Cass. soc., 16 juillet 1998, n° 96-41.480
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Bringel
Défendeur :
Bronzes Strassacker (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desjardins
Rapporteur :
M. Lanquetin
Avocat général :
M. Martin
Avocats :
SCP Boré, Xavier, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde.
LA COUR : - Attendu que M. Bringel, a été engagé le 3 septembre 1973 par la société Bronzes Strassacker, en qualité de VRP pour la vente d'articles funéraires dans un secteur couvrant au départ 49 départements; que son contrat a fait l'objet de plusieurs avenants dont le dernier en date du 24 août 1987, accepté par le salarié, réduisait son secteur et modifiait ses conditions de rémunération; que la société procédait en 1989 à des aménagements du système de facturation ayant une incidence défavorable sur la rémunération du représentant qui, tentait alors, en vain, une renégociation de l'avenant de 1987; que le 26 mars 1991, l'employeur notifiait à M. Bringel un avertissement avec mise à pied de 4 jours pour des motifs d'insuffisance professionnelle; que le salarié étant candidat aux élections de délégués du personnel de mai 1991, l'employeur, après l'avoir mis à pied, sollicitait de l'inspecteur du travail, l'autorisation de le licencier, qui lui était refusée par courrier du 28 mai 1991; qu'à partir de juin 1991, le salarié s'est vu imposer par l'employeur diverses mesures, notamment de quitter son bureau habituel pour un local isolé et sans téléphone et de prendre ses congés annuels pour une durée de 5 semaines, que par ordonnance de référé du 25 novembre 1991, le conseil de prud'hommes a ordonné sa réintégration immédiate et sans délai dans ses emplois, fonctions et attributions de VRP; que M. Bringel a finalement été licencié pour faute grave par lettre du 11 décembre 1991; qu'il a saisi à nouveau la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Bringel fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 22 janvier 1996) d'avoir rejeté sa demande en rappel d'une prime de 13e mois au titre des années 1989, 1990 et 1991, alors, selon le moyen, que le versement d'un treizième mois calculé sur le salaire fixe mensuel, y incluses les primes de présence et d'éloignement figurait au contrat de travail comme élément de rémunération et non point seulement comme élément d'un minimum garanti dont le versement cesserait d'être dû dès lors que la rémunération réelle perçue dépasserait ce minimum; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 8 du contrat du 24 août 1984, et partant, l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que par une interprétation souveraine de la clause du contrat rendue nécessaire par son ambiguïté, la cour d'appel a estimé que le rappel de primes n'était pas dû par la société; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen : - Vu les articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ; - Attendu que pour décider que M. Brindel avait commis une faute grave et le débouter de ses demandes d'indemnités de préavis et de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel retient que les pièces présentées sont révélatrices de manquements de part et d'autre, la société Bronzes Strassacker ayant prétendu imposer à Yves Bringel de quitter son bureau habituel pour un local isolé et sans téléphone et de prendre ses congés annuels pour une durée de 5 semaines tandis que le salarié s'obstinait à rester assis dans le couloir ou défiait son employeur en se rendant à un salon professionnel sous couvert d'une autre entreprise sans cependant que, sur ces points, la conduite du salarié apparaisse plus critiquable que celle de l'employeur; que M. Bringel qui était soumis par contrat aux directives et instructions de la société et tenu d'accepter le contrôle de son activité jugé nécessaire par celle-ci, il y a lieu de constater qu'il s'est rendu coupable d'insubordination manifeste en n'exécutant pas l'ordre expressément donné d'intégrer dans son fichier les adresses de nouveaux clients relevées par Minitel et d'établir des projets de tournées sur ces bases, que ce grief visé dans la lettre de licenciement caractérise une faute grave;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le salarié, VRP ayant 15 ans d'ancienneté, avait été privé des moyens matériels d'exécution de ses tâches dans des conditions portant atteinte à sa dignité, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, retenir l'existence d'une faute grave du salarié résultant de l'inexécution de tâches inhabituelles et secondaires dont le comportement de l'employeur rendaient impossible l'exécution; qu'elle a ainsi violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen : casse et annule, en toutes ses dispositions, sauf celles ayant rejeté la demande de rappel de 13e mois, l'arrêt rendu le 22 janvier 1996, entres parties, par la cour d'appel de Colmar; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.