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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 6 novembre 1997, n° 95002449

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Marchal

Défendeur :

Martin (ès qual.), AT Cobra (SA), CGEA de Bordeaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chollet

Conseillers :

MM. Zanghellini, Lebrun

Avocats :

SCP Cottereau-Meunier, SCP Grognard-Lepage.

Cons. prud'h. Tours, sect. encadr., du 3…

3 juillet 1995

Mme Brigitte Marchal a intenté, contre la SA AT Cobra et Maître Martin, le représentant de ses créanciers, une action tendant à obtenir :

- 104.042 F de rappel de salaire,

- 10.044 F de congés payés y afférents,

- 79.297 F d'indemnité pécuniaire compensatrice de non-concurrence,

- 5.930 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Un jugement rendu le 3 juillet 1995 par le Conseil de Prud'Hommes de Tours, à la lecture duquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et des moyens initiaux des parties, lui a alloué les sommes suivantes :

- 9.937 F d'indemnité compensatrice de non-concurrence,

- 3.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

ces sommes devant être inscrites au passif de la SA AT Cobra à titre privilégié et chirographaire, et le jugement étant opposable à l'ASSEDIC du Sud-Ouest, dans la limite de sa garantie.

Cette décision a été notifiée à Mme Marchal le 5 juillet 1995.

Elle en a interjeté appel par lettre recommandée avec avis de réception postée le 4 août 1995.

Elle en sollicite l'infirmation et reprend ses trois demandes en principal telles qu'exposées ci-dessus, l'arrêt devant être déclaré opposable à l'ASSEDIC Maine-Touraine.

Elle critique le motif du jugement, qui, pour lui refuser le salaire minimum qu'elle revendique, s'est basé sur le contrat stipulant qu'elle exerçait une activité réduite à temps partiel.

Elle se fonde sur l'article L. 212-4-3 du Code du Travail, selon lequel un contrat à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, les conditions de modification de la répartition, les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures supplémentaires, alors que le contrat ne mentionne pas ces mentions obligatoires, et qu'en ce cas, le contrat est présumé conclu pour un horaire normal.

Elle souligne que la société ne rapporte nullement la preuve qu'elle travaillait à temps partiel, et qu'en conséquence elle ne pouvait percevoir, par trimestre, moins de 520 fois le SMIC horaire.

Elle présente un décompte précis selon lequel il lui est dû 104.042 F.

Par ailleurs, elle observe que la société a accusé réception de sa démission le 29 octobre 1993, mais que ce n'est que le 15 novembre 1993, c'est-à-dire plus de quinze jours après, qu'elle l'a libérée de la clause de non-concurrence.

Compte tenu du rappel de salaire qui lui est dû, elle doit percevoir une indemnité égale à :

118.947 F (salaire annuel) / 12 = (9.917 F x 1) / 3 = 3.304 F x 24 = 79.297 F.

Le Centre de Gestion et d'Études AGS de Bordeaux sollicite la confirmation du jugement, pour les motifs invoqués dans cette décision, et rappelle les limites et plafonds de sa garantie.

Maître Martin, représentant des créanciers, a été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 23 janvier 1997.

Il précise par écrit qu'il est maintenant le liquidateur de la SA AT Cobra.

Il ne comparaît pas à l'audience du 11 septembre 1997, de même que la SA AT Cobra, convoquée par lettre recommandée avec avis de réception du 18 octobre 1996 pour le 23 janvier 1997.

Sur ce LA COUR ;

Sur la recevabilité de l'appel,

Attendu que l'appel, interjeté dans le mois de la notification est recevable ;

Sur le rappel de salaire et de congés payés,

Sur la période du 27 novembre 1987 au 16 novembre 1990

Attendu que Mme Marchal, aux termes d'un certificat de travail établi le 16 novembre 1990, a été employée par la société AT Cobra, comme VRP, du 23 novembre 1987 au 16 novembre 1990 ;

Qu'aucun contrat écrit n'a été établi ;

Que, toutefois, les parties ont conclu, le 15 septembre 1989, un avenant applicable à compter du 1er octobre 1989, ayant pour objet de fixer les périodes mensuelles de travail, les commissions et l'attribution d'un véhicule de société ;

Que l'article premier de cet avenant régit la période mensuelle de travail et dispose qu'elle commence le 1er de chaque mois au matin pour se terminer le 30 ou le 31 au soir ;

Que, faute de contrat établi en 1987, et en présence, d'une part, d'un certificat de travail qui ne fait pas mention d'un temps partiel, et d'autre part un avenant, applicable à compter du 1er octobre 1989, disposant que le mois de travail de Mme Marchal commence le 1er au matin pour se terminer le 30 ou le 31 au soir, il est incontestable que, pour cette période, l'appelante était employée à temps complet ;

Qu'elle est dès lors fondée à bénéficier, en application de la Convention Collective, d'une rémunération trimestrielle égale à 520 fois le SMIC horaire ;

Que l'appelante ayant saisi le Conseil de Prud'Hommes le 1er septembre 1994, le rappel afférent au trimestre juillet, août et septembre 1989 n'est pas prescrit, car la garantie étant trimestrielle, c'est au 30 septembre 1989 qu'il convient de se placer pour apprécier si elle a droit à un complément ou non ;

Qu'il résulte de ses calculs et de ses feuilles de paie qu'elle a droit à un rappel de 827,60 F + 7.588,60 F + 15.636,60 F + 8.313,38 F = 32.366,18 F et 3.236,61 F de congés payés y afférents ;

Sur la période du 6 septembre 1991 au 29 octobre 1993

Attendu que, contrairement à la période précédente, les parties ont signé un contrat de représentant exclusif le 6 septembre 1991;

Que l'article VI de ce contrat dispose que "Bien qu'engagée à titre exclusif, elle déclare qu'elle n'exerce qu'une activité réduite à temps partiel, et ceci pour raison personnelle";

Que les parties ont ainsi expressément convenu d'une activité à temps partiel;

Que l'article L. 212-4-3 du Code du Travail, dans sa rédaction applicable à l'époque, dispose que le contrat à temps partiel :

- doit être écrit,

- doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les conditions de la modification éventuelle de cette répartition, et les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures supplémentaires;

Attendu que c'est seulement l'absence d'écrit qui a pour effet de faire présumer que le contrat a été conclu pour un horaire normal, et qu'en l'espèce il existe bien un tel contrat écrit;

Qu'en effet, aucune conséquence ne saurait être tirée de l'absence des mentions indiquées plus haut, dans la mesure où les conditions particulières dans lesquelles les VRP sont appelés à travailler excluent l'application des règles légales sur la durée du travail, cette activité n'étant pas quantifiable en terme de durée; qu'ainsi, si l'horaire d'un VRP à temps plein ne peut être déterminé, il en est d'autant plus ainsi lorsqu'il s'agit d'un VRP à temps partiel ; que Mme Marchal, pour des raisons personnelles, voulait ne travailler qu'à temps partiel et aménager ce temps partiel comme elle le souhaitait ; qu'elle était rémunérée exclusivement à la commission ;

Que l'article 5 de la Convention Collective dispose que la rémunération minimale forfaitaire ne concerne que les VRP à temps plein, et que ne peuvent la revendiquer les représentants qui, bien qu'engagés à titre exclusif, n'exercent qu'une activité à temps partiel;

Que Mme Marchal ne fait pas la preuve de ce que, contrairement aux énonciations du contrat, elle travaillait à temps plein;

Que l'attestation de Serge Deromas du 5 septembre 1997, irrégulière en la forme, elle n'indique pas qu'elle est établie en vue de la production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales ; que le crédit à apporter à cette attestation est de ce fait diminué ; qu'en outre, sur le fond, cette attestation, émanant du supérieur hiérarchique de Mme Marchal du 6 septembre 1992 au 29 février 1993, selon laquelle "Mme Marchal avait un contrat où elle était obligée de travailler du lundi matin au vendredi soir sans interruption, ordre de la Direction Générale, et qu'elle me rendait compte de son travail plusieurs fois par semaine et même tous les jours à ma demande par téléphone, fax et rapports de vente" n'est en aucun cas, convaincante, car il est inexact que Mme Marchal ait eu un contrat l'obligeant à travailler du lundi matin au vendredi soir, puisque ce contrat mentionnait un travail à temps partiel ; que le fait qu'elle rende compte de son travail plusieurs fois par semaine et même parfois tous les jours n'empêchait nullement qu'elle puisse ne travailler, par exemple, que le matin ou que l'après-midi ;

Qu'il en est de même des rapports journaliers fournis pour les semaines du 1er au 5 mars 1993, du 8 au 12 mars 1993 et du 11 au 15 mai d'on ne sait quelle année, rapports justifiant d'un travail quotidien ;

Que ces rapports sont en nombre insuffisant et ne sont pas incompatibles avec un travail à temps partiel, Mme Marchal pouvant ne pas travailler plusieurs jours avant ou après ces périodes, ou ne travailler qu'une partie de la journée, ces rapports révélant d'ailleurs une activité bien moindre le lundi et le vendredi ;

Que Mme Marchal sera donc déboutée pour cette période;

Sur l'indemnité compensatrice de non-concurrence

Attendu que l'article 15 du contrat stipule que :

- Mme Marchal est astreinte à une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans,

- pendant cette durée et conformément à la Convention Collective, elle a droit à une contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale égale à un tiers de mois, montant réduit de moitié en cas de démission,

- que cette contrepartie sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois,

- sous condition de prévenir le représentant dans les quinze jours par l'une ou l'autre des parties de la rupture, la société pourra dispenser Mme Marchal de l'exécution de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée ;

Que la société a reçu la démission de Mme Marchal le 29 octobre 1993, date de l'avis de réception de la lettre recommandée qu'elle a signé;

Que ce n'est que par lettre recommandée avec avis de réception du 15 novembre 1993 qu'elle l'a libérée de la clause de non-concurrence, alors que le délai de quinze jours était expiré;

Que l'indemnité pécuniaire est bien due;

Que Mme Marchal ayant perçu, au cours des douze derniers mois, une rémunération de 14.905 F, et ayant démissionné, l'indemnité est de :

14.905 F / 12 = (1.242 F x 1) / 3 = 414 F x 24 = 9.936 F/2 = 4.968 F ;

Qu'il y a lieu de fixer aux sommes allouées les créances de Mme Marchal à l'égard de la société AT Cobra, en liquidation judiciaire et de dire que Maître Jacqueline Martin, liquidateur, devra les inscrire au passif de la liquidation judiciaire, à titre privilégié ;

Qu'il convient en outre de déclarer le présent arrêt opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS de Bordeaux, dans les limites et plafonds de sa garantie, et de partager par moitié les dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Déclare recevable l'appel de Mme Brigitte Marchal, Infirme partiellement le jugement du 3 juillet 1995 et, statuant à nouveau, fixe aux sommes suivantes les créances de Mme Brigitte Marchal à l'égard de la SA AT Cobra, en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur Maître Jacqueline Martin : 32.366,18 F (trente deux mille trois cent soixante six francs et dix huit centimes) de rappel de salaire ; 3.236,61 F (trois mille deux cent trente six francs et soixante et un centimes) de congés payés y afférents, 4.968 F (quatre mille neuf cent soixante huit francs) d'indemnité compensatrice de non-concurrence, Dit que Maître Jacqueline Martin, liquidateur, devra inscrire les créances ci-dessus au passif de la liquidation, à titre privilégié, Déclare le présent arrêt opposable au Centre de Gestion et d'Étude AGS de Bordeaux, dans les limites et plafonds de sa garantie, Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre Mme Brigitte Marchal et la SA AT Cobra, en liquidation judiciaire, représentée par Maître Jacqueline Martin.