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Décisions

Cass. soc., 7 février 2001, n° 98-45.841

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Thiers

Défendeur :

Selecta France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Roux-Cocheril

Rapporteur :

M. Texier

Avocat général :

M. Kehrig

Avocats :

SCP Boré, Xavier, Boré

Cons. prud'h. Cambrai, du 12 sept. 1996

12 septembre 1996

LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 98-45.841 et 99-43.560 ; - Attendu que M. Thiers a été embauché par la société Selecta France en qualité de VRP exclusif ; qu'il a cessé de travailler en décembre 1994 et a été licencié pour faute grave par lettre du 7 juin 1995 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 1998) d'avoir rejeté sa demande en paiement de sommes au titre de ses commissions directes et des congés payés afférents, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte des termes clairs et précis des 32 bons de commande que, loin d'être des documents unilatéraux élaborés par le seul M. Thiers, ils sont tous signés, et en général tamponnés par les représentants de 32 entreprises distinctes ; qu'en jugeant néanmoins qu'il s'agissait d'une "pièce unilatérale" sans force probante, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de ces 32 bons de commande et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que, dans ses conclusions d'appel, le salarié faisait valoir que la clause prévoyant qu'aucune commission n'était due pour toutes commandes non livrées étaient nulle car purement potestative, puisqu'elle subordonnait le paiement des commissions, non pas au paiement par le client, mais à la livraison de la marchandise par l'employeur lui-même et qu'elle ne prévoyait pas que les commissions devaient être versées si l'absence de paiement par le client était due à la faute de l'employeur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que, dans ses conclusions d'appel, M. Thiers soutenait que si certaines des commandes passées n'avaient pas été payées, c'était uniquement en raison des fautes commises par la société Selecta, et notamment au fait qu'elle n'avait "pas mis en œuvre tous les moyens de droit pour obliger les acheteurs à respecter les engagements qu'ils avaient pris" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, hors toute dénaturation, a constaté que le relevé fourni par le salarié n'était corroboré par aucun élément ; que le moyen, qui ne tend qu'à mettre en discussion, devant la Cour de Cassation, cette appréciation souveraine des éléments de preuve, ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors, selon le moyen, que pour démontrer qu'il avait continué à travailler jusqu'au 4 mai 1995, M. Thiers a produit ses bulletins de salaire qui démontrent qu'il a continué à percevoir des commissions et donc à avoir une activité, ainsi que les récapitulatifs de ses notes de frais professionnels qui lui ont été remboursées, après contrôle et visa de son employeur, jusqu'au 4 mai 1995 ; qu'en jugeant cependant, de façon lapidaire, que "M. Thiers avait cessé de fait tout travail pour son employeur en décembre 1994", sans répondre à ce moyen et sans analyser les documents produits, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait cessé tout travail en décembre 1994 ; qu'il ne saurait être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen : - Vu l'article L. 751-9 du Code du travail ; - Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle, la cour d'appel énonce que M. Thiers verse au soutien de sa demande des photocopies de commandes passées pendant l'exécution du contrat ; qu'il s'agit d'une série de transactions uniques ; qu'il ne prouve ni des relations renouvelées basées sur la fidélité et un courant d'affaires ni son apport personnel des clients ;

Attendu, cependant, qu'il résulte de l'article susvisé que l'indemnité légale de licenciement constitue un minimum auquel le représentant a droitet qu'une cour d'appel qui déboute un salarié de sa demande d'indemnité de clientèle doit alors statuer sur son droit à une indemnité de licenciement, celle-ci étant nécessairement incluse dans la demande d'indemnité de clientèle; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel a rejeté la demande du salarié en paiement d'une indemnité de non-concurrence, sans aucune motivation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Thiers en paiement d'une somme à titre d'indemnité de clientèle et en paiement d'une somme à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 30 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.