Cass. com., 26 octobre 1993, n° 91-21.931
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
SAF des Montres Rolex (SA)
Défendeur :
Barichella (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Bézard, Rapporteur : M. Léonnet
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Le Bret, Laugier, Me Cossa.
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 1991) que la société Barichella, qui exploite des magasins de joaillerie à Nice et à Vichy, a demandé, à partir de 1985, à la société SAF Montres Rolex (société Rolex), d'être admise dans son réseau de distribution ; qu'elle a renouvelé sa demande en 1987 et en 1988 pour la ville de Vichy mais que, faute d'accord et la société Rolex ayant refusé de lui livrer les montres qu'elle avait commandées, elle l'a assignée en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce pour refus de vente ;
Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Barichella la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et de lui avoir enjoint de satisfaire la commande de montres qui lui avait été faite, alors, selon le pourvoi, que tout commerçant candidat à l'agrément comme distributeur agréé d'un réseau de distribution sélective doit satisfaire aux conditions qualitatives, dont le choix revient au créateur du réseau, et sans pouvoir prétendre à des aménagements qui aboutiraient à y introduire des discriminations ; qu'en dispensant la société Barichella de se conformer à l'article III-1-d susvisé, bien que sa contestation, révélatrice d'une absence de consentement sur certaines des conditions objectives de la sélection, ait porté non pas sur la validité dudit article, mais sur la circonstance, inopérante au regard de la formation d'un lien contractuel, que certains distributeurs avaient recours à un réparateur agréé, faute d'atelier propre, l'arrêt infirmatif attaqué, sans non plus tenir compte de ce que la société Barichella avait une activité distincte de celle d'horloger spécialisé, a violé les articles 85-3 du Traité instituant la Communauté économique européenne, 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 1108 du Code civil, sur la formation des contrats ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le seul critère qualitatif opposé par la société Rolex à la société Barichella, qui commercialise " des montres d'autres grandes marques ", pour lui refuser de faire partie de son réseau de distribution, concernait celui visé par l'article III-1-d du contrat-type imposant au distributeur agréé d'avoir un atelier de réparation et que la mise en application de ce critère était, dans la réalité des faits, contestée par la société Barichella, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le refus de la société Rolex n'était pas fondé, celle-ci n'établissant pas la preuve, qui lui incombait, que son réseau de distribution fonctionnait réellement selon les règles du contrat-type dont elle se prévalait et que le choix des revendeurs s'opérait de façon concrète, selon des critères objectifs opposables à tous, sans faire de discriminations entre les commerçants demandant à vendre ses produits; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Rolex fait en outre grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle s'était rendue coupable d'un refus de vente à l'encontre de la société Barichella en refusant de lui livrer les montres qu'elles avait commandées le 10 juin 1988, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, comme l'avait relevé le jugement dont la société Rolex sollicitait la confirmation, la prétendue commande, formulée de façon inhabituelle par lettre recommandée, n'était pas valable ni normale, en l'absence d'indication de prix comme de mention d'un mode de règlement ; que, faute de constater l'accord de l'acheteur potentiel sur le prix, l'arrêt attaqué, loin de caractériser une offre d'achat valable et, partant, un refus de vente, a violé les articles 1591 du Code civil et 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'ayant lui-même constaté que la commande du 10 juin 1988 était incomplète et imparfaite, l'arrêt attaqué ne pouvait la condamner en lui enjoignant de fournir les documents et précisions utiles à une " bonne exécution ", à en assumer les conditions à une date antérieure à la mise en œuvre de cette injonction ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1582 du Code civil et 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la commande faite par la société Barichella le 10 juin 1988 devait, à défaut d'indications contraires, être interprétée comme étant faite " au prix normal de distribution aux détaillants et aux conditions habituelles de paiement pratiquées pour des commandes semblables ", l'arrêt relève qu'il appartenait à la société Rolex, en cas de doute, de faire préciser les points qui pouvaient ne pas être intégralement connus par la société Barichella ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette commande étant régulière, le refus de vente opposé à la société Barichella était contraire aux dispositions de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, seul applicable au cas d'espèce ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.