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Décisions

CA Montpellier, ch. soc., 17 septembre 1998, n° 96-00977

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Codisud (SA)

Défendeur :

Ortega, Catalin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gerbet

Conseillers :

Mmes Texier-Verhaeghe, Bergouniou

Avocats :

SCP Christol-Simonneau, Mes Rouxel, Kirkyacharian.

Cons. Prud'h. Béziers, du 8 juill. 1996

8 juillet 1996

FAITS ET PROCEDURE

Sandalio Ortega et Trinité Catalin sa soeur, ont conclu le 7 mai 1971 un contrat de gérance non salarié avec l'Union des Coopérateurs de l'Hérault, du Gard, et de l'Aude aujourd'hui Codisud, avec pour objet la gestion et l'exploitation d'un magasin à Valras.

Ils ont été convoqués le 26 Juin 1995 à un entretien préalable à la résiliation du contrat de gérance et ont informé Codisud qu'ils ne s'y rendraient pas. Le 4 Juillet 1995 après inventaire, la lettre de résiliation datée du 3 Juillet 1995 leur a été remise par huissier, ainsi motivée :

Comme nous l'avons déjà précisé dans différents courriers et interventions directes, il apparaît une anormale et forte dégradation de l'activité Commerciale et de l'exploitation de la succursale dont vous avez la gestion et ceci sans aucune justification économique.

Nos multiples actions commerciales et interventions de nos responsables commerciaux auprès de vous, notamment sur la tenue du magasin, n'ont eu que peu d'impact, compte tenu d'une attitude négative de votre part, et même, ont abouti à une mésentente accélérant la dégradation de notre fonds de Commerce pour laquelle nous nous réservons de vous demander réparation.

Votre responsabilité est en ce sens engagée puisqu'une telle attitude est contraire aux dispositions du contrat de gérance mandataire non salarié et nous contraint à vous notifier par la présente la résiliation de votre contrat de gérance mandataire non salarié.

Trinité Catalin et Sandalio Ortega ont alors saisi le Conseil de Prud'hommes de Béziers pour contester la décision de Codisud et solliciter le paiement de diverses indemnités et le Conseil de Prud'hommes de Béziers par deux jugements en date du 8 Juillet 1996 a :

Condamné la SA Codisud à payer à Madame Catalin Trinité les sommes de :

15 530,00 F (quinze mille cinq cent trente francs) au titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

1 553,00 F (mille cinq cent cinquante trois francs) au titre des congés payés sur préavis ;

33 536, 00 F (trente trois mille cinq cent trente six francs) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

70 000,00 F (soixante dix mille francs) au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (sans cause réelle et sérieuse) ;

Ordonne l'exécution provisoire dans les limites de la loi soit 75 447,00 F (soixante quinze mille quatre cent quarante sept francs) (8383 F x 9) ainsi que la remise des documents sociaux : lettre de licenciement motivée, attestation des Assedic conforme et rectifiée selon les condamnations ci-dessus ;

Dit que l'équité commande de faire droit au bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour un montant de 5000 F ;

La Société Codisud a interjeté appel de ces deux décisions ; Eu égard à la connexité de ces deux procédures, il convient d'en ordonner la jonction et de statuer par un seul et même arrêt.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La Société Codisud sollicite la réformation à son bénéfice des décisions déférées et elle entend que Sandalio Ortega et Trinité Catalin soient déboutés de toutes leurs demandes. Elle rappelle que le statut des gérants non salariés est soumis aux dispositions des articles L. 782-1 et suivants du Code du Travail, et que dès lors que Sandalio Ortega et Trinité Catalin par leur activité correspondent aux critères de ce statut la procédure de résiliation a été menée conformément à la loi. Sur la cause réelle et sérieuse de la résiliation, elle fait valoir que malgré tous les efforts qu'elle a consentis pour les gérants, l'activité de leur magasin n'a pas cessé de se dégrader, sans que cette dégradation puisse être imputée à la conjoncture actuelle. Bien plus, prétend elle, cette dégradation résulte de leur démotivation et des fautes répétées dans la gestion du magasin.

Elle ajoute qu'à la suite de la résiliation, les documents obligatoires ont été remis aux gérants, et que les indemnités de préavis et de résiliation leur ont été normalement payées.

Au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la Société demande une somme de 10 000 F.

Sandalio Ortega et Trinité Catalin, pour leur part, ont conclu à la confirmation des deux jugements frappés d'appel. Ils relèvent d'abord que la procédure n'a pas été normalement respectée, puisque la société a intégré les éléments du licenciement dans la procédure Commerciale de résiliation du mandat. Ils ajoutent que l'insuffisance de résultats qui leur est reprochée ne peut pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors qu'aucun objectif ne leur avait été fixé, ni aucun quota.

Au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ils demandent une somme de 7000 F.

DISCUSSION, DECISION

Attendu que Trinité Catalin et Sandalio Ortega sont, selon le contrat qu'ils ont initialement signé, gérants non salariés d'une succursale de maisons d'alimentation de détail, et que la cessation de leurs contrat est régie par les dispositions des articles L. 782-1 et suivants du Code du Travail, et notamment l'article L. 782-5 § 2 du Code du Travail.

Attendu que préalablement à la rupture des relations contractuelles, la Société Codisud a adressé aux gérants par lettre remise en main propre le 26 Juin 1995 une convocation à un entretien préalable, et après que cet entretien n'ait pas pu avoir lieu du fait des gérants, leur a fait délivrer une lettre de résiliation le 3 Juillet 1995 par huissier ; Qu'ainsi la procédure de résiliation a été respectée, et eu égard au contenu de la lettre de résiliation, il apparaît que celle-ci est régulièrement et suffisamment motivée ;

Attendu que pour ce qui concerne la résiliation des contrats de gérants, l'analyse des pièces régulièrement versées au dossier révèle d'une part que dès le début de l'année 1993 les gérants ont bénéficié de la part de la Société Codisud d'aménagements de leur magasin destinés à rendre ce magasin plus attrayant plus facile à gérer, de telle façon que soit enrayée la chute du chiffre d'affaires constatée depuis 1990, d'autre part que des objectifs leurs avaient été donnés pour le second trimestre 1993, variables en fonction des périodes de vacances, et enfin que malgré ces efforts de la Société, la chute des résultats s'est confirmée, de même que la très mauvaise tenue du rayon fruits et légumes, s'est poursuivie, en outre que dans les années suivantes en 1994 et 1995, cette dégradation a continué, de telle sorte que les résultats de 1995 ont été inférieurs de 17,5 % par rapport à la même période de 1994, et de 31,5 % par rapport à 1993 ;

Attendu qu'ainsi, il est établi que pour des raisons non imputables à la Société Codisud, ni à la conjoncture locale, les résultats du magasin exploité par Trinité Catalin et Sandalio Ortega n'ont céssé de se dégrader de 1993 à 1995, malgré diverses mesures d'aide et d'assistance de la Société Codisud, et qu'ainsi le motif de résiliation est réel et sérieux ;

Attendu que pour ce qui concerne l'indemnité de préavis et l'indemnité de résiliation, il apparaît que leur montant tel qu'il a été déterminé par la Société Codisud est conforme aux dispositions de l'article 10 de l'accord collectif portant statut des gérants, prévoyant le versement de deux mois de commissions pour le préavis et de quatre mois de commissions pour l'indemnité de licenciement après 20 ans d'ancienneté ;

SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Attendu qu'au regard des éléments de la cause il n'y a pas lieu, en équité, de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au Profit de quiconque.

Par ces motifs : LA COUR : En la forme reçoit la Société Codisud en son appel ; Ordonne la jonction des procédures n°96-01074 n°96-00977 ; Au fond, réformant la décision déférée ; Déclare Trinité Catalin et Sandalio Ortega mal fondés en leurs demandes et les en déboute ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne Trinité Catalin et Sandalio Ortega aux dépens ; Ordonne la rectification de l'arrêt du 17 septembre 1998 et dit que page 4 de l'arrêt sera rappelé le dispositif du jugement concernant Sandalio Ortega et que page 7 la mention " réformant les décisions déférées " sera substituée à la mention " réformant la décision déférée ".