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Décisions

Cass. soc., 13 octobre 1999, n° 97-42.486

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Thierry

Défendeur :

Danel Ferry (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Merlin

Rapporteur :

M. Texier

Avocat général :

M. Martin

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Célice, Blancpain, Soltner.

Cons. prud'h. Besançon, du 17 juill. 199…

17 juillet 1996

LA COUR : - Attendu que M. Thierry a été embauché le 1er novembre 1982 par la société Daniel Continu, en qualité de VRP ; que son contrat de travail a été transféré à la société Danel Ferry en septembre 1989 ; qu'il a rompu son contrat de travail le 22 mars 1994 et a saisi la juridiction prud'homale aux fins, notamment, de voir dire que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;

Sur le second moyen du pourvoi formé par M. Thierry : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt (Besançon, 1er avril 1997) de l'avoir débouté de sa demande de paiement, par la société Danel Ferry, d'un dixième de la rémunération perçue depuis son entrée dans la société à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, outre les intérêts légaux, alors, selon le moyen, qu'en s'abstenant de répondre au moyen des conclusions de M. Thierry devant la cour d'appel, faisant valoir que l'accord de M. Thierry sur l'inclusion des congés payés dans le taux de commissions était fondé sur un taux de base de 9 % de commissions qui n'avait jamais été respecté, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, répondant aux conclusions, a relevé qu'en vertu d'une clause expresse du contrat de travail, le taux de commission du salarié avait été calculé compte tenu de l'indemnité de congés payés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par la société Danel Ferry : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Thierry une somme à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1146 et suivants du Code civil et 17 de la convention collective des VRP, l'arrêt qui considère que le fait pour M. Thierry d'avoir été inscrit dans l'annuaire téléphonique à la rubrique "imprimeurs en continu" après la rupture de son contrat de travail, ne suffisait pas à caractériser la violation par celui-ci de la clause de non-concurrence, cette inscription résultant d'une reconduction automatique, ainsi qu'en faisait foi une lettre de France Télécom du 23 décembre 1994, faute de s'être expliqué sur le moyen des conclusions d'appel de la société Danel Ferry, faisant valoir que ladite inscription avait été nouvellement prise par l'intéressé à la suite de son déménagement et de son installation 10, rue Doing à Thise (21220), ce qui contredisait la thèse d'une simple reconduction automatique ;

Mais attendu que la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, a estimé que la violation de la clause de non-concurrence n'était pas démontrée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi formé par M. Thierry : - Vu les articles 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 122-14-3 et L. 751-9 du Code du travail ; - Attendu que, pour décider que la rupture du contrat de travail était imputable à M. Thierry et le débouter de ses demandes en paiement d'indemnités de clientèle et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce qu'il est constant que l'article 4 du contrat de travail, signé le 25 juin 1982, attribue à M. Thierry une exclusivité sur des clients dont la liste devait être établie d'un commun accord entre les parties ; que le second représentant, introduit par la société sur le secteur au cours du mois de novembre 1993, a entrepris de visiter certains des clients attribués à M. Thierry ; qu'ainsi, le 16 mars 1994, la société Alpia s'interroge sur l'intervention de M. Gaillard après dix années de relations commerciales avec M. Thierry, le 9 mars 1994 l'UFC de Franche-Comté demande à qui elle doit désormais s'adresser au sein de la société Danel Ferry ; que toutefois, ces deux éléments très isolés ne sauraient suffire à caractériser une violation de l'exclusivité de droit réservée à M. Thierry, dans la mesure où ils résultent, plutôt que d'une politique délibérée de l'employeur, des impondérables liés au développement d'une nouvelle organisation commerciale, que la société Danel Ferry avait d'ailleurs envisagée dans une lettre du 5 novembre 1993 envoyée aux VRP et dans laquelle elle prévoyait de les gérer au mieux de la clientèle ; que M. Thierry ne prospectait pas seul le secteur géographique revendiqué, puisque la société elle-même passait directement des commandes auprès de certains clients ;

Attendu, cependant, que la rupture du contrat de travail résultant du refus d'un salarié d'une modification du contrat imposée par l'employeur s'analyse en un licenciement; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le contrat de travail attribuait à M. Thierry une exclusivité sur des clients, dont la liste était établie d'un commun accord entre les parties et qu'un autre représentant, introduit sur le secteur par l'employeur, visitait certains de ces clients, ce dont il résultait une modification du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les textes susvisés;

Par ces motifs : rejette le pourvoi incident de la société Daniel Ferry ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail était imputable à M. Thierry et a débouté celui-ci de ses demandes en paiement d'indemnités de clientèle, de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de délivrance de documents rectifiés, l'arrêt rendu le 1er avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.