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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 2 avril 1998, n° 97-001009

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Coopérative Atlantique 3 (SCA)

Défendeur :

Garreau (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chollet

Conseillers :

MM. Zanghellini, Lebrun

Avocats :

SCP Pagot-Lemaire, Me Clot.

Cons. Prud'h. Romorantin-Lanthenay, du 1…

10 mars 1997

Monsieur et Madame Christian et Joëlle Garreau ont saisi le Conseil de Prud'Hommes de Romorantin-Lanthenay d'un certain nombre de demandes à l'encontre de la Société Coopérative Atlantique.

Madame Garreau sollicitant :

- 10.260 F de rappel de salaire du 11 mai 1992 au 1er septembre 1993,

- 1.026 F de congés payés y afférents,

- 33.868,13 F de rappel de salaire du 1er septembre 1992 au 23 janvier 1997,

- 2.868,60 F d'indemnité de licenciement,

- 20.000 F de dommages et intérêts pour retenue illégale de l'indemnité de préavis et de congés payés,

- 150.000 F de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur Garreau réclamant pour sa part :

- 27.314,27 F de rappel de salaire du 1er septembre 1992 au 23 janvier 1997,

- 2.868,60 F d'indemnité de licenciement,

- 20.000 F de dommages et intérêts pour retenue illégale de l'indemnité de préavis de congés payés,

- 150.000 F de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les époux Garreau réclament en outre 62.143,71 F en remboursement des déficits d'inventaire illégalement retenus et subsidiairement, une expertise comptable.

Un jugement du 10 mars 1997, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et des moyens initiaux des parties, a fait droit à toutes les demandes des époux Garreau, telles qu'indiquées ci-dessus, la somme allouée pour licenciements sans cause réelle et sérieuse étant toutefois 150.000 F à 50.000 F pour chacun d'entre eux.

Cette décision a été notifiée à la Coopérative le 11 mars 1997 ; elle en a interjeté appel le 11 avril 1997. La Coopérative demande que les époux Garreau, soient déboutés et condamnés à lui payer 8.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Après avoir conclu avec les époux Garreau un contrat de gérants intérimaires, leur assurant une rémunération globale mensuelle de 8.600 F (il était précisé que Madame Garreau ne devait travailler qu'à mi-temps), elle leur a confié, comme gérants mandataires non salariés, la succursale de Chartres sur Cher.

Le contrat prévoyait qu'ils seraient indépendants dans leur gestion, qu'ils s'engageaient à rembourser le déficit d'inventaire éventuel et enfin qu'ils devaient effectuer des tournées de vente à la voiture, pour lesquelles ils devaient percevoir une indemnité de chinage de 2.454 F par mois ; ultérieurement portée à 2.706 F par mois.

Les époux Garreau ayant cessé leurs tournées à compter du 17 septembre 1996, elle a prononcé la rupture de leur contrat. Après imputation du déficit d'inventaire dont ils étaient responsables, ils lui devaient 7.274,68 F.

Le rappel sollicité par Madame Garreau du 11 mai au 1er septembre 1992, au motif qu'elle devait être rémunérée comme son mari, ne lui est pas dû, car il s'agissait d'un contrat de couple, avec une rémunération globale, Madame Garreau travaillant à mi-temps, ce qui explique que sa rémunération était de moitié inférieure à celle de son mari.

C'est également à tort que les époux Garreau sollicitent la requalification de leur contrat en contrat de travail, car leur contrat de gérant non salarié comporte les trois conditions posées par l'article L. 782-1 du Code du travail ;

- la gestion d'une succursale leur a été confiée,

- ils étaient indépendants dans leur gestion et pouvaient librement embaucher du personnel,

- ils étaient rémunérés par des commissions proportionnelles au montant des ventes.

Le montant de leur rémunération, qui dépendait de leurs résultats, leur permettait d'embaucher du personnel.

Ils ne peuvent non plus prétendre que les conditions de travail leur étaient imposées, car la mission, mensuelle, de l'inspecteur commercial, n'était pas de les contrôler et de les sanctionner, mais de les conseiller. La notation n'avait pour but que de leur permettre de prendre la gérance d'une succursale plus importante.

Enfin, le contrat prévoyait qu'il s'agissait d'une gérance avec " vente à la voiture " et il ne s'agit pas d'une condition de travail imposée et non prévue par le contrat.

Les époux Garreau ayant le statut de gérants mandataires non salariés, ils ne peuvent prétendre à une rémunération au moins égale au SMIC, car leur rémunération peut être affectée, sans limite, par leurs déficits d'inventaire, aux termes d'une jurisprudence constante.

En l'espèce, les époux Garreau sont redevables d'un déficit d'inventaire qu'ils n'avaient aucunement critiqué jusqu'à ce jour et qui ne couvre aucunement un déficit de gestion, car il est uniquement fondé sur la différence entre le stock physique et le stock comptable et n'inclut pas le dépérissement des marchandises, les frais d'entretien du véhicule et les frais d'abonnement téléphonique, qui font l'objet d'une imputation distincte.

La Coopérative s'estime donc fondée à opérer compensation entre ce déficit et les sommes dues aux époux Garreau.

Par ailleurs, les tournées faisaient partie intégrante du contrat (contrat de gérance avec vente à la voiture), et ils percevaient une indemnité mensuelle destinée à les indemniser de leurs frais.

Ils ne peuvent pas se référer à l'article 22 de l'accord collectif, car celui-ci ne traite que de l'impossibilité pour les gérants d'acheter du matériel nécessaire aux tournées, alors qu'en l'espèce les époux Garreau avaient acheté ce matériel, et ne font référence qu'à des difficultés de réparation, alors qu'ils percevaient une indemnité annuelle de 32.500 F pour y faire face. Ayant manqué à leurs obligations en arrêtant les tournées, la rupture du contrat était justifiée.

La Coopérative indique enfin que, selon l'article 10 de l'accord collectif, l'indemnité de licenciement n'est pas due aux gérants ayant une ancienneté inférieure à cinq ans, ce qui était le cas des époux Garreau.

Les époux Garreau demandent la confirmation du jugement, formant toutefois appel incident sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, devant être fixés à 150.000 F.

Ils demandent subsidiairement une expertise pour déterminer le montant de leurs commissions et de leurs diverses indemnités, des déficits d'inventaire et des déficits de gestion.

Après rappel des faits tels qu'exposés au jugement, Madame Garreau expose que, du 11 mai au 1er septembre 1992, elle percevait 2.800 F par mois et son mari 5.700 F, alors qu'ils avaient les mêmes obligations et effectuaient le même travail. Elle explique que la société a ainsi méconnu l'article L. 140-2 du Code du travail et qu'il n'a jamais été convenu qu'elle travaille à temps partiel.

Les époux Garreau ajoutent que, si l'article 6 de leur contrat de travail énonçait le principe d'une gestion indépendante, d'autres articles annulaient cette indépendance ; ils devaient faire le chiffre d'affaires le plus élevé possible, ne pouvaient vendre à crédit, refuser des marchandises, même si elles étaient invendables, maintenir l'état de propreté de la succursale, respecter des règles pour la présentation des produits.

En outre, un inspecteur venait régulièrement les noter, et ce pour l'évolution du magasin.

En rendant les tournées obligatoires, la Coopérative fixait encore une condition de travail.

Par ailleurs, la liberté d'embaucher restait très théorique, car, comme l'ensemble de leurs collègues, ils percevaient une rémunération inférieure au SMIC, ce qui rendait une éventuelle embauche impossible.

Leur contrat doit donc être requalifié en gérance salariée.

En tout état de cause, même s'ils étaient gérants non salariés, ils avaient droit au SMIC, comme il résulte de l'article L. 782-3 du Code du travail et de la jurisprudence. Ils sont donc créanciers à ce titre, Monsieur Garreau de 27.314,27 F et Madame Garreau de 33.868,13 F.

Concernant le déficit d'inventaire de 62.143,71 F que la société prétend leur imputer du 1er septembre 1992 au 23 octobre 1996, il ne peut leur être réclamé s'ils sont gérants salariés. S'il peut l'être s'ils sont gérants non salariés, cette somme inclut une partie du déficit de gestion, car elle englobe les pertes dues au dépérissement naturel des marchandises et au refus de leur successeur, de même que les frais d'entretien du véhicule professionnel et les frais de téléphone supportés pour le compte de la Coopérative. Ils rappellent que de nombreuses marchandises leur étaient livrées à une date très proche de la date limite de vente, et ajoutent qu'une expertise pourrait permettre de déterminer le déficit qui leur est imputable.

Enfin, ils ont été licenciés pour avoir suspendu les tournées en raison du mauvais état de leur véhicule. L'inspecteur, Monsieur Nauleau, a constaté que ce véhicule était effectivement hors service.

Ils estiment qu'aux termes du contrat les tournées n'étaient pas obligatoires et invoquent l'article 22 de l'accord collectif, selon lequel l'impossibilité d'acheter le matériel nécessaire aux livraisons ne peut entraîner la rupture du contrat. La somme qui leur a été allouée par le Conseil de Prud'Hommes est insuffisante.

Ils ajoutent qu'ils ont droit à une indemnité de licenciement correspondant à une ancienneté de quatre ans et demi, que la retenue de leurs commissions d'octobre 1996, de leurs congés payés et de leur préavis par la société méconnaît l'article R. 145-2 du Code du travail. Ayant été sans ressources pendant quatre mois, cette faute inadmissible leur a causé un préjudice.

Enfin la coopérative réplique que :

- le principe d'une rémunération globale n'est pas illégal, et est prévu par le statut des gérants mandataires,

- revendiquant le statut de salarié, les époux Garreau doivent démontrer qu'ils exerçaient sous son contrôle et sous sa direction, ce qu'ils ne font pas, l'inspecteur n'ayant qu'un rôle de formation, d'explication et d'action, et les intimés ayant la possibilité d' embaucher,

- lorsqu'un déficit d'inventaire est constaté, il peut amputer la rémunération des gérants et la réduire au dessous du SMIC.

SUR CE LA COUR

Attendu que le jugement a été notifié à la Coopérative le 11 mars 1997 ; que son appel, interjeté le 11 avril 1997, est recevable ;

SUR LA DEMANDE DE MADAME GARREAU EN PAIEMENT DE 10.260 F ET DE 1.026 F DE CONGES PAYES Y AFFERENTS

Que le 11 mai 1992, la Coopérative a conclu avec Monsieur et Madame Garreau un contrat de gérance salariée intérimaire, les intimés devant effectuer des remplacements ;

Que ce contrat prévoyait un salaire mensuel de 5.700 F pour Monsieur Garreau et de 2.850 F pour Madame Garreau, sans qu'aucun horaire de travail ne soit spécifié ;

Que, contrairement à ce que soutient la coopérative, il ne s'agissait pas d'une rémunération globale ;

Que, selon l'article L. 140-2 du Code du travail, tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ;

Que, selon l'article L. 212-4-3 du Code du travail, le contrat de travail des salaires à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la durée hebdomadaire et, le cas échéant, mensuelle prévue ;

Qu'à défaut de ces mentions obligatoires, le contrat de Madame Garreau est présumé avoir été conclu à temps plein ;

Que, pour renverser cette présomption et prouver que le contrat de Madame Garreau avait été conclu à mi-temps, la Coopérative produit comme seul élément ses bulletins de paie faisant apparaître une base hebdomadaire de 19h50, ce qui ne suffit pas pour faire cette preuve ;

Que ce contrat étant présumé avoir été conclu à temps plein, et Madame Garreau effectuant le même travail que son mari, elle est fondée à obtenir, comme celui-ci, un salaire de 5.700 F par mois, les rappels sollicités étant ainsi bien fondés ;

SUR LES RAPPELS DE SALAIRE DU 1ER SEPTEMBRE 1992 AU 23 JANVIER 1997

Qu'il convient de rechercher quel était le statut des époux Garreau ;

Que l'article L. 782-1 du Code du travail dispose que : " les personnes qui exploitent, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des maisons d'alimentation de détail ou des coopératives de consommation sont qualifiées " gérants non salariés " lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de leur travail et leur laisse toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais et sous leur entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat " ;

Que le 3 août 1992, la Coopérative et les époux Garreau ont conclu un contrat de gérance selon lequel les époux Garreau acceptaient de gérer, à compter du 1er septembre 1992, la succursale de Chartres Sur Cher ;

Que l'article 6 de ce contrat dispose qu'ils sont indépendants dans leur gestion ; qu'ils pourraient soit gérer seuls la succursale, soit prendre du personnel de leur choix, à leur charge et sous leur responsabilité ;

Que selon l'article 15, ils sont payés par des commissions ;

Que, si ce contrat leur impose certaines charges (faire le chiffre d'affaires le plus élevé possible avec un stock aussi réduit que possible, ne pas changer la nature ou la qualité des marchandises, ne vendre qu'au comptant, délivrer des tickets, réceptionner les marchandises livrées, tenir la succursale en état de propreté), ces obligations ne remettent pas en cause leur indépendance de gestion ; qu'il ne leur est imposé aucun horaire, ni jours d'ouverture ;

Qu'ils ont la faculté d'embaucher le personnel de leur choix ;

Que, si le magasin a fait l'objet de fiches d'évaluation et si un inspecteur les visitait périodiquement, le rapport de passage de celui-ci démontre que son rôle se limitait à une assistance et à des conseils, notamment sur les actions commerciales à mener, et que son contrôle se limitait aux obligations acceptées par les époux Garreau et décrites ci-dessus, ne remettant pas en cause la liberté de leur gestion ;

Que, de même, le fait qu'ils ne soient engagés à faire des tournées à la voiture ne contredit pas cette liberté ;

Que les époux Garreau exerçaient bien, en fait, en tant que gérants non salariés d'une succursale de maison d'alimentation de détail, selon l'article L. 782-1 du Code du travail ;

Que la rémunération minimum garantie de ces gérants non salariés déterminée par les accords collectifs en application de l'article L. 782-3 du Code du travail ne peut être inférieure au SMIC ;

Qu'il résulte du décompte produit par les époux Garreau, et non contesté par la Coopérative, que ceux-ci, du 1er septembre 1992 au 23 janvier 1997, ont perçu une rémunération inférieure au SMIC, et que, pour atteindre ce niveau, il est dû un rappel de 27.314,27 F à Monsieur Garreau et de 33.868,13 F à Madame Garreau ;

Que cependant, la charge d'un déficit d'inventaire peut avoir pour résultat d'abaisser cette rémunération au dessous du SMIC ;

SUR LE DEFICIT D'INVENTAIRE OU DE GESTION

Que l'article 14 alinéa 2 du contrat dispose que, si l'inventaire fait apparaître un déficit, les gérants s'engagent à le rembourser dans un délai de quinze jours ;

Que les époux Garreau ne contestent pas cette clause ;

Qu'il est établi par les documents intitulés " règlement intérieur " que, pendant leur gestion, il leur a été retenu une somme de 62.143,71 F, appelée " déficit net du gérant " ;

Qu'ils prétendent que cette somme incluait en partie un déficit de gestion ;

Qu'il résulte cependant du dernier arrêté de compte que la somme de 23.035,04 F intitulée " déficit net du gérant au 23 octobre 1996 " résulte de la différence entre le stock théorique, soit 163.234,41 F, et le stock inventaire le 22 octobre 1996, soit 140.199,37 F ; qu'il s'agit donc bien d'un déficit d'inventaire ;

Que les époux prétendent que ce déficit inclut les pertes dues au dépérissement naturel des marchandises, une partie de celles-ci étant livrée à une date très proche de la date limite de vente ; qu'ils produisent trois procès-verbaux de réunion des gérants mandataires indiquant que pour certains articles de boucherie (viande Charal et bavette) il y avait trop d'écart entre la date de conditionnement et la date de livraison ; que cependant ils ne prouvent pas que tel a été le cas pour leur magasin et qu'en tout état de cause, selon l'article 3 du contrat, il leur appartenait de faire des réserves à la livraison pour les colis apparents et dans les 24h pour les marchandises à déballer, ce qu'ils n'ont pas fait ;

Que la somme de 62.143,71 F n'inclut pas les frais d'entretien de leur véhicule professionnel, pour lesquels ils percevaient une indemnité, ni les frais de téléphone, qui, selon l'article 7, leur incombaient, en ce qui concerne les communications ;

Que la somme au dessus représentant réellement leur déficit d'inventaire, il ne sauraient en obtenir le remboursement ;

SUR LES DOMMAGES ET INTERETS

Que la coopérative était fondée à opérer une compensation entre les dernières commissions dues aux époux Garreau, les congés payés et le préavis, et le déficit d'inventaire dont elle était créditrice, le contrat obligeant les époux Garreau à rembourser ce déficit d'inventaire dans les quinze jours et l'article R. l45-2 du Code du travail invoqué n'étant pas applicable en l'espèce, leur rémunération n'ayant pas le caractère d'un salaire ;

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT

Que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 1996, la Coopérative a constaté la rupture du contrat, pour cause réelle et sérieuse, du fait que les époux Garreau n'assuraient plus les tournées de chinage ;

Que le contrat mentionnant " avec vente à la voiture ", ces tournées étaient obligatoires ;

Que les époux Garreau invoquent le fait que leur camion n'était plus en état de marche ;

Que l'inspecteur qui les a visités le 17 septembre 1996 a noté : " à compter de ce jour, arrêt chinage, camion hors service " ; qu'il a ainsi vérifié par lui-même que ce camion était hors d'usage ; qu'il était impératif de le remplacer ;

Que l'article 22 de l'accord collectif fixant le statut des gérants régi par les articles L. 782-1 et suivants du Code du travail dispose que : " en aucun cas, l'impossibilité pour le gérant d'acheter le matériel nécessaire aux livraisons ne peut entraîner la rupture de son contrat " ;

Qu'il y a lieu de rechercher si les époux étaient dans l'impossibilité d'acheter un nouveau camion ;

Que, comme il a été indiqué, leur rémunération était inférieure au SMIC ; qu'ils avaient acheté, le 25 août 1992, un camion d'occasion pour 65.000 F ; qu'ils avaient emprunté à cette fin et devaient rembourser 1.857,32 F par mois jusqu'au 27 août 1997 ;

Qu'ils étaient bien dans l'impossibilité matérielle d'acheter un nouveau camion, faute de pouvoir obtenir un nouveau crédit ;

Que la Coopérative ne pouvait donc, en application de l'article 22 de l'accord collectif, rompre le contrat en raison de l'arrêt des tournées, cet arrêt s'expliquant par l'impossibilité pour les époux Garreau d'acheter un nouveau camion pour remplacer celui qui était hors d'usage ;

Qu'eu égard à leur ancienneté et au fait qu'en 1997 ils étaient toujours au chômage, cette rupture abusive du contrat leur a causé un préjudice qui sera évalué à 50.000 F, le jugement étant confirmé de ce chef ;

SUR L'INDEMNITE DE LICENCIEMENT

Que, si l'article L. 782-7 du Code du travail édicte que tous les gérants disposent de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, notamment en matière de congés payés, l'indemnité légale de licenciement ne constitue pas un tel avantage social ;

Que l'accord collectif mentionne une indemnité de licenciement, mais seulement aux agents ayant une ancienneté supérieure à cinq ans, ce qui n'était pas le cas des époux Garreau ; que cette demande sera rejetée ;

SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Qu'il n'est pas inéquitable que la Coopérative supporte ses frais irrépétibles ;

SUR LES DEPENS

Qu'il y a lieu de condamner la Coopérative aux dépens ;

Par ces motifs : La Cour : Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevables les appels, principal et incident ; Infirme partiellement le jugement du 10 mars 1997 ; Et, statuant à nouveau, Condamne la Coopérative Atlantique à payer à Madame Noëlle Garreau : 10.260 F de rappel de salaire du 11 mai au 1er septembre 1992 ; 1.026 F de congés payés y afférents ; 33.868,13 F de rappel de salaire du 1er septembre 1992 au 23 janvier 1997 ; 50.000 F de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de gérance ; Condamne la Coopérative Atlantique à payer à Monsieur Christian Garreau : 27.314,27 F de rappel de salaire du 1er septembre 1992 au 23 janvier 1997 ; 50.000 F de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de gérance ; Déboute les époux Garreau du surplus de leurs prétentions, et la Coopérative Atlantique de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la Coopérative Atlantique aux dépens de première instance et d'appel.