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Décisions

Cass. soc., 9 avril 1998, n° 96-40.015

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Thévenon

Défendeur :

Dauphitex (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M Waquet

Rapporteur :

M. Lanquetin

Avocat général :

M. Terrail

Avocats :

SCP Gatineau, Me Parmentier.

Cons. prud'h. Draguignan, sect. encadr.,…

26 mai 1992

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu que M. Thévenon, engagé en 1983 par la société Dauphitex en qualité de VRP multicartes pour représenter des collections de vêtements d'enfants de diverses marques, a été licencié en 1991 pour fautes lourdes, l'employeur invoquant, à l'appui de sa décision, le dépôt par le salarié d'une marque de vêtements d'enfants, la diffusion de cette marque par une société que le salarié avait créée, la commercialisation de ses produits et la présentation incomplète de la collection de la société Dauphitex afin de favoriser sa propre marque : qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que M. Thévenon fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 octobre 1995) de l'avoir débouté de ses demandes d'indemnités de clientèle, de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'un cas unique de concurrence pour une marque à l'essai n'est pas constitutif d'une faute grave; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Thévenon avait normalement représenté la marque de son employeur auprès de tous ses clients, sans proposer les vêtements de la société Libre Accès; que les vêtements de la marque "Une Affaire d'enfant", déposée à titre d'essai, n'ont été remis qu'en un seul exemplaire (un bermuda) à un seul magasin, la boutique Rose câlin, tenu par M. Migliorero qui a, par ailleurs, attesté n'avoir jamais acheté d'autres vêtements, d'hiver notamment; que ce manquement unique de M. Thévenon, à supposer qu'il lui fût imputable, n'a pas eu de suite, la marque litigieuse ayant été aussitôt cédée à la société Tex team; qu'en estimant que cette faute unique était constitutive d'une faute grave privant le salarié de toutes ses indemnités, de clientèle notamment, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail, alors que le seul fait pour un salarié de déposer une marque pour des produits concurrents de ceux de son employeur, sans exploitation de celle-ci par le salarié, ne constitue pas un acte de concurrence; qu'en retenant que le dépôt par M. Thévenon de la marque "Une Affaire d'enfant" constituait, de la part du salarié, un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail; alors qu'en tout état de cause, il n'existe de situation de concurrence qu'entre les entreprises de même spécialité dont les produits s'adressent à la même clientèle; qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une telle situation d'en rapporter la preuve; qu'en retenant qu'aucune des pièces versées aux débats ne permettait de vérifier l'affirmation du salarié suivant laquelle les vêtements "Une Affaire d'enfant" ne s'adressaient pas à la même clientèle que ceux de la société Dauphitex, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, ainsi, violé l'article 1315 du Code civil; alors que M. Thévenon faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Michel Bachoz, son ancien employeur, avait été rachetée par le Groupe Zannier auquel appartenait également la société Dauphitex; qu'en se bornant à retenir que le fait que M. Zannier, président-directeur général de la société Michel Bachoz, soit également administrateur de la société Dauphitex ne faisait pas ressortir que le licenciement de M. Thévenon soit la conséquence directe du litige qui l'a opposé à la société Michel Bachoz, sans rechercher si ce n'était pas la prise de contrôle de la société Michel Bachoz par le Groupe Zannier qui expliquait le licenciement de M. Thévenon, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait, à l'insu de son employeur, commercialisé, pour le compte d'une société qu'il avait créée avec son épouse, des produits concurrentiels de ceux diffusés par la société qui l'employait; qu'elle a, par ce seul motif, pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le salarié avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.