Cass. soc., 18 juillet 2001, n° 98-40.307
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gelor (SA)
Défendeur :
Lamour, URSSAF de Paris, GARP, Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, Caisse nationale d'allocations familiales, ASSEDIC de Paris
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Roux-Cocheril (faisant fonction de)
Rapporteur :
Mme Lemoine Jeanjean
Avocat général :
M. Kehrig
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Richard, Mandelkern.
LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 98-40.07 et 99-42.499 ; - Attendu que la société Gelor a engagé M. Lamour, suivant deux contrats de travail à durée déterminée successifs, du 19 avril 1993 au 19 octobre 1993 ; qu'il était chargé de distribuer les produits de la société ; que, le 25 octobre 1993, la société a conclu avec M. Lamour un contrat de franchise d'une durée de 6 ans ayant le même objet ; que, le 13 juin 1994, elle a résilié le contrat de franchise ; que M. Lamour a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification du contrat de franchise en un contrat de travail, au remboursement de sommes payées en exécution du contrat de franchise et au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 19 novembre 1997 par la cour d'appel de Paris : - Attendu que la société Gelor reproche à l'arrêt attaqué de prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 25 octobre 1993 ainsi que celle des contrats afférents, de dire que les parties étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée et de la condamner en conséquence à payer diverses sommes, alors, selon les moyens :
1°) que la cour d'appel ne pouvait déduire l'existence d'une subordination juridique du seul fait que les horaires de chargement de marchandises dans les dépôts Eismann étaient limités pour l'ensemble des vendeurs, franchisés compris, sans s'expliquer sur le fait invoqué par la société selon lequel, d'une part, l'obligation générale de respecter les horaires d'ouverture du dépôt ne visait qu'à éviter la désorganisation de l'entreprise, d'autre part, que M. Lamour exerçait, par ailleurs, son activité en l'absence de toute contrainte horaire imposée par le franchiseur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 120-3 et L. 121-1 du Code du travail ;
2°) qu'en retenant que les prix de vente des produits étaient fixés par la société Gelor dans des catalogues remis à la clientèle, de sorte que le franchisé ne conservait pas une réelle autonomie dans la fixation du prix de revente, sans préciser en quoi le franchisé était, en fait, dans l'obligation d'appliquer ces tarifs dont l'arrêt constate lui-même qu'il ne s'agissait que de prix conseillés, donnés à titre indicatif, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des dispositions précités ;
3°) que la présomption de non-salariat des personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés, posée par l'article L. 120-3 du Code du travail, ne peut être détruite que lorsque l'exercice de leurs fonctions place les intéressées dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ouvrage ; qu'en se bornant à l'affirmation générale selon laquelle le directeur des ventes de la société Gelor exerçait une pression hiérarchique sur les franchisés comme sur les vendeurs salariés, sans constater que M. Lamour recevait des ordres et directives de son contractant, ni qu'il ait été soumis à un quelconque contrôle de la part de ce dernier dans l'exécution de ses prestations, la cour d'appel a privé encore sa décision de base légale au regard des textes précités ;
4°) que la société Gelor faisait précisément valoir sur ces points que M. Lamour exerçait son activité en toute indépendance en jouissant d'une entière liberté dans l'organisation de son travail, qu'il était libre du choix de ses moyens de travail et de sa clientèle ainsi que des marchandises qu'il offrait à la vente sans que la société Gelor exerce aucun contrôle sur sa démarche commerciale ; qu'en ne répondant pas à ce chef des écritures de la société, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5°) qu'en se bornant à retenir que le document mis à jour le 27 septembre 1993 intitulé "la franchise", remis à M. Lamour, avant la signature du contrat, ne comportait pas d'information sur la présentation du réseau d'exploitants, sans répondre aux conclusions de la société Gelor qui faisait valoir que le document de présentation du réseau de franchise avait été remis à part à l'intéressé, et dans les délais légaux, comme en attestait le fait que l'intéressé reconnaissait lui- même, lors de la signature du contrat de franchise, qu'il avait été satisfait aux obligations légales d'information et qu'il connaissait les modalités principales du système de franchise organisé par la société, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
6°) et en tout état de cause, que le non-respect des dispositions de la loi du 31 décembre 1989 et de son décret d'application du 4 avril 1991 n'est sanctionné ni par la nullité du contrat de franchise ni par sa requalification en un contrat de travail ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a donc violé les textes susvisés ;
Mais attendu que, contrairement à ce qu'énonce le moyen, la cour d'appel n'a pas déduit l'existence d'une subordination juridique de la seule limitation des horaires de chargement des marchandises ;qu'elle a également relevé que M. Lamour était dans l'obligation d'appliquer un tarif généralisé à l'ensemble du réseau et que le directeur des ventes exerçait une pression hiérarchique sur lui ; qu'en dépit de l'immatriculation de M. Lamour au registre du commerce et des sociétés, elle a pu déduire de l'ensemble de ces éléments l'existence d'un lien de subordination caractérisant le contrat de travail ;que, par ce seul motif, abstraction faite du motif surabondant relatif aux obligations légales d'information en cas de contrat de franchise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi : - Attendu que la société Gelor reproche à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail de M. Lamour, alors, selon le moyen, que constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait de la part de M. Lamour d'avoir fait état de l'inscription d'une prétendue nouvelle cliente qui était pourtant en mesure d'attester n'avoir jamais été cliente du vendeur et ne même pas posséder de congélateur, et ce dans le but de percevoir la rémunération versée par la société en cas d'apport de nouveau client, ainsi que d'avoir mentionné sur ses relevés des facturations concernant des clients n'ayant effectué aucune commande ; qu'en écartant la faute de l'intéressé en se retranchant derrière le faible montant des sommes indûment perçues par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 24 février 1999 : - Attendu que la société Gelor défère cet arrêt à la censure de la Cour de Cassation, par application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, en ce que ses dispositions et condamnations sont la conséquence de la requalification du contrat de franchise par l'arrêt rendu le 19 décembre 1997 par la cour d'appel de Paris ;
Mais attendu que l'arrêt rendu le 19 décembre 1997 n'ayant pas été cassé, le moyen est sans fondement ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.