Editions Atlas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roger

Conseillers :

MM. Saint-Ramon, Rimour

Avocats :

Mes Lahana, Thorel.

Cons. prud'h. Toulouse, du 24 mars 1997

24 mars 1997

FAITS ET PROCEDURE

Madame Éliane Maynard est entrée au service de la société des Editions Atlas le 14 juin 1993 en qualité de VRP non exclusif à temps partiel sur l'agence de Toulouse moyennant une rémunération composée exclusivement de commissions.

Par lettre du 7 novembre 1994 elle a présenté sa démission.

Le 9 mai 1995 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de voir condamner l'employeur à lui régler le solde dû pour le minimum garanti, les indemnités kilométriques ainsi que les indemnités repas.

Par jugement du 24 mars 1997 le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Éliane Maynard a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

1°) Au soutien de son appel, Eliane Maynard fait plaider que dès son embauche elle a été confrontée à deux contraintes : la modification de son secteur avec un temps de déplacement important et la découverte d'un secteur géographique et humain inconnu ;

que malgré ces paramètres la condition du nombre d'argumentations réalisées a été tenue au mieux de ses possibilités ;

qu'elle est donc fondée à réclamer au titre du revenu minimum garanti pendant les trois premiers mois un solde pour un montant de 5 360,66 F.

2°) La salariée demande la reconnaissance de son statut de VRP à temps complet et expose que le contrat de travail doit correspondre à l'activité réellement exercée ;

qu'en l'espèce elle a été embauchée pour travailler sur le secteur de Toulouse mais qu'il lui a été rapidement demandé de travailler hors secteur et d'effectuer des argumentations à Saint-Gaudens et Tarbes ce qui entraînait des déplacements de 200 à 360 Kms par jour ;

que cette contrainte de déplacement de plusieurs heures par jour rendait naturellement impossible une activité à temps partiel ;

qu'en effet la totalité de la journée était consacrée à l'activité professionnelle au profit de la société Atlas ;

qu'en vertu de l'article 5 de l'accord du 3 octobre 1975 concernant les VRP pour pallier les difficultés d'application du SMIC, elle peut donc prétendre au versement de la somme de 15 767,25 F.

3°) Sur la question des frais, la salariée soulève qu'en ce qui concerne le secteur, il y a eu modification substantielle du contrat de travail ; qu'en effet aucune clause de mobilité n'autorisait ce changement sans un consentement exprès et écrit des parties ;

que d'autre part le contrat ne pouvait obliger une salariée à temps partiel à faire plus de 500 Kms par jour ;

qu'en outre elle a été engagée sur l'agence de Toulouse au même titre que monsieur Barthélemy sur l'agence de Saint-Gaudens alors que sur certains bulletins de salaire il était mentionné qu'elle dépendait de l'agence de Saint-Gaudens ou d'Agen ;

qu'enfin son assentiment tacite donné à sa mutation dans les régions de Saint-Gaudens et Tarbes ne valait pas renonciation aux frais exposés pour s'y rendre et y vivre et ne dispensait pas l'employeur de verser un salaire complet en tenant compte ;

qu'en conséquence elle est fondée à réclamer des frais de déplacement en fonction du barème interne de l'entreprise soit 1,84 F du kilomètre ainsi que les indemnités de repas.

4°) Enfin la salariée affirme que des promesses lui ont été faites pendant de nombreux mois sur le remboursement de ses frais et la régularisation d'un nouveau statut ;

que c'est en prévision de ce changement qu'elle a déménagé à Bérat ;

qu'après que l'ouverture d'une nouvelle agence à Saint-Gaudens ait été confiée à madame Blanc, sa supérieure hiérarchique, monsieur Misseil le directeur régional, leur avait affirmé que leur nouveau contrat, à toutes les deux, ne devait être qu'une formalité administrative ; que ce dernier ayant démissionné en octobre 1993, s'est bien gardé de témoigner en faveur de la société ;

qu'il est résulté de la non-réalisation de ces promesses un préjudice moral et financier ouvrant droit à l'allocation de dommages-intérêts.

Éliane Maynard demande donc à la cour de condamner la société Atlas à lui payer les sommes suivantes :

- 5 360,66 F brut au titre du solde dû pour le revenu minimum garanti ;

- 15 767,25 F brut à titre de complément de salaire ;

- 2 112,79 F à titre de complément de congés payés sur ces arriérés de salaire ;

- 99 801,60 F au titre des frais de déplacement ou subsidiairement 98 716,80 F si la cour devait appliquer le barème fiscal ;

- 8 100 F au titre des indemnités repas ;

- 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

- 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

1°) La société Editions Atlas réplique sur le revenu minimum garanti que la salariée n'a jamais rempli une des deux conditions auxquelles le versement était soumis à savoir une activité hebdomadaire de 25 argumentations par semaine ;

qu'elle a donc été justement rémunérée à la commission.

2°) Sur les frais, l'employeur fait au préalable observer que la salariée a déménagé le 1er janvier 1994 pour se rapprocher de son secteur et qu'elle n'habitait donc plus à Labège, base de calcul du kilométrage ;

qu'elle ne rapporte pas non plus la preuve d'avoir reçu une quelconque promesse.

Il explique que selon une jurisprudence constante, le remboursement des frais avancés par les VRP est inclus dans les commissions ;

qu'en l'espèce le contrat de travail de madame Maynard comprend à concurrence de 30 % les frais de prospection ;

qu'elle ne peut donc excepter à cette règle commune à tous les VRP.

La société précise qu'il n'y a pas eu modification substantielle du contrat de travail de la salariée ;

que ce dernier précisait que son secteur d'activité était celui de l'agence dont elle dépendait et qu'il était segmenté en fonction du nombre de représentants de l'agence ;

que son secteur pouvait donc être modifié par le directeur selon les nécessités de l'agence et en fonction du nombre de représentants et ce dans le cadre de son pouvoir de direction ;

que de surcroît, les secteurs de l'Ariège et Saint-Gaudens étaient rattachés à l'agence de Toulouse.

La société ajoute enfin que, comme en atteste monsieur Fontanel, c'est la salariée elle-même qui a réclamé un changement de secteur.

3°) Sur le statut de l'appelante, la société intimée fait observer que le contrat de travail stipulait bien un engagement à temps partiel ;

qu'elle disposait en outre de toute latitude pour organiser son temps de travail et travailler pour d'autres employeurs ;

que l'indépendance dont elle disposait ne peut lui permettre de se prévaloir des dispositions relatives à la durée légale du travail ;

qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un travail effectif à temps complet ; qu'elle ne saurait dès lors revendiquer l'application du SMIC réservé aux représentants travaillant pour un seul employeur à titre exclusif et exerçant leur emploi à plein temps.

4°) Sur les dommages-intérêts, l'employeur estime que l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'il se soit engagé à lui rembourser les frais occasionnés par ses déplacements, pas plus qu'à régulariser un nouveau statut ;

qu'elle ne peut non plus revendiquer avoir subi un quelconque préjudice six mois après avoir rédigé sa lettre de démission qui ne fait d'ailleurs mention d'aucune inexécution de ses obligations.

La SA Editions Atlas demande donc à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner madame Maynard à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1°) SUR LA REGULARITE DU CONTRAT DE travail

Attendu que la première obligation de l'employeur est de payer au salarié un salaire correspondant à ses activités réelles et selon un barème minimum expressément prévu en l'espèce par la convention collective des VRP.

Attendu que les demandes de madame Maynard touchant au solde de salaire pour les trois premiers mois ainsi qu'au complément de salaire pour la durée totale de son emploi outre les congés payés y afférents, dépendent de la reconnaissance ou non du caractère à temps partiel de son activité.

Attendu que le contrat de travail se borne à engager madame Maynard comme " VRP non exclusif à temps partiel ".

Mais attendu que selon l'article L. 212-4-3 du Code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois; qu'en l'absence de ces mentions, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la durée exacte du travail convenue et aussi de sa répartition entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois.

Attendu que l'activité des VRP n'est pas dispensée de ces précisions; que la notion d'argumentation servant de base à la rémunération de la salariée est trop imprécise pour être retenue.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des documents soumis à l'appréciation de la cour que les horaires de travail de la salariée dépendaient nécessairement des déplacements qu'elle avait à accomplir et que la société Atlas ne nie pas la réalité de son activité à Saint-Gaudens, Tarbes ou même Agen, toutes villes éloignées d'environ 100 à 150 kilomètres de son domicile; que le temps de transport amenait madame Maynard à réaliser nécessairement un temps complet au seul service de la société Atlas.

Qu'il convient en conséquence de retenir un temps complet, le contrat de travail ne pouvant servir de preuve à l'encontre des conditions réelles d'activité de la salariée.

Attendu qu'il convient en conséquence d'allouer à madame Maynard le solde de salaire pour les trois premiers mois qui était fixé à 5 500 F dans l'annexe III de son contrat de travail soit la somme de 5 360,66 F.

Attendu qu'il convient de considérer qu'eu égard au temps plein réalisé par la salariée, ce salaire aurait dû être augmenté de 30 % de frais de prospection, qui ne lui ont pas été alloués.

Attendu en effet que le salaire minimum s'entend des sommes qui demeurent au salarié après avoir exposé les frais nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Attendu, s'agissant du complément de salaire pour la période totale d'emploi, qu'il convient d'observer que l'article 5 de l'accord du 3 octobre 1985 concernant les VRP est bien applicable à madame Maynard qui exerçait son activité pour un seul employeur et travaillait au service de cet employeur à temps plein.

Attendu que le calcul de la ressource minimale n'est pas contesté par la société Atlas, qu'il convient en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 15 767,25 F pour la période d'octobre 1993 à septembre 1994 ; que les congés payés afférents aux deux compléments de salaire s'élèvent à la somme de 2 112,79 F.

2°) SUR LES REMBOURSEMENTS DE FRAIS

Attendu que madame Maynard qui habitait Labège, a été embauchée par l'agence de Toulouse avec un secteur d'activité qui recouvrait celui de l'agence.

Attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que Tarbes, Saint-Gaudens ou Agen ne dépendent pas de l'agence de Toulouse.

Attendu qu'en envoyant madame Maynard travailler dans ces villes, l'employeur devait lui donner les moyens lui permettant d'accomplir sa mission et lui régler les frais de déplacement y afférents.

Attendu que la société produit une attestation de monsieur Alain Fontanel ancien directeur de la société Atlas, selon laquelle c'est madame Maynard qui a toujours voulu suivre madame Blanc dans ses déplacements à Tarbes et à Agen ; que cette attestation précise que son auteur trouve scandaleux d'essayer de profiter du fait que n'exerçant plus lui-même son activité au sein des Editions Atlas, madame Maynard essaye d'abuser de son absence et de soi-disant promesses non tenues.

Mais attendu que cette attestation est produite en photocopie, qu'elle est tapée à la machine, et que la signature qui y figure est totalement différente de celle de la pièce d'identité qui l'accompagne.

Qu'il convient en conséquence de l'écarter purement et simplement.

Attendu que l'assentiment donné par la salariée à ses mutations dans ces régions ne valait pas renonciation aux frais exposés pour s'y rendre et pour y vivre et ne dispensait pas l'employeur de verser un salaire complet permettant à la salariée de percevoir, après déduction de ses frais de prospection et de déplacement, le minimum légal que l'employeur a l'obligation de lui verser.

Attendu que la société Atlas ne conteste pas le taux de 1,84 F du kilomètre.

Attendu que madame Maynard pour la période de juin 1993 au 30 septembre 1993 affirme qu'elle a dû se rendre 20 jours ouvrés par mois de Labège à Saint-Gaudens ce qui représente une distance de 200 Kms par jour ; qu'il est exact que cette distance ne couvre pas les visites qu'elle avait à faire dans le cadre de la prospection qui constituait l'essentiel de son activité.

Que la société ne peut prétendre qu'elle était rémunérée de ses frais à raison de 30 %, puisqu'elle ne percevait même pas les 5 500 F qui lui avaient été promis par écrit dans son contrat.

Sur cette durée il lui est effectivement due la somme de 22 080 F.

Attendu, pour la période d'octobre 1993 à mars 1994, que le calcul de madame Maynard qui indique avoir dû se rendre tous les jours à Tarbes, ne tient pas compte de son changement de domicile intervenu le 1er janvier 1994 ; qu'elle fait état en effet d'une distance de 176 Kms, alors que 150 Kms séparent Toulouse de Tarbes et que Bérat est à environ 25 Kms de Toulouse en direction de Tarbes.

Mais attendu qu'elle ne compte pas davantage les déplacements afférents à son activité de prospection.

Que néanmoins, pour tenir compte des distances réellement accomplies, il convient de ramener la somme qu'elle réclame pour la période d'octobre 1993 à mars 1994 à la somme de 50 000 F.

Attendu que madame Maynard n'indique pas sur quel fondement elle sollicite des indemnités repas ; que néanmoins la distance qu'elle avait à parcourir entre son domicile et le lieu de son travail ainsi que la durée de celui-ci permet de faire droit à sa demande à hauteur de 8 100 F.

3°) SUR LES DOMMAGES-INTERETS

Attendu que madame Maynard n'établit pas de façon certaine les promesses qui lui auraient été faites touchant au remboursement de ses frais et à la régularisation d'un nouveau statut ; que néanmoins il apparaît qu'elle a travaillé à perte pendant de nombreux mois dans de telles conditions qu'elle a dû démissionner.

Qu'il convient dès lors de lui allouer des dommages-intérêts à hauteur de 20 000 F.

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ceux des frais non compris dans les dépens dont elle a fait l'avance, qu'il convient de condamner la société Atlas à lui payer la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : Réformant en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Dit et juge que madame Maynard Eliane a travaillé à temps complet pour la seule société des Editions Atlas en qualité de VRP du 14 juin 1993 au 7 novembre 1994 ; Dit et juge qu'elle n'a pas perçu le minimum légal prévu par la convention collective des VRP ; Condamne en conséquence la société des Editions Atlas à lui payer les sommes suivantes : solde de salaire pour les trois premiers mois : 5 360 F ; complément de salaire pour le 1er octobre 1993 au 30 mars 1994 : 15 767,25 F ; congés payés afférents à ces deux sommes : 2 112,79 F ; frais de déplacement : 72.060 F ; remboursement repas : 8 100 F ; article 700 : 8 000 F ; Condamne la société Editions Atlas en tous les dépens.