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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 6 mai 1998, n° 95-4565

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bourgatte

Défendeur :

Bayrol (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Filhouse

Conseillers :

MM. Puel, Magne

Avocats :

Mes Lemaire, Bonzi-Etienne, Kretz.

Cons. prud'h. Nîmes, sect. encadr., du 2…

29 septembre 1995

Embauché par la SARL Bayrol en qualité de VRP à compter du 3 février 1975 selon un contrat de travail des 3 et 9 février 1975, promu chef de vente du Sud Est le 10 décembre 1979 jusqu'au 4 décembre 1985, et "Formateur nouveau représentant" le 1er mars 1987, Monsieur Christian Bourgatte a refusé de signer un nouveau contrat de travail du 13 mars 1991, puis été chargé d'un secteur, étendu le 3 mai 1993 et, après avoir été convoqué le 7 septembre 1994 à un entretien préalable fixé au 14 septembre 1994, reporté au 21 septembre 1994, licencié avec dispense de préavis aux termes d'une lettre du 29 septembre 1994 pour insuffisance de résultats par rapport à son coût pour l'entreprise ;

Contestant cette mesure, Monsieur Christian Bourgatte a, le 7 novembre 1994, saisi la section "Encadrement" du Conseil de Prud'hommes de Nîmes qui, par jugement du 29 septembre 1995, a dit qu'il bénéficiait de la Convention collective nationale des VRP, condamné la SARL Bayrol à lui payer les sommes de 20.580 F à titre de troisième mois de préavis et de congés payés correspondants, débouté les parties de leurs autres demandes, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire et mis les dépens à la charge de la SARL Bayrol.

Monsieur Christian Bourgatte a, le 17 octobre 1995, régulièrement interjeté appel de ce jugement, cantonné à l'indemnité de clientèle, à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et à l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Il demande les sommes de :

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 553.319,98 F

- dommages-intérêts pour licenciement abusif : 277.660 F

- solde d'indemnité spéciale et conventionnelle : 83.424,60 F

- article 700 du Nouveau Code de procédure civile : 10.000 F

Il soutient que ses bulletins de salaire et le certificat de travail mentionnent la qualification de chef de secteur cependant qu'il n'a jamais reçu d'avertissement préalable et que le contrat initial ne prévoyait aucun objectif alors qu'il s'était opposé oralement à toute modification de son contrat de travail et que les objectifs, dont la preuve qu'ils avaient été portés à sa connaissance n'était pas établie, étaient irréalistes à la suite de la substitution des produits Environnement sain AG 5 à la gamme Produits Piscines en 1991, son chiffre d'affaires étant néanmoins en constante augmentation, contrairement à ceux de la SARL Bayrol et de Monsieur Rudolff, cependant que le coût salarial allégué était faux, les commissions étant supérieures au salaire fixe, et ne peut constituer une cause de licenciement ;

La SARL Bayrol conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel principal, à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au débouté, mais demande par voie d'appel incident la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que la Convention collective des VRP était applicable et la condamnation de Monsieur Christian Bourgatte à lui rembourser les sommes versées au titre du troisième mois ainsi que des congés payés en vertu du jugement, et à lui verser le montant de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que Monsieur Christian Bourgatte ne peut pas revendiquer la qualité de cadre et a perdu celle de VRP en 1979 cependant que ses résultats de 1991 à 1994 ont été inférieurs aux objectifs fixés d'un commun accord et en recul pour 1994, sa rémunération, composée pour l'essentiel d'une partie fixe, étant très élevée, alors que l'insuffisance de résultats constitue un motif légitime de licenciement et que le code APE de l'entreprise correspond au Commerce de gros de produits chimiques dont il a été fait application pour le versement de l'indemnité de licenciement de 79.210 F en fonction de laquelle Monsieur Christian Bourgatte a été rempli de ses droits, cependant subsidiairement que l'indemnité et les dommages-intérêts demandés sont exagérés ;

Monsieur Christian Bourgatte réplique que sa nomination en qualité de formateur constituait une promotion alors que ses bulletins de salaire se réfèrent à la Convention collective des VRP et mentionnent des commissions, cependant qu'il a refusé de signer des avenants ;

Sur ce

Sur la recevabilité des appels :

Attendu que la SARL Bayrol n'a fait valoir aucun moyen au soutien de ses conclusions d'irrecevabilité de l'appel principal qui, formé par lettre expédiée le 17 octobre 1995 au greffe du Conseil de Prud'hommes, soit dans le délai d'un mois, est régulier en la forme et recevable, ainsi que l'appel incident ;

Sur la Convention collective applicable :

Attendu que le seul contrat de travail conclut entre les parties par écrit les 3 et 9 février 1975 constitue un contrat de représentation commerciale ;

Attendu que le 24 octobre 1988 la SARL Bayrol a délivré à Monsieur Christian Bourgatte une attestation en vue de l'obtention d'une carte d'identité professionnelle de représentant exclusif ;

Attendu que le projet de contrat du 15 mars 1991 constitue aussi un contrat de représentation dès lors qu'il prévoyait encore l'exercice exclusif et constant de la profession pour le compte de l'employeur et l'interdiction d'opérations commerciales personnelles ; que les avenants des 13 mars 1991 et 3 mai 1993 confiaient à Monsieur Christian Bourgatte des secteurs géographiques déterminés ;

Attendu que, selon ses bulletins de salaire, la rémunération de Monsieur Christian Bourgatte comprenait des commissions dont le montant était légèrement supérieur à la partie fixe ;

Attendu que tous les bulletins de salaire mentionnent la Convention collective nationale des voyageurs, représentants, placiers ;

Attendu que l'exercice effectif de la profession de représentant par Monsieur Christian Bourgatte est certain ;

Attendu qu'à défaut d'une stipulation expresse de la Convention, une Convention collective intervenant dans une branche d'activité ne s'applique pas au VRP au service de l'entreprise qui en relève ;

Attendu que le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur Christian Bourgatte bénéficiait de la Convention collective des VRP ;

Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :

Attendu que le contrat de travail des 3 et 9 février 1975 stipulait que "lorsque 1 million de chiffre d'affaires sera atteint une nouvelle réglementation pourra être établie"; qu'il ne prévoyait en revanche nullement que la détermination des quotas imposés à Monsieur Christian Bourgatte était subordonnée à son accord;

Attendu que le 24 janvier 1991, la SARL Bayrol a fixé un objectif de 1.800.000 F en AG 5 dans les départements repris par Monsieur Christian Bourgatte, étant précisé que le chiffre d'affaires en AG 5 au 31 décembre 1990 était de 1.124.524 F et compte tenu du développement du "Bayrochlor Mini" ; que le 3 mai 1993, la SARL Bayrol a adressé à Monsieur Christian Bourgatte un "avenant" au contrat du 3 février 1975, précisant que le chiffre d'affaires existant au 31 décembre dans son secteur était de 3.248.664 F dont 1.002.889 F pour l'environnement sain et 600.000 F pour le secteur piscine ;

Attendu que la lettre de licenciement reproche à Monsieur Christian Bourgatte d'avoir réalisé des chiffres d'affaires inférieurs aux objectifs fixés, soit :

- 1991 : 1.347.000 F au lieu de 1.800.000 F,

- 1992: 1.645.000 F au lieu de 2.750.000 F,

- 1993 : 3.069.000 F au lieu de 4.000.000 F,

- 1994 : 2.203.000 F au lieu de 5.055.000 F ;

Attendu que, sans contester ces chiffres, Monsieur Christian Bourgatte soutient que les objectifs étaient irréalisables, notamment en 1991, compte tenu du changement de secteur et d'activité ; qu'il invoque en outre ses bons résultats antérieurs à 1991, ainsi que la progression de son chiffre d'affaires les années suivantes ;

Mais attendu que les chiffres d'affaires antérieurs ne sont pas en cause ; qu'en admettant son argument fondé pour l'année 1991, il n'en reste pas moins que les objectifs des années suivantes n'ont jamais été atteints, et que l'augmentation du chiffre d'affaires de l'année 1993, néanmoins inférieurs aux objectifs, s'explique par l'adjonction de nouveaux départements ainsi que d'une nouvelle activité ;

Attendu que le caractère irréaliste des objectifs ne s'avère pas démontré, en fonction des éléments mentionnés dans la lettre du 24 janvier 1991, et de la référence faite dans la lettre de licenciement aux résultats de Monsieur Rudolff, soit 5.572.000 F au 31 août 1994, indiqués dans les récapitulatifs produits et non contestés ;

Attendu que les insuffisances des chiffres d'affaires par rapport aux objectifs sont établis par les mêmes documents pour les autres années et que leur comparaison avec ceux de Monsieur Rudolff ne milite pas en faveur de Monsieur Christian Bourgatte mais démontre que les objectifs qui lui étaient fixés pouvaient être atteints, puisque les chiffres d'affaires de Monsieur Rudolff étaient nettement supérieurs aux siens ;

Attendu que l'influence de la conjoncture ne peut être utilement invoquée pour justifier les résultats des quatre exercices ;

Attendu qu'en admettant que les objectifs n'aient pas tous été régulièrement portés à la connaissance de Monsieur Christian Bourgatte, il n'en reste pas moins que l'insuffisance de résultats durant plusieurs exercices consécutifs constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, dès lors qu'aucune fraude n'est établie ni même alléguée contre l'employeur, abstraction faite de la charge salariale, et qu'il n'est pas soutenu ni démontré qu'elle résulte d'une faute de l'employeur ;

Attendu que le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef et Monsieur Christian Bourgatte débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et abusif ;

Sur l'indemnité spéciale et sur l'indemnité conventionnelle de rupture :

Attendu que Monsieur Christian Bourgatte demande une indemnité spéciale de rupturede 12.413 F X 9,20 = 114.199,60 F augmentée d'une indemnité conventionnelle de 10.725 F X 4,60 + 49.335 F = 163.534,60 F dont il déduit l'indemnité de rupture de 80.110 F déjà versée, soit un solde en sa faveur de 83.424,60 F ;

Mais attendu que Monsieur Christian Bourgatte n'avait pas expressément renoncé à l'indemnité "spéciale de rupture" [lire "de clientèle"] dans le délai de 30 jours à compte de la rupture du contrat; que dès lors sa demande de ce chef n'est pas fondée;

Et attendu que Monsieur Christian Bourgatte qui reconnaît lui-même avoir reçu une indemnité de rupture de 80.110 F, soit nettement supérieure à l'indemnité conventionnelle de 49.335 F, a été rempli de ses droits ;

Sur l'appel incident de la SARL Bayrol :

Attendu que dès lors qu'il a déjà été constaté que Monsieur Christian Bourgatte possédait la qualité de VRP, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il lui a alloué un troisième mois de préavis ainsi que les congés payés correspondants, et la SARL Bayrol déboutée de sa demande de remboursement de ces sommes ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

Attendu que le jugement déféré sera encore confirmé; que les parties succombant toutes deux partiellement en leurs prétentions respectives supporteront les dépens par moitié ; que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en matière prud'homale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit l'appel principal et l'appel incident, réguliers en la forme ; Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Déboute Monsieur Christian Bourgatte de ses demandes d'indemnité et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif, ainsi que d'indemnités spéciale et conventionnelle ; Déboute la SARL Bayrol de sa demande en restitution du troisième mois de préavis et des congés payés y afférents ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; Partage les dépens d'appel par moitié entre les parties.