Cass. com., 8 juin 1999, n° 96-18.108
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Duran (ès qual.), Société Générale de l'Automobile du Morbihan, Gathrat
Défendeur :
Opel France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Vigneron
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Guy Lesourd, SCP Piwnica, Molinié.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mai 1996), que, par contrat de concession à durée déterminée, prenant effet le 1er janvier 1987, la société General Motors France, devenue société Opel France (le concédant) a chargé la société Générale Automobile du Morbihan (le concessionnaire, dirigée par M. Gathrat, de la commercialisation de ses véhicules dans une zone définie ; que, le 2 juillet 1990, le concédant a élargi cette zone, mais y a nommé un second concessionnaire, puis a résilié le contrat ; que M. Duran, agissant en qualité de liquidateur judiciaire du concessionnaire, et M. Gathrat, soutenant que le concédant n'avait pas respecté l'exclusivité territoriale du concessionnaire et avait résilié abusivement le contrat, ont assigné celui-ci en paiement de dommages-intérêts ;
Sur les premier et second moyens, le premier pris en ses trois branches, réunis : - Attendu que le liquidateur et M. Gathrat reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que c'est par des motifs inopérants que l'arrêt a relevé que le contrat du 1er janvier 1987 n'avait pas conféré d'exclusivité au concessionnaire quant à la vente ou à la représentation, dès lors qu'il est expressément stipulé que le concessionnaire n'est ni agent, ni représentant, ni mandataire du concédant, l'absence de cette qualité ne permettant pas d'exclure ipso facto une exclusivité consentie au concessionnaire ; qu'il a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 2-3-1 "obligations du concessionnaire" des "dispositions supplémentaires du contrat de concession" que le concessionnaire n'est pas libre, dans ses locaux, d'adjoindre à la représentation de la marque Opel une représentation concurrente et qu'il ne peut pas davantage exploiter sa concession en dehors de la zone principale de responsabilité ; que l'arrêt, qui a néanmoins retenu qu'il n'était pas interdit au concessionnaire de vendre des produits concurrents aux produits du concédant, de même qu'il avait la faculté d'établir hors de sa zone un point de vente des produits du concédant, a violé l'article 2-3-1 des dispositions supplémentaires et refusé de donner effet à la convention des parties en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, que dans l'annexe zone principale de responsabilité à effet du 1er janvier 1987, la société GAM était le concessionnaire unique et, pendant la durée du contrat, la société General Motors France s'engageait à ne pas nommer d'autres concessionnaires, sauf "justifications objectives pour le faire" ; que, par annexe à effet du 2 juillet 1990, la société General Motors France a modifié la zone devenue "zone à concessions multiples de Lorient/Quimperlé" et a nommé deux concessionnaires sur cette zone ; que l'arrêt, qui relève que le concessionnaire ne pouvait se prétendre concessionnaire que sur sa zone principale de responsabilité et estime néanmoins que, pas davantage que le précédent, le contrat du 1er janvier 1987 n'accordait au concessionnaire une exclusivité quelconque quant à la vente ou à la "représentation" du concédant sur la zone principale de responsabilité, a dénaturé ce contrat dont fait partie intégrante son annexe "zone principale de responsabilité" en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions du liquidateur et de M. Gathrat selon lesquelles la société concédante ne justifiait pas de "raisons objectives" de modifier le territoire concédé car, d'un côté, les objectifs de vente, pour être unilatéralement fixés par la société Opel France, ne peuvent pas constituer des critères objectifs et, d'un autre côté, les "allocations" fournies par le concédant ont été systématiquement inférieures aux objectifs de vente, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le contrat de concession prévoit que pendant la durée du contrat, le concédant ne nommera d'autres concessionnaires dans la zone du concessionnaire que s'il y a des justifications objectives pour le faire; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas dénaturé le contrat en retenant que le concessionnaire ne bénéficiait pas d'une exclusivité territoriale, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches ;
Attendu, en second lieu, qu'en retenant que les mauvais résultats du concessionnaire qui avaient entraîné des impayés importants en 1989 ont légitimement conduit le concédant à modifier la zone du concessionnaire en la partageant avec un autre concessionnaire, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que le liquidateur et M. Gathrat font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 4-1-2 (h) des dispositions supplémentaires, qui est d'interprétation stricte, lorsque le concédant apprendra l'implication du concessionnaire dans des agissements susceptibles, de l'avis du concédant, de nuire à la réputation ou aux intérêts du concessionnaire ou de lui-même, le contrat sera résilié de plein droit par le concédant par notification écrite ; que la société General Motors, reprochant à son concessionnaire de ne pas lui avoir payé 17 véhicules et d'avoir émis cinq chèques sans provision, a notifié au concessionnaire qu'elle ne lui faisait plus confiance et qu'elle résiliait donc le contrat à effet immédiat sur le fondement de l'article 4-1-2 (h) des dispositions supplémentaires ; qu'en estimant que, ce faisant, le concédant avait agi légitimement sans rechercher en quoi les difficultés financières du concessionnaire pouvaient nuire à sa réputation, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4-1-2 (h) des dispositions supplémentaires du contrat de concession et de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que le défaut de paiement était expressément défini par l'article 4-1-2 (f) du contrat comme une cause de résiliation extraordinaire des relations contractuelles et ne pouvait donc motiver la rupture que sur ce fondement ; qu'en estimant néanmoins justifiée la rupture telle qu'invoquée par le concédant, l'arrêt a violé ensemble les articles 4-1-2 (h) et (f) des dispositions supplémentaires du contrat de concession et 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'il est constant qu'un concédant peut faire dégénérer en abus son droit de résiliation d'un contrat de concession à durée indéterminée en raison des circonstances qui accompagnent la rupture ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions du liquidateur et de M. Gathrat selon lesquelles ce n'est qu'aux termes d'une lettre du 25 janvier 1991 reçue le 28 que la société Opel France a notifié la rupture avec effet immédiat du contrat de concession, plusieurs mois après avoir arrêté sa décision et, à tout le moins, après avoir vidé l'entreprise de ses actifs, qu'il s'agisse des murs de la concession au mois d'août 1989 ou de ses stocks au mois de janvier 1990, la société Opel France étant parvenue, dans l'intervalle, à réduire sensiblement son risque, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le concédant a résilié le contrat par application de la clause résolutoire, en cas d'agissements du concessionnaire susceptibles de nuire à la réputation et aux intérêts du concédant, et relevé qu'au début de l'année 1991, le concessionnaire avait émis, à nouveau, des chèques sans provision pour un montant de 350 094,48 F, en règlement des fournitures du concédant, et qu'il avait accumulé de mauvais résultats depuis plusieurs mois, l'arrêt a pu retenir que le concédant avait résilié le contrat sans commettre de faute ; qu'analysant ensuite les circonstances de la rupture et répondant ainsi aux conclusions dont fait état la troisième branche, il a pu estimer que ces circonstances étaient exclusives de faute de la part du concédant ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.