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Décisions

Cass. soc., 10 novembre 1998, n° 96-44.092

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Henry Blue Spencer's (SA)

Défendeur :

Payet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waquet

Rapporteur :

M. Richard de la Tour

Avocat général :

M. Martin

Avocat :

SCP Gatineau.

Cons. prud'h. Lyon, sect. encadr., du 23…

23 juin 1994

LA COUR : - Attendu que M. Payet, engagé par la société des Etablissements Henry aux droits de laquelle vient la société Henry Blues Spencer's en qualité de VRP multicartes à compter du 1er décembre 1990 aux fins de prospecter des clients sur un secteur comportant dix-huit départements, a démissionné le 6 juillet 1992 ; que le contrat prévoyait que les commissions ne seraient portées au compte du représentant qu'après sa facturation et encaissement effectif de la totalité du prix ; que, par ailleurs, une clause de non-concurrence figurait au contrat ; que M. Payet a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de reliquat de commissions et de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Henry Blues Spencer's fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mai 1996) de l'avoir condamné à payer une somme au titre des commissions sur ordres transmis et non livrés et au titre des commissions de retour sur échantillonnage alors, selon le moyen, que le contrat ne prévoit le droit aux commissions uniquement sur les ordres effectivement encaissés ; que la cour d'appel a considéré que l'employeur n'avait pas le droit de refuser certaines commandes ; que ce raisonnement est incohérent et suicidaire ; qu'il est contraire au contrat liant les parties qui prévoit que chaque ordre ne sera porté au compte du représentant qu'après sa facturation et encaissement effectif de la totalité du prix ; que la cour d'appel a violé le contrat de travail ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, ayant relevé que l'employeur n'avait pas informé son représentant de ce qu'il ne devait plus prendre d'ordres auprès de certains clients qui ne bénéficiaient plus de la garantie de la Société française d'assurance crédit et que les livraisons incomplètes de certains clients n'étaient pas justifiées par l'allégation infondée de difficultés financières qu'ils rencontraient, elle a fait ressortir que le défaut d'encaissement de ces ordres était imputable à une faute de l'employeur et a pu décider que les commissions étaient dues;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé que le réassortiment d'articles dont le stock est épuisé est la suite directe des ordres passés par le détaillant auprès du représentant en début de saison, elle a pu décider que des commissions de retour sur échantillonnage étaient dues à M. Payet sur ces commandes de réassortiment; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Henry Blues Spencer's fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Payet une somme au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence alors, selon le moyen, que l'indemnisation de la clause de non-concurrence n'est pas en droit celle de la perte mécanique d'un droit dans l'absolu mais celle du préjudice effectif résultant de l'application de ladite clause ; qu'en l'espèce le préjudice n'existe pas et n'est pas justifié ; que s'il existe M. Payet en est lui-même l'auteur ; que la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ne peut s'appliquer lorsque le salarié démissionne ;

Mais attendu que la cour d'appel a justement décidé que la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence prévue à l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 est due quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, son montant étant seulement diminué de moitié en cas de démission, et sans que le représentant ait à justifier de l'existence d'un préjudice; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Henry Blues Spencer's fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Payet une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile alors, selon le moyen, que M. Payet a plaidé au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; que la société Henry Blues Spencer's a dû payer au trésor public la somme de 2.785,20 F ; qu'habilement et malhonnêtement M. Payet n'a pas signalé dans ses écritures de première instance et d'appel cette situation de bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; qu'il a ainsi trompé les juges qui lui ont octroyé des sommes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'article 700 a été créé pour l'indemnisation du coût de la défense payé par un plaideur à son conseil ; que bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, M. Payet n'a pas pu devoir exposer la charge d'honoraires d'avocat ; qu'il a obtenu des sommes au titre de l'article 700 frauduleusement ;

Mais attendu d'abord que c'est hors toute fraude que M. Payet a demandé et obtenu une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Et attendu ensuite que les sommes allouées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont distinctes des dépens pris en compte au titre de l'aide juridictionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.