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Décisions

Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-41.293

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Scapa Tapes France (SA)

Défendeur :

Lemaître

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gélineau-Larrivet

Rapporteur :

M. Liffran

Avocat général :

M. de Caigny

Avocat :

SCP Boré-Xavier-Boré.

Cons. prud'h. Bourg-en-Bresse, sect. enc…

15 juillet 1996

LA COUR : - Attendu que M. Jean-Philippe Lemaître a été embauché en 1987 par la société Scapa Tapes France en qualité de VRP multicartes ; qu'ayant refusé la proposition de son employeur de transformer son contrat de travail en un contrat de VRP exclusif, avec un nouveau secteur géographique et un nouveau mode de rémunération, le salarié a été licencié pour motif économique, le 22 septembre 1994 ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, il a alors saisi la juridiction prud'homale en vue d'obtenir le paiement de diverses sommes et indemnités ;

Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt (Lyon, 8 janvier 1999) l'avoir condamné au paiement d'un rappel de commissions, alors, selon le moyen : 1°) que dans ses écritures d'appel, la société Scapa Tapes France avait fait valoir, à titre subsidiaire, qu'aux termes de l'annexe 5 du contrat de M. Jean-Philippe Lemaître, la commission due était réduite à 4 % lorsque le client passant la commande appartenait à une chaîne dont le siège social se trouvait hors du secteur du VRP, ce qui était le cas des magasins Bricomarché ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'en ne répondant pas davantage au moyen pris de ce que M. Lemaître ne pouvait obtenir, comme il le réclamait, paiement d'une commission sur un avoir consenti à la société "Boîte à outils", une telle rémunération étant contractuellement exclue, la cour d'appel a privé derechef sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, répondant par là-même aux conclusions dont elle avait été saisie, a estimé que les commissions avaient été initialement fixées à 8 % ;

Attendu, ensuite, que, dans son dispositif, l'arrêt attaqué ne comporte aucun chef relatif au paiement d'une commission sur un avoir consenti à la société "Boîte à outils" ; que le moyen, en sa seconde branche, qui critique seulement un de ses motifs, n'est pas recevable ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que le débat des parties n'avait porté que sur le caractère économiquement justifié de la modification proposée dans son ensemble, sans que l'une ou l'autre envisage la possibilité et les effets d'une modification du contrat partiellement justifiée seulement ; qu'en soulevant d'office, et sans rouvrir les débats, le moyen pris de ce que la modification du secteur géographique de M. Lemaître ne serait pas, au contraire de celles concernant son statut et sa rémunération, justifiée, ce dont il résulterait que son refus par le salarié ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que, subsidiairement, en statuant ainsi, sans rechercher si la modification du seul secteur géographique du salarié constituait, au regard des stipulations contractuelles, une modification d'un élément de son contrat de travail ou un simple changement des conditions d'exécution du travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail ; 3°) qu'en toute hypothèse, en déclarant le licenciement consécutif au refus global et sans réserve, par le salarié, d'une modification de son contrat de travail justifiée, selon ses propres constatations, en ce qu'elle concernait son statut et sa rémunération, mais point en ce qu'elle visait son secteur géographique d'activité, sans rechercher lequel de ces trois éléments avait été la cause déterminante du refus du salarié et du licenciement prononcé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-4 du Code du travail ; 4°) que, très subsidiairement, en déclarant abusif le licenciement consécutif au refus global, par le salarié, de trois modifications simultanées de son contrat dont deux étaient justifiées par une cause économique réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le salarié avait fait valoir dans ses conclusions qu'il n'avait pu accepter la proposition de modification de son contrat résultant de l'attribution d'un nouveau secteur géographique ; que le moyen était ainsi dans le débat ;

Attendu, ensuite, que le secteur de prospection d'un représentant de commerce constitue l'un des éléments nécessaires du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, ayant constaté que le changement du secteur géographique assigné au salarié n'avait aucune justification économique, a exactement décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que l'employeur fait enfin grief à la cour d'appel de l'avoir condamné au paiement d'une somme à titre d'indemnité de retour sur échantillonnages, alors, selon le moyen, que le droit à retour sur échantillonnages ne constitue pas une indemnité mais un salaire que le juge ne peut accorder qu'en fonction du montant des ordres transmis du fait de l'intéressé après son départ ; qu'en fixant la somme due au salarié à titre d'indemnité de retour sur échantillonnages au montant des commissions réellement perçues sur six mois, sans rechercher le montant réel des ordres effectivement transmis de son fait depuis son départ, la cour d'appel a privé sa décision de basse légale au regard de l'article L. 751-8 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, relevant que le salarié avait participé à la réalisation sur son secteur du chiffre d'affaires de son employeur, lequel ne lui reprochait pas une activité insuffisante, a pu décider qu'il pouvait prétendre à une indemnité de retour sur échantillonnages dont elle a souverainement apprécié le montant au vu des éléments fournis par les deux parties ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.