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Décisions

Cass. com., 17 novembre 1998, n° 96-15.138

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pluri Publi (SA)

Défendeur :

Trebucq

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Lesourd

T. com. Paris, 19e ch., du 10 nov. 1994

10 novembre 1994

Sur le pourvoi formé par la société Pluri Publi, société anonyme, dont le siège est 63 ter, avenue Edouard Vaillant, 92100 Boulogne, en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section C), au profit de Mme Monique Trébucq, demeurant 22, rue Emile Guichenne, 64000 Pau, défenderesse à la cassation ; Mme Monique Trébucq, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Moyens produits - à l'appui du pourvoi principal - par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la SA Pluri Publi.

Premier moyen de cassation : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, dit nulle et de nul effet la clause du contrat de franchise conclu entre Madame Trebucq et la société Pluri Publi et débouté en conséquence cette dernière de sa demande en paiement de la clause pénale prévue en cas de violation de l'obligation de non-rétablissement stipulée par cette clause ; aux motifs propres que le franchisé ne rapporte pas la preuve de ce que le savoir-faire du franchiseur est devenu généralement connu ou facilement accessible ; que l'article 5) d qui exclut en ce cas l'exemption prévue à l'article 1er du règlement CEE n° 4087/78 du 30 novembre 1988 n'est pas applicable ; que l'exemption accordée par l'article 3c) du même règlement lorsque l'interdiction de rétablissement sur le territoire anciennement exploité par le franchisé n'excède pas un an est applicable aux contrats de franchise définis par son article 1er sauf si comme le prévoit l'article 8, celui-ci restreint la concurrence dans les conditions définies par cet article ; qu'à défaut de preuve par la société Pluri Publi de telles restrictions, le règlement d'exemption s'applique en l'espèce ; considérant que du fait que la restriction de non rétablissement de l'ex-franchisé sur son ancien territoire géographique excède la période d'un an prévue par le règlement d'exemption, la dite clause doit être annulée ;

1°) alors que l'article 30 du contrat de franchise conclu entre Mme Trebucq et la société Pluri Publi limite à une année seulement l'interdiction de rétablissement du franchisé dans le territoire où il a exercé la franchise ; qu'en affirmant qu'une telle clause excédait une année, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de franchise et violé l'article 1134 du code civil ;

2°) alors qu'en annulant la clause litigieuse au motif qu'elle ne respectait pas l'article 3c) du Règlement d'exemption n° 4087/88, tout en constatant dans le même temps (arrêt p. 7 et 8) que les accords de franchise en cause, en ce qu'ils constituaient des accords d'"importance mineure" au sens de la Communication du 3 décembre 1986, ne relevaient pas du champ d'application de l'article 85-1 du Traité de Rome, en sorte que leur validité n'était pas soumise au respect d'un règlement d'exemption, la cour d'appel a violé par fausse interprétation, les textes susvisés ;

3°) alors qu'en tout état de cause, la Cour de Justice des Communautés a dit pour droit "qu'un règlement d'exemption n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limite à établir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et par conséquent à la nullité de plein droit prévue à l'article 85-1 et 2 du Traité CEE ; qu'une clause qui ne remplit pas les conditions posées par un règlement d'exemption n'est pas nécessairement nulle" ; qu'en prononçant la nullité de la clause de non-rétablissement litigieuse au seul motif que sa durée excédait celle prévue par l'article 3c) de règlement d'exemption n° 4087/88, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4°) alors qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi la clause litigieuse était susceptible de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence au sein du marché commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

aux motifs eventuellement adoptes que la clause stipulée à l'article 17 du contrat est ainsi libellée : "... le franchisé s'interdit, pendant deux ans à compter de la rupture, de s'affilier, d'adhérer ou de participer directement ou indirectement à un réseau régional national, ou international concurrent ou d'en créer un lui-même... et ce sur tout le territoire national" ; que cette clause fait ainsi défense à l'ex-franchisé de poursuivre, pendant deux années ses activités non seulement sur la zone franchisée mais sur l'ensemble du territoire français et même par le canal d'un réseau télématique international ; qu'elle lui interdit donc son activité et doit donc être annulée ;

alors qu'une clause de non-rétablissement n'est illicite que si elle met le débiteur dans l'impossibilité d'exercer l'activité qui correspond à sa qualification professionnelle normale et à ses connaissances ; qu'en se bornant à énoncer que la clause litigieuse empêchait l'ex-franchisé de poursuivre son activité pendant deux années entières, sans rechercher si cette clause plaçait Madame Trebucq dans l'impossibilité absolue d'exercer une autre activité conforme à sa formation et à ses connaissances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

et aux motifs propres et adoptés enfin, que la clause étant illicite, elle doit être déclarée nulle et de nul effet ;

alors que si une clause de non-rétablissement peut-être annulée dans la mesure où elle est insuffisamment limitée dans le temps ou dans l'espace, elle ne doit l'être que dans cette mesure ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt que Madame Trebucq, au lendemain de la résiliation, a poursuivi, dans les mêmes locaux, l'exercice d'une activité identique en continuant à utiliser les méthodes, les documents et le savoir-faire du réseau "Hestia" ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait refuser d'appliquer la clause de non-rétablissement que le franchisé, dans la mesure de sa validité, avait indiscutablement violée (violation de l'article 1134 du code civil et du Règlement n° 4087/88).

Second moyen de cassation : il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 5.000 frs le montant des dommages-intérêts dus par Madame Trebucq pour résiliation abusive du contrat de franchise ; aux motifs que le contrat de franchise litigieux a organisé des rapports complexes entre les parties ; qu'il a en outre prévu l'évolution permanente de ceux-ci ; qu'ainsi, la société Pluri Publi qui a contractuellement exprimé sa volonté d'une possibilité de modification constante du contenu des services offerts par les franchisés, ne pouvait se méprendre sur les risques que son attitude, non fautive envers ceux-ci puisque contractuellement prévue, lui faisait courir de les voir résilier leurs contrats ; que compte tenu de cette circonstance, la cour dispose d'éléments suffisants pour limiter à 5.000 frs le préjudice subi par la société Pluri Publi ;

1°) alors que le contrat conclu par Mme Trebucq prévoit en son article 28 qu'en cas de résiliation anticipée aux torts du franchisé, celui-ci devra verser une somme forfaitaire, à titre de clause pénale, égale à 30 % de la moyenne des redevances versées avant la rupture multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'au terme du contrat ; qu'en écartant sans aucun motif l'application de cette clause que le tribunal, dont l'exposante demandait de ce chef la confirmation du jugement, avait justement appliqué, la cour d'appel a violé l'article 455 du NCPC ;

2°) alors que seule une faute du créancier de l'obligation inexécutée justifie une limitation de son droit à réparation ; qu'en réduisant l'indemnisation de la société Pluri-publi aux motifs que, bien que n'ayant commis aucune faute, elle devait prévoir que le risque que les franchisés ne résilient unilatéralement leur contrat avant son terme, eu égard au caractère "évolutif" du contenu de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil.

Moyens produits - à l'appui du pourvoi incident - par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme Monique Trebucq.

Premier moyen de cassation : Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de constater la nullité du contrat dit de franchise en date du 13 janvier 1992 passé entre Madame Trebucq et la société Pluri Publi ; aux motifs que le savoir-faire devait être apprécié à la date du contrat (arrêt p. 65) ; que, sur la qualification du contrat, sur les trois éléments du contrat de franchise, mise à la disposition d'une marque déposée intitulée qualification du contrat Hestia, communication d'un savoir-faire et fourniture d'une assistance commerciale, l'originalité du savoir-faire de la société Pluri Publi consistait en la combinaison d'une formule-club et d'une assurance-groupe destinées à attirer et fidéliser une clientèle spécifique recherchant à la fois l'optimisation de l'offre immobilière par l'accès à un service télématique et une actualisation des offres nées de l'envoi de publications régulières, le tout avec une sécurité juridique résultant d'un service d'assistance ou du bénéfice d'une assurance (arrêt p. 7 3) ; que le service destiné aux propriétaires est composé d'une aide à la gestion par la diffusion des offres, des informations et une assistance juridique ; que l'ensemble de ces éléments constitue donc un service unique réalisé par la réunion de plusieurs composants qui constituent, ensemble, le système d'aide à la gestion locative et qu'il respecte donc les interdictions posées par l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (arrêt p. 9 dernier ) ;

alors d'une part que le contrat de franchise suppose la transmission d'un savoir-faire, c'est-à-dire, selon la définition du réglement CEE n° 4087/88 du 30 novembre 1988, la transmission d'un ensemble d'informations pratiques non brevetées résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci qui est secret, substantiel et identifié, ainsi qu'une assistance continue pendant la durée de l'accord dans tous les éléments de l'engagement prévus dans le contrat de franchise ; qu'en l'espèce, le contrat de franchisage mentionnait l'existence d'une publicité faite par la société Pluri Publi à l'échelon national et local et de promotion ; que, sur ce point, Madame Trebucq faisait valoir que le service de publicité n'était pas rendu aucune publicité n'étant faite pour les franchisés de province (p. 4 1er points 2 et 3, p. 17 dernier , p. 19 1er points 2 et 5 ; concl. du 11 avril 1995), que la revue Que Choisir de juin 1993 avait souligné le manque absolu de savoir-faire de Hestia dont les offres étaient indigentes (concl. du 2 novembre 1995 p. 7 3 et p. 10 1er) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen des conclusions de nature à démontrer que le consentement de Madame Trebucq avait été obtenu sur de fausses indications et était donc entaché d'erreur sur la susbtance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1-3 b) du réglement CEE n° 4087/88 du 30 novembre 1988 (JOCE n° L. 359 28 déc.), 1109 et 1110 du Code civil,

alors d'autre part qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

Second moyen de cassation (subsidiaire)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Trebucq de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur pour inexécution, par ce dernier, de ses obligations contractuelles, d'avoir déclaré que la résiliation du contrat était imputable à Madame Trebucq et de l'avoir condamnée à lui payer la somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive ; aux motifs que les reproches formulés par Madame Trebucq n'étaient que le récit des éléments de sa discorde avec la société Pluri Publi dont la preuve de la ou des fautes alléguées ne saurait résulter de leur seule dénonciation par la franchisée (arrêt p. 10 2) ; que, dès le 13 juillet 1993, date à laquelle Madame Trebucq avait résilié unilatéralement son contrat, elle se trouvait déjà en mesure d'offrir à ses clients les mêmes services sous l'enseigne CIEP, faits qui établissaient à l'évidence sa volonté arrêtée bien avant cette date de quitter le réseau et de se réinstaller quel que puisse être le résultat des discussions qu'elle entretenait alors avec la société Pluri Publi sur l'évolution du contenu de leurs rapports (ibid. p. 11 2), que cette résiliation lui était imputable et qu'elle devait être déclarée tenue à paiement de dommages et intérêts compensateurs du préjudice causé ; que le contrat de franchise litigieux avait organisé des rapports particulièrement complexes entre les parties et avait prévu l'évolution permanente de ceux-ci ; que la société Pluri Publi qui avait contractuellement exprimé sa volonté d'une possibilité de modification constante du contenu des services offerts par les franchisés, ne pouvait se méprendre sur les risques que son attitude, non fautive envers ceux-ci puisque contractuellement prévue, lui faisait courir de les voir résilier leurs contrats (ibid. p. 11 4) ;

alors d'une part que la résolution ne peut être demandée lorsque l'inexécution des obligations du débiteur résulte de la seule faute du créancier ; qu'en l'espèce, Madame Trebucq avait fait valoir, sans être démentie, que la société Pluri Publi ne respectait pas les engagements pris par elle notamment dans le domaine de la publicité (concl. du 11 avril 1995 p. 4. points 2 et 3 ; p. 19 points 5 et 6 et concl. du 2 novembre 1995 p. 7 dernier par. p. 8 et p. 10) ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de franchisage aux torts exclusifs de l'exposante sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

alors d'autre part que, en refusant de faire droit à la demande de résiliation de Madame Trebucq pour non-respect par la société Pluri Publi de ses obligations de franchiseur en matière de publicité au seul motif que la preuve des fautes de cette dernière ne saurait résulter de leur seule dénonciation par la franchisée, cependant que la société Pluri Publi n'avait jamais prétendu dans ses propres écritures, ni offert de prouver s'être acquittée des engagements de publicité pris par elle dans le contrat de franchisage, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile,

alors de troisième part que, lorsque chacune des parties a manqué à ses engagements et que chacune demande la résolution du contrat, le juge doit prononcer cette résolution aux torts et griefs réciproques des parties ; qu'en prononçant la résiliation des contrats de franchisage aux seuls torts de Madame Trebucq et en refusant de se prononcer sur les fautes reprochées que celle-ci imputait à la société Pluri Publi et qui consistait notamment à avoir

- imposé à ses adhérents des pénalités financières non contractuellement prévues pour des motifs totalement abusifs (concl. du 11 avril 1995 p. 4 1er point 1 et p. 19 1er point 1)

- détourné des fonds collectés au titre de la publicité pour payer son personnel ou rechercher d'autres franchisés, dont le réseau était utilisé pour financer ses propres déficits (ibid. p. 19 1er points 2 et 5 et concl. du 2 novembre 1995 p. 10),

au motif vague que la définition des prestations garanties avait été stipulée "évolutive" selon les articles 7 et 10 des contrats conclus ; cependant qu'aucun de ces articles ne se rapporte à la publicité et aux fonds recueillis à cet effet, lesquels font l'objet de la rubrique IV et des articles 14 et 15 du contrat de franchisage, la Cour d'appel n'a donné aucune base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;

alors enfin que l'évolution constante, prévue dans le contrat des services offerts par les franchisés, ne pouvait viser des pénalités financières non contractuellement prévues, cependant qu'en aucune de ses clauses, le contrat de franchise ne faisait référence aux pénalités financières instaurées du propre chef de Pluri Publi en mars 1991 ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil.

LA COUR, en l'audience publique du 6 octobre 1998, Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pluri Publi exerce, depuis une vingtaine d'années, sous l'enseigne et la marque Hestia, une activité de prestataire de services dans le secteur immobilier en vue de favoriser tout rapprochement entre particuliers, pour la vente et la location d'immeubles, au moyen d'adhésions à un "club", de publications multi hebdomadaires et d'un centre serveur télématique ; qu'elle a constitué un réseau de franchisage dans les principales villes françaises ; qu'à la suite de différends, survenus avec un certain nombre de franchisés, dont Mme Monique Trebucq, ceux-ci ont assigné la société Pluri Publi devant le tribunal de commerce en invoquant, en premier lieu, la nullité des contrats conclus avec elle et, en second lieu, en demandant la résiliation desdits contrats pour inexécution par le franchiseur de certaines de ses obligations ; que, par demandes reconventionnelles, la société Pluri Publi a sollicité le prononcé de la résiliation des contrats aux torts exclusifs des franchisés et leur condamnation à des dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses deux branches : - Attendu que Mme Monique Trebucq fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de constater la nullité du contrat de franchise litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de franchise suppose la transmission d'un savoir-faire, c'est-à-dire, selon la définition du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, la transmission d'un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci qui est secret, substantiel et identifié, ainsi qu'une assistance continue pendant la durée de l'accord dans tous les éléments de l'engagement prévus dans le contrat de franchise ; qu'en l'espèce, le contrat de franchisage mentionnait l'existence d'une publicité faite par la société Pluri Publi à l'échelon national et local et de promotions ; que, sur ce point, elle faisait valoir que le service de publicité n'était pas rendu, aucune publicité n'étant faite pour les franchisés de province, que la revue "Que Choisir" de juin 1993 avait souligné le manque absolu de savoir-faire de Hestia dont les offres étaient indigentes ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen des conclusions de nature à démontrer que son consentement avait été obtenu sur de fausses indications et était donc entaché d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1-3 b) du règlement CEE n° 4087-88 du 30 novembre 1988, 1109 et 1110 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les articles 6, 7 et 8 du contrat litigieux définissent de manière détaillée l'ensemble des informations techniques et commerciales devant être fournies aux franchisés par le franchiseur, la cour d'appel, en retenant dès lors que l'existence d'une obligation d'assistance pesant sur le franchiseur n'est pas contestable au regard des prévisions contractuelles, et que les critiques des franchisés quant au service rendu par le franchiseur en matière d'assistance commerciale relevaient de l'examen de la demande de résiliation du contrat pour inexécution fautive du franchiseur de ses obligations d'assistance, a, répondant ainsi en les rejetant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision au regard de la demande de nullité du contrat pour erreur sur la substance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le second moyen du pourvoi incident, pris en ses quatre branches : - Attendu que Mme Monique Trebucq fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur pour inexécution de ses obligations contractuelles, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la résolution ne peut être demandée lorsque l'inexécution des obligations du débiteur résulte de la seule faute du créancier, qu'en l'espèce, il avait fait valoir, sans être démenti, que la société Pluri Publi ne respectait pas les engagements pris par elle dans le domaine de la publicité ; qu'en prononçant la résiliation du contrat de franchisage à ses torts exclusifs, sans s'expliquer sur ce moyen des conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en refusant de faire droit à sa demande de résiliation pour non-respect par la société Pluri Publi de ses obligations de franchiseur en matière de publicité, au seul motif que la preuve des fautes de cette dernière ne saurait résulter de leur seule dénonciation par le franchisé, cependant que la société Pluri Publi n'avait jamais prétendu dans ses propres écritures, ni offert de prouver s'être acquittée des engagements de publicité pris par elle dans le contrat de franchisage, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que lorsque chacune des parties a manqué à ses engagements et que chacune demande la résolution du contrat, le juge doit prononcer cette résolution aux torts et griefs réciproques des parties ; qu'en prononçant la résiliation des contrats de franchisage aux seuls torts du franchisé et en refusant de se prononcer sur les fautes reprochées, que celui-ci imputait à la société Pluri Publi et qui consistaient notamment à avoir imposé à ses adhérents des pénalités financières non contractuellement prévues pour des motifs totalement abusifs et détourné des fonds collectés au titre de la publicité pour payer son personnel ou rechercher d'autres franchisés, dont le réseau était utilisé pour financer ses propres déficits, au motif vague que la définition des prestations garanties avait été stipulée "évolutive" selon les articles 7 et 10 des contrats conclus, cependant qu'aucun de ces articles ne se rapporte à la publicité et aux fonds recueillis à cet effet, lesquels font l'objet des seuls articles 5 et 11 du contrat de franchisage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que l'évolution constante, prévue dans le contrat, des services offerts par les franchisés ne pouvait viser des pénalités financières non contractuellement prévues, cependant qu'en aucune de ses clauses, le contrat de franchisage ne faisait référence aux pénalités financières instaurées du propre chef de la société Pluri Publi en mars 1991 ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les fautes reprochées à la société Pluri Publi par le franchisé pour justifier sa résiliation unilatérale du contrat par lettre du 13 juillet 1993 ne sont que le récit des éléments de sa discorde avec le franchiseur dont la preuve ne saurait résulter de leur seule dénonciation, que le franchisé est malvenu à dénoncer une banalisation du savoir-faire qu'il tenait de la société Pluri Publi pour en faire découler la résiliation du contrat puisqu'il persiste à mettre en œuvre, à son profit, le mode opératoire dont il dénonce la banalité et qu'il apparaît que, dès le 13 juillet 1993, date à laquelle le franchisé a résilié unilatéralement son contrat, il se trouvait déjà en mesure d'offrir à ses clients les mêmes services sous une autre enseigne, faits qui établissent sa volonté arrêtée bien avant cette date de quitter le réseau et de se réinstaller quelque puisse être le résultat des discussions qu'il entretenait alors avec la société Pluri Publi sur l'évolution du contenu de leurs rapports ; qu'abstraction faite des motifs surabondants visés par la dernière branche du moyen sur le caractère évolutif des obligations réciproques des parties, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et en répondant, en les rejetant, aux conclusions prétendument délaissées, a fait ressortir que les fautes alléguées par le franchisé n'étaient pas démontrées et a pu retenir que la résiliation du contrat lui était imputable, justifiant ainsi légalement sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 85, alinéa 1, du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l'article 3 c) du règlement CEE n° 4087/88 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85, alinéa 3, du Traité à des catégories d'accords de franchise ; - Attendu que, pour annuler la clause de non-rétablissement pour une durée de deux ans prévue à l'article 17 du contrat litigieux, l'arrêt retient, par motifs substitués à ceux des premiers juges, que l'article 3 c) du règlement d'exemption susvisé subordonne l'exemption à ce que l'interdiction de rétablissement sur le territoire anciennement exploité par le franchisé n'excède pas un an et que, du fait que la clause de non-rétablissement figurant dans le contrat litigieux, prévoit une durée supérieure à une année, cette clause doit être annulée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs qu'il n'était démontré, ni un dépassement du seuil de sensibilité, tel qu'un chiffre d'affaires de 200 millions d'écus mentionné par la communication de la Commission des Communautés européennes du 3 septembre 1986, concernant les accords d'importance mineure, au-delà duquel l'article 85, alinéa 1, du Traité serait applicable, ni la contribution significative du contrat litigieux à un effet de blocage du marché compte tenu de la part de marché réduite détenue par la société Pluri Publi, et qu'il en résultait que l'article 85, alinéa 1, du Traité et le règlement d'exemption susvisé n'étaient dès lors pas applicables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel a limité à 5 000 F le montant des dommages-intérêts dus par Mme Trebucq, sans répondre aux conclusions de la société Pluri Publi qui, en demandant la confirmation du jugement frappé d'appel, sollicitait la condamnation de Mme Trebucq sur le fondement de la clause pénale prévue au contrat de franchisage et sans constater dès lors le caractère manifestement excessif du montant contractuellement prévu ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du textes susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi principal : rejette le pourvoi incident ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a annulé la clause de non-rétablissement figurant à l'article 17 du contrat de franchisage conclu entre Mme Monique Trebucq et la société Pluri Publi, et a fixé à 5 000 F le préjudice subi par celle-ci du fait de la résiliation du contrat aux torts de Mme Trebucq, l'arrêt rendu le 8 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne Mme Trebucq aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Trebucq ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.